Et si on faisait le tour de son monde ?
Mots : Servane Calmant
Photo cover : Isabelle de Borchgrave
Rencontrer Isabelle de Borchgrave chez elle, dans sa propre maison qui se veut également atelier de création et galerie d’art, c’est se frotter d’emblée à son univers. Partout du papier plissé, des tableaux plissés, des pièces de bronze or et rose plissé – « le pli, ma signature ! » -, des luminaires et des tables en verre peintes aussi, car l’artiste plasticienne et globe-scruteuse bruxelloise n’en finit jamais de se réinventer. « Free Spirit », sa nouvelle expo, invitation à faire le tour de son monde, pour preuve.
D’un garage de 1.500 m2 à Ixelles, à deux pas de Flagey, les architectes anversois Claire Bataille et Paul Ibens ont fait table rase, dégagé un jardin et une maison qui servait à abriter des calèches, puis bâti un petit bijou à l’esprit loft lumineux, qu’Isabelle de Borchgrave, l’âme volontiers hospitalière, invite à découvrir sur rendez-vous. Découvrir bien plus qu’une maison où elle vit, qu’une galerie où l’art s’expose, qu’un atelier où de jeunes artisans bossent dans une ambiance décomplexée. Découvrir un univers, vivant, singulier et diversifié à la fois, à la hauteur des multiples inspirations d’une artiste insatiable.
Parlons inspirations
En 1994, Isabelle de Borchgrave visite une rétrospective consacrée à Yves Saint-Laurent à New York, elle en sort littéralement bouleversifiée, galvanisée par une idée incroyablement originale qui va lui permettre de séduire le monde entier : concevoir des costumes de papier. Et de manière complètement artisanale qui plus est, à partir d’un papier blanc qu’elle dessine, peint, chiffonne, jette, repeint, redessine, rechiffonne si besoin, jusqu’à totale satisfaction.
De cette passion hors du commun naîtront quatre/cinq collections de 350 robes quand même, dont la collection Les Ballets Russes que l’artiste a présentée au Théâtre de la Monnaie, à Bruxelles, en 2010, et qu’elle a l’intention d’étoffer, de terminer, tout prochainement, avec son équipe d’une petite dizaine de passionnés. « L’important, c’est de continuer à surprendre. » Surprendre, elle l’a fait, avec le plissé, la « de Borchgrave Touch », sa marque de fabrique, « j’ai passé des années à faire des recherches sur le Vénitien Mariano Fortuny, mon père spirituel (le roi du plissé – nda) ; si vous avez toute la journée à me consacrer, je vous en parle ! »
Isabelle de Borchgrave qui aime aussi interpréter des couleurs vives et intenses, « cet univers chatoyant, je l’ai puisé à la source de mes nombreux voyages, Cuba, le Mexique, l’Egypte aussi où je m’impatiente de retourner. Vous savez, je ne voyage jamais sans mon kit de peinture. Je peins partout et tout le temps (et elle nous montre ses doigts maculés de peinture). Vous souhaitez voir mes carnets de voyage ? J’en ai des centaines ! » Des carnets d’une globe-scruteuse où chaque image vaut mille mots et raconte un tableau. Y’a plus qu’à … Isabelle de Borchgrave s’enthousiasme, « ce carnet de voyage en Thaïlande, je l’avais (presque) oublié » et elle dépose un passe-partout sur une page du carnet, « le tableau, vous le voyez ? ». Mieux, il nous fait déjà voyager.
Son actu
Dans son atelier, Isabelle de Borchgrave n’arrête jamais de se ressourcer, pour mieux créer. A l’image de l’expo « Free Spirit » (du 20 avril au 20 juin) où l’artiste plasticienne s’inspire de son propre univers, de sa propre galerie, pour imaginer des objets qui permettent de s’en évader. En pleine crise sanitaire, il faut y voir une invitation à découvrir « son tour du monde », soit des tableaux plissés, des pièces de bronze plissé, mais aussi pas mal de nouveautés, comme ces tables en verre peintes à l’envers qui ont nécessité quarante couches de couleurs et quarante nuits pour que chaque couleur sèche. «Je déteste dîner à une table où je vois mes pieds », confie-t-elle avec cette tranchante ironie dont elle se départit rarement. Là encore, des lustres de plumes et des paravents japonais anciens, objets de fantasmes qui délimitent un territoire intime qui recèle bien des secrets…
Dans l’atelier d’Isabelle de Borchgrave, il y a demain aussi, qui se prépare déjà aujourd’hui. Ainsi cette boite à bijoux qui recourt au collage et au pop-up, ces robes chatoyantes en papier coloré, ces « Catrina », figures emblématiques de la fête des Morts au Mexique, … La vision-recréation de l’univers mexicain de Frida Kahlo par Isabelle de Borchgrave aux Musées Royaux des Beaux-Arts de Bruxelles, ce sera l’événement de novembre 2022.
Free Spirit
Exposition du 20 avril au 20 juin 2021
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