Le Vaudeville
Plus de 137 ans et pas une ride
Mots : Ariane Dufourny
Photos : Anthony Dehez
Le Vaudeville semble avoir eu mille vies depuis sa construction en 1884. Tour à tour café-chantant, théâtre qui accueillit « Bossemans et Coppenolle » et discothèque (les nuits du Vaudeville, que de souvenirs !), cet endroit mythique abrite désormais une salle évènementielle et des chambres d’hôtes gérées par Choux de Bruxelles.
Le théâtre du Vaudeville fut construit en 1884 au sein des galeries Saint-Hubert à Bruxelles, mais son histoire architecturale remonte à 1846 lorsque l’architecte Jean-Pierre Cluysenaer, figure de proue de l’éclectisme, conçut l’un des premiers marchés couverts de Bruxelles. Il imagina une imposante verrière afin d’apporter de la lumière naturelle au passage, et évoquer la vente en plein air ; la structure de la verrière composée de colonnes en fonte est d’ailleurs toujours visible de nos jours au Vaudeville.
Inauguré le 14 novembre 1847, le Marché aux Fleurs qui s’adressait à une clientèle différente de celle du Marché aux Herbes ne répondit pas aux attentes financières de la société des Galeries. Dès lors en novembre 1851, il fut transformé en café-chantant et dénommé : le Casino Saint-Hubert. Il devint donc la seconde salle de spectacle après le Théâtre des Galeries, dont la construction remonte en 1847. Dirigé par le Conte de Juvigny, un Français exilé à Bruxelles, l’ambiance y fut très chaude ! Le public assistait à un spectacle, bière à la main, pommes de terre rôties pour l’accompagner. Il connut une existence éphémère à l’instar de la plupart des cafés-concerts bruxellois de l’époque…
En 1872, à l’initiative de Léopold Boyer, un ancien ténor qui y avait fait ses débuts, les lieux se transformèrent en théâtre doté de loges, de baignoires et d’un balcon. Pourvu d’une décoration orientale, il rouvrit sous le titre de « Spectacle-concert des Bouffes Bruxelloises » et fut consacré à l’opérette et au vaudeville, tout en ne rompant pas ses habitudes de café-concert où le public continua à consommer et s’amuser.
Le Théâtre du Vaudeville venait de naître !
Le 28 octobre 1884, afin d’assurer la sécurité du public et du personnel, la salle des Bouffes fut transformée en véritable théâtre avec de vastes dégagements. Le Théâtre du Vaudeville venait de naître ! Il présentait un décor en plâtre néoréaliste tel que les théâtres d’inspiration italienne. On y découvrait des cartouches portant les noms d’illustres auteurs, des putti musiciens (angelots -nda), une lyre d’Apollon, un sceptre de bouffon. Le plus marquant était sans conteste, le plafond en forme de coupole qui était supportée par quatre caryatides (statues de femmes qui font office de colonnes-nda) aux allures aussi suggestives que les pièces libertines qui se jouaient au Vaudeville.
En 1926, afin d’aménager les accès, un magasin placé à droite servit de foyer et de hall d’entrée. Ses motifs floraux et géométriques de style Art déco subsistent encore de nos jours.
Durant des décennies, le Vaudeville fut consacré au théâtre de boulevard, à la revue et la zwanze (type d’humour gouailleur associé à Bruxelles-nda) et aux spectacles mémorables à l’instar de « Bossemans et Coppenolle » qui y fut présenté pour la première fois le 25 février 1938. De célèbres artistes tels Juliette Gréco, Bourvil, Raymond Devos ou encore Fernand Raynaud foulèrent ses planches.
Une discothèque qui agita le tout-Bruxelles !
Après la faillite du théâtre, il fut loué durant vingt ans à Jean-Marie Ravet, plus connu sous le nom de « Yannick du Vaudeville ». Il le transforma en dancing qui agita le tout-Bruxelles. On lui a demandé de nous raconter « ses années Vaudeville ».
