Son premier roman « Les Déraisons » était passé un peu inaperçu en Belgique. « A l’époque, je n’avais pas d’attachée de presse belge… », s’excuse-t-elle.« Baïkonour », ode à ceux et celles qui osent renaître, jouit en revanche d’une belle couverture médiatique. Tant mieux, car il est grand temps de découvrirla plume imagée et les métaphores ciselées de poésie de la gracieuse Odile d’Oultremont. Rencontre.
MOTS : SERVANE CALMANT
PHOTO : BARBARA WEINS
Grande famille de la noblesse belge, les d’Outremont ont fourni des seigneurs, des diplomates, des financiers, des hommes d’Etat, un prince-évêque… Des auteurs aussi ! « Je suis historienne de formation, scénariste depuis 20 ans ( j’ai écrit pour presque toutes les chaînes TV, « File dans ta chambre » notamment – avec Stéphane De Groodt, son ex-mari, nda – et la série « Hard » sur Canal Plus), je suis également réalisatrice d’un court-métrage avec André Dussolier et j’ai un projet de long métrage dans mes tiroirs… Et romancière ! En termes de liberté, le roman c’est le Graal total, j’ai la chance d’avoir une maison d’édition (Les éditions de l’Observatoire, nda) qui m’offre carte blanche. C’est du bonheur ! »
Baïkonour, votre deuxième roman, interroge, un peu à la manière d’un Chabrol, l’étouffement du conformisme social… «J’aime beaucoup observer le comportement des gens autour de moi. Dans « Baïkonour », je dissèque le quotidien d’une petite ville fictive de Bretagne où tout le monde se connaît depuis plusieurs générations, se croise inévitablement, et je pose la ques- tion : comment peut-on se réinventer une liberté dans un endroit où chacun est condamné à subir le regard et donc le jugement des autres ? Un endroit où on est prédé- terminé par la famille et les histoires que l’on vous colle sur le dos… Prenons l’exemple d’Anka, mon héroïne, qui rêve de devenir pêcheuse… Son père l’en empêche par excès de protectionnisme mais surtout, dans cette petite ville de province, il est acquis qu’une femme ne devient pas marin-pêcheur… »
La disparition de son père change pourtant la donne…
« Oui et là encore, je pose une question qui sans doute interpelle : la mort d’un parent, d’un proche, peut-elle parfois être qualifiée de libération ? Je ne connais pas la réponse, car elle est fonction de chaque vécu. Le « déterminisme », même si je ne suis absolument pas fataliste – le hasard dans la narration, ça ne fonctionne pas -, est un sujet qui m’intéresse énormément… »
Vos personnages sont délibérément hors cadre. La seule façon raisonnable de vivre, est-ce en dehors des règles ? « Nous sommes de plus en plus contraints à entrer dans le moule, à nous conformer aux codes sociaux, à une pression morale, classifiante, qui nie l’individu. Cette obsession de la collectivité et des règles me perturbe ; la règle pour la règle me pose problème. Je ne suis pas révolutionnaire dans l’âme, il existe des règles à respecter pour vivre en société mais je prône néanmoins une incessante remise en question par tout un chacun. »
Baïkonour, l’histoire de plusieurs renaissances ?
« Oui, Anka renaît, Marcus sort du coma, donc renaît physiquement, quant au père de Marcus, il renaît dans sa relation à la paternité qu’il découvre sur le tard… J’aime cette idée que rien n’est jamais inscrit définitivement… »
Comment ne pas parler de votre style… Quelle plume ! « Merci ! Mais c’est surtout beaucoup de travail ! A vrai dire, ce ne sont pas les mots qui m’intéressent mais les phrases. Je n’écris pas un premier jet pour y revenir et le corriger. Je cherche avant toute chose à trouver la musicalité dans chaque phrase et son enchaînement à la suivante… »
Une histoire de renaissance
Anka, coiffeuse, rêve de prendre le large ; Marcus, grutier, observe de là-haut la vie qui se meut en contrebas. Un matin, il chute. On aime : une histoire d’amour, de renaissance même, nourrie par des personnages hors cadre et un bel esprit d’insoumission. Et cette plume, ah cette plume musicale, imagée – un régal.
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