Philippe Francq envoie Largo Winch dans l’espace
Mots : Servane Calmant
Photos : DR
L’éthique et l’écologie dans l’entreprise, les nouvelles technologies et le marché spatial. Oui, le milliardaire rebelle est plus que jamais au coeur des enjeux d’aujourd’hui. On en parle avec Philippe Francq, à l’occasion d’une exposition de crayonnés du dessinateur belge à la galerie Huberty & Breyne à Bruxelles et de la sortie du 23e album de Largo Winch, « La frontière de la nuit ».
L’expo Largo Winch à la galerie Huberty & Breyne, place du Châtelain à Bruxelles, est exceptionnelle ! On y voit des dizaines de crayonnés à la mine de plomb, plus extraordinaires et virtuoses les uns que les autres et tous issus de Largo Winch, série monumentale aux 11 millions d’albums vendus. De « L’Héritier » paru en novembre 1990 au 23e album, « La frontière de la nuit », sorti il y a quelques jours à peine. Mardi 9 novembre, jour du vernissage de l’exposition, on y a rencontré un Philippe Francq visiblement heureux et détendu.
L’histoire spatiale démarre dans les années 50 et connaît son apogée en 69. Pourquoi avoir attendu 2021 pour lancer Largo dans les étoiles ? Parce que l’immense engouement suscité par les premiers pas sur la lune est retombé peu à peu. Cette aventure qui avait pour but d’asseoir la supériorité des grands états a été un véritable gouffre financier. Sans taire les déboires de la NASA fin des années 80 avec la désintégration en vol de Challenger quelques secondes après son décollage. La NASA a donc peu à peu abandonné la lune et a lancé des satellites, mais cette histoire-là n’intéressait pas le grand public. Qui a suivi la construction et l’assemblage module par module de l’ISS (l’International Space Station – nda) ? Le grand changement, il vient du NewSpace, et j’en parle dans « La frontière de la nuit ». Avant l’espace était réservé aux grandes nations spatiales comme les Etats-Unis et la Russie ; aujourd’hui, il est également accessible à des riches entrepreneurs et investisseurs privés. Les Richard Branson, Elon Musk, Jeff Bezos étant les acteurs les plus emblématiques du NewSpace. Envoyer Largo sur mars aurait paru trop futuriste, mais le voyage touristique autour de la terre m’a paru un excellent sujet, j’en ai parlé à Eric Giacometti … Dès la première page de « La frontière de la nuit », le lecteur découvre Largo en train de flotter en apesanteur dans une navette.
Le tourisme spatial, ça vous tente ? Si j’en avais les moyens et en bonne compagnie, oui, pour l’expérience.
Le principal moteur de l’évolution de Largo Winch, c’est finalement le monde qui l’entoure… Tout à fait, Largo Winch n’évolue pas, il reste invariablement « smart », mais le choix d’ancrer la BD dans le monde d’aujourd’hui constitue un fabuleux terrain d’exploration et de jeu. Le voyage de Branson à la frontière de l’espace, en juillet dernier, m’a clairement influencé.
En 31 ans de co-existence, les vies de Largo et de Philippe Francq sont étroitement liées ! Qu’a réalisé Largo que vous regrettez de ne pas avoir (encore) fait ? J’ai plus ou moins réalisé tous mes rêves. J’ai dessiné des hélicoptères dès le début de la série et en discutant avec un instructeur, je lui demande de faire un vol d’essai, il me passe les commandes… Depuis j’ai passé ma licence de pilote ! Un rêve devenu réalité.
Ce 23e album, La frontière de la nuit, dénonce aussi le travail des enfants derrière notamment la production des batteries électriques… Largo Winch reste un rebelle, un contestataire. Et vous ? Oui, probablement un peu, mais bien moins que mon personnage ! Rire.
L’expo Largo Winch à la galerie Huberty & Breyne, invite à voir des dizaines d’esquisses et croquis. Votre dessin a également évolué… Je me suis plongé dans mes archives et oui, à la vue de tel ou tel dessin, j’ai noté quelques changements, car le regard que je porte sur les choses a évolué. Au fil du temps, j’ai notamment compris ce que signifiait être élégant en costume, moi qui, jeune, n’en avais jamais porté ! Et je n’ai plus forcément besoin de dessiner des plantes dans tous les appartements urbains de Largo ou dans les bureaux du groupe W. Je suis un homme de la compagne qui a appris, au fil du temps, à appréhender les villes différemment !
La frontière de la nuit
En visite incognito dans une mine d’étain en Indonésie, Largo Winch découvre avec stupeur que l’une de ses propres filiales emploie des enfants pour fournir des composants essentiels à nos smartphones. Une découverte qui encourage le milliardaire à faire évoluer le groupe W vers une économie plus éthique et plus verte, sans négliger toutefois les technologies de pointe, en particulier les marchés spatiaux …
Un récit intrigant et un Largo plus que jamais en phase avec son époque, où cohabitent économie verte, technologie de pointe et fils spirituels d’Elon Musk. Suite et fin du diptyque avec Le Centile d’Or, 24e album prévu en novembre 2022.
Aux éditions Dupuis.
Abonnez-vous dès aujourd’hui pour recevoir quatre numéros par an à votre porte
Vous aimerez peut-être
Salomé Dewaels – « L’éclectisme, j’y tiens, il me nourrit »
Salomé Dewaels, révélée par Illusions perdues, revient dans Ça, c’est Paris !, la nouvelle série de…
Carine Doutrelepont – L’image comme écriture du monde
Carine Doutrelepont, avocate et photographe, explore la nature et la diversité humaine. Son…
Un siècle de surréalisme belge – Deux expositions majeures pour célébrer un mouvement révolutionnaire
Deux expositions célèbrent le centenaire du surréalisme : à Mons, son héritage subversif, et à…