Entropy
L’âme de la table
Mots : Barbara Wesoly
Photos : DR
Du désordre d’aujourd’hui peut naître l’équilibre de demain. La définition de l’Entropy d’Elliott Van de Velde et Adeline Barras est celle d’un retour à la simplicité et à l’humain. Non seulement par une gastronomie qui sublime le végétal avec un inégalable talent, mais aussi par une approche solidaire, sensible et durable.
Jeune Chef de l’Année de Bruxelles. Ce 4 novembre 2024, Elliott Van de Velde remporta ce titre, décerné par le renommé guide Gault & Millau. Une récompense prestigieuse célébrant son travail gastronomique au sein d’Entropy, fondé deux ans et demi plus tôt. Et d’autant plus exceptionnelle qu’Entropy n’est pas un restaurant. Et qu’Elliott Van de Velde n’est pas un chef. Du moins, pas au sens classique du terme.
Nourrir les émotions en même temps que le corps. Alimenter la réflexion par les sens et les saveurs. Entropy est le projet d’une vie, de deux même, puisqu’il a été imaginé en couple, par Elliott Van de Velde et Adeline Barras, au croisement de la démarche engagée, de l’émerveillement du goût et de l’expérience holistique. Un concept loin des sentiers battus culinaires, impossible à nommer et donc d’autant plus essentiel à découvrir. Rendez-vous est pris, par une journée dont l’atmosphère ensoleillée irradie sur la place Saint-Géry et jusqu’à la porte d’un ancien relais de poste du XVIIIe siècle. Derrière celle-ci, le beau, façonné dans ses moindres détails. Un bar artisanal en bois clair qui s’impose en impressionnante pièce centrale et dont chaque élément se fait le rappel, jusqu’au morceau de branche sur lequel reposent les couverts. Les sculptures captivantes de Mathilde Wittock, qui, de balles de tennis a fait des patchworks colorés. Tandis que sur les murs l’on découvre ses mosaïques de racines, un bel exemple de bio design et biomimétisme qui allie fonctionnalité acoustique et esthétisme. Une multitude de livres sur des étagères parlent de végétaux, de botanique et de cuisine et des fleurs séchées gravitent au plafond et sur les tables. Un décor qui sème les graines essentielles de cette balade singulière qu’est Entropy, comme l’explique Elliott Van de Velde : « Sans invitation, il n’y a pas de moment. Sans accueil et convivialité, la cuisine, même sublime, perd son sens. Ce qui me fascine c’est d’assister à cette découverte des légumes par une forme globale de naturalité par les yeux de ceux que nous recevons. Leur expression qui se transforme par l’effet de surprise, par les associations méconnues des plats, par la sensibilité à notre univers qui grandit. C’est ce partage, cette transmission, qui est mon moteur. »
Cultiver le goût et l’authenticité
Sa passion, Elliott Van de Velde l’a rencontrée par hasard pour ne plus jamais la quitter, alors qu’il travaillait en salle dans un restaurant libanais. De ce coup de foudre est née une approche d’explorateur culinaire, de créatif autodidacte, qui imagine à contre-courant. Partant des combinaisons les plus subtiles pour révéler la pureté des ingrédients et des éléments souvent délaissés comme les fanes, les racines ou les feuilles pour atteindre la quintessence des saveurs. « Avoir appris la cuisine par moi-même, en testant et en pratiquant, a laissé toute la place à l’instinct. A un fonctionnement intuitif, qui pousse à se réinventer. Je réalise beaucoup de juxtapositions, de cuissons lentes, de macérations. Il y a les recettes et puis il y a l’alchimie qui apparaît d’elle-même, parfois par une infime modification de cuisson, de découpe, de quantité et qui permet la réinterprétation d’un aliment d’un millier de façons. C’est ce qui amène un menu, tout en conservant son essence, à n’être jamais figé ». Une carte végétale pensée comme un voyage où l’on choisit de réaliser quatre, cinq ou huit arrêts, et qui n’en finit pas d’émerveiller. D’un préambule de Navets, Radis noir et Daikon en duo cuit et cru, Ecume de Koji au Yuzu, Jus d’herbe et huile de marjolaine, Beignet d’herbes en tempura, Cuillère de saké à l’aspérule. A l’escale sucrée d’une Courge en macération dans du vin de Fleur d’o-
ranger, grillée à la flamme au kozo d’agrumes, Pumpkin cake, Glace aux graines de courge, Crémeux de curcuma et jus d’argousier et de courge.
Une gastronomie d’exception, que l’on ne peut goûter pleinement sans s’imprégner en même temps de sa vision humaniste. « Notre vocation est d’être un lieu nourricier, dans tous les sens du terme. Non seulement par le plaisir et la gourmandise, mais aussi par une éducation au vivant, à la durabilité et à l’écologie au moyen de notre association Hearth Project » explique Elliott Van de Velde. « Un principe d’écosystème équitable et circulaire, à véritable impact social, non seulement grâce à un jardin urbain, des cours et des ateliers, mais aussi par la redistribution de cinquante à cent repas par semaine à des personnes en situation de précarité. Des actions portées par Entropy, grâce à ses bénéfices financiers, mais aussi par sa créativité et sa philosophie. Celle d’une expérience inoubliable, qui continuera d’inspirer bien après avoir quitté la table. »

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