Dominique Eeman
Créatif par nature
Mots : Barbara Wesoly
Photos : Stefano Arcari
Dominique Eeman travaille le vivant comme une sculpture, y apposant ses lignes et sa signature tout en en embrassant la matière. Dans ses jardins suspendus, maritimes ou avant-gardistes, il cultive avec ingéniosité et beauté sa passion de l’organique. Portrait d’un botaniste dans l’âme qui s’accomplit hors des sentiers battus.
Vous définissez vos réalisations comme une quête de symbiose entre habitation et jardin. Comment parvenir à celle-ci selon vous ? En comprenant pleinement le lieu et les éléments qui le composent : son architecture, les bâtiments présents, ainsi que la nature environnante. Mon premier acte est de parcourir les environs pour découvrir les végétaux qui y poussent, la typologie et les spécificités du sol. Œuvrer avec de la matière organique demande de s’adapter à elle et d’accepter de suivre son rythme et ses impératifs. Il est également crucial de connaître ceux qui vont habiter ce lieu. Un jardin doit être comme le prolongement d’un lieu de vie, un espace où l’on mange, savoure et reçoit des amis, où l’on doit se sentir bien. Les plus beaux projets sont ceux en adéquation avec leur propriétaire et ses souhaits. Il faut que cette volonté intérieure infuse vers l’extérieur, créant une véritable symbiose, une unité.
Au-delà de ces premiers critères, abordez-vous chaque lieu comme une étendue vierge prête à être remodelée ? Pas totalement vierge, non, mais résolument nouvelle. Je jette d’ailleurs toujours la première esquisse d’un jardin, car elle sera forcément la plus évidente. Je m’impose d’imaginer plus loin, de concevoir au-delà. Souvent, il s’agit également d’un mariage d’impulsions, surtout lors de missions pour des connaisseurs ou à partir de demandes très spécifiques. Par exemple, pour un projet mené en parallèle avec les architectes Paul Robbrecht et Bruno Moinard, ils avaient conçu une maison blanche monochrome et le jardin devait rehausser l’ensemble d’une touche colorée. Je devais perpétuer leur vision tout en y apposant la mienne.
Enfant, votre fascination pour la nature, vous est venue de la mer du Nord, à proximité de laquelle vous viviez une grande partie de l’année. Comment l’eau vous a-t-elle menée à l’architecture paysagiste ? J’ai toujours ressenti une proximité, un lien avec la nature. Nous habitions à la côte et voyagions beaucoup. J’ai commencé très tôt à dessiner et je rêvais d’un métier qui me permettrait de voir le monde. Ces trois passions m’ont conduit à cette voie. Lors de mes études, j’ai dû réaliser un stage à l’étranger. J’ai choisi le Midi de la France et j’ai été fasciné par la végétation méditerranéenne. Cela a directement éveillé en moi l’envie de me spécialiser dans les jardins côtiers, qui représentent aujourd’hui 90 % de mon travail.
Jardin sur les toits, de sculptures et même jardin maritime : vous osez l’inattendu et le tout terrain. Mais quel type de jardin a votre préférence personnelle ? Je peux me sentir aussi bien dans un endroit sauvage que dans un cadre très travaillé aux formes sculpturales. Mon propre jardin est plutôt singulier. J’habite en plein polder, à côté d’une réserve naturelle. C’est un grand terrain que je fais évoluer progressivement tout en respectant son origine agricole, ainsi que le réchauffement climatique et les changements qui l’accompagnent. Cela nous oblige à évoluer en conscience et à accepter une part d’aléatoire.
Qu’est-ce qui, après plus de 30 ans d’activité, vous fait toujours vibrer dans votre métier ? La création me porte toujours. Je continue d’esquisser mes plans sur papier, au crayon. C’est une des phases les plus enrichissantes d’un projet à mes yeux. La seconde est l’aménagement réel, lorsque les plantes arrivent sur place. Je tiens à les disposer moi-même. Dans la majorité des jardins que j’ai conçus, j’ai tenu en main chaque plante vivace ou d’ornement. J’ai besoin de ressentir l’atmosphère qui se dégage de l’endroit et de recomposer mon puzzle sans plus tenir compte des configurations prévues. Les végétaux ne sont pas des meubles aux proportions exactes. Chacun est différent, unique, et évolue singulièrement, ce qui fait leur magie. Cette réinvention constante est ce qui rend la sculpture du vivant si fascinante.
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