Cet élégant twist de modernité
Cet élégant twist de modernité
Mots : Servane Calmant
Photos : La taverne du passage
On croyait la Taverne du Passage à terre, elle s’est relevée, opérant avec élégance le virage vers la modernité. Désormais à la barre de la fringante institution des Galeries Royales Saint-Hubert, Raphaël Nataf, un entrepreneur trentenaire, et Antoine Mariscal, un chef de 25 ans, insufflent un vent nouveau à l’emblématique brasserie de la capitale. Sans la dénaturer. Et sans décoiffer les habitués venus y déguster l’incontournable américain frites.
La Taverne du Passage n’avait-elle point fait aveu de faillite en mai 2021 ? Si si ! Mais Raphaël Nataf, un entrepreneur trentenaire, a décidé fin 2021 de redonner ses lettres de noblesse à la belle institution, ajoutant un nouveau chapitre à une histoire abruptement refermée. C’est que depuis 1928, la Taverne du Passage fait partie intégrante du patrimoine de notre capitale… Dès les années 30, sous la direction de Jean Craps d’abord, de Léon De Mol ensuite, elle était même devenue The Place to Eat, où les bourgeois prenaient plaisir à déguster des plats bien de chez nous, les croquettes de crevettes, les petits-gris de Namur ou encore les rognons de veau à la liégeoise… Peu à peu, il est vrai, la Taverne du Passage avait perdu son lustre d’antan, sans pour autant courber l’échine face aux travaux du boulevard du centre-ville et du piétonnier, c’est dire sa niaque. Jusqu’au jour où la crise sanitaire, le confinement, une longue fermeture… Et patatras !
Du sang neuf à la barre
Déjà propriétaire de plusieurs établissements (La Chaloupe d’Or, notamment) dans le centre historique de Bruxelles, Raphaël Nataf a le sourire aux lèvres en nous faisant découvrir une taverne littéralement dépoussiérée. « Les deux salles du bas ont été complètement démontées, reconstruites quasi à l’identique, mais avec une identité plus contemporaine… » De fait, le bâtiment classé monument historique accueille toujours le fabuleux décor imaginé en 1928 par les architectes-décorateurs Léon Govaerts et Alexis Van Vaerenbergh. « Géraldine Vincent, notre architecte d’intérieur, a respecté l’esprit des années 30, tout en lui conférant un petit twist de modernité qui fait la différence… ». D’hier, elle a notamment conservé la rangée de tables et de chaises en bois qui occupe le centre de la salle, mais en ajoutant à la scène (on se croirait dans Gatsby le Magnifique) de nouveaux luminaires et de nouvelles banquettes aux motifs géométriques sur fond de velours doré. D’inspiration Art déco ? Aucun doute. Au plafond, une suspension d’origamis inspirés des mêmes motifs, porte la signature reconnaissable du designer belge Charles Kaisin. Le doré et l’élégance comme fils conducteurs, bien vu !
Pour Raphaël Nataf, il s’agissait de « faire vivre le restaurant comme auparavant, en toute convivialité. Que ce soit au niveau du décor ou de la carte… » La cuisine, c’est la chasse gardée d’Antoine Mariscal. Le jeune chef, formé auprès de Stefan Jacobs, période « Marie » et « Hors-Champs » des débuts, s’est lancé dans cette nouvelle aventure pour laisser libre cours à sa créativité, sans jamais perdre de vue la base : des plats belges typiques, la modernité et l’identité du chef en sus, évidemment. Ainsi ces croquettes aux crevettes grises et… gruyère, ce généreux vol-au-vent au coucou de Malines et ris de veau, ce pain perdu délicieusement régressif ou encore cette mousse tiède au chocolat qui suscite à elle seule un bel enthousiasme. Et aussi des luiguine au homard, car « je me sentais à l’étroit dans une carte belgo-belge », précise encore le chef, avant de nous avouer que « soignés aux petits oignons par un nouveau personnel de salle, les habitués sont déjà de retour ! » Existe-t-il plus bel encouragement ?
5 questions au chef Antoine Mariscal
Quel est votre parcours ? « Après des études au CERIA, j’ai travaillé chez Bruneau, puis Chez Marie à Flagey avec Stefan Jacobs. Nous n’étions que deux en cuisine. Par la force des choses, j’ai beaucoup appris et vite ! (rire). J’ai d’ailleurs suivi Stefan quand il a lancé Hors-Champs à Gembloux. Ensuite, en plein Covid, je suis retourné sur mes terres à Dour, au Funambule, avant que Raphaël Nataf, qui venait d’acquérir la Taverne du Passage, ne pense à moi pour relever le défi d’apporter une touche de modernité à la carte. A 25 ans, j’ai dit oui ! »
Quels sont les plats les plus souvent commandés par les clients de la Taverne du Passage ? « Les croquettes de crevettes, le vol-au-vent, l’Américain, le pain perdu et la mousse tiède chocolat. Je vous l’accorde, les plats belges ont la cote, mais je souhaite me démarquer de la carte belgo-belge propre aux brasseries du centre-ville bruxellois, que je trouve trop restreinte en offrant aux clients un choix plus vaste, une fricassée de homard ou des luiguine, notamment. »
Pourquoi avoir ajouté du gruyère aux croquettes aux crevettes ? « Pour obtenir une farce plus onctueuse, avec la matière. C’est ma touche personnelle et les retours sont élogieux. »
Quel est le plat de votre enfance que l’on pourrait un jour retrouver à la carte de la Taverne du Passage ? « La saucisse purée compote ! Revisitée, évidemment. »
Un défi prochain ? « Faire évoluer la carte. Nous avons rouvert en décembre 2021 et on a vite été débordé. Je vais prendre le temps de me poser, pour établir des suggestions en plus de la carte… J’ai des clients qui viennent à la Taverne du Passage depuis 40 ans et qui aiment les classiques. En quelques mois, on s’est également constitué une nouvelle clientèle qui réclame des incontournables certes, mais aussi des nouveautés … Il faut savoir satisfaire tout le monde ! »
Pourquoi on aime le Food Market de la Gare Maritime
Pourquoi on aime le Food Market de la Gare Maritime
Mots : Servane Calmant
Photo : DR
Transformer une ancienne gare maritime en hotspot gourmand au cœur de Bruxelles, fallait oser! C’est désormais fait. Établi sur le site restauré de Tour & Taxis, le Food Market n’offre pas moins de 10 comptoirs à manger différents, à la hauteur de la diversité de la cuisine belge.
