Du Dine-and-Dance en lisière de la forêt de Soignes
Du Dine-and-Dance en lisière de la forêt de Soignes
Mots : Servane Calmant
Photos : Christian Hagen
Une institution gourmande qui renait de ses cendres, c’est toujours une bonne nouvelle. C’est même, dans ce cas précis, une surprise de taille. A Overijse, le Barbizon de papa fait peau neuve en s’inventant une toute nouvelle identité. Un cadre volontiers bling-bling accueille des plats d’inspiration brasserie, un bar écailler, un bar à cocktails, un bar à cigares, soit différentes ambiances réunies autour du concept très tendance du Dine-and-Dance. On traduit : un endroit censé plaire aux amoureux de la cuisine et de la fête.
Un resto sympa et festif ? Comme Chez Clément (les Brabançons comprendront) quand le jeudi soir on pousse les murs pour faire la java jusqu’aux petites heures ? Un peu, mais l’esprit bon enfant en moins. Car le (new) Barbizon ne s’en cache pas, il vise une clientèle hétéroclite certes mais réunie autour d’un même amour pour ce qui brille et pétille. Par ailleurs, n’espérez pas retrouver le restaurant gastronomique bon chic bon genre d’Alain Deluc (jadis doublement étoilé) dans les murs de ce Barbizon 2.0. , le chef a en effet remis les rênes de sa maison en 2018 à un repreneur qui impose un style résolument différent. Et c’est peu de l’écrire.
Bah ! L’important c’est de faire bouger les choses voire même de bousculer les codes, et pourquoi pas ceux de l’horeca. Bousculer, le mot est peut-être un peu fort, quand on sait que le Dine-and-Dance cartonne déjà dans d’autres pays. Il n’empêche, chez nous, qui plus est à Overijse, dans le brabant flamand, en lisière de la forêt de Soignes, avec un manège équestre pour voisin, ouvrir un concept de ce genre, dans un style volontairement ostentatoire, c’est plutôt aventureux. Quoique… Bruxelles est à un jet de pierre et les deux Brabant n’ont jamais boudé les endroits m’as-tu-vu.
Quoi qu’il en soit, après plus d’un an de travaux et de rénovation de l’ancien Barbizon, le Barbizon 2.0 a ouvert en octobre dernier et a dévoilé sa nouvelle identité. Bar écailler, bar à cocktails, resto, espaces lounge, fumoir (le plus grand de Bruxelles et environs), lumières tamisées, les différentes ambiances se succèdent, mais ne se ressemblent pas, sans pour autant perdre en cohérence. L’influence est clairement art Déco : du velours, de la dorure, des tapis chamarrés, soit une esthétique emplie de textures riches, d’exubérance allant parfois même jusqu’à l’extravagance. Au-delà du débat des goûts et des couleurs, il faut bien reconnaître que le nouveau Barbizon est chaleureux, soyeux, voluptueux, audacieux (allez voir les commodités), et le concept du Dine-and-Dance, festif et… pratique. Explications : l’apéro peut se prendre au bar ou au coin du feu, le demi-homard à l’Armoricaine et ses linguines fraiches, le Black Angus ou le Simmental maturé (la carte se veut volontairement restreinte, afin de laisser la liberté au chef de la faire évoluer avec les saisons et les arrivages) se servent à table, ensuite la soirée se prolonge au bar ou au fumoir avec de la bonne musique dans les oreilles.
En proposant un seul lieu de fête et de plaisir, de l’heure de l’apéro à celle de la fête, jusqu’à 1h voire 2h du matin, le Barbizon tape juste. Tous les ingrédients sont en effet réunis pour laisser la liberté aux clients de passer toute une soirée sans quitter le restaurant, sans devoir reprendre la voiture, sans s’arracher les cheveux en tournant en rond une demi-heure pour espérer trouver une place de parking… Un seul lieu, plusieurs ambiances, plusieurs playlists, compromis zéro. Le concept devrait trouver son public, d’autant que le Barbizon annonce pour le printemps 2023, une terrasse parmi les plus belles et vastes de la région, avec vue sur les chevaux et la piste du Royal Country Riding Club.
