Maison Hannon - Un joyau Art nouveau
Mots : Olivia Roks
Photos : DR
Le patrimoine bruxellois compte un nouveau chef-d’œuvre : la Maison Hannon. Située dans la capitale à Saint-Gilles, cette maison-musée renaît pour dévoiler l’Art nouveau dans sa pluralité. Un lieu en perpétuel mouvement, une bulle spatio-temporelle à l’identité forte.
La Maison Hannon est en pleine renaissance et a ouvert ses portes au public. Vous en êtes le jeune conservateur. Quelle aventure ! Rappelez-nous les origines, l’histoire de la Maison ? Grégory Van Aelbrouck – Elle est construite entre 1902 et 1904 par un couple franco-belge, Monsieur et Madame Hannon. Cette demeure est imprégnée par les deux personnages. Marie Hannon a géré la Maison et son intérieur et Monsieur s’est intéressé à l’extérieur et au deuxième étage où se trouvaient la chambre noire (il faisait de la photo) et la bibliothèque. L’étiquette est française dans le choix du mobilier et des matières. Tandis que les œuvres d’art sont plutôt l’apanage de Monsieur et sont donc belges : sculptures, peintures… Ce mariage des deux goûts est particulièrement intéressant. Le couple a fait appel à l’architecte Jules Brunfaut, meilleur ami de Monsieur Hannon. A l’époque, Victor Horta était l’architecte des grands dirigeants de Solvay où Monsieur travaillait et cela ne se fait pas d’imiter son patron donc ils ont fait appel à un autre architecte en demandant de s’inspirer d’Horta.
Et de fil en aiguille, cette Maison a survécu aux années… Effectivement. Edouard survit à Marie et à sa mort, la Maison passe à leur fille unique qui vit dans le souvenir de son père. à son décès, rien n’a bougé dans la Maison. Les descendants vendent, un promoteur achète, il souhaite détruire la Maison. On est en 65, l’Art nouveau n’a pas encore ses lettres de noblesse, c’est un style parmi d’autres, décrié, pas rationnel, passéiste… Mais la fille de l’architecte Brunfaut va se mobiliser pour sauver le bâtiment et après beaucoup de scandales, la façade est classée, ce qui empêche sa destruction même si certains éléments ont déjà disparu. Quelques années plus tard, l’intérieur est aussi classé au moment où la commune de Saint-Gilles achète le bâtiment. Assainissement du lieu et appel à projets s’ensuivent. Après diverses orientations, nous décidons d’en faire une maison-musée et non un musée d’arts décoratifs.
Pourquoi justement parler de « maison-musée » ? Indéniablement, c’est la Maison qui intéresse réellement le grand public. Avec tant d’éléments, de traces et d’objets en notre possession, j’ai décidé de remettre au cœur de l’histoire le couple et la Maison avec comme vocation de muséifier le lieu où on tient une certaine dynamique avec des activités pédagogiques. Nous avons décidé de faire une exposition temporaire pour renouve-ler le public et surtout le public local. Nous voulons mettre en lumière l’œuvre du couple Hannon et de l’Art nouveau en général. Il n’y a pas de lieu qui défend actuellement l’Art nouveau au sens large, dans sa pluralité. La Maison Hannon, spectaculaire, est une superbe vitrine car elle a une grande attractivité visuelle. Actuellement, le visiteur découvre une exposition permanente avec le mobilier d’origine de la Maison qui revient progressivement et une exposition temporaire sur l’Art nouveau dans sa diversité à l’exception de Victor Horta qui détient le monopole. Justement, pour jeter en quelque sorte un pavé dans la mare. L’Art nouveau est un art du quotidien hors qu’Horta crée tout sauf un art du quotidien.
Qu’est-ce qui différencie cette demeure d’une Maison Horta ? Victor Horta était un génie perfectionniste avec les défauts et les qualités que cela entraîne. Dans les réalisations Horta, vous serez toujours chez Victor Horta, ici vous êtes tout d’abord chez les commanditaires des lieux, tout a été pensé pour eux, tout a été adapté à la personnalité du couple, c’est une maison portrait.
La Maison Hannon est ouverte au public mais sa restauration est encore en cours… On ne sait pas tout restaurer d’un coup, pour des raisons de temps, de connaissances et de budget. On en a fait une force et la question de la restauration est au centre de notre discours. Tous les quatre ou six mois, le public va pouvoir participer et voir les artisans restaurer un certain espace. Et ce jusque 2030. Par ailleurs, quand il paie son entrée, 2 euros vont à la restauration, donc il contribue à revenir au musée, c’est un bien collectif. Le visiteur a de plus en plus besoin de sens. Une première phase de restauration est achevée : le rez-de-chaussée qui restitue fidèlement l’univers des Hannon et le premièr étage, lieu d’expositions temporaires. La façade est restaurée également. La fresque monumentale dans les escaliers aussi avec douze personnes qui y ont travaillé durant deux mois. Aujourd’hui, on travaille sur les décors de la serre ou encore la remise des tissus dans les pièces. Mais comme je le mentionne, ces rénovations signent la première phase d’un projet bien plus large.
Vous êtes le conservateur de cette Maison, qu’est-ce qu’elle vous inspire personnellement ? C’est un moment de grâce, un moment hors du temps. C’est une consolation au monde, un paradis perdu. On voyage indéniablement quand on vient dans ce genre d’endroit.
Cette année, l’Art nouveau est à l’honneur, quelles sont les plus belles haltes pour l’apprécier ? La Maison Horta pour un ordinaire très sophistiqué, c’est l’antre du maître. L’Hôtel Solvay, seule maison du maître totalement intacte. La Maison Cauchie qui est la maison d’un peintre et bien sûr la Maison Hannon avec ce goût français et symboliste unique.
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