Vincent Van Duysen
Recueil d’une harmonie intérieure
Mots : Barbara Wesoly
Photos : François Halard
Après près de quatre décennies à matérialiser l’essence des lieux et des objets et repenser les lignes d’une architecture et d’un design aussi épuré qu’expressif et serein, Vincent Van Duysen se révèle dans son projet le plus personnel. Un livre de photographies prises au sein de ses deux résidences, abolissant la frontière entre son travail et sa voix intérieure.
Cet ouvrage pousse les portes de vos maisons d’Anvers, en Belgique et de Melides au Portugal. Pourquoi avoir choisi de dévoiler cette part d’intimité au public ? Il n’y avait pas de véritable raison à cela, juste un élan. L’idée de ce livre est née avant l’ère Covid, alors que j’approchais de mon 60ème anniversaire. Elle est venue à moi à l’improviste, de façon presque inconsciente, avec le souhait de réaliser une rétrospective de ma vie personnelle, de mon véritable « moi », par le biais de mes deux maisons. De célébrer ces deux lieux qui m’apportent tant. Et grâce à l’objectif et au talent de mon ami François Halard, nous avons pu capturer l’esprit et l’âme de ces espaces, via des images éthérées et sensorielles.
Était-il important pour vous que ce livre soit l’œuvre d’un proche, d’un complice, plutôt que d’un inconnu ? En plus d’être un grand ami, François est surtout un photographe extraordinaire. J’appréciais déjà son travail lorsqu’il réalisait des monographies pour des architectes de renom et des décorateurs d’intérieur et n’en suis devenu que plus admiratif lorsqu’il a développé une approche plus artistique, couvrant de multiples sujets dans de magnifiques publications. Et puis il emploie l’analogique ! Nous collaborons bien ensemble mais cette fois j’ai souhaité lui laisser la liberté de racon-ter mes maisons avec un regard singulier, moins architectural et plus abstrait. Onirique et fortement imprégné de narration.
Un ancien bureau de notaire réamé-nagé, au nord de notre Plat Pays et en parallèle une maison portugaise ensoleillée, au bord de l’Atlantique. Deux lieux de prime abord très différents. Qu’est-ce qui les rapproche ? Tous deux me permettent d’embrasser la beauté de la vie, tout à la fois de manière classique mais aussi plus radicale et moderne. Ils sont au croisement de mes goûts et de mes convictions. J’ai transformé ce bâtiment anversois du centre-ville il y a plus de 25 ans, avec le souhait de donner à une construction du 17ème siècle une approche urbaine. La Casa M elle, est la conséquence d’un coup de foudre pour la région de l’Alentejo. J’ai eu envie de construire une maison pure et ancrée dans la végétation. Un lieu que je n’ai pas besoin de combler ou remplir, grâce à la présence sublime de la nature. C’est là que je me suis exprimé en tant que véritable architecte, aboutissant à des volumes qui peuvent dialoguer avec les éléments naturels du paysage. Et ces deux lieux possèdent en fait les mêmes proportions et la même fonctionnalité au sein de l’espace. Ils sont aussi des sanctuaires, insufflant en moi un grand sentiment de bien-être, de calme et de sérénité. Esthétiquement différents, mais avec une même essence.
Et que racontent-ils de vous ? Ils sont mes temples. Je m’y ressource et je m’y sens protégé. Pleinement moi, mais chacun à leur façon. Ils racontent une histoire, caractérisée par des objets, de l’art, des livres, des textures et de la chaleur. En même temps, ils expriment à quel point mon architecture et mon design d’intérieur sont centrés sur l’humain.
On y découvre au fil des pages de nombreuses œuvres, des tableaux et photographies comme des sculptures. Quel est votre rapport à l’art ? Je ne pourrais pas vivre sans art. Il m’inspire, m’apaise et fait de moi un meilleur architecte. Je suis un collectionneur et je suis fière des pièces de mes artistes favoris qui emplissent ma maison anversoise. Pour moi, il est important que l’art reflète qui je suis et qu’il transmette un message personnel. Et en même temps, ces créations doivent dialoguer entre elles et avec l’espace. En revanche, à Melides, je ne voulais pas d’œuvres mais de grandes pièces de mobilier, notamment de Zanine Caldas et Lina Bo Bardi. Et la nature qui pénètre dans les différentes pièces de ma maison me donne le sentiment d’habiter dans un tableau vivant.
Le livre comporte une multitude de sublimes photos pour peu de textes. Et ceux-ci racontent avant tout la note d’intention des lieux. Les images sont-elles finalement plus intimes que les mots ? Le livre est avant tout illustratif car il pénètre et dissèque mon monde sensoriel, mes chiens, mes affaires, avec une grande touche d’humanité. Il développe une perspective différente, loin de l’image rationnelle et minimaliste que l’on me prête parfois et qui est très loin de qui je suis. Il était essentiel pour moi que les lecteurs entrent dans mon univers et le comprennent. C’est le témoignage d’un héritage que je transmettrai au monde, une fois que j’aurai disparu.
Vincent Van Duysen: Private by François Halard, éditions Rizzoli New York.
Abonnez-vous dès aujourd’hui pour recevoir quatre numéros par an à votre porte
Vous aimerez peut-être
Maasmechelen Village – Les boutiques pop-up incontournables de cet automne
En cette nouvelle saison, Maasmechelen Village s’impose comme une destination phare pour les…
Stéphane De Groodt « Il faut savoir rire de soi. Mettre son amour propre entre parenthèses. Le Belge a ce talent. »
Jongleur de mots délicieusement déroutant et compositeur d’aphorismes d’une loufoquerie toute…
Bieke Casteleyn – Au-delà des tendances éphémères
Impossible de passer à côté de Bieke Casteleyn. à 37 ans, la jeune femme maîtrise l’art des…