Cet endroit n’est pas qu’une brasserie
Cet endroit n’est pas qu’une brasserie
Mots : Servane Calmant
Photos : Serge Anton
On dirait un palais vénitien, on n’est pourtant pas en Italie. Au fond de la deuxième salle qui ressemble à un ancien entrepôt, on a repéré un espace dédié aux soirées festives, serait-on à Berlin ? C’est un resto tendance mais l’espace – 1500m2 quand même – a bien plus à offrir. Dans la cave, on y brasse de la bière locale et artisanale. Bruxelles ? Oui, en plein centre-ville ! La Brasserie Surréaliste intrigue. Un jeudi soir, on est allée s’accouder au bar de cet endroit atypique, onirique, qui vante les blondes houblonnées dont cette Surréaliste et sa belle robe dorée …
« Salut, on visite ? », c’est Charles Grison (Art Director dans le milieu de la déco), l’un des deux co-fondateurs avec son frère Edouard (qui a débuté sa carrière comme sales chez InBev), qui nous accueille. Le trentenaire affiche une dégaine rock et un large sourire, pas peu fier de nous présenter sa Brasserie Surréaliste, et on le comprend. Nous sommes au cœur de Bruxelles, dans le quartier Dansaert, Place du Nouveau Marché aux Grains, dans un bâtiment de style Art déco dessiné en ‘32 par l’architecte belge Emile De Boelpaepe pour accueillir des bananes. Il servira ensuite de fabrique à chapeaux du modéliste Christophe Coppens, avant d’être laissé à l’abandon … Les deux frangins ont investi dans ce bâtiment pour y réaliser un projet fou : brasser leur propre bière dans un endroit à l’univers « si particulier qu’il permet d’échapper à la réalité ».
2020, grâce aux banques qui leur font confiance et une campagne de crowdfunding qui va remporter un énorme succès, les frères Grison vont commander la salle de brassage qu’ils installent au sous-sol. « Au rez-de-chaussée, on nettoie et démonte les centaines de mètres carrés de cloisons de plâtre qui venaient maquiller la splendeur de ce bâtiment industriel. On découvre des pépites comme des châssis d’époque ou des fenêtres dont on ne soupçonnait même pas l’existence. Rien que le sol montre trois générations, un parquet des années 80, un dallage des années 50, avant de laisser apparaitre un sol fait de dalles de verres qui parcourait le bâtiment dans toute sa longueur. »
L’histoire du bâtiment participe évidemment au charme que déploie la Brasserie Surréaliste, mais pas uniquement. L’association micro-brasserie locale, food sharing, beer shop et art space séduit a plus d’un titre, d’abord parce qu’elle est le fruit d’un bel esprit entrepreneurial à une époque où le mot crise est sur toutes les lèvres, ensuite parce que la Brasserie Surréaliste est véritablement un endroit hors du commun. Dès l’entrée, avec ses miroirs anciens, ses lustres grandioses et ses canapés de velours rose, on se demande si on n’a pas été victime d’un gap spatio-temporel ! On pousse ensuite la porte d’une verrière de type indus pour découvrir un vaste espace bar-restaurant à la déco hétéroclite qui associe architecture industrielle et mobilier chiné aux quatre coins de la Belgique… Au bar, honneur aux blondes houblonnées, la Surréaliste (« de type Pale Ale à l’américaine », précise Charles qui fait venir les houblons des States), la Double Trouble ou encore la collection « Dream », des IPA qui mettent chacune un houblon différent à l’honneur ; dans l’assiette, des plats canailles à partager, boudin chaud pomme, choux de Bruxelles grillés ou encore un pulled pork burger mariné à la Surréaliste. Au fond du bâtiment, une galerie dédiée à l’art vidéo lors d’expositions immersives ou aux soirées ambiant-dark-techno. Soit un endroit pas banal du tout, à l’identité forte mais à l’ambiance cool, festif mais pas trop bruyant, bon mais pas trop cher, qui fait bouger Bruxelles du jeudi au samedi soir. Joli défi !
La famille Niels, quatre générations, bientôt cinq, au service de l’horeca bruxellois. Et brabançon désormais...
La famille Niels, quatre générations, bientôt cinq, au service de l’horeca bruxellois. Et brabançon désormais...
Mots : Servane Calmant
Photos : DR
Fort de la réussite de ses trois enseignes bruxelloises, “Au Savoy”, “Au Vieux Saint-Martin” et “Au Grand Forestier”, Frédéric, la quatrième génération des Niels, ouvre sa première brasserie à Waterloo, en y appliquant la même recette à succès. Avec du fait maison et du bon, de la constance et de l’élégance, un filet américain indétrônable et une volaille rôtie à la broche, “Le Claridge” a déjà trouvé son public.