Il y a d’abord le lieu ! Incroyable. Prestigieux. La Gare Maritime, c’est l’ancienne gare de marchandises de Tour & Taxis. Construite en 1907 le long du canal de Bruxelles, sous la forme d’une énorme halle à la structure métallique, elle a été la plus grande gare de fret d’Europe. C’était il y a longtemps. Abandonnée dans les années 90, elle a encore fait quelques heureux, puisqu’elle a abrité jusqu’en 2016, les Rues du Bien Manger du festival Couleur Café …
La halle de la Gare Maritime a toujours séduit les amoureux de l’ère industrielle, mais un lifting était plus que nécessaire. Il s’est fait attendre, comme souvent en Belgique. Jusqu’au jour où Extensa, promoteur immobilier belge, décide de réinterpréter tous les bâtiments historiques du site de Tour & Taxis, en respectant leur héritage architectural…
Le réaménagement du bâtiment de la Gare Maritime débute en 2016, dure 4 ans, et le résultat est bluffant. On applaudit en effet la « réalisation remarquable de conservation, de mise en valeur et d’adaptation à de nouveaux usages du patrimoine culturel bruxellois », dixit la Commission européenne qui lui a d’ailleurs attribué le prix Europa Nostra. Une restauration encore récompensée au Mipim, le Marché international des professionnels de l’immobilier. Cocorico. Oui à la durabilité du projet et aux espaces qui privilégient le bois, faisant de cet endroit « le plus grand projet européen de construction en bois». Carrément.
Il y a ensuite l’horeca. Transformée en ville ou tout au moins en rue couverte, la Gare Maritime accueille désormais des espaces de travail, des commerces, des bureaux, des événements. Et de l’horeca. La plus grande halle gourmande d’Europe n’abrite en effet pas moins de 10 comptoirs à manger, pour autant de concepts culinaires différents. Le concept de Food Market, géré par le géant brassicole AB InBev, est ambitieux. Tant mieux.
Honneur aux frites (parmi les meilleures jamais mangées, on vous le dit !) avec le 140 ! animé par Malory Gabsi & Adrien Cachot qui présentent la pomme de terre sous toutes ses facettes ! X Green, de Xavier Peelicer, se veut le paradis des amateurs de cuisine vegan ; Cereal Killer, de Giovanni Bruno (Senzanome*), modernise les grands classiques de la gastronomie italienne ; Bart, de Bart de Pooter (Pastorale**), invite à un repas autour du poulet grillé, du vol-au-vent ou des tomates crevettes, du 100% Belgian Culinary Art ; Bouillon, du chef doublement étoilé Sang Hoon Degeimbre, séduit avec un comfort food qui tient chaud … On a même invité au Food Market, un chef triplement étoilé : Mauro Colagreco, qui a lancé Carne, une chaine de restos spécialisés dans le burger avec un certificat B-Corp, B pour Bénéfique d’un point de vue environnemental notamment. Le bœuf de Carne provient à 100% de pâturages belges. Du circuit court, quoi. Et, franchement, ils sont fameux !
Evidemment, ces grands chefs ne sont pas présents derrière leurs comptoirs – faut pas rêver ! – mais ces 10 concepts conçus en collaboration avec eux, tiennent toutes leurs promesses, d’autant que cette grande halle gourmande à l’ambiance décomplexée, se veut également festive avec des rendez-vous musicaux éclectiques, jazz, pop, rock. Bref, The Place to Be.
Escapade à deux dans la Grande Forêt d'Anlier
Escapade à deux dans la Grande Forêt d'Anlier
Mots : Mots : Stéphane Zwick, Ariane Dufourny
Photos : Morgane Ball
Envie de vous évader, de déconnecter du quotidien ? Loin du tourisme de masse, la Grande Forêt d’Anlier au coeur de notre Ardennes belge a tout pour séduire ! Direction le Château de Grandvoir pour découvrir la gastronomie de terroir du chef Tristan Martin, la mico-brasserie qui produit la bière « Le Vaurien » et les romantiques balades forestières. Pour un dépaysement total au cœur de l’hiver.
La Mini en mode « sport » sur les ruelles de Neufchâteau, en province du Luxembourg, nous chantons à tue-tête « Toutes les machines ont un cœur, t’entends? Toutes les machines ont un cœur dedans. Qui bat, qui bat, qui bat. Et le monde est fragile » de Maëlle. Il est temps pour nous de ralentir, de nous mettre en mode slow.
A pied, à vélo, Neufchâteau et sa région sont propices à la détente. Le temps semble s’être arrêté, à l’instar du « Café de la jeunesse » qui n’ouvre que le dimanche – et encore ! Place à la nature, la forêt, les rivières, le lac, le patrimoine architectural, les villages paisibles dont Grandvoir qui peut s’enorgueillir d’abriter une propriété hors du commun : Château de Grandvoir, un château-ferme en moellons de grès schisteux qui date de 1642, l’inscription sur la cheminée de l’ancienne bibliothèque l’atteste.
