Les défis de Ben Storms
Mots : Agnès Zamboni
Photos : Alexander Popelier
Poids lourd et poids plume, ses créations sculpturales se posent, au sol, comme des coussins moelleux et aériens. Après le marbre, le nouveau challenge du designer Ben Storms : mettre le verre à l’épreuve !
Quel a été votre parcours ? J’ai étudié l’histoire de l’art à l’université de Gand tout en apprenant à travailler le bois et la pierre, le week-end et les vacances scolaires, dans des ateliers d’artisan. Après une collaboration avec le plasticien et sculpteur de polyester Nick Ervinck, j’ai entrepris une formation de design à Malines. Mon amour des matériaux, je le dois à mes parents qui étaient antiquaires. L’expo à l’atelier Jespers de Bruxelles, en 2015, a tout déclenché. La même année, mon travail a été récompensé par le prix Henry Van de Velde.
Pouvez-vous expliquer votre technique ? Dans ma pratique du design, je pars toujours des matériaux bruts. J’aime travailler les matériaux massifs, traditionnels et millénaires. Je les apprécie pour leur beauté et leur force naturelle. Mes méthodes de travail combinent techniques anciennes et manuelles comme le ponçage laborieux avec la numérisation et la sculpture digitale à commande numérique (CNC). Pour réaliser la table Ex Hale, j’ai fabriqué un moule en métal gonflé d’air. J’ai scanné cette forme en 3D pour la reproduire dans un bloc de marbre , grâce à une machine CNC. Les finitions à la main et le sablage sous pression adoucissent la matière ou évoquent le ton patiné d’un coussin, l’illusion s’un textile imprimé.
Comment réussissez-vous à inverser les impressions visuelles ? J’interroge le sens commun. Par exemple, la pierre doit-elle toujours paraître lourde ? En créant des formes qui frôlent les frontières de l’impossible, j’entraîne le spectateur à porter un regard neuf sur les matériaux familiers. Pour obtenir la finesse du plateau de la table In Vein, j’ai frôlé les limites de l’extrême. J’ai travaillé un plateau d’une épaisseur de 4 mm sur les bords, tout en conservant la solidité du marbre, je l’ai renforcé, en son centre, avec de la mousse et une plaque, comme un matériau sandwich et je l’ai augmenté, à cet endroit, de 4 à 5 cm. Le nom de cette table double fonction évoque à la fois les veines du marbre et le concept de Vanity, car le verso du plateau fait office de miroir, à poser contre un mur.
Obtenir un équilibre esthétique entre les matériaux est aussi très important. Les détails en cuir sur les tréteaux métalliques apportent une certaine douceur. Je n’imaginais pas de réaliser des rainures pour leur pliage et dépliage. Pour composer les tables In Hale, installées en parfait équilibre sur un coussin métallique, j’ai d’abord fabriqué les deux parties de l’enveloppe inférieure. Je les ai soudées ensemble comme une housse en laissant une ouverture pour les remplir d’air alors que la plaque de marbre, en partie supérieure, était déjà en place.
Pour la lampe Out of line, quel était le concept ? Pour cette pièce, j’ai revisité la méthode de fabrication traditionnelle du tambour, réalisée à partir des lamelles de bois. C’est totalement innovant et expérimental. J’ai juxtaposé de fines lamelles de marbre de 2 centimètres de large sur un textile, espacées, l’une de l’autre, de seulement 8 mm, pour les maintenir ensemble. Ma première pièce en prototype, un paravent, s’est révélée trop fragile à l’usage. Alors, j’ai imaginé une lampe avec abat-jour modulable, de dimensions réduites. Mais je dois encore perfectionner cette technique. Avec ce procédé, j’ai aussi l’idée de réaliser un siège avec un dossier en 3 D à partir d’une plaque de marbre mais qui restituerait le dessin complet de la veine. En utilisant une plaque, plutôt qu’un bloc, j’économise de la matière.
Comment avez-vous procédé pour le verre massif ? Le verre massif est coulé comme pour une sculpture en bronze, dans un atelier, en Tchéquie, un expert dans cette technique. Ces artisans travaillent aussi avec des artistes pour fabriquer leurs œuvres. La première pièce réalisée, avec eux, était une œuvre murale. Le moule a été réalisé sur mesure, en plâtre, également par leurs soins. La table basse In Hale en verre translucide a nécessité plus de 30 jours de fabrication. Le matériau doit devenir liquide pour être coulé dans le moule puis refroidir très lentement, dans le four, pour ne pas se briser.
Ben Storms exposera à Bruxelles à Art on Paper du 6 au 9 octobre 2022. Et ses créations s’envoleront en 2023 pour le Japon.
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