C’est Frédéric Niels en personne qui nous accueille dans sa nouvelle demeure sur la chaussée de Bruxelles, à Waterloo. Tiens, où se trouve la terrasse, Frédéric ? « A l’arrière du bâtiment, nous disposons d’un jardin de 1500m2 bordé d’un verger et où trône un magnifique platane autour duquel nous placerons des tables à manger, le printemps venu. » Pour l’heure nous sommes mi-novembre, « Le Claridge » a ouvert depuis quelques jours à peine et affiche déjà complet. S’y pressent les curieux qui veulent tester la réputation des Niels et les convaincus qui savent déjà que la constance dans la qualité est la plus belle carte de visite de la famille. Ainsi les Oostendse grijze garnaalkroketten maison (en VO dans le texte) en tout point parfaites et notre savoureuse entrecôte grillée (du bœuf argentin, en référence à l’origine du nom du resto, on en reparle). La carte invite également à découvrir le fameux filet américain (inventé par Joseph Niels en 1929 et dont la recette est inchangée à ce jour), la volaille rôtie à la broche, servie avec des morilles, de la compote, ou à l’estragon, et la glace à la Mandarine Napoléon, on aura saisi le clin d’œil…
La partition gourmande se joue dans une grande salle impeccablement compartimentée et étonnamment bien insonorisée, ornée de tableaux contemporains (dont un Pierre Alechinsky non loin du bar) et où le ballet des serveurs en uniforme et une clientèle relativement pimpée, restent un spectacle en soi. Il nous reste à coincer Frédéric Niels qui ne rechigne jamais un jour d’affluence à servir en salle, pour une courte interview.
« Au Savoy » (place Brugmann à Ixelles), « Au Vieux Saint-Martin » (Sablon), « Au Grand Forestier » (Watermael-Boitsfort), le fief de la famille Niels est clairement bruxellois. Avec « Le Claridge », vous jetez votre dévolu sur Waterloo, pourquoi ce changement de cap ? J’habite Waterloo et mon père Rhode-Saint-Genèse, bref nous restons en terres conquises, et comme les patrons aiment être sur site, Waterloo était tout désigné. C’est une ville très attractive, proche de Bruxelles, et qui peut se targuer d’une bonne gestion du stationnement. Elle attire une belle clientèle des villages environnants, Lasne, La Hulpe, Rixensart, mais aussi Uccle, Beersel, Linkebeek … Sur cette chaussée de Bruxelles, il manquait une brasserie-restaurant au cadre moderne, nous avons comblé ce vide. Nous avons acheté le bâtiment – nous investissons toujours dans nos murs – que nous avons transformé de A à Z, du gros œuvre à la déco.
Votre père Albert-Jean est votre associé au « Savoy ». Avez-vous décidé également de travailler en famille au « Claridge » ? Oui, nous sommes tous deux actionnaires de nos restaurants. La famille Niels est dans le métier de l’horeca depuis presque 100 ans, je représente la quatrième génération et j’espère que la cinquième va reprendre le flambeau.
C’est déjà le cas ? Oui, par bonheur, un de mes fils travaille au « Claridge ».
Ouvrir un restaurant alors que le mot crise est sur toutes les lèvres, c’est un beau pied de nez à la morosité ambiante ! Et le fruit d’un travail d’équipe surtout. Nous avons les mêmes fournisseurs et les mêmes collaborateurs depuis des années. Notre famille n’engage pas un chef de salle ou de cuisine confirmé, nous formons notre personnel in situ, en interne, et il évolue avec nous. Chez les Niels, la culture d’entreprise est très forte.
Le nom « Au Savoy » est un clin d’œil au « Savoy Hotel » de Londres où Joseph, votre arrière grand-père avait travaillé comme garçon d’étages. Quelle histoire familiale se cache derrière le nom « Claridge » ? Mon grand-père Albert, la deuxième génération des Niels, et son frère Georges, ont repris en 1948 la gestion d’un restaurant à Buenos Aires en Argentine qui portait le nom de « Claridge ». Voilà pour le clin d’œil. Cet hôtel-restaurant existe d’ailleurs toujours et la déco est toujours d’époque, mais Albert et Georges en ont arrêté l’exploitation en raison de l’inflation qui était à l’époque ingérable…
Interviewé pour l’ouverture du « Savoy » il y a quatre ans, vous m’aviez dit : « Je souhaite une brasserie conviviale avec de la vie ». Je confirme. « Le Claridge » se veut également un endroit convivial avec de beaux tableaux et un joli décor mais tout le monde doit s’y sentir le bienvenu. Dans ma famille, il n’y a pas de passe-droit, nos portes sont ouvertes à la femme politique comme au petit commerçant, à l’avocate comme à l’artiste. Cette mixité sociale et l’ambiance bon enfant qui en découle, nous y tenons beaucoup !
Lily’s - La benjamine qui a tout d’une grande
Lily’s
La benjamine qui a tout d’une grande
Mots : Servane Calmant
Photos : Lily’s
Sur le site de l’ancien Callens Café à Bruxelles, Lily’s, la benjamine de la famille Litvine, se profile d’emblée comme une incontournable du paysage gastronomique et festif bruxellois. Déco somptueuse, comptoir à cocktails, cuisine de partage sous influence méditerranéenne, musique qui monte crescendo et, derrière une porte dérobée, un bar clubbing feutré à l’esprit eighties. Une nouvelle adresse sous le signe de l’élégance, la carte de visite de Litvine Society.