Yannick Ravet, qu’avez-vous vu en pénétrant la première fois au Vaudeville ?
Son superbe plancher en chêne, ses dorures, ses angelots, ce côté florentin… Un théâtre merveilleux, magnifique, que j’avais cherché pendant des années.
En quelle année avez-vous ouvert le Vaudeville ?
En mille neuf soixante- quatorze, j’avais 40 ans (Yannick est d’origine française comme le Conte de Juvigny qui, avant lui, avait allumé le feu – nda).
Donc en 1974, vous avez transformé le théâtre en discothèque ?
Le théâtre était dans un état lamentable, les éclairages étaient même arrachés! J’ai entrepris des travaux de replâtrage, notamment pour les moulures qui
manquaient, et redonné ce côté lumineux du théâtre avec ses fresques, ses blasons. J’ai refait les loges. Ensuite, mes amis ont décidé d’ouvrir le lieu à la « high society ». L’idée ne me plaisait guère et ça n’a d’ailleurs pas été une grande réussite. Alors j’ai pris un virage à 180° et fait du Vaudeville, un rendez-vous populaire. Le succès a été incroyable : j’ai vu revenir tous les clients du Kiosque et du Cinéma, mes précédents Club privés. Au Vaudeville, se rencontraient les noctambules du haut et du bas de la ville, une incroyable mixité !
Parlez-nous de la piste de danse (qui surplombait le bar), façon « Saturday Night Fever » durant les années disco.
J’en fus l’architecte, le maître d’œuvre. La piste ressemblait à une couronne, que j’avais fait réaliser sur mesure par un ferronnier. C’était une continuité de la scène du théâtre qui servait déjà de piste de danse …
A la fin du disco, pourquoi avoir retiré cette fameuse piste de danse ?
A cette époque, toutes les pistes de danse étaient en contrebas et ça m’avait influencé. C’était une erreur.
Votre concession, 1974-1994 ?
Oui, 20 ans de concession ! Les 3 dernières années ont connu les fantastiques soirées folles du Vaudeville avec Maman, Marco et leurs amies …
Le Vaudeville était une adresse incroyable, fréquenté par de nombreuses stars du showbiz !
Ce soir je dors chez Loulou ou Baudelaire ?
Quelques années plus tard, le metteur en scène Daniel Scahaise (qui fut plus tard, de 1998 à 2015, directeur du Théâtre des Martyrs-nda) redonna vie à la salle de spectacle. En 1999, de minutieux travaux de rénovation furent entrepris par le bureau d’architecture bruxellois A2RC et scrupuleusement supervisés par la Commission royale des monuments et sites.
Son faste retrouvé depuis 2003, le théâtre du Vaudeville est géré par la société évènementielle Choux de Bruxelles. Il est loisible de louer les lieux pour un évènement et même de prolonger le plaisir dans l’une des splendides chambres d’hôtes répondant aux noms de Loulou, Black and White, Magritte, Apollinaire, suite Victor Hugo (celles-ci sont côté cour) et Rimbaud, Explorateur, Diva ou encore suite Baudelaire qui ont toutes vue sur la spectaculaire Galerie de la Reine.
Nous remercions Thierry Dhulsters qui gère le site avec passion et a mis les archives du Vaudeville à notre disposition.
Abonnez-vous dès aujourd’hui pour recevoir quatre numéros par an à votre porte
Vous aimerez peut-être
Carine Doutrelepont – L’image comme écriture du monde
Carine Doutrelepont, avocate et photographe, explore la nature et la diversité humaine. Son…
Un siècle de surréalisme belge – Deux expositions majeures pour célébrer un mouvement révolutionnaire
Deux expositions célèbrent le centenaire du surréalisme : à Mons, son héritage subversif, et à…
Stéphanie Crayencour – « Perdre mon frère a marqué le point de départ de ce livre et de ma véritable histoire d’amour avec lui »
Stéphanie Crayencour, actrice entre Bruxelles et Paris, se tourne vers l’écriture avec Le Papillon…