Le lieu, dénommé au XVIIe siècle « Maison de Grandvoir », fut au temps des Romains désigné comme « La grande villa sur la Voir » qui serait à l’origine du nom « Grandvoir ». Au Moyen Age, il aurait été un vieux logis de Respelt avec un pont-levis. La rénovation du portail en 1790 s’affiche sur le linteau calcaire à larmier. En 2012, les lieux retrouvent leurs lettres de nos noblesses sous l’impulsion des nouveaux propriétaires, les Bruxellois Geoffroy et Barbara Dewitte.
Sur le chemin de la réception, nous sommes bercés par les deux rangées d’arbres majestueux qui longent le parc où réside « Max » le cerf, fierté du Château, ses cinq biches et un jeune cerf. Nous sommes littéralement immergés dans l’univers des châtelains d’antan. L’aménagement intérieur est magnifiquement restauré dans le respect de l’époque avec des portes d’origine en bois sculpté, du plancher brut alternant avec des pavements en échiquier et carrelage sombre selon les pièces qui se succèdent. Une ambiance chaleureuse et majestueuse où habite l’âme de la chasse et le patrimoine du Château à l’image du prie-Dieu.
Outre ses huit chambres dont une suite familiale, le massif Château de Grandvoir entouré de frondaisons, abrite depuis 2014 une micro-brasserie. Sa bière « Le Vaurien », à haute fermentation, rend hommage par son sobriquet aux habitants de Grandvoir et Petitvoir : les Grandvauriens et les Petitvauriens !
Nous rejoignons notre chambre nommée « Joséphine » lovée dans l’aile gauche du premier étage. Le charme est au rendez-vous ! Cheminée d’un autre temps, secrétaire original, parquet en bois brut, salle de bain baignée de lumière et dotée de produits Caudalie. La grande fenêtre habillée d’épais rideaux gris taupe laisse place à une banquette permettant de nous perdre dans les perspectives dessinées par le parc du domaine.
L’après-midi nous invite à profiter du soleil de saison. Une balade s’impose ! Chaudement vêtus, nous gagnons le lac de Neufchâteau, la beauté des reflets des arbres drapés de leurs robes hivernales sur l’eau calme du lac est enivrante d’apaisement – pour peu, on se croirait au Canada !
De retour à Grandvoir, Barbara Dewitte, la maîtresse du Château, nous invite à passer au salon pour l’apéritif (nous vous recommandons le cocktail maison à base de vin blanc infusé de verveine agrémenté de mousse de citron et d’une pointe de péket), avant de rejoindre la salle de restaurant pour y déguster le menu du Chef.
Installés à côté d’une belle cheminée ouverte, nous dégustons le menu du château concocté par le chef Tristan Martin, inspiré par son terroir, et accompagné d’un parfait accord mets/vins. Un véritable voyage gustatif décliné en six plats délicatement imagés à l’instar des maquereaux en deux préparations, des noix de Saint-Jacques rôties au jambon d’Ardenne, du foie gras poêlé-potimarron et noisettes, du chevreuil provenant de leur chasse, du fromage des fermes avoisinantes, pour terminer par un coup de grâce avec un crémeux de chocolat grand cru, malt et whisky.
Et bonne nouvelle pour les fans de Tristan Martin, il sera le représentant belge au Concours Taittinger – Prix International de Cuisine d’Auteur – en janvier 2022. Le jeune chef (fils du regretté Éric Martin, Chef de la Maison Lemonnier à Lavaux-Sainte-Anne) est parvenu à se singulariser en travaillant les produits locaux qui lui sont chers et en présentant, d’après le jury, « une recette maitrisée et prometteuse ».
On n’a pas tous les jours 100 ans !
On n’a pas tous les jours 100 ans !
Mots : Servane Calmant
Photos : Luc Viatour
C’est en 1921, à deux pas de la Grand-Place, qu’ouvrait le restaurant Aux Armes de Bruxelles… Un siècle ! Franchement, quelles maisons de bouche peuvent encore se prévaloir aujourd’hui d’une telle longévité ? Car en cent ans, il peut s’en passer des choses ! Des bonnes : une étoile Michelin décrochée en 54. Des moins bonnes : une faillite et une fermeture à la clé. Jusqu’en 2018, quand la famille Vanlancker rachète, rénove et fait à nouveau blinquer la vieille dame, engageant Cédric Callenaere pour assurer la pérennité du patrimoine culinaire belge. Il y a peu, on a testé l’institution, et on est sortie de table comblée, en accordant une mention TB aux croquettes crevettes, au lapin à la brabançonne et à une gourmande crème brulée au cuberdon …
Pour paraphraser le grand Jacques Brel, un habitué des lieux, « c’était au temps où Bruxelles mangeait… » Un siècle plus tard, c’est dans la salle de la rotonde (de loin la plus belle) à la table 225, oui oui celle de Brel, que nous nous installons. D’ici, on ne perd pas une miette du spectacle des vestes blanches à épaulettes dorées, le dress code des serveurs et serveuses qui accentue avec bonheur ce véritable voyage dans le temps. La Belgique de papa, quel chic ! Vitraux anciens, lambris de chêne massif, tableaux de chasse, portraits de la famille royale belge, nappage immaculé, assiettes et verres gravés au nom du restaurant. Le décor bourgeois qui a fait la réputation des Armes de Bruxelles – à l’époque où l’on y croisait des stars et de nombreux hommes politiques et du monde des affaires – reste fastueux. Le mérite en revient à la famille Vanlancker (propriétaire de Léon) qui a racheté, rénové et fait blinquer la vieille dame avant d’en relancer les rouages. Double mérite même, puisque pour redorer la gloire de cette institution gastronomique, les Vanlancker ont privilégié une rénovation à l’identique. Qu’ils en soient vivement remerciés !
