Sylvie Godefroid
Il n’est jamais trop tard pour oser qui on est !
Mots : Ariane Dufourny
Photos : DR
Temps en apnée, heures élastiques et plongée comateuse pour un rendez-vous manqué. La romancière Sylvie Godefroid, native de Charleroi et Bruxelloise d’adoption, nous emmène à la rencontre de Sophie, dont la mémoire danse la salsa des robinsons. Un thriller psychologique bien de chez nous, entre confidences, délires et procès d’assises.
En avant-propos de votre roman, une photo de vous. Est-ce que votre héroïne vous ressemble ? Il y a toujours un peu de moi dans chacun de mes personnages. Pas uniquement dans l’héroïne d’ailleurs. Il s’avère qu’en 2015, on m’a annoncé que j’étais condamnée. J’ai eu un cancer du sein excessivement agressif. J’élevais alors seule deux adolescents. Nora devient jeune fille au moment où l’on m’annonce ce cancer. Elle a bien compris la gravité de la situation et s’est demandée ce qui allait lui arriver si je ne m’en sortais pas. Elle m’a fait la guerre pendant quelques années …
Qu’est-ce qui vous a inspiré ce roman ? Tout ce que je voulais transmettre à ma fille se heurtait à une fin de non-recevoir. Le point de départ de « Salsa », c’est donc ce qu’une mère souhaite dire/transmettre à ses enfants, principalement à sa fille. Mais je me fais toujours rattraper par mes personnages qui m’emmènent là où je n’avais pas pensé aller. C’est ainsi que « Salsa » est devenu un thriller psychologique.
De page en page, on découvre des établissements bien connus des Bruxellois. Qu’est-ce qui vous plait tant dans cette ville ? L’amour est au centre de ma vie. Je suis une amoureuse. De la vie, de mes enfants, des auteurs belges. Je suis tombée amoureuse de Bruxelles. Partout, j’y ai rencontré des occasions de rire, de sourire et de m’y sentir bien. C’est une ville cosmopolite où toutes les langues se brassent, où on ne peut s’asseoir en terrasse sans être interpelé. Une ville où les gens se parlent, se côtoient, et des poumons d’air avec des parcs et des terrasses. Une ville effervescente qui vit à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Il y a mille raisons d’aimer Bruxelles.
Pour écrire « Salsa », avez-vous investigué auprès du milieu médical et du judiciaire ? Mon fils, étudiant en médecine, m’a aidée à me familiariser avec le vocabulaire médical. Sur Internet, j’ai consulté des témoignages de personnes qui ont vécu des expériences similaires à la mienne. Mon éditeur qui est criminologue, a corrigé le tir au niveau juridique.
Vous travaillez à l’anglo-saxonne. Est-ce compatible avec votre belgitude ? Autant je prône les valeurs et les mérites de la langue française, autant j’aime le côté anglo-saxon dans l’organisation du travail. Je bosse avec Marc Maouad, réalisateur et scénariste, qui adapte « Hope », un de mes précédents romans, en long métrage. On se retrouvait au Café de la Presse pour discuter de « Salsa ». Nos échanges m’ont nourrie et aidée à partir dans une autre direction, à créer des rebondissements auxquels je ne m’attendais pas.
« Salsa », un titre évocateur ? Salsa comme la danse car j’ai un lien très étroit avec Cuba. En 2018, j’ai été à La Havane où j’ai rencontré l’ambassadrice belge qui avait lu mes livres. Lors de notre déjeuner, elle m’a proposé un projet dans le cadre de la Semaine belge à Cuba. Tout est sensualité à Cuba et mes poésies basées sur la sensualité y connaissent un franc succès.
Qu’est-ce qui caractérise votre plume ? La féminitude et la poésie. Je peux travailler sur un meurtre tout en restant poétique.
Outre votre métier d’écrivain, vous travaillez pour la SABAM. Quel est votre rôle ? A travers l’action de SABAM For Culture que je représente, je valorise les auteurs, les compositeurs, les scénaristes, les réalisateurs, les dramaturges… Ma fonction se focalise sur les créateurs belges dans toutes les disciplines. En littérature, nous avons différentes bourses afin de découvrir d’autres talents que les traditionnels auteurs à succès.
Vous prônez le cycle court dans votre frigo et dans votre bibliothèque. Un constat ? Dans toutes les disciplines et principalement en littérature et en théâtre, les auteurs belges se sentent légitimes lorsqu’ils sont avalisés par la France. Le Français aime l’autodérision, le côté surréaliste, absurde et décalé de l’auteur belge. Le problème vient de chez nous car nous avons un complexe, peut-être lié à nos différentes langues. Dès lors, je recommande d’appliquer les bons conseils de la santé alimentaire à la santé culturelle et intellectuelle. Consommez local ! Consommez nos auteurs issus de notre belgitude.
Votre roman « Salsa » est publié aux Editions Le Scalde, une maison d’édition bruxelloise. Sur votre page Facebook, vous affirmez que nul n’est prophète dans son pays et vous regrettez la fuite de nos talents. Pensez-vous que ce soit irrémédiable ? Il faut oser se sentir légitime ! Les Francophones de Belgique ont une fâcheuse tendance à ne pas se valoriser du point de vue économique, à ne pas monnayer une œuvre. Pour de nombreux artistes belges, le mot « économie » est presque un gros mot. Être artiste au plus profond de soi-même ne signifie pas qu’on ne peut pas être rattaché à un circuit économique ! Au contraire, c’est l’économie culturelle qui va nous sauver.
Votre réflexion sur la peur, le manque, le doute, la honte et la culpabilité. Il n’est jamais trop tard pour oser qui on est ? Je l’ai appris à mes 41 ans à travers mon cancer. Avant cela, je ne m’aimais pas beaucoup. Je me détestais même ! Dès lors, j’ai appris la résilience. Je n’avais pas moins ou plus de valeur que quelqu’un d’autre. Je n’ai pas appris à m’aimer mais à me réconcilier avec la femme imparfaite que je suis. Je suis devenue une femme parfaitement imparfaite.
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