Pour la petite histoire, Jean et Olivier Callens ont cédé en 2022 le Callens Café qu’ils avaient ouvert en 2004 au pied de l’ITT Tower à Bruxelles, à la famille Litvine qui lui a apporté un nouveau nom, un nouveau concept, une nouvelle dynamique aussi. Lily’s, dernière-née du clan Litvine, a été biberonnée par Vladimir, Tatiana et Sasha, les enfants de Serge, le patron d’Odette (en ville), d’Emily (la villa), de Lola, et de La Villa Lorraine, notamment. A chaque enseigne Litvine, une identité forte et délibérément différente des autres. Lily’s n’échappe pas à la règle. Vladimir qui a géré chaque étape de l’évolution du chantier, met d’entrée de jeu les points sur les i. « Nous sommes une famille de restaurateurs, pas des gens de la nuit ! Lily’s se veut un restau qui offre la possibilité de prolonger la soirée dans le club y attenant, sans ambition aucune de devenir une discothèque. J’ai 35 ans, trois enfants, aller en boite de nuit ne m’intéresse plus. En revanche, je reste preneur d’une bonne table où prolonger éventuellement la soirée jusqu’à 2h du matin. Mais Bruxelles n’est pas Paris, n’est pas New York, n’est même pas Anvers, d’où cette volonté d’insuffler du dynamisme à notre capitale. En ce sens, Lily’s compte bien faire bouger les lignes en répondant à une véritable demande. »
Intriguée, nous sommes allée à la rencontre de Lily’s, au pied de l’IT Tower, entre l’Abbaye et le Bois de la Cambre. C’est Raymond, le fidèle directeur de salle qui réinvente le service à chaque ouverture d’une nouvelle enseigne de la Litvine Society, qui nous accueille. Le sourire est de mise. Normal, chez Lily’s, rien n’est laissé au hasard : signature olfactive envoûtante, direction musicale assurée par le studio bruxellois Mustard & Bongo (le son monte crescendo vers 23h) et déco sous la consultance du designer londonien Saar Zafrir (qui a également signé la déco du restau Le Conteur). Le cadre est éblouissant, pas bling-bling pour autant, plutôt dans l’esprit Art déco. Ainsi ce long couloir rouge bordeaux, ce mur de velours vert anglais dans la première salle à manger, ces luminaires aux motifs géométriques ou encore le marbre, matériau typique de ce mouvement artistique.
Raymond fait les présentations : Lily’s, un seul lieu certes mais plusieurs atmosphères propices aux tête-à-tête (avec des assises low-dining), aux repas entre amis (autour d’une grande table avec banquette), aux groupes, aux business lunchs du midi (dans la pergola au toit rétractable). Où est le club ? Patience.
Pour l’heure, nous sommes installée au comptoir à cocktails. Le Basil smash by Lily’s, le cocktail signature à base de gin et de basilic thaï, est subtil et ouvre l’appétit pour la suite, une farandole de plats à partager. Le concept du food-sharing qui permet de goûter un peu à tout, nous a toujours laissée dubitative car il fait inévitablement naître le doute : a-t-on commandé trop ou en suffisance ? Par bonheur, le service en salle s’avère aux petits soins et les conseils pertinents. Trois entrées, un plat et un dessert à partager pour moi et mon convive : le compte est bon. Assortiment libanais, mini burger, chicken wings pour commencer et déjà deux coups de cœur pour le houmous de betterave rouge/grenade et les ailes de poulet marinées à la mélasse de dattes, citron d’Iran, piment et enrobage d’éclats de pistache. On poursuit avec un filet de veau « oreilles d’éléphant » qui mérite bien son nom, il s’adresse en effet à deux couverts, à l’instar de ce baba au rhum et sa crème mascarpone. Soit, on l’aura compris, une cuisine méditerranéenne de partage qui plait au plus grand nombre.
Ce mardi soir, Lily’s affiche complet en mode restaurant. Pour découvrir le club, il faudra revenir les jeudis, vendredis et samedis, mais Raymond ouvre toutes les portes. Quoique celle-ci, on ne l’avait pas remarquée ! Dans le couloir d’entrée, derrière une étagère de bougies, se trouve une porte dérobée qui donne accès au club tout de rouge bordeaux vêtu. Le clin d’œil à l’esprit speakeasy des bars clandestins américains pendant la prohibition est évident, celui à la culture clubbing des fabuleuses eighties tout autant. Le voyage jusqu’au bout de la nuit en moins, la fermeture des portes étant fixée à 2h.
