Stéphanie Crayencour
« Perdre mon frère a marqué le point de départ de ce livre et de ma véritable histoire d’amour avec lui »
Mots : Barbara Wesoly
Photo : Gaetan Chekaiban
D’elle, on connaissait le parcours de comédienne, dont la présence solaire s’épanouissait au cinéma comme à la télévision, et sa carrière entre Bruxelles et Paris. Cette fois, Stéphanie Crayencour délaisse les projecteurs pour l’écriture et nous livre « Le Papillon d’Or ». Un récit vibrant et intime, autant qu’un cheminement initiatique abordant la mort, l’invisible et la spiritualité, entamé après le suicide de son frère Maxime.
Cet ouvrage, vous le dédiez à Max, votre frère, qui « par sa mort vous a fait renaître ». Qu’en espériez-vous en débutant ces pages ? Depuis tout petit, mon frère voyait et ressentait ce qui bien souvent restait inaccessible aux autres. Il nourrissait une forme de quête de vérité, un lien particulier à l’invisible aussi. Son départ a laissé en moi une douleur et une absence immenses, mais aussi le besoin de me rapprocher de lui en reprenant son exploration là où il l’avait laissée. Il a mis fin à ses jours alors qu’il était en train d’écrire un livre abordant la mort, l’inexpliqué, les états de conscience et la métaphysique. Des questions auxquelles je n’étais jusqu’alors pas vraiment familière. J’a, en parallèle, commencé à percevoir sa présence partout, au travers de phénomènes déconcertants et extraordinaires, qu’il était essentiel pour moi de tenter de comprendre, notamment par des échanges avec des anthropologues, des philosophes, des psychologues, des auteurs, des théologiens… Cela a débuté par un podcast La fille de Gérald, pour devenir finalement un livre. Et cette exploration a totalement transformé ma vision de l’existence comme de la mort. Je savais qu’écrire ces pages représenterait une profonde mise à nu, mais j’avais la conviction que si ce témoignage pouvait aider d’autres individus, leur apporter une part de réponses ou ne serait-ce que leur faire du bien, je me devais de le partager.
Quel était avant celui-ci, votre rapport à l’écriture ? Vous que l’on connaissait jusqu’alors par votre parcours d’actrice, des films d’Eric Rohmer à Jean-Marie Poiré ou Solange Cicurel ? S’il y a 5 ans, on m’avait affirmé que j’écrirais un livre, je ne l’aurais jamais cru. Je ne m’en sentais pas les épaules. J’ai Marguerite Yourcenar pour grand-tante. S’inscrire dans les pas d’une telle dame représentait une fameuse pression. Et puis, cela s’est fait comme une évidence. Cet ouvrage m’a aussi conforté dans l’idée que la vie a toujours des projets pour nous. Perdre mon frère a ainsi marqué le point de départ de ma véritable histoire d’amour avec lui.
Au moment du décès de Maxime, alors que vous l’ignoriez encore, vous faisiez le pacte avec vous-même de « travailler avec la mort ». Achève-t-on jamais un tel processus ? C’est une question complexe. Dès l’enfance, j’ai eu une peur viscérale de la mort. Au moment du départ de Max, j’étais encore en thérapie pour tenter de m’en détacher. J’ai pris cet engagement durant la nuit qui a suivi son suicide, dont je ne savais rien, après une crise d’angoisse. Je me suis fait la promesse de me libérer de mes craintes ainsi qu’à cette vision glaciale et taboue propre à nos sociétés. Grâce aux enseignements de mes recherches, je peux désormais relier la mort à une évolution fondamentale, inhérente à notre condition d’êtres humains et y percevoir une forme de beauté.
Il y a, on le sent, un avant et un après ce livre dans votre histoire personnelle. Est-ce aussi le cas pour votre carrière de comédienne ? Oui, définitivement. C’est un métier magnifique, mais être actrice, c’est attendre et espérer la validation d’autrui. Aujourd’hui j’ose rêver grand. J’aimerais créer des scénarios, réaliser des films et j’ai débuté l’écri-ture d’un deuxième ouvrage autour de la femme, du corps et de l’héritage qui nous est transmis.
Vous êtes devenue maman durant l’écriture de du “Papillon d’Or”. Qu’espérez-vous transmettre à votre fille de cet apprentissage et de cette vision de l’existence réenchantée, que vous expliquez au fil du récit ? J’ai réalisé les podcasts pendant que j’étais enceinte et commencé l’écriture du livre alors qu’elle avait trois mois. Ma fille m’a d’une certaine façon accompagnée sur ce chemin. Elle a transformé ma vision du monde. Je redécouvre tout par ses yeux. Elle peut demeurer en admiration devant l’ombre des feuilles ou passer vingt minutes à observer la marche d’un escargot. Tout est chance. C’est elle, au fond, le véritable réenchantement.
Préfaçant votre ouvrage, Didier Van Cauwelaert affirme : « Interpréter dans tous les sens du terme la mort de son frère était peut-être le rôle de sa vie ». Le ressentez-vous ainsi aujourd’hui ? J’ai eu de tels frissons en découvrant ses mots. Je ne peux encore le dire. Peut-être d’ici quarante ans, lorsque j’aurai le recul suffisant pour le savoir. J’ai en tout cas une immense gratitude pour ce chemin parcouru.
Le Papillon d’Or, Stéphanie Crayencour, aux éditions Animae.
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