Ludovic de Saint Sernin
Le prodige libre
Mots : Barbara Wesoly
Photos : DR
En moins d’une décennie, Ludovic de Saint Sernin a quitté le statut d’anonyme pour celui de créateur au succès international. Un parcours atypique pour un designer qui ne l’est pas moins, tout à la fois ovni poétique et ambassadeur brillant de sa génération. En parallèle au triomphe de sa marque, le belgo-français orchestrera en janvier la collection Haute Couture printemps/été 2025 de la Maison Jean-Paul Gaultier. Portrait d’un talent résolument avant-gardiste.
Février 2024, à New York. Des modèles à l’allure envoûtante et à la délicatesse androgyne défilent sur le sol de béton ciré du Starrett-Lehigh Building. Le cadre est celui d’une prestigieuse Fashion Week, mais pourrait tout aussi bien s’apparenter à un entrepôt underground. Ludovic de Saint Sernin y présente sa collection Automne/Hiver 2024-2025. Un hommage à l’emblématique photographe Robert Mapplethorpe, dont l’impertinence créative et la dualité entre une âme sulfureuse et une sensibilité à fleur de peau sont pour lui une source immuable d’inspiration. Le cuir y croise l’organza, les fleurs caressent en transparence la peau nue. L’érotisme ténébreux embrasse une douceur profonde, presque innocente.
Un regard singulier
Ce tout premier show américain a tout d’une consécration pour le designer belgo-français de 33 ans. Une confirmation fulgurante autant que la suite sublimement logique d’un itinéraire singulier. Celui d’un enfant des années 90, ayant très jeune quitté Bruxelles où il est né, d’abord pour la Côte d’Ivoire puis pour Paris. C’est la Ville Lumière qui accueille sa vocation en devenir et où sa passion du dessin et du style se développent grâce à des cours de peinture mais aussi de couture. Il y sort diplômé d’un cursus mode de l’Ecole Supérieure des Arts Appliqués Duperré, auquel succèdent des collaborations avec Dior, Maxime Simoens et Yves Saint Laurent, ainsi que Balmain. Son départ après trois ans passés sous la direction artistique d’Olivier Rousteing, marque un point de bascule. Et le lancement, en 2017, de sa propre Maison éponyme, récompensée dès l’année suivante par le prestigieux Prix du Label Créatif de l’ANDAM. Ludovic de Saint Sernin a alors 26 ans. Considéré comme l’un des ambassadeurs d’une génération émergente de créateurs, son regard est pourtant déjà empreint d’une finesse et d’une maturité qui contredit les clichés de l’âge. Mais également d’une fluidité qui deviendra signature. Lui qui avait appris la mode par le prisme féminin présente pourtant à la Fashion Week Homme de Paris son défilé inaugural. Avant de balayer définitivement toute frontière, avec l’affirmation d’une sensualité dépassant la notion de genre.
Artiste de l’irrévérence
Les collections se succèdent, au fil de pièces qui racontent le minimalisme empreint d’exubérance, les références à la culture rave et fétichiste autant que les éclats des cristaux Swarovski. L’esthétique queer au diapason du raffinement de la haute couture. Les corps tantôt suggérés sous des looks monochromes, tantôt exposés par des jeux de découpes. L’univers de Ludovic de Saint Sernin est un manifeste de tous les possibles, d’une émancipation flirtant avec l’irrévérence. Jusqu’à s’inscrire en véritable référence de la mode contemporaine. En 2022, le créateur surprend pourtant en devenant directeur artistique d’Ann Demeulemeester, avec qui il partage une même liberté de ton et l’expression d’une vision romantique et lascive à la fois, aux allures gothiques. Une collaboration aussi iconique que brève, puisqu’elle s’est achevée après une seule saison, ne laissant à la postérité que 80 looks d’archives. Le label du designer fête ses cinq ans l’année suivante, auréolé d’un succès que rien ne semble à même d’arrêter. Jusqu’à ce défilé new-yorkais. Puis en septembre 2024, à une invitation au parfum d’héritage. Celle de devenir le 8è designer convié par Jean-Paul Gaultier à prendre les rênes d’une collection couture. Une place que depuis 2021, la Maison propose chaque saison à un autre styliste renommé.
Après Haider Ackermann, Simone Rocha ou encore Glenn Martens, Ludovic de Saint Sernin dévoilera son interprétation du vestiaire Gaultier en janvier 2025. L’amenant à être le plus jeune créateur à concevoir une ligne masculine au sein de la marque. D’un enfant terrible de la mode à un autre. Et d’une audace à la suivante, phares d’un voyage vers les sommets.

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