Martin Volkaerts - « A L’Amandier, je me sens enfin chez moi »
Martin Volkaerts
« A L’Amandier, je me sens enfin chez moi »
Mots : Servane Calmant
Photos : Antoine Melis
Elu jeune chef wallon 2022 par le Gault & Millau, Martin Volkaerts pourrait tout aussi bien être élu jeune entrepreneur de l’année. Coup sur coup, il a ouvert « Le Cyprès », une table de copains à Rixensart, et déménagé « L’Amandier », son restaurant gastronomique, 30 ans au compteur, dans une maison de maître genvaloise. Le chef, trentenaire également, a-t-il encore d’autres projets dans sa gibecière ? « Deux étoiles, d’emblée ! Parce qu’une seule ne nous suffit pas. En cuisine, cette boutade nous fait bien rire. »
Ouvrir « Le Cyprès » et déménager « L’Amandier » en quelques mois. Martin, quand dormez-vous ? Pas quand j’ai l’opportunité de réaliser mes rêves ! (rire) Ce « Cyprès », je l’ai pensé comme une table de copains : un restaurant sans chichi où l’on mange des produits locaux et de saison, tout en faisant découvrir de bons producteurs aux clients. En cuisine, j’ai fait confiance à une cheffe, Julie, qui a travaillé plusieurs années à « L’Amandier ».
« L’Amandier », c’est une vraie histoire familiale … Mes parents l’ont ouvert il y a 30 ans, j’avais un an à l’époque. J’ai longtemps bossé derrière les fourneaux avec papa, jusqu’en 2018 où je lui ai succédé. Il a alors ouvert « Les Tilleuls » sur la place de Céroux. De mon côté, avec l’âge, je ressentais l’envie d’être vraiment chez moi. A Genval, la bâtisse de 1920 qui accueille désormais « L’Amandier » (et qui fait 800m2 – nda) avait appartenu aux parents de mon épouse, Laurence. Quand j’ai vu qu’elle était en vente, il fallait que je m’en porte acquéreur ! Ma mère m’a traité de fou. C’était bon signe (rire). Aujourd’hui, mes parents m’ont cédé « L’Amandier », leur bébé, et je suis seul à sa barre pour en assurer la gestion et les destinées gourmandes. Il n’y a pas une tierce personne pour intervenir dans mes décisions. Cette nouvelle situation correspond parfaitement à mon caractère indépendant et entier.
Magnifique, cette nouvelle demeure qui abrite « L’Amandier » ! Différence notable avec l’ancienne adresse, la présence de deux chambres d’hôtes… Avant, de nombreux clients de « L’Amandier » qui venaient notamment de Flandre, logeaient dans l’hôtel face au lac de Genval. Je n’ai rien contre, mais je préfère évidemment les accueillir chez moi. Dès octobre, « L’Amandier » proposera donc deux chambres d’hôtes pour les clients du resto.
« L’Amandier », un rêve enfin concrétisé ? C’est exactement ça. Je travaille comme un fou parce que je réalise mon rêve et celui de mon épouse. Et de toute une équipe.
Un seul mot pour la qualifier cette équipe ? Essentielle.
Du changement en cuisine ? Non, la carte reste inchangée. En revanche, on profite de davantage de confort en cuisine où l’on est dix – quand mon père a commencé, ils étaient trois. La salle à manger peut accueillir 30 convives, même capacité qu’avant. Nouveauté : l’été, on pourra s’installer en terrasse pour l’apéro.
« L’Amandier », vos parents l’ont ouvert il y a 30 ans. Comment s’est faite la transition père-fils ? Progressivement. J’ai fait mes preuves dans de nombreuses maisons, notamment à « L’Air du temps » de Sang Hoon Degeimbre, j’ai donc apporté un peu de sang frais à « L’Amandier » qui commençait peut-être à s’essouffler un peu… Mon père était très à l’écoute de nouvelles idées. Mais le foie gras en entrée, par exemple, il m’a fallu batailler ferme pour qu’il ne figure plus systématiquement à la carte !
Un plat de papa que vous travaillez toujours ? Mon père faisait une salade de ris de veau qu’il accompagnait d’une vinaigrette aux herbes. Cette vinaigrette, je l’utilise assez souvent.
Le plat signature de Martin Volkaerts ? Je dirais plutôt un produit que j’affectionne particulièrement : les Saint-Jacques, dès octobre. J’aime les produits saisonniers et je m’insurge contre les restaurants qui les proposent toute l’année. J’aime éprouver ce plaisir de retrouver un produit de saison. Cet automne, les champignons des bois et le gibier seront à la carte de « L’Amandier ». Une cuisine doit être saisonnière, je ne l’imagine pas autrement.
Une aversion pour un aliment en particulier ? Le lapin, probablement parce que j’ai eu un lapin domestique auquel je me suis attaché. Le cheval aussi.