C’est donc dans un cadre cossu mais jamais guidé – l’humeur aux Armes de Bruxelles est plutôt joyeuse -, que l’on a dégusté de grands classiques belgo-bruxellois : croquettes-crevettes (généreuses à souhait), croquettes de volaille sauce Madère (véritables madeleines de Proust), lapin à la brabançonne (pour la fondue de chicons, on craque), frites maison à la graisse de bœuf (on n’en a pas laissé une seule dans l’assiette) et une crème brûlée au cuberdon (que c’est bon !). Autant de plats signatures exécutés avec grand soin qui confirment qu’Aux Armes de Bruxelles reste un digne ambassadeur des traditions culinaires bien de chez nous.
Par ailleurs, dans le cadre de son centenaire, la maison a décidé d’inviter gracieusement tous les centenaires de la Région bruxelloise, avec leur famille, et ce jusqu’au 31 décembre 2021. Un geste aussi symbolique que sympathique à l’égard de ceux qui sont nés la même année que le restaurant et qui ne sont pas moins de… 270 !
5 questions à Cédric Callenaere
Quel est votre parcours ? J’ai été chef de La Roue d’Or, sur la Grand-Place de Bruxelles pendant 13 ans. Quand le groupe français des brasseries Flo a racheté Aux Armes de Bruxelles aux Veulemans, Laurent, le fils de Jacques, a ouvert La Brasserie de Bruxelles (fermée depuis – nda). J’y ai passé 6 ans et j’ai appris là toutes les recettes indémodables mises au point par la famille. Et quand, en 2018, Rudy Vanlancker qui venait de racheter Aux Armes de Bruxelles, s’est mis à chercher un chef, il a appelé son ami Jacques Veulemans qui lui a répondu : j’ai quelqu’un pour toi, le candidat idéal. C’était moi !
Depuis 1921, la carte des Armes de Bruxelles a-t-elle évolué ? Elle s’est principalement étoffée. On a aujourd’hui près de 80 plats à la carte. Ma cuisine s’inscrit dans la tradition des Armes de Bruxelles, l’esprit belgo-bruxellois restant intact : la touche Veulemans (le vin blanc crème ajouté aux moules, la cassonade dans la préparation des carbonades, la fameuse tête pressée), rien n’a changé ! Rien, sauf les nouvelles techniques comme la cuisson à basse température ou sous vide…
Quels sont les mets les plus souvent commandés par les clients des Armes de Bruxelles ? Le vol-au-vent, les croquettes de crevettes, la carbonnade. Et le waterzoi de poisson – j’en vends 20 à 40 par jour !
Quel est le plat de votre enfance que l’on pourrait un jour retrouver à la carte des Armes de Bruxelles ? Les boulettes aux chicons braisés, j’y travaille !
Un défi prochain ? Un projet déjà amorcé avant la pandémie : déployer Aux Armes de Bruxelles en Asie !
A la gloire des bières belges !
A la gloire des bières belges !
Mots : Servane Calmant
Photos : DR
Double actualité pour l’entreprise familiale Anthony Martin avec une nouvelle brasserie-restaurant accolée à la ferme millénaire de Mont-Saint-Jean à Waterloo et deux nouvelles bières, fruits d’un projet de soutien aux sœurs de l’Abbaye de Maredret.
La ferme millénaire de Mont-Saint-Jean se dote d’un vaste restaurant de 140 couverts, La Brasserie de Waterloo, et d’une terrasse de 500m2 braquée sur un verger et le champ de bataille. Un Beer Garden et des menus proposant des accords mets-bières (la bonne idée) ne laissent aucun doute sur les ambitions du lieu : célébrer la bière ! « A la Brasserie, on vous proposera d’emblée la carte des bières ; la carte des vins, il faudra la demander… », nous glisse à l’oreille Edward Martin, fils d’Anthony Martin, propriétaire de la Ferme de Mont-Saint-Jean, à laquelle est désormais annexé un bâtiment moderne de 3.500 m2 qui abrite la Brasserie et son Beer Garden, ainsi qu’une distillerie, plusieurs salles modulables pour conférences, mariages et autres événements, avec vue imparable sur la Butte du Lion de Waterloo.
iMot d’ordre : la convivialité
Le Beer Garden équipé d’un bar en impose ! Par sa grandeur et ses 20 pompes à bières, dont trois sont directement alimentées par la brasserie in situ. Bières plus fraiches que celles-là, ce n’est pas possible ! Des Galopins (des mini verres à bière) invitent à déguster six bières différentes, c’est le concept du Beer Fly. Plus novateurs : les growlers. Très populaires aux Etats-Unis, un peu moins chez nous, ces grands récipients permettent aux consommateurs de pouvoir emporter chez eux la bière servie à la pompe de leur bar favori. Les growlers du Beer Garden prennent la forme de fûts de 3L8, placés soit au milieu de la table pour que tous en profitent, ou à louer pour un anniversaire.
L’esprit du lieu oscille entre brasserie belge (à la carte, entrecôte grillée frites maison, croquettes crevettes, et autres produits du terroir belge) et pub anglais. « La convivialité avant tout ! », insiste Edward Martin, qui nous signale que la carte sera saisonnière et que le food-sharing sera à l’honneur ! « Trois grands plats – dont un succulent saumon – placés au centre de grandes tables, à partager entre convives », dans une déco volontiers biophilique de plantes suspendues – laissons rentrer la nature dans nos murs. La nature et … le spectacle ! Le Beer Garden donne à voir la (plus petite) distillerie (de Belgique), laquelle est en activité du mercredi au dimanche. La gamme des trois whiskies (single cask malt, single cask grain, single grain) distillés et vieillis au sein des caves historiques des Chevaliers de Malte de la ferme de Mont-Saint-Jean, figurent évidemment à la carte de la Brasserie.
