Hakim Benbouchta
L’art de divertir
Mots : Ariane Dufourny
Photos : DR
Après une brillante carrière dans la publicité, Hakim Benbouchta a réussi une reconversion remarquable en tant qu’auteur et scénariste. Son premier roman, Le Pseudo, a été un succès, adapté en téléfilm sous le titre Noël… et plus si affinités. En 2022, il a poursuivi avec Le Plus Beau Cadeau. Son prochain roman, Le Billet de Cinq, prévu pour le 16 janvier 2025, promet de confirmer son statut d’auteur incontournable dans l’univers du divertissement littéraire.
Le billet de cinq euros, un objet du quotidien, occupe une place centrale dans le récit. Pourquoi avez-vous choisi cet élément comme pivot de l’histoire ? Chaque fois que je tiens un billet dans la main, je me demande d’où il vient et quelle a pu être sa trajectoire. Fasciné par ce questionnement, j’ai imaginé le parcours d’un billet de cinq euros, passant de main en main, de personne en personne, entre des gens qui ne se connaissent pas. Pour structurer le récit, j’ai choisi de les rassembler dans un lieu unique : Paris. J’ai trouvé amusant de placer ces personnages au même endroit, reliés par cet objet anodin, qui porte pourtant en lui des histoires entrecroisées.
Votre roman explore des sujets variés et profonds : le handicap, les migrants, la transition culturelle, ou encore la solitude des seniors. Qu’est-ce qui vous touche ou vous émeut dans le fait de raconter ces histoires ? J’ai toujours éprouvé une tendresse particulière pour les personnes trisomiques, qui agissent sans calcul, qui sont d’une pureté inaltérée, incapables d’imaginer la méchanceté et la fausseté qui nous entourent. Leur fragilité m’émeut, car ils ne disposent pas de ce mécanisme de défense ni de cette capacité à percevoir le mal chez les autres. À mes yeux, ce sont des fleurs précieuses dans notre société actuelle.
Avec ma femme, j’ai aidé des migrants du Parc Maximilien en leur offrant un repas, une douche et un endroit pour dormir. Leurs histoires étaient dramatiques : maltraitance, exploitation, souffrances en Libye ou en Turquie. Malgré tout, ils faisaient preuve d’une grande gentillesse et de respect. Même si nous ne pouvions pas les héberger indéfiniment, chaque petit geste comptait. Ce n’est pas parce qu’on ne peut pas tout faire qu’on ne doit rien faire. Même un petit acte a son importance, et qui sait, peut-être qu’ensuite d’autres en accompliront à leur tour. Je ne sais pas ce qu’ils sont devenus, mais peut-être qu’au final, cela aboutira à une belle histoire.
Le poids de ma culture d’origine a toujours été présent, surtout à travers mon nom : Benbouchta. Cela m’a poussé, de manière consciente, à penser que c’était à moi de faire le premier pas vers les autres, car je me percevais comme « différent ». Je tiens toutefois à préciser que je n’ai jamais ressenti de rejet ou de discrimination. Dans les années 70-80, j’étais bien intégré avec mes amis. Mais malgré cela, j’avais toujours en tête que je n’étais pas tout à fait comme eux.
La solitude des seniors trouve un écho particulier en moi, car elle m’a été inspirée par ma mère, aujourd’hui âgée de 85 ans. Mes parents se sont séparés quand j’avais 13 ans. Mon père est parti vivre en Suisse, où il est décédé trois ans plus tard. Depuis leur séparation, ma mère n’a connu qu’une brève histoire avant de choisir de ne plus jamais se remettre en couple. C’était un sujet que nous abordions parfois. Elle me confiait que cela ne lui manquait pas, qu’elle était heureuse ainsi, entourée de ses animaux et de ses amis. L’important est de la savoir heureuse. Je continue cependant à me demander si elle aurait souhaité vivre autre chose.
Vos romans explorent des thèmes sociaux profonds avec une légèreté teintée de tendresse et d’humour. Êtes-vous, malgré les défis du monde, un éternel optimiste ? J’ai toujours pensé que, face à la vie, nous sommes responsables de notre propre état d’esprit. Je suis convaincu que le cerveau peut être « programmable ». En choisissant de focaliser son attention sur le positif, tout en restant conscient du reste, on peut parvenir à se sentir mieux.
Avez-vous envisagé une adaptation cinématographique pour Le Billet de Cinq, à l’image de vos précédents romans ? J’ai écrit un scénario basé sur la quatrième histoire du livre, qui explore le thème de la solitude des seniors : une grand-mère, éprise d’un amour platonique pour son voisin de palier, demande à sa petite-fille de lui servir de coach en séduction. Ce projet a été vendu à une société de production française, et nous sommes actuellement en phase d’ajustements pour en faire un long-métrage.
Avez-vous déjà des idées pour un prochain projet d’écriture ? Je viens tout juste de terminer mon quatrième roman qui me tient particulièrement à cœur. Il s’inspire d’un événement tragique : le suicide de mon meilleur ami Harold. L’histoire suit un homme de 55 ans, au bord du gouffre et prêt à en finir, qui retrouve peu à peu une raison de vivre grâce à l’intervention dévouée d’un ami. C’est une histoire de liens humains salvateurs et d’espoir là où tout semble perdu et rappelle qu’il ne faut jamais renoncer.
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