La réserve Mahy
L’héritage extraordinaire mis en valeur
Mots : Yves Merens
Photos : Lannoo
Une vaste rangée de halls d’usine dans un paysage vallonné du Hainaut belge.
Un site où plus rien n’est fabriqué, hormis de l’histoire. C’est là que flotte l’odeur de rouille et d’huile moteur d’une gigantesque collection d’automobiles. Le temps d’une expo, une quarantaine d’entre elles sont visibles, dans leur jus à Gand ! C’est l’histoire de la famille Mahy.
Dans la poussière de la « réserve Mahy » se trouvent des centaines de voitures, pare-chocs contre pare-chocs. Certaines crânement appuyées sur des chandelles, la plupart affaissées sur des pneus fatigués. Bolides légendaires, banales autos familiales, grosses cylindrées fringantes et quatre-roues oubliés, comme autant de témoignages de l’histoire.
Voilà la raison d’être de la famille Mahy de Gand, trois générations de collectionneurs obstinés qui ont réuni une des plus grandes collections au monde de voitures anciennes. On parle de 1000 engins !
Une histoire sur quatre roues
Tout a débuté avec Ghislain Mahy, le grand-père, c’est lui qui, à 24 ans, a quitté ses parents pour être vendeur de voitures à Gand. Un des premiers à cette époque, en 1931. Plus tard, il ouvre aussi un bureau de location de voitures à Bruxelles, et d’autres garages.
Progressivement, juste après guerre, le virus de la collection apparaît. Grâce au rachat et à la transformation du cirque d’hiver de Gand, Ghislain a plus de place. Il y aura jusque 400 voitures de collection en 1963 !
Ses fils, Ivan et Hans, s’amusent avec un véhicule allemand amphibie récupéré alors que leur père achète un joli lot de Jeep américaines revenu d’Allemagne en train.
Importateur éclairé, Mahy devient le principal, pour ne pas dire le seul vendeur de voitures de la ville du nord.
Et les fils suivent évidemment leur père. Adolescent, Ivan accompagne régulièrement son père en France, en quête d’acquisitions pour sa collection qui ne cesse de s’agrandir. Et dès que la loi l’autorise, il part tout seul ou en compagnie d’un copain sur la banquette aux ressorts raides de la camionnette Renault récupérée quelque part par son père. Entraînant deux remorques vacillantes derrière lui, le camion se fraie un chemin jusque dans les endroits les plus reculés de Belgique, de France et de Suisse pour rentrer invariablement chargé de véhicules d’avant-guerre.
Bien des années plus tard, 230 pépites rutilantes sont exposées à l’Autoworld à Bruxelles. Le reste, c’est la fameuse réserve, est entreposé à Leuze-en-Hainaut par Ivan. Juste à côté d’un musée de belle taille, le Mahymobiles.
Des images et un lieu
Et voilà qu’apparait aujourd’hui cette exposition temporaire, à Gand, comme aux origines. Il est porté par Michel Mahy, petit-fils de Ghyslain et par Wouter Rawoens, photographe et âme créative. « L’idée a été de sortir des voitures de la réserve. Ce sont des voitures qui sont dans leur jus. Elles ont une histoire. Elles ne sont pas restaurées. On voit bien leurs cicatrices. Et moi, j’ai voulu les mettre en évidence dans un studio photos immaculé. C’est le contraste qui m’a plu. »
Mais comment choisir les heureuses élues ?
« C’est surtout Michel (NDLR : Mahy) qui les a choisies, en fonction de leur popularité, de la marque, de leur rareté et de leur histoire. Après, on a joué à Tetris dans les dédales de la réserve pour les sortir. Une vraie caverne d’Ali Baba. Nombreuses sont les voitures qui ne roulent plus. C’est amusant mais on les a même transportées dans des camions fermés pour garder la poussière d’origine dessus. » Il fallait y penser. Dans l’expo de Gand, on verra par exemple une vienne Porsche 356 B et ses traces de pattes, ou une magnifique Delahaye toute rongée.
Quatre ans de réflexions et deux ans de préparation pour cette expo de voitures anciennes, mais pas que…
« Il y a des endroits pour les voitures, et des endroits pour apprécier les photos. Les tirages sont d’une exceptionnelle qualité. Cela rend vraiment bien. »
Les anciens bâtiments Vynckier de Gand, dans leur jus aussi, sont parfaits pour cette expo soutenue par la Fondation Roi Baudouin via son Fonds Lemay. Et les photos sont éditées par Lannoo sous le nom de « Mahy, a family of cars ».
La Maserati A6G 2000 GT Allemano de 1954
« Mahy, A family of cars, la beauté tranquille d’oldtimers d’exception », extrait du livre : « Ghislain Mahy n’a jamais été un grand amateur de voitures de sport italiennes, encore moins de celles d’après-guerre. Un jour, un garage de Zelzate lui propose une Maserati, un modèle exceptionnel d’après le vendeur. Mais l’argument ne convainc pas Ghislain Mahy. Trop cher et trop contemporain : avec la mention 1954 comme année de construction sur les documents, la Maserati a à peine 5 ans. Et Mahy ne connaît pas cette marque. Mais le père Mahy en parle en passant lors d’un déjeuner dominical en famille, éveillant sur-le-champ la curiosité de son fils Ivan. Ne pourrait-il pas y jeter un coup d’œil ? Pourquoi pas ?».
Un livre mais aussi une exposition
« Mahy, A family of cars, la beauté tranquille d’oldtimers d’exception », un livre à collectionner mais aussi une exposition à découvrir jusqu’au 31 octobre 2021.
Anciens bâtiments Vynckier
Nieuwevaart, 51-53
9000 Gand
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