Altus et Triplus
Le groupe Anthony Martin vient de lancer les bières artisanales Maredret, l’« Altus » et la « Triplus », et s’engage dans un projet de soutien aux sœurs de l’abbaye de Maredret, située dans l’Entre-Sambre-et-Meuse. Ce joyau de style néogothique est actuellement toujours occupé par une vingtaine de moniales. La volonté et l’urgence de sauvegarder leur patrimoine ont amené les sœurs à se rapprocher du brasseur Anthony Martin afin d’élaborer ensemble la première gamme de bières issue d’une abbaye de soeurs Bénédictines en Belgique. Un projet solidaire pour un voyage au cœur de l’épeautre, des épices et autres plantes précieuses… C’est en effet dans le jardin médicinal, dans le verger et dans le potager de l’Abbaye de Maredret que les sœurs et le Maître-Brasseur du groupe Anthony Martin ont puisé leur inspiration.
https://anthonymartin.be
https://www.accueil-abbaye-maredret.info
L’Orchidée Blanche, l’éloge de la longévité
L’Orchidée Blanche
L’éloge de la longévité
Mots : Yves Merens
Photos : Luc Viatour
35 ans, cela fait 35 ans que l’Orchidée Blanche a ouvert ses portes. Aux manettes depuis toujours, une femme de cœur qui travaille avec passion dans le respect des traditions vietnamiennes : Katia Nguyen.
Située dans le quartier de l’Université, l’Orchidée Blanche existe depuis 1986.
Le rez-de-chaussée dégage une atmosphère très zen dans un décor de schiste et de bois naturel, du matériel noble alors qu’à l’étage, une ambiance tout à fait différente plonge dans un décor « colonial » au bord du Mékong.
En maitresse des lieux, au milieu de serveuses en habit traditionnel « Ao Dai » fait de splendides robes brodées, Katia veille à ce que tout soit parfait.
35 ans d’Orchidée Blanche, Katia, et toujours autant de passion ?
« Ma famille, c’est mon restaurant ! J’y mets toute mon énergie. Et cela continue à me faire plaisir. Je vois maintenant arriver des familles qui viennent avec leurs derniers bébés. C’est la quatrième génération qui vient chez moi, c’est incroyable. »
Il n’y a que des femmes ici ?
« Non, un de mes chefs est un homme. Mais j’aime le travail des femmes en général. C’est plus fin, plus léché. Moi, je suis ici seule depuis toutes ces années. J’ai la force, la volonté de réussir. »
Comment qualifiez-vous votre manière de travailler ?
« C’est une main de fer dans un gant de velours. Mes employés le savent et le respect est très grand. Je les emmène souvent manger pour les féliciter. Si je gagne, ils ont leur part, ils gagnent aussi. Et je cherche toujours à aller de l’avant. Mes amies me disent que je retombe toujours sur mes pattes, que je suis un roseau qui plie mais ne rompt pas.»
Délicat et original
Dans les belles assiettes au logo de la maison, on trouve une très originale dorade présentée debout, au nom vietnamien intraduisible. Après les fameuses roulades de bœuf « Bo Lalot » et le potage Pho de Hanoï, le voyage continue grâce à ces mets délicieux.
« Nous avons aussi un bon Wan Tan. Ce sont les Chinois qui ont importé ce plat au Vietnam il y a 100 ans, maintenant, on en trouve partout. »
Votre connaissance du Vietnam est parfaite.
« C’est mon pays, je m’y rends une fois par an et j’échange avec de grands chefs là-bas. Ils connaissent tous Katia de Bruxelles. J’achète aussi les tenues traditionnelles là-bas. Et je suis née à Saigon. »
Le raffinement est aussi présent dans votre belle carte de vins, aux références sûres. Comme avec ce Sancerre rouge de chez Daulny.
« Oui, lorsque l’on travaille avec passion et avec son cœur, le résultat est un grand partage de bonheur. Je suis tellement heureuse de partager tout cela avec mes clients.»
Au fait, Katia, pourquoi avoir choisi ce nom d’Orchidée Blanche ?
« C’est le Vietnam encore, mon papa y avait une plantation d’orchidées blanches. »
Quelle belle délicatesse. Et pour couronner le tout, un défilé de tenues vietnamiennes sera organisé le jour du Nouvel An vietnamien, vers février 2022.
Maison Louise, un écrin de douceur pour les fleurs d’Isabelle Arpin
Maison Louise
Un écrin de douceur pour les fleurs d’Isabelle Arpin
Mots : Yves Merens
Photos : DR
L’hôtel Sofitel Brussels Le Louise vient de rénover son restaurant. La Maison Louise, avenue de la Toison d’Or, a souhaité que la brillante cheffe étoilée Isabelle Arpin en signe la carte. En fleurs et tout en douceur. Que du bonheur.
C’est au premier étage de l’hôtel 5 étoiles que s’étend, sur toute la largeur de la façade, la Maison Louise. Ici et là, des alvéoles surplombent l’avenue chic pour profiter de la belle vue. Cela ressemble un peu à un grand appartement avec une partie salon pour siroter un bon verre de vin et une partie tables de restauration. Une salle de restaurant plus intime et un petit salon privé ponctuent chaque extrémité. L’ensemble est aménagé avec élégance dans un style résolument contemporain.
