L’Epicerie Nomad
« Recentrer mon métier sur l’humain. Indispensable. »
Mots : Servane Calmant
Photo : Anthony Dehez
Elle a du caractère et du charme à revendre la nouvelle adresse de Jean Callens, à Ixelles. Mais au fait, est-ce un bar à vins où bien manger ou un resto bistronomique où bien boire ? C’est surtout un voyage gourmand et sincère, initié par un chef décidément bien dans ses pompes, qui adore surprendre par des épices du bout du monde et des vins parfois inattendus.
À Ixelles, entre l’avenue Louise et le quartier de la Porte de Namur, pour vous situer, la bien nommée Epicerie Nomad se niche dans une ancienne épicerie asiatique gérée pendant 31 ans par Mongkhon Tangton, un homme passionné. Un beau jour, Jean Callens se pointe dans le quartier pour y saluer un ami, passe devant l’épicerie de Mongk, s’y attarde, et c’est le coup de foudre. « Il ne m’a fallu qu’une minute pour savoir que cet endroit serait parfait pour ma nouvelle aventure, mais je devais convaincre son propriétaire. Mongk est un concentré de gentillesse et de douceur, ce n’est pas une acquisition commerciale que j’ai négociée avec lui, mais la transmission d’un endroit rempli de souvenirs et qui l’a rendu heureux pendant une vie entière ». Cette épicerie, Jean l’a souhaitée à son image : chaleureuse, un brin nostalgique aussi. Un carrelage ancien, des luminaires d’époque, des comptoirs bars côté rue, une étagère qui appartenait à Mongk transformée en oenothèque… Tout fleure bon ce passé pas si lointain où l’on refaisait le monde entre amis autour d’un plat pas trop cher et d’un flacon découverte. Installez-vous.
L’Epicerie Nomad, c’est une nouvelle page qui se crée. Parce qu’une autre s’est refermée et pas n’importe laquelle ! Le Callens Café, vous l’aviez ouvert avec Olivier, votre frère, en 2004. Pourquoi l’avoir revendu à Serge Litvine en 2021 ? Le Callens Café devait être rénové. Et pas un peu. J’ai longtemps réfléchi à investir ou à revendre. Une opportunité s’est présentée à moi. Je l’ai saisie.
Callens Café est devenu le Lily’s Restaurant & Club, il vous plaît ? C’est une belle rénovation, un bon concept, Litvine tape juste et au bon moment, en répondant à une demande pour ce genre d’établissement.
Vous êtes le 4e d’une génération de restaurateurs bruxellois, la Famille Callens. Devenir chef, c’était plus qu’une vocation, une tradition ! Oui. Depuis tout petit, je vis dans les chambres froides et dans les caves à vins. (rire) Mes grands-parents et parents s’impatientaient de me voir terminer mes études pour que je travaille avec eux… Dans les grandes familles de la restauration, l’avenir du fils aîné était tout tracé : devenir chef de cuisine.
Pour autant, il n’y a pas le nom Callens accolé à votre nouveau projet ? Non. Car j’ai intégré dans l’aventure Sandrine, en cuisine, et Clément, en salle. Impliquer le personnel dans un projet voire dans l’actionnariat d’un resto, c’est une nouvelle manière d’envisager ce métier qui me convient parfaitement.
Contrairement au Callens Café, l’Epicerie Nomad se veut un resto de quartier à l’atmosphère intime… Aujourd’hui, l’addition dans une brasserie s’élève à 60 voire 100 euros le couvert ! Ce qui signifie que la restauration n’est plus accessible à tout le monde. Je rêvais d’un endroit plus petit, où je pourrais séduire avec une cuisine populaire et accessible. Et je suis tombé sous le charme de cette épicerie à taille humaine…
Il y a ce je-ne-sais-quoi de nostalgique qui se dégage de L’Epicerie Nomad. La nostalgie, ça vous parle ? Oui oui, je ne suis pas passéiste mais après 35 ans dans la restauration, j’avais envie de revenir à l’essentiel : un bon produit qu’on ne galvaude pas, une cuisson parfaite, une bonne sauce. Et susciter l’envie de goûter, de partager. Mes plats sont servis au 2/3 d’une assiette normale et les prix adaptés, évidemment. Rien ne vous oblige à prendre un plat et une entrée. Certains clients commandent trois entrées ou deux plats à partager, d’autres dégustent entre amis tous les plats présentés sur l’ardoise murale.
Epicerie… Nomad, la seule évocation de ce mot nous fait voyager. Que ce soit en Amérique du Sud, en Asie, en Indonésie, en Afrique noire, au Maghreb ou même en Europe, tous mes voyages m’ont influencé, même si j’avoue un faible pour la cuisine marocaine aux multiples saveurs. Même à Cuba où il n’y a pas de véritable gastronomie, j’ai appris quelque chose : à recentrer mon métier sur l’humain. L’indispensable en somme. Cela dit, j’aime toujours une bonne béarnaise, mais les saveurs du monde sont tellement riches. J’ai envie de continuer à voyager à travers la nourriture.
Fondues parmesan brocolis tomates séchées, brochettes de poulet au citron confit, bœuf au poivre de Penja, moutarde, fines herbes. Jean, on s’est régalée ! Merci. C’est du 100% maison, qui est fonction de mes envies et du marché. Et de belles rencontres. Ainsi le poivre de Penja, c’est un ami qui me l’a ramené du Cameroun. Mes hôtes en raffolent.
Difficile de ne pas la voir, l’oenothèque ! Quels bons flacons invite-t-elle à découvrir ? J’ai voulu une sélection en trois temps : des vins classiques de chez de Coninck, des flacons bios/nature proposés par Cinoco et de belles découvertes avec la Maison Peuch & Besse, notamment propriétaire récoltant du Château Gravet-Renaissance Saint-Emilion Grand Cru. Je vous le conseille avec une volaille ou une viande rouge.
Et si je souhaite juste venir vous saluer et prendre l’apéro ? Bienvenue ! D’autant que je viens de sortir la terrasse, orientée plein sud.
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