Architecte belge parmi les plus influents et directeur artistique du géant du design Molteni & C, Vincent Van Duysen considère l’architecture et l’aménagement intérieur comme un tout. Acclamé sur la scène internationale comme une star, l’Anversois n’a pourtant que faire des strass et des paillettes. Au contraire, il revendique un art de vivre en harmonie avec le calme, le confort, la sensualité. En toute sérénité.
MOTS : NICOLAS DE BRUYN
PHOTOS : KOEN VAN DAMME
Il vaut mieux être simple et remarquable, que faux pour se faire remarquer ! Ce n’est pas Vincent Van Duysen qui nous contredira, lui qui retient de ses nombreux voyages, des rencontres fabuleuses avec des gens de peu qui ont pourtant pour eux l’essentiel : l’authenticité. Auteur de nombreux projets d’envergure en Belgique, à Londres, New York, Paris, Rome, Hong Kong, Vincent Van Duysen n’a jamais cessé de revendiquer son attachement à l’essentiel. « J’ai fait table rase de l’excessif, pour revenir à l’essentiel qui est source de tranquillité, de bien-être, de silence, de contemplation et d’interaction avec la nature… »
Se sentir bien chez soi, votre crédo ? « C’est essentiel d’identifier les besoins et désirs d’un client ! Qui est-il ? Pourquoi a-t-il fait appel à moi ? Ensuite, je façonne un lieu qui aide à se détacher de la surconsommation et de la pression de la vie. Les formes ne doivent pas créer d’obstruction dans l’espace. Quant aux matériaux, je les veux purs, dérivés de la nature, sensuels, texturés, expressifs ; des bois, des pierres, des peintures à base de chaux, des beaux tissus ou des textiles, pour créer des ambiances reposantes, inspirantes, sensuelles… »
« A l’ère de la surconsommation et du digital, j’aime cette idée de silence visuel ! »
Comment faites-vous parler les murs ? « C’est très physique ! J’aime la masse (la pierre, le béton, la brique) et le vide, et surtout leur juxtaposition ! Je commence toujours avec la masse, que j’évide pour architecturer des ouvertures et des espaces libres, qui sont autant d’axes visuels. La masse qui s’exprime de l’extérieur, se prolonge ensuite à l’intérieur, et devient des chambres et des espaces clos. Ce jeu de masse qui crée des surprises visuelles, est donc aussi très fonctionnel ! De surcroît, avec la masse, on se sent à l’abri, protéger. Et puis, il y a tout le plaisir de jouer avec les notions d’intérieur et d’extérieur, en fonction des envies de s’exposer ou non… »
Comment inspirer et être inspiré ? « C’est un processus sans limite. Tout m’inspire : un livre, un voyage, une rencontre, et mon équipe évidemment qui reste l’épicentre de la créativité »
Aujourd’hui, votre travail dépasse largement le cadre de l’architecture… « En effet ! Il y a trois ans, Molteni & C m’a demandé de dessiner leur stand au salon de Milan. Plutôt que de créer un showroom, je me suis inspiré des palais milanais avec leurs jardins secrets intérieurs où tous les espaces sont liés. Molteni était ravi ! C’est d’ailleurs après cette collaboration qu’ils m’ont proposé le poste de directeur artistique. J’ai pensé : mais que va faire un Belge chez Molteni & C, ce géant de l’ameublement de design, qui a travaillé avec les plus grands architectes, Aldo Rossi, Jean Nouvel, Tobia Scarpa ? La réponse est simple : j’y suis, et je fais même partie de la famille !
Comment envisage-t-on l’architecture et l’aménagement intérieur comme un tout ?
« Je crée des espaces pour que les gens y vivent ! Habitat et bien-être doivent être indissociables, l’architecture extérieure et le design intérieur aussi ! C’est un monde complet, Gesamtkunstwerk (l’art total), comme à l’époque du Bauhaus… »
En 2019, vous recevez le prix Henry van de Velde, sorte d’Oscar du design. C’est l’aboutissement d’un travail acharné ! « J’ai récolté les fruits d’un travail entamé il y a trente ans… Je suis fier, en tant que Belge, de voir mes projets également acclamés à l’étranger. J’espère continuer à inspirer le monde, tout en étant inspiré par lui… »
Un mot sur votre dernière réalisation, un vaste domaine viticole… « Un projet fabuleux ! J’ai été contacté en 2016 par l’entrepreneur Jan Van Lancker qui désirait cultiver du vin à Puurs, dans le Brabant flamand, pour y dessiner un chai. Je me suis inspiré de la typologie de la ferme flamande et de la linéarité des vignes, et je lui ai proposé un projet brutal et poétique à la fois, avec peu de matériaux, du béton, du bois teinté espresso, une toiture en bardage en bois, … A l’ère de la surconsommation et du digital, j’aime cette idée de silence visuel ! Jan a tout de suite accepté. Pour le mobilier, on a contacté De Belder Design, grand défenseur du mobilier brut, qui a épousé l’esprit du projet. Résultat : un bâtiment au caractère très terrien que les grains de lave utilisés pour tous les sols extérieurs contribuent à renforcer, avec une vue magnifique sur la nature. C’est plus qu’une exploitation viticole, c’est un lieu tranquille en communion avec son environnement, une vraie expérience sensorielle ! »
VINCENT VAN DUYSEN
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