Pierre Degand, allure et savoir-vivre intemporels
MOTS : Barbara Wesoly
PHOTOS : DR
En cinq décennies, Pierre Degand a su imposer sa vision d’un prêt-à-porter masculin luxueux dont le classicisme s’étoffe de modernité. Mais également conserver sa passion du style et son goût pour l’excellence, empreintes de la Maison Degand.
Vos premiers pas dans la mode remontent à 50 ans et à l’ouverture de votre première boutique à Knokke, alors que vous n’aviez que 19 ans. Pensez-vous qu’une telle aventure serait encore possible aujourd’hui ? Il est clair que j’ai eu énormément de chance de baigner dans ce milieu depuis l’enfance, grâce à ma mère Yvonne Degand, qui possédait une maison de couture pour dames. De la voir travailler et de découvrir les ficelles de ce métier ainsi que de pouvoir y réali-ser mes premiers pas à 14 ans, au sein d’un magasin dont elle connaissait les propriétaires. Mais pour moi, tout est possible lorsque l’on a de la détermination et de la volonté et que l’on agit par passion et non pas par profit. Et quand l’on fait le choix de privilégier le label de qualité aux marques et la personnalité aux effets de mode. Cela fait toute la différence.
Être aujourd’hui considéré comme une institution, est-ce un compliment ? Oui, c’est certain. Ces cinquante années d’existence n’auraient pas été possibles sans liens de fidélité et de confiance qui s’est créé au fil du temps avec nos clients. Ce qu’on construit avec eux est primordial. Plus que le prêt-à-porter pour hommes, mon métier, c’est avant tout le conseil. Je n’aime rien tant qu’aider chacun à mettre en valeur son identité, par une forme d’élégance qui lui corresponde.
Habiller le Roi Philippe et en parallèle Stromae pour la couverture de son album « Multitudes » comme pour son passage en télévision, est-ce une manière de se jouer des codes ? C’est surtout totalement différent. Paul est arrivé un jour en boutique, avec sa femme, Coralie, pour trouver un costume à porter le lendemain, lors du journal de TF1. Je l’ai imaginé avec un blazer croisé bleu marine, avec une cravate unie et une chemise blanche. Et au final, cette allure folle a contribué à une part du buzz qui en a suivi. L’on n’est plus familiarisé avec cette forme de raffinement dans l’habillement des chanteurs. Quant au Roi, je l’habille depuis de nombreuses années et ses tenues ont évolué via de discrets changements, mais qui n’en sont pas moins essentiels, comme le pliage de sa pochette, modifié après son accession au trône. Il ose désormais des détails parfois fantaisistes, comme lors du Bal national du 21 juillet, où il arborait une pochette colorée Degand réalisée en partenariat avec le peintre Malel. Une manière d’être distingué sans être guindé.
Cinquante heures sont nécessaires à un tailleur de la Maison Degand, pour confectionner un costume sur mesure. Sublimer le moindre détail est-il la clé en matière de mode ? La justesse des détails l’est. Ils sont notam-ment la clé du casual chic. Le motif d’une chemise, la mise d’une pochette, les bonnes chaussures, permettent une dose d’audace sans pour autant tomber dans l’ostentation. Et l’artisanat et la qualité s’observent tout particulièrement dans les finitions. M’habiller est un plaisir personnel, une part de cette qualité que j’aime retrouver dans chaque aspect lifestyle, de la cuisine aux voyages, en passant par la mode. Et le bon goût que je recherche, comme celui que je souhaite proposer via la Maison Degand, se dessine aussi dans les aspects les plus subtils.
Qui symbolise pour vous l’élégance ? Steve McQueen assurément. Il reste un emblème de celle-ci. Il suffit de regarder L’Affaire Thomas Crown pour voir que son style n’a pas pris une ride. Qu’il s’agisse de porter une casquette avec un blouson ou un pantalon chino et des baskets, cela fonctionne parfaitement et colle en même temps à son caractère. Le charisme et la personnalité sont des éléments indissociables d’une tenue, tout comme le contexte dans lequel on la porte.
Cet anniversaire marquera-t-il un tournant pour la Maison ? Et pour vous, à titre personnel ? Oui, il s’agit d’une date très symbolique. D’un triple anniversaire. Les 50 ans de la Maison, mais aussi ses 90 ans, si l’on compte les années sous la direction de ma mère. Cela marque aussi mes 70 ans. Je continue d’être un entrepreneur et de souhaiter de nouvelles surprises, de nouvelles découvertes. Nous ne savons pas encore comment nous allons le célébrer, mais certainement par le biais du restaurant Emily, que nous nous apprêtons à rouvrir. Un établissement dédié à ma fille, que j’avais malheureusement perdu après y avoir mis tant d’énergie et de cœur et que je suis si heureux d’avoir pu récupérer. Mode ou gastronomie, les rencontres, la passion et la beauté sont mes moteurs.
Que reste-t -il à accomplir à la Maison Degand ? Je dois encore la finaliser pour qu’elle corresponde à cette vision que j’en avais déjà petit garçon. La vraie réussite pour moi, ce sont les œuvres que l’on crée en suivant ses rêves d’enfant.

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