Rencontre sans filtre avec MARC CORBIAU
Mots : Nicolas De Bruyn
Cover : Christian Hagen
Il aime la matérialité, pourvu qu’elle ne soit pas arrogante ! Il aime la lumière, à condition de la sculpter. S’il construit des murs harmonieux, c’est avant tout pour que l’art s’expose, explose ! Rencontre avec Marc Corbiau, chef de file de l’architecture belge contemporaine, architecte préféré des collectionneurs d’art, lui-même grand amateur d’art contemporain.
Où puisez-vous votre inspiration ?
« Je suis né en aimant l’art. Et chaque rencontre m’a conforté dans cette voie. Je dois beaucoup à la famille Delville, des amateurs d’art contemporain, pour lesquels j’ai construit ma première maison en béton. Ils m’ont initié, ont formé mon goût pour l’art contemporain. Mes clients m’ont également ouvert l’esprit. Mes pairs évidemment : Le Corbusier, Ludwig Mies van der Rohe, Robert Mallet-Stevens. J’ai également été influencé par l’architecture moderniste des années 30 en Californie : Palm Springs était très inventive ! En Belgique, Jacques Dupuis, architecte borain d’après-guerre, avait un style inimitable, ses constructions étaient de la poésie condensée en matériaux … »
Les voyages forment l’homme…
« J’ai fait en effet de nombreux voyages initiatiques. Vu ce qu’il fallait voir. New York, la côte est des Etats- Unis, puis la côte ouest, Milan, l’Autriche, le Mexique de Luis Barragán et le Japon de Tadao Andō, son travail sur le béton, ses lignes radicales … Tous ces voyages ont nourri ma culture. Un architecte sans culture n’est pas un architecte complet ! »
Vous êtes un grand amoureux des jardins…
« Oui ! J’ai une grande connaissance des plantes, que je partage avec mes clients – le package est complet ! » (rire)
Bruxelles, ma belle ?
« Bruxelles est un trésor d’architecture ! Je suis très ému par l’architecture que l’on peut rencontrer dans le bas de la Capitale. En revanche, je suis atterré par la médiocrité que l’on peut y rencontrer ! Tous ces crépis blancs dans une ville hyper polluée – une aberration ! Et tous ces immeubles construits au rabais… J’ai construit deux immeubles avenue Louise. Le premier, en granit blanc. La plupart des granits jaunissent sous la pluie, or je voulais qu’il reste blanc. C’est un ami marbrier qui a déniché cette pierre rare qui fait toute l’élégance de l’immeuble … Toujours sur cette même avenue, j’ai rénové un immeuble des années 50 en un habitat élégant, en jouant sur des volumes en béton, en fonction de la disposition des appartements. La vérité extérieure exprime la vérité intérieure – il ne faut pas tricher ! »
« Aujourd’hui, de nombreux architectes jouent avec les matériaux et créent des collisions visuelles. La matérialité doit être présente, pas arrogante ! »
Qu’est-ce qu’une architecture réussie ?
« Celle qui procure une émotion, un sentiment de bien-être. Il faut privilégier l’harmonie des matériaux, et l’adéquation des matériaux à l’environnement de l’habitat, au paysage et à l’esprit du lieu. Je n’aime pas ce qui choque. Aujourd’hui, beaucoup d’architectes jouent avec les matériaux et créent des collisions visuelles. La maté- rialité doit être présente, pas arrogante ! »
Quand peut-on prétendre toucher à la perfection ?
« La perfection ? Il n’y en a pas ! C’est comme les religions, laquelle détient la vérité ? Et quelle vérité ? Les maisons que j’ai construites il y a 20 ans sont très belles, mais ce que je fais aujourd’hui est différent. La notion même de perfection – si elle devait exister – est toujours susceptible d’évoluer… »
Quel est votre rapport à la lumière ?
« Un habitat composé de quatre blocs de verre apporte trop de lumière – c’est désagréable, presque une agression pour les yeux ! De plus, c’est rarissime de trouver un terrain où tu as la paix, alors un jour, tu finis par mettre des stores et tu te retrouves dans un bocal fermé ! Mies van der Rohe a conçu la Farnsworth House en verre et en acier, mais elle est nichée dans un domaine boisé, et sa vocation a toujours été d’être une maison de week-end ! La lumière, c’est une matière, qui comme les autres matières, doit être travaillée, sculptée. Il faut trouver un bel équilibre entre le verre, le construit, les murs et la lumière. »
Ce qui fait courir Marc Corbiau ?
« Une recherche perpétuelle de l’harmonieux. Je suis féru d’art contemporain. Je crée des murs harmonieux, pour que l’art s’expose et explose. Les amoureux d’art le savent ! »
Son équipe ?
« Nous sommes quatre, c’est un petit bureau d’architecture mais très fusionnel. J’adore mon équipe. Sur base de mes croquis, Patrice Rossetti, mon Project Manager, est capable, en deux jours, de sortir ce que j’ai dans le ventre. Il dessine comme un dieu ! »
Quel regard portez-vous sur vos maisons ?
« Les gens qui habitent mes maisons sont de passage, les vrais propriétaires, c’est le temps. Et je suis assez fier de constater que mes maisons se vendent cher ! » (rire)
Le pire ennemi de l’architecte ?
« Son nombril ! Il faut s’en méfier ! »
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