Devançant le tout, la cuisine ouverte s’ouvre derrière le bar. Profonde et technique, elle donne l’eau à la bouche.
Apéritif au calme, en ville
Mais allons d’abord prendre l’apéritif sur la terrasse. Ce havre de paix en pleine ville donne le ton. En plein soleil, protégé de voiles tendues, il est ouvert toute la journée, on y prend un café, on y termine la soirée entre amis.
« Lors de la rénovation, un incendie s’est déclaré. Au départ de cette situation, nous avons trouvé l’opportunité de tout remettre à plat pour envisager ce nouveau restaurant », philosophe le directeur général des lieux, Mathieu Clausel.
Fini la carte de burger, on monte donc en gamme !
Douceur et raffinement
Il est temps de passer à table, la vaisselle d’inspiration japonaise, simple et épurée, est là pour mettre en valeur la cuisine fleurie imaginée par Isabelle. Pour le Chef, Adwin Fontein, qui réalise le tout avec brio, « les recettes d’Isabelle sont légères, avec du caractère et toujours avec des fleurs. Elle met des fleurs partout ! »
Tout a commencé pour moi avec un tataki de bœuf qui sur la carte, effraie un peu avec son arôme de café. Je me dis que ca va me décoller le palais. Erreur évidemment puisqu’ avec Isabelle Arpin, tout est affaire de goûts dosés à la perfection. C’est sucré, acidulé, tendre, léger. D’ailleurs, je sauce allègrement la fin du plat et son crémeux de noix de cajou. « Saucer », c’est aussi une marque de fabrique de la Cheffe étoilée.
Le goût qui fait voyager
Ceux qui connaissent Isabelle Arpin retrouveront ici sa touche très personnelle et unique avec des produits parfois déstructurés pour en faire éclater tous les arômes, associations originales, textures vaporeuses ou fermes, épices du monde apportant leur touche de soleil, explosions de saveurs qui font partir les papilles en voyage.
Dans les jolis verres biseautés, j’ai d’abord choisi un très original pinot blanc d’Alsace dont le fruité léger et le terroir sont parfaits avec l’entrée.
En plat, j’ai retenu « Le Maigre ». Ici, on entre dans un dressage orangé. Ce sont les carottes qui prennent le dessus. Elles sont crues avec une pointe d’aigre-doux, mais pas que ! Atténuée par des courgettes grillées et des oignons caramélisés puis brûlés. Quelle maitrise. L’ensemble forme un tout harmonieux avec le poisson cuit à l’unilatéral. On dirait un orchestre philharmonique qui met en valeur ses solistes pour une partition équilibrée de haut vol. La métaphore n’est pas exagérée ! Le tout bien soutenu par l’audacieux verre de Gigondas, issu d’une carte de vins complète.
Pour le désert, relevons « La Fraise » et sa rhubarbe, son huile de roquette accompagnée de glace yaourt. Presque sucré-salé, un délice.
En plus, la carte de Maison Louise suivra les saisons et évoluera au gré des arrivages, pour le plus grand bonheur de son équipe, jeune et dynamique. On reviendra.
www.sofitel-brussels-le-louise.com
On ira toutes et tous à la Villa Lorraine by Yves Mattagne
On ira toutes et tous à la Villa Lorraine by Yves Mattagne
Mots : Servane Calmant
Photos : DR
Fini le guindé, adieu l’institution à papa, vive la cool attitude. Les enfants Litvine réinventent La Villa Lorraine et le chef doublement étoilé Yves Mattagne (ex Sea Grill) monte au créneau en lançant une ère nouvelle. Le message délivré par la Villa new style est on ne peut plus clair : la séduction d’une nouvelle génération de gastronomes passera par un lounge bar à l’esprit résolument décontracté. De quoi déconcerter les habitués ? Non ! Côté resto, les plats signatures du chef étoilé exaltent cette Villa autoproclamée 2.0. C’est dire si l’institution va de l’avant tout en assurant ses arrières. La démarche s’avère intelligente ; le rendez-vous, séduisant.
Après un an de travaux, il reste une seule trace du passé glorieux de la Villa Lorraine : l’ancienne verrière marquée du sceau de Marcel Kreusch, son créateur en 1953. A la demande de Serge Litvine, actuel propriétaire des lieux, le bureau d’architectes A3 Development (déjà à l’origine de la Villa Emily) a fait table rase de l’ancien, pour créer une toute nouvelle Villa « dépoussiérée » et désormais agencée en deux atmosphères distinctes mais pas contradictoires pour autant, l’élégance restant le trait d’union entre les deux entités.
Explications. Après le vestiaire, on découvre un coin lounge à la lumière tamisée avec un grand bar frontal digne des plus beaux palaces. C’est ici qu’ Yves Mattagne invite à savourer sa food-sharing, des plats à partager entre convives et à commander au fur et à mesure. « Cette nourriture axée sur le partage m’a été inspirée de mes nombreux voyages à travers le monde, et m’a motivé à lancer Art Club (le pop up gourmand qu’il a ouvert en 2020 place Royale, nda) », nous glisse à l’oreille le chef, avant de s’étonner : « vous avez préféré vous installer dans la partie restaurant ? »
Eh oui, même si la nouvelle offre est bien tentante, comment résister aux plats signatures du chef doublement étoilé ? On découvre donc la partie resto rythmée par plusieurs salons et vinothèques oversize ouvertes aux yeux des amateurs. L’espace est aéré, baigné de zénitude de rose poudré et de doré. Ambiance arborée – faire rentrer la nature à l’intérieur, la toute belle idée – et mood arty avec des tableaux réalisés par le plasticien belge Stefan de Jaeger.
