La famille Niels
« Les clients qui nous remercient de faire vivre Bruxelles nous rappellent chaque jour pourquoi nous faisons ce métier »
Mots : Servane Calmant
Photo : Bernard De Keyzer
1924, Joseph Niels invente le fameux filet américain. Un siècle plus tard, la recette, immuable, occupe toujours la place d’honneur sur les cartes des brasseries orchestrées par Frédéric Niels et son père, Albert-Jean. Pour célébrer cet héritage centenaire, un livre, « Rendez-vous chez les Niels », retrace cette formidable aventure familiale, mêlant tradition culinaire et identité bruxelloise.
L’inventeur du filet américain est belge, un point c’est tout. « Avant d’ouvrir la taverne Canterbury en 1926, mon grand-père travaillait au restaurant La Taverne Royale, dans la Galerie Saint-Hubert à Bruxelles », raconte Frédéric Niels, représentant de la quatrième génération. « Déçu par les variations dans la préparation du steak tartare, il imposa un protocole strict en cuisine, pesant chaque ingrédient pour assurer une constance absolue des saveurs. » Aujourd’hui encore, cette précision reste la marque de fabrique des établissements Niels – Au Vieux Saint Martin, Au Grand Forestier, Au Savoy, Le Claridge et Alfred – et un des secrets de leur longévité exemplaire.
Frédéric, né en 1976, a grandi au sein de cette riche tradition, mais il est conscient d’avoir manqué un demi-siècle d’histoire, avant de rejoindre son père en 2002 pour travailler à temps plein dans l’entreprise familiale. « Papa a 72 ans cette année, et il m’a transmis de nombreuses anecdotes sur la famille, les clients, et le personnel. Mais j’ai ressenti le besoin d’en faire un récit écrit, enrichi de nombreuses photos d’archives, dont certaines inédites », explique-t-il.
« Rendez-vous chez les Niels», livre de quelque 200 pages, d’abord adressé aux clients fidèles avant d’être mis à la vente, n’est pas seulement destiné aux membres de la famille ou aux amateurs de gastronomie belge, c’est une œuvre de mémoire qui capture l’évolution de la société belge à travers le prisme de la famille Niels. Car la saga Niels n’est pas seulement une affaire de famille, elle raconte également une histoire qui a notamment traversé deux Expositions universelles à Bruxelles. Celle de 1935 où Joseph Niels exploita une luxueuse brasserie dans l’enceinte d’un pavillon national, et celle de 1958 où Albert et Georges Niels, sur demande du gouvernement argentin, dirigèrent le restaurant de leur pavillon. Les deux frères avaient repris en 1948 un restaurant à Buenos Aires nommé Claridge, nom que porte aujourd’hui la brasserie de Waterloo inaugurée en 2022 par Frédéric et son papa Albert-Jean. Lors de l’exposition d’Osaka au Japon en 1970, Albert Niels fit encore sensation avec un fritkot, l’art de promouvoir les véritables frites belges servies évidemment avec de la mayonnaise maison…
Certes, les temps ont changé mais…
Les temps ont changé, mais chez les Niels, la tradition perdure. « Autrefois, on découpait en salle le faisan ou le poisson sauvage, mais aujourd’hui, ce savoir-faire se perd par manque de personnel qualifié », déplore Frédéric. Cependant, une constante demeure : le fait maison. Des fameuses Oostendse grijze garnaalkroketten (en VO sur la carte) à l’incontournable vol-au-vent au poulet fermier, en passant par les frites, la béarnaise, les glaces, rien n’échappe à cette exigence de qualité.
Et demain ? Depuis 33 ans, Frédéric est un pilier de l’entreprise familiale, où il a fait ses premiers pas en tant qu’étudiant. Cela fait maintenant 23 ans qu’il en a pris les rênes à plein-temps, avec un enthousiasme qui ne faiblit pas. Aujourd’hui, il rêve de voir ses enfants perpétuer cette belle aventure. « J’ai trois enfants, et l’un d’eux est déjà en formation dans le secteur de l’horeca. Mais à 47 ans, je ne compte pas prendre ma retraite de sitôt », plaisante-t-il.
Chez les Niels, la transmission est une affaire de cœur, omniprésente dans leur travail, de la cuisine à la gestion des établissements. Depuis l’ouverture de leur premier restaurant en 1926, chaque nouvelle adresse est un événement attendu. « Lorsque nous inaugurons un nouveau lieu et que nous faisons 100 couverts dès le premier midi, cela montre que nous sommes une véritable institution », se félicite Frédéric. « Les clients qui nous remercient de faire vivre Bruxelles nous rappellent chaque jour pourquoi nous faisons ce métier. Hier encore, j’ai croisé Axelle Red au Vieux Saint Martin, on a discuté comme de vieux amis. Ce métier est l’occasion de faire des belles rencontres… »
Portée par un siècle de traditions, la famille Niels reste un nom incontournable de la gastronomie belge. Leur engagement envers la tradition et le fait maison, couplé à une réelle volonté de transmission, leur assure une place de choix sur la scène culinaire bruxelloise pour de nombreuses années à venir …
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