CHARLES
La double identité
Mots : Jason Vanherrewegge
Photos : DR
Après le succès de son premier album « Until we meet again », l’auteure-compositrice-interprète Charlotte Foret, plus connue sous le pseudonyme CHARLES, bouscule ses propres codes avec un double EP intitulé « Sabotage » qui a pour particularité de contenir des morceaux entièrement déclinés en anglais et en français. Une œuvre introspective et percutante, toujours aussi ancrée dans l’univers dark pop, pour une artiste davantage éveillée sur la réalité de son monde.
Vous vous êtes longtemps refusée à chanter en français. Aujourd’hui, à 24 ans et après cinq ans dans le métier, la langue de Molière représente une nouvelle arme pour vous exprimer. Pourquoi avoir changé votre fusil d’épaule à ce moment-ci de votre carrière pour votre troisième projet ? J’étais jusqu’à présent matrixée par la musique anglaise. J’ai d’abord été forgée par les pop stars américaines et anglaises avant de dévier vers le rock. Mais en étant dans le milieu de la musique en Wallonie et en bossant avec des artistes qui chantent en français, je me suis rendu compte qu’il y avait plein de choses hyper cool. À côté de ça, mon label m’a orienté vers le français et j’ai accepté de tester sans pour autant forcer les choses.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées dans l’élaboration de ces titres ? Au début, j’avais du mal à me mettre dedans. Je n’avais jamais écrit en français. Parler et écrire un texte en français, ça n’a rien à voir. Il faut trouver les mots sans être trop « cucul » et sans être trop métaphorique. Il fallait que je trouve mon identité. Je n’ai pas tout fait toute seule car c’est difficile d’arriver et de s’improviser poète.
La langue de Shakespeare, elle, vous est plus familière depuis vos débuts dans la chanson. La grande majorité des titres a d’ailleurs tout d’abord été pensée en anglais. Effectivement, j’avais aussi envie de garder l’anglais car je suis amoureuse de cette langue. C’est ma culture et je n’avais pas envie de mettre ça sur le côté. J’ai donc proposé deux versions de chaque chanson. Toutes les chansons sont d’abord sorties en anglais sauf « le marbre ». C’est la seule chanson que j’ai écrite en même temps dans les deux langues.
Après l’exploration de thématiques fortes comme les violences conjugales ou la boulimie dans vos premières œuvres, vous abordez cette fois-ci les abus psychologiques (sur « Inner Peace »/ « silence ») ou encore l’addiction à la drogue (sur « Marble »/ « le marbre »). L’utilisation de votre langue maternelle ne semble pas avoir d’emprise sur votre volonté de faire preuve de sincérité. Certains artistes chantent en anglais par pudeur. Cela n’a jamais été mon cas. En français, c’est la même chose et c’est même encore plus poignant. Je n’ai pas peur de poser des mots crus et très imagés. Après, c’est vrai que tout le monde comprend désormais ce que je dis. Je parle de trucs un peu trash parfois mais je ne m’en cache pas. Je partage avant tout mon histoire. Mes chansons, c’est mon journal intime.
Le titre de l’EP “Sabotage” est un mot compréhensible aussi bien pour les francophones que pour les anglophones. Selon la définition du dictionnaire, cela se traduit par le fait de détériorer volontairement et clandestinement quelque chose. Expliquez-nous le processus de réflexion derrière le choix de ce terme. Chaque chanson est l’évolution de la période du Covid et de sa sortie. « Insecure », par exemple, je l’ai écrit quand j’avais 19 ans. J’étais vraiment dans ma bulle. Je m’autosabotais à ce moment-là. J’avais beaucoup de troubles du comportement alimentaire, je faisais des crises d’angoisse… Le déconfinement a lui été une période des excès et des extrêmes. Je me suis détruit un peu la santé en me mettant dans de gros états de fatigue. « Silence », elle, parle de quelqu’un qui me sabote dans le sens où j’étais dans une relation toxique. Chaque track a ainsi ce truc d’autosabotage et de sabotage extérieur.
Le double EP parle en dernier lieu de la quête de soi à travers « Mon ombre » (« Insecure ») donc et « Le mal en personne » (« Bad Person »). Il y a trois facettes dans ma personnalité musicale. Il y a la CHARLES qui adore faire des ballades, celle qui adore faire de la grosse pop électro et celle qui adore faire du rock. J’essaye de regrouper à chaque fois ces trois personnalités dans mes projets. Dans cet EP, je suis plus dans une vibe badass électro et sur une vibe ballade. Plus que rock car je l’avais déjà explorée. « Mon ombre », c’est l’une des toutes premières chansons que j’ai écrites dans ma vie. J’étais à mon pic de vulnérabilité. Je ne savais pas où j’allais être dans les années futures. Dans ce titre, j’ai choisi de personnifier mon anxiété. Pour « Le mal en personne », j’avais envie de terminer avec une touche de légèreté à l’accent pop country. J’y évoque des petites conneries qu’on a tous faites, ou presque, et qui me font me demander si je suis une bonne personne. J’ai trop peur de la crise de la quarantaine et je ne sais pas pourquoi.

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