Où vous voyez-vous dans 10 ans ? Toujours à « L’Amandier » avec deux étoiles Michelin. C’est une blague entre moi et l’équipe. Je leur répète souvent : courons directement après la deuxième étoile. Une seule ne nous suffit pas ! (Rire)
La Maison Alain Bianchin porte haut le nom de son équipe
La Maison Alain Bianchin porte haut le nom de son équipe
MOTS : SERVANE CALMANT
PHOTOS : ALAIN BIANCHIN
Son restaurant, il l’a appelé Alain Bianchin. Depuis peu, le chef l’a renommé Maison Alain Bianchin pour mettre l’accent sur l’esprit d’équipe qui anime cette belle adresse 1 étoile Michelin. En attendant la seconde ? « Chaque jour, on travaille à offrir à nos clients des assiettes qui la mériteraient, alors oui, je suis candidat à cette deuxième étoile. Mais mon moteur, il est ailleurs, dans la transmission de mon savoir-faire aux jeunes de ma brigade qui m’accompagnent dans cette belle aventure. »
Rodé à de belles enseignes étoilées (Le Chalet de la Forêt et La Villa Lorraine, pour n’en citer que deux), Alain Bianchin décide à 40 ans d’ouvrir son propre restaurant dans l’ilot Horeca de Notre-Dame-au-Bois, en périphérie bruxelloise. On est en 2015. Le succès ne se fait pas attendre, une première étoile Michelin et un 16/20 au Gault & Millau venant féliciter une belle cuisine de tradition française. Pourtant … « Je suis d’origine italienne, fils d’immigrés, et j’ai grandi au milieu des marmites de ma grand-mère, mais ma cuisine n’est pas italienne, même si je dois bien avouer un penchant certain pour les aubergines. Mes plats, ils s’inspirent de la grande tradition belgo-française, que je ponctue de notes asiatiques, nori, sésame à la bonite, saté ou encore sauce ponzu aux agrumes. » Ainsi cette entrée, éclatante de fraîcheur, à base de tomate dans tous ses états (eau, sorbet et granité de tomates) aromatisée de shiso, du basilic japonais à la belle couleur pourpre. Ou encore ce pigeon à la parfaite cuisson travaillé avec du miso blanc et ce dessert qui marie émulsion menthe anisé, sorbet citron et algues Kombu iodées. Soit une cuisine de beaux produits, inventive, créative, aux compositions parfois étonnantes mais toujours surprenantes d’équilibre en bouche, dont on saluera l’incroyable palette de saveurs.
En salle, dans un cadre résolument contemporain aux tonalités sereines, c’est Vincent Collard, le sommelier qui s’active. « Il est également mon double, c’est lui qui veille aux grains et qui gère l’équipe en salle… » Une équipe particulièrement jeune, dont le dynamisme fait plaisir à voir. « Plus que la course à une deuxième étoile, c’est la transmission du savoir-faire qui est mon moteur. J’ai souhaité changer le nom Alain Bianchin en Maison Alain Bianchin, car j’ai en cuisine quatre personnes, mon second, mon chef de salle, mon chef pâtissier, qui travaillent avec moi depuis quatre ans, et qui souhaitent poursuivre cette belle aventure avec moi… Leur transmettre mon savoir-faire pour assurer la continuité du restaurant, me tient vraiment à cœur. »
Du tac au tac avec Alain Bianchin
Vos aliments préférés ? Ceux qui me rappellent mes origines italiennes, l’aubergine, les tomates, l’huile d’olive… Et les aliments et condiments asiatiques.
Ceux que vous détestez ? Les tripes et les huîtres.
Pourtant les huîtres creuses de Saint-Vaast-La-Hougue en Normandie, fumées au nori, vinaigrette iodée et céleri vert, servies sous cloche, c’est l’un de vos plats signatures ! Oui, mais les huîtres sont chaudes et fumées.
Alain Bianchin aime-t-il travailler le monoproduit ? Pas forcément, mais je suis très sensible aux accords de saveur et de couleurs. Je n’aime donc pas la cuisine de superposition.
Votre resto préféré ? Celle du chef Pascal Barbot (Astrance Paris **). Sa cuisine m’a véritablement fait évoluer.
Et si Alain Bianchin n’avait pas été chef ? Il aurait été avocat pour plaider les causes perdues. Je n’oublie pas mes origines, je suis fils d’immigrés italiens. Et si, dans l’horeca, je peux servir de tremplin à certains en transmettant mon savoir, je suis un homme heureux.
Giovanni Bruno - Comment célébrer la véritable cuisine italienne ?
Giovanni Bruno
Comment célébrer la véritable cuisine italienne ?