De l’étoilé Sea Grill fermé à jamais, Yves Mattagne a emmené avec lui Fabrice D’Hulster, son directeur de salle, sa brigade et ses maîtres d’hôtel en costume (certains l’accompagnent depuis 30 ans !) ; les jeunes commis affichent quant à eux un look plus cool, baskets blanches et bretelles pour une élégance urbaine. Côté resto donc, on choisit une des formules menu (soit les plats emblématiques du chef, soit les plats inspirés de ses voyages) ou à la carte, sachant que le midi, la cuisine continue à proposer un business-lunch.
Que du bonheur évidemment à la lecture des incontournables ! Que dire de la langoustine royale cuite sur galet et flambée au vieux saké, avec foie gras et consommé de canard laqué, gyoza en accompagnement ? A ce stade de perfection, on déguste, on savoure, on se tait. Puis on applaudit. Vient ensuite la presse à homard actionnée par deux maîtres d’hôtel, qui sert notamment à préparer devant le client une savoureuse béarnaise de homard, laquelle accompagne un homard bleu ou un turbo rôti à l’arête découpé en salle. Le spectacle est convivial, l’assiette royale. A l’attention des gourmets qui font souvent l’impasse sur les desserts car trop copieux, trop sucrés, trop ceci et cela, qu’ils se laissent tenter par la coque de meringue rhubarbe et fenouil, un amour de craquage, une délicate leçon d’équilibre entre les saveurs, un régal de subtilité.
Une ère nouvelle s’ouvre pour La Villa, qui s’affiche plus moderne, élégante et charismatique, au diapason finalement de la cuisine d’ Yves Mattagne et de son attachante personnalité. Et c’est cette parfaite harmonie entre un lieu, un homme, une équipe, qui devrait convaincre le client 2.0 sans (trop) bousculer les inconditionnels de la tradition.
Belga Queen, pas une institution pour rien !
BQ, pas une institution pour rien !
Mots : Servane Calmant
Photos : Anthony Dehez
Qu’est ce qui fait qu’un resto devient une institution ? Une constance dans la qualité de l’assiette ? De la créativité ? L’attention portée au client ? Un cadre ? Une signature ? La recette du succès de la brasserie Belga Queen, ambassadrice chic et trendy du made in Belgium, c’est Antoine Pinto qui nous la livre…
La verrière à vitraux, grandiose ! Tout cet espace, miraculeux ! Vous connaissez beaucoup de brasseries où l’on ne mange pas sur les genoux de son voisin ni au coude à coude avec une inconnue ? Et on a beau franchir les portes du Belga Queen pour la énième fois, le fameux effet waouh conserve toute sa vivacité. Le mérite en revient évidemment et d’abord au bâtiment… Au 18e, Victor Hugo, Rimbaud, Verlaine ont séjourné ici, enfin dans ce qui fut à l’époque l’Hôtel de la Poste ; l’édifice accueillera ensuite une banque, avant d’abriter en 2002, le Belga Queen.
Dessinée et pilotée par Antoine Pinto, architecte d’intérieur, designer, chef cuisinier (Honolulu, Ascoli, Le Clou doré), le BQ pour les intimes, véritable locomotive gastronomique du centre-ville bruxellois, n’a jamais failli, même si le confinement a été dramatique pour tout le secteur horeca. En mai 2020, Antoine Pinto a d’ailleurs mené une action choc, parmi d’autres, sur la Grand-Place de Bruxelles, en alignant sur les pavés 800 vestes blanches de cuisiniers, sorte de cimetière de la profession. Pour l’heure, les portes du Belga Queen sont à nouveau ouvertes chaque jeudi et vendredi (midi et soir) et le samedi (soir), et même si Antoine Pinto continue à tirer la sonnette d’alarme « 2021 reste une bombe à retardement pour notre secteur ! », il affiche un généreux sourire en accueillant les habitués…
Perdurer, la recette
Le Belga Queen, une belle histoire qui dure depuis 20 ans. Quelle est la façon la plus intelligente de continuer à faire ce métier ? C’est Pinto qui nous l’explique : « J’ai eu de la chance d’avoir un cadre de travail fabuleux, c’est un cadeau. Qui a demandé pas mal de travail, car à l’époque de la banque, en 1900, le bâtiment avait une toute autre allure ! J’ai restauré cet édifice ancien en prenant soin de lui garder son âme : regardez ces colonnes et ces éléments de ferronnerie, ce sont de nombreux vestiges style Empire. J’y ai juxtaposé des créations contemporaines originales dessinées par mes soins. J’ai en effet conçu tout le mobilier et la vaisselle, jusqu’au moindre détail, du porte-seau au fond des verres avec le logotype BQ ! Le Belga Queen porte ma signature, et le client savoure cet endroit résolument original. A l’ouverture, en 2002, on faisait même la file pour voir les toilettes ! »
Un très bel endroit, fut-il chic et trendy, ne suffit pourtant pas à fidéliser le client ! « C’est la constance, la clé du succès. Une qualité sans compromis et une équipe bien rodée : 50 personnes en salle et derrière les fourneaux, dont deux dévolues au bar écailler et un pâtissier-boulanger pour du 100% maison. »
Huîtres & crustacés & maatjes (servis avec des lamelles de Granny Smith et haricots verts, mhmmm). Maatjes car le Belga Queen reste le meilleur ambassadeur du Made in Belgium, ce qui signifie que la cuisine est entièrement à base de produits belges : charolais de chez nous, fromage du terroir, moutarde de Gand, caviar russe de la maison belge Imperial Heritage, même les vins sont belges, enfin de Belges à travers le monde ! Le terroir belge à l’honneur donc, mais avec un savoir-faire résolument gastronomique. « On sert des boulets – qu’aucun Bruxellois ne connaissait il y a 20 ans -, avec une réduction de sauce à la bière, le roux à base de farine de grand-maman, on l’oublie – rire ! On a réajusté ou réinventé les classiques, à travers une cuisine belge résolument gastronomique. » C’est bien simple, le véritable coucou de Malines rôti au four sur pain d’épices tartiné au sirop est à lui seul une institution ! Et on vient de loin pour le fameux plateau BQ (royal) et le tartare de Charolais belge tartiné au caviar frites BQ ! Audacieux ? Délicieux !
Travailler le local
Travailler le local
Mots : Servane Calmant
Photo : DR
Edward Martin a les idées longues ! Le jeune brasseur lance une gamme de trois whiskies basés sur les recettes des bières de Waterloo, qu’il élabore à la ferme de Mont-Saint-Jean, au sein de la plus petite mais rutilante distillerie de Belgique …
On rencontre Edward Martin à la ferme de Mont-Saint-Jean, la plus emblématique des grandes fermes carrées située sur le champ de bataille de Waterloo, pour parler défi entrepreneurial et travail local. « Mon père, Anthony Martin, a racheté la ferme Mont-Saint-Jean en 2014 et a investi énormément pour qu’elle devienne un pôle d’attraction touristique de premier plan. » Pour l’heure, le site accueille un musée, un magasin, une salle événementielle, un restaurant (en travaux). Une micro-brasserie et une nano-distillerie, aussi !
« Tout est allé très vite pour moi ! J’ai travaillé d’arrache-pied, 12 heures par jour, pour remplacer le maître brasseur qui souffrait d’une rupture du talon d’Achille – j’ai longtemps hésité à accepter le poste, mais il y a des opportunités qu’on ne peut pas refuser ! J’ai ensuite brassé de la Waterloo en quantité en prévision du Bicentenaire de la bataille de Waterloo en 2015, puis relancé en plein cœur de Bruges la Bourgogne des Flandres qui avait disparu … Et, de retour à Waterloo, on m’a fait comprendre qu’il ne fallait jamais se reposer sur ses lauriers ! » Ce niveau de pression aurait pu déstabiliser Edward. Au contraire, le plus jeune fils d’Anthony Martin bouillonne d’idées qui vont rencontrer les rêves du paternel de produire un alcool noble. « Un soir, j’ai parlé à mon père de l’idée de distiller notre propre whisky. Sa réponse m’a littéralement boosté : je serais honoré que mon fils relève ce challenge ! … »
En 2017, Edward Martin s’en va rejoindre la prestigieuse école d’Heriot-Watt, à Édimbourg, avec comme unique objectif de pouvoir produire les alcools de ses aïeuls. « J’ai d’abord lancé le gin : distillé et aussitôt vendu, donc directement rentable. Le whisky en revanche, nécessite de vieillir au minimum 3 ans afin de pouvoir y apposer légalement l’appellation whisky. Heureusement, on avait le projet brassicole pour soutenir financièrement le projet distillerie … »
La tradition brassicole
La fierté du clan Martin, la brasserie ! « Quand on me demande mon métier, je réponds brasseur, je suis la 4e génération d’une famille de brasseurs. » Pas étonnant dès lors de voir Edward faire perdurer la tradition brassicole du groupe à travers son whisky.
« C’est notre savoir-faire de brasseur, le grain comme matière première, et le terroir, qui créent l’identité de nos whiskies. La Waterloo Récolte a servi de base à notre gin et à notre Whisky Single Grain. Notre Whisky Single Malt s’inspire quant à lui de notre Waterloo Triple, une base composée à 100% d’orge maltée. Par ailleurs, tous nos whiskies sont issus d’une levure maison qui leur confère des esters fruités. » Pour les céréales, Edward recourt à l’orge maltée belge de Dinguemans et les champs autour de la ferme de Mont-Saint-Jean apportent tout naturellement le froment. « Nous avons comme vocation de travailler le local, comme on le fait déjà avec nos bières de Waterloo de la ferme de Mont-Saint-Jean ! »
« Nous vendons une expérience de vie »
Les trois whiskies (The Brancardier, The Nurse & The Surgeon, références à la Bataille de Waterloo et à la ferme de Mont-Saint-Jean qui faisait office d’hôpital de campagne pour les Britanniques) ont été distillés et vieillis durant plus de trois ans au sein des caves historiques des Chevaliers de Malte de la ferme de Mont-Saint-Jean. S’agissant de la plus petite distillerie de Belgique, la quantité de bouteilles produite sera limitée et seuls quelques connaisseurs privilégiés en auront l’exclusivité. « Ne connaissant pas encore notre mystérieuse part des anges, il nous est impossible de communiquer le nombre exact de bouteilles qui sera produit mais nous espérons tout de même commercialiser un peu plus de 1.000 bouteilles de 50cl à 46% vol. »
Bien que la production soit amenée à évoluer avec le temps, il ne sera jamais question de commercialiser le Waterloo Whisky en quantité. Les spiritueux – gin compris – resteront donc avant tout destinés aux petits commerces et aux maisons de bouche. L’objectif étant de faire venir les amateurs de whisky sur le site de Waterloo… « Nous ne vendons pas un whisky, nous proposons une expérience aux passionnés. Lorsqu’ils viennent acheter une bouteille, ils découvrent notre univers : la ferme, les champs, la brasserie, la distillerie, le musée, la salle des chais, ainsi que notre brasseur et moi-même qui serons toujours là pour les accueillir, » conclut avec enthousiasme, Edward Martin.