Geraldine Dohogne
« Il y a un lien profond entre humain et design »
Mots : Barbara Wesoly
Photos : DR
« J’aime donner une âme à un lieu », affirme-t-elle avec passion. Et de fait, Geraldine Dohogne enracine sa vision de l’architecture d’intérieur dans le ressenti autant que dans l’esthétique, concevant avec superbe et à travers le monde des espaces où il fait bon vivre. Parmi ceux-ci, le Landal Hillview Resort Grandvoir, situé à Neufchâteau, un complexe hôtelier novateur, dont la beauté s’écrit en harmonie avec la nature. Et dans la pleine lignée du crédo de la gantoise : Beyond design.
Près de 5 ans se sont écoulés depuis le lancement de votre studio, Geraldine Dohogne Design. Que vous a apporté cette envolée en solo, après plus d’une décennie passée au sein du prestigieux groupe Zannier Hotels ? J’avais pu entamer un chemin incroyable au sein de Zannier Hotels et concevoir de nombreux projets internationaux. Mais désormais s’ouvrent à moi d’autres horizons et de nouveaux challenges. C’est une aventure extraordinaire que je ne regrette pas une seconde d’avoir entreprise. Depuis 2020 et la création du studio, j’ai eu la chance de signer deux très belles réussites, l’une résidentielle, avec une maison aménagée au cœur de Londres et l’autre dans le domaine hôtelier, grâce au Landal Hillview Resort Grandvoir.
Vous expliquez débuter chacun de vos projets par une page blanche, qui s’inscrit au sein d’une histoire plus vaste. Quelle était celle du Hillview ? Les Ardennes belges et la volonté d’un panorama dévoilant la nature environnante, dans toutes ses saisons. L’emploi aussi de matériaux de provenance locale ainsi que des teintes chaudes, comme du terracotta et des nuances de vert, se mêlant au gris et au noir de la pierre. Je voulais enrichir la vision de la région de ceux qui viendraient y loger tout en leur donnant envie de la découvrir. On peut ainsi louer des vélos sur place et il y a de nombreux points d’observation et d’apprentissage sur les oiseaux, les animaux, la végétation, afin d’ancrer cette exploration.
Les liens humains sont-ils aussi au coeur de ce récit ? Tout à fait. L’hôtellerie implique de fait une grande part de lien aux autres. Réaliser le plus beau des projets n’a pas de sens s’il ne parle à personne. Que l’on conçoive un lieu de passage ou de vie, on souhaite susciter le désir d’y rester. L’essence de tout cela, c’est l’humain. Et c’est aussi le cas pour les collaborations liées à ce métier. Le Hillview était l’occasion de retrouver Geert de Paepe, propriétaire des lieux ainsi que du 1898 The Post à Gand, dont je m’étais également occupée. Nous partageons la même vision et sa confiance m’a permis de laisser totalement libre cours à mon imagination pour créer l’architecture intérieure du resort. C’était très précieux.
Vous qui aimez gérer la conception d’un lieu de A à Z, était-ce réalisable pour un imposant complexe de 84 lodges et 16 chambres, s’étendant sur 43 hectares ? La taille importe peu au final et une habitation se révèle parfois plus complexe qu’un hôtel. Je tiens à gérer l’ensemble d’un projet, car c’est ce qui permet de créer une réelle immersion. Dans le cas du Hillview, cela passait aussi par une expérience pensée pour faire le bonheur de chacun et où savourer du temps de qualité ensemble, avec des aires de jeux et des activités sportives. La possibilité de s’y ressourcer, mais aussi d’y travailler. Pourquoi ne pas s’installer avec son ordinateur ou lire, dans les fauteuils à bascule de la terrasse de son lodge, tandis que les enfants jouent à proximité, ou que l’un des convives regarde la télévision dans sa chambre.
Mêler luxe et lodge était-il un vrai défi ? Je vois le luxe avant tout comme un sentiment, tout comme l’élégance est un savoir-vivre. Une atmosphère que l’on induit par la matière, les textures et les tonalités, ainsi que par le plaisir de circuler entre les différents espaces. Mon objectif était de créer un concept mélangeant l’insolite et le haut de gamme. Un endroit qui amènerait à ressentir pleinement où l’on se trouve. Voyager n’amène pas forcément à être inscrit dans sa destination. A Hillview, cet ancrage se retrouve partout. Dans les pierres issues d’une carrière à proximité et le bois des tables basses provenant d’arbres du site. Par les meubles conçus au sein d’entreprises de travail adapté de la région et les antiquités chinées partout en Belgique.
Du Népal au Mexique en passant par Bali, vous enchaînez les projets internationaux. Où vous emmènent-ils actuellement ? Dans les montagnes de la région d’Upper Mustang au Népal. Je m’y occupe depuis 2 ans de la restauration d’un palais du 17e siècle situé à 3000 mètres d’altitude et transformé en hôtel d’exception de 16 chambres. Un énorme défi, par sa localisation et son climat, qui amène à ne pouvoir y travailler que six mois par an. Mais pour son propriétaire, c’est le projet d’une vie, puisque les fonds en seront reversés à la communauté locale. L’humain, toujours.
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