Mots : Servane calmant
Photos : Michel Verpoorten
Cette question nourrit la réflexion du chef étoilé Giovanni Bruno depuis 30 ans exactement ! Pas étonnant que son Ristorante Senzanome ait été récemment classé 13e meilleur resto italien au monde (hors la Botte) par le guide en ligne Top Italy. Et si Giovanni se réjouit de cette reconnaissance internationale, il n’a pas attrapé la grosse tête pour autant. Au contraire, il maestro reste fidèle à ses bons principes : une cuisine de produits, de l’émotion et « une main méditerranéenne » généreuse par tradition, élégante par choix.
« Partout dans le monde, les immigrés italiens ont proposé une cuisine italienne adaptée aux goûts des autochtones. Il fallait bien que mes compatriotes gagnent leur vie ! Mais leurs concessions ont dénaturé voire folkorisé la véritable cuisine de notre pays. Moi je n’ai pas voulu faire plaisir à la clientèle… ». Accueillant, charmant, chaleureux, Giovanni n’a pas la langue dans sa poche – tant mieux !
Natif du centre de la Sicile, Giovanni Bruno arrive à Bruxelles avec sa famille à l’âge de 16 ans et découvre avec stupéfaction le spaghetti à la bolognaise qui … n’existe pas en Italie. « C’est un fake ! », s’exclame-t-il. Et le maestro de poursuivre : « Il existe évidemment autant de recettes que de régions d’Italie mais les principes de base sont identiques : la sauce d’une lasagne fait partie de la farce, au nord comme au sud du pays ; une lasagne qui nage dans la sauce, ce n’est définitivement pas l’Italie. Point. »
Dans les années 90, le chef et sa sœur, Nadia, ouvrent leur propre restaurant, à Schaerbeek, qu’ils baptisent le Senzanome. L’adresse volontiers discrète est très appréciée des hommes politiques. « Des gouvernements se sont faits et défaits à ma table ! », s’amuse Giovanni qui derrière ses fourneaux, se sent très vite investi d’une mission : honorer la véritable cuisine italienne qui ne se résume pas aux pâtes carbonara ni au tiramisu ! « Au début de ma carrière, j’ai reçu des claques ! On prétendait que je galvaudais la cuisine italienne, alors que je la mettais à l’honneur ! Mais j’ai résisté et poursuivi l’aventure, ma main méditerranéenne dictant une cuisine de caractère, gouteuse à souhait … »
Après des années à Schaerbeek, le chef et sa brigade s’installent, il y a 6 ans, dans un élégant hôtel de maître à la déco contemporaine, à l’angle du charmant Square du Petit Sablon à Bruxelles. En 30 ans, la cuisine de Giovanni n’a pourtant pas changé, plutôt évolué de manière créative, inspirée qu’elle est par l’Italie de toutes les régions. « Il y a 30 ans, les produits italiens que l’on trouvait en Belgique étaient de qualité relativement médiocre. Heureusement, les choses ont changé ! Et quand vous disposez de bons produits, il suffit d’une cuisson juste et d’un assaisonnement élégant pour que le miracle se produise. La règle en or que j’applique au quotidien : ne jamais couvrir un produit mais le sublimer ! »
« Je parle, je parle, mais vous, qu’avez-vous pensé du menu ? » « Che festa, chef ! » Dès les mises en bouche, le ton est donné du classique revisité avec une émulsion de stracciatella burrata, quenelle de sorbet à la tomate, huile d’olive infusée maison au basilic, d’une remarquable précision dans la présentation, « je suis un minimaliste », et d’une gourmandise affolante, « je suis aussi un épicurien ! ». Il en va de même avec le tiramisu à la façon du chef, soit un biscuit génoise de Marsala, crème glacée au café, caramel au café, espuma de mascarpone, tuile au cacao – escales en Italie garanties ! L’œuf cuit à 63° pendant une heure, asperges blanches, crevettes grises, lard confit Duroc et un plat d’orecchiette au ragu de saucisse toscane (au fenouil frais) à la cannelle et espuma de Fontal (un fromage du Piémont) confirmant que nous avons (re)découvert ce jour-là l’une des plus belles tables de Bruxelles !
Les bonnes adresses de Giovanni Bruno
Le Fico à Ixelles : « Le restaurant de ma sœur Nadia propose une excellente cuisine traditionnelle italienne ».
« Je suis un inconditionnel de la cuisine japonaise, qui est également une cuisine de produits ! A Bruxelles, je fréquente le Kamo, le Samouraï et Yamayu Santatsu ».
« J’apprécie beaucoup les brasseries bruxelloises, notamment Les Brigittines pour leur waterzooï ».
Réussir des pâtes comme en Italie
« Si vous versez la sauce chauffée sur un plat de pâtes égouttées, je quitte la table ! » Rire. « Pour préparer des pâtes comme en Italie, la sauce détendue avec un peu d’eau de cuisson doit mijoter dans la poêle, et l’on verse alors les pâtes par-dessus. Jamais l’inverse ! C’est le seul moyen pour que les pâtes imprègnent les saveurs de la sauce. »
Kevin Lejeune - Ce chef qui n’en finit pas de surprendre ...
Kevin Lejeune
Ce chef qui n’en finit pas de surprendre ...
Mots : Servane Calmant
Photos : DR
La Canne en Ville * vient de s’installer au pied de l’hôtel Steigenberger Wiltcher’s, au 77 de l’Avenue Louise à Bruxelles, dans un cadre chic et feutré. Le chef Kevin Lejeune y propose notamment un menu végétarien qui prouve que le légume est bien plus qu’un simple accompagnement …
On a connu La Canne en Ville à la rue de la Réforme à Ixelles, quand Kevin Lejeune et sa brigade se sont installés, il y a quatre ans, dans une ancienne boucherie de quartier au charme suranné, carrelages vintage et crochets à viande au mur comme éléments de déco. Un an à peine après avoir investi cet endroit volontiers atypique, le Michelin gratifie le chef d’une première étoile et le Gault&Millau Belux lui offre en 2021 le titre de Jeune Chef de l’Année et lui octroie un 15/20 au passage.
Début avril, on nous annonce pourtant un grand chambardement : Kevin Lejeune quitte en effet l’écrin douillet qui lui a donné des ailes, pour s’installer au pied d’un hôtel iconique de la capitale, le Steigenberger Wiltcher’s, au 77 de l’Avenue Louise, dans la même commune. C’est un nouveau challenge pour le chef : « Je ne pensais pas déménager, je pensais même rénover l’adresse de la rue de Réforme, mais l’opportunité s’est présentée et je l’ai saisie. Investir le magnifique bâtiment du Steigenberger Wiltcher’s sur la prestigieuse Avenue Louise, ne se refuse pas ! Par ailleurs, on était trop à l’étroit dans notre petite cuisine. On double désormais le nombre de couverts et l’on va pouvoir enfin mettre un pied en salle pour terminer ou dresser certains plats et offrir ainsi aux clients un véritable ballet de serveurs et, pourquoi pas, un peu de show ! »
Après deux mois de travaux, La Canne en Ville invite à découvrir un intérieur épuré, sobre et raffiné, signé par le duo Christophe Ternest, architecte d’intérieur, et Denis Baudoux, décorateur, en concertation avec Kevin Lejeune et son épouse. « On souhaitait une déco à l’esprit contemporain chic, qui convienne au bâtiment et à une clientèle du soir, avec lumière tamisée sur table. » Du bois, des touches de doré, du marbre, et une palette de couleurs qui s’étend du brun au noir en passant par le gris, répondant parfaitement aux souhaits du couple.
Les légumes à l’honneur
Si les murs ont changé, la formule reste la même, si ce n’est qu’une carte avec entrée, plat et dessert vient s’ajouter au menu. Quant au parti pris de proposer aux clients un menu végétarien, parmi d’autres évidemment, il est toujours aussi bien assumé ! Avec son cannelloni de betterave, sureau, crème de ricotta ou son chou de Bruxelles, soja, nori, sésame, le chef place en effet le végétal au centre de l’assiette tout en le sublimant. Et quand on lui demande pourquoi un menu végétarien, Kevin s’amuse : « Parce que je n’aime plus la viande. Non, je rigole ! Je suis un grand carnivore, mais notre clientèle réclamait un menu végétal; deuxième raison, je voulais prouver que l’on peut manger un repas gastronomique étoilé sans viande. Un menu végétarien ne se résume pas à une poêlée de légumes oubliés pour faire joli dans l’assiette ! Les légumes, les herbes, la manière de les accommoder avec telle ou telle huile, c’est là un terrain de jeu magnifique pour un chef. »
Le menu végétarien, un sans faute
Le plat végétarien a-t-il son fan club masculin ? « Oh oui ! L’époque où monsieur commandait une belle pièce de viande et madame des légumes vapeur, est révolue. Un quart de notre clientèle réclame un menu végétarien. Pour tout vous avouer, le premier à l’avoir demandé, c’était Pierre Wynants (un chef qui n’est plus à présenter, nda). Ce menu n’existait pas encore, alors on l’a inventé le jour même ! Et comme nous avions déjà pour habitude de travailler les légumes, de ne pas les considérer comme un simple accompagnement, on a pu répondre à la demande de Pierre, qui était ravi ! Ainsi a germé l’idée de proposer un menu végétarien forcément gourmand. »
Y’a-t-il des légumes que vous rechignez à mettre à la carte ? « Non, je ne redoute ni l’amertume ni l’acidité, il y a toujours moyen de les contrer. »
Vous avez décidé de nous faire aimer la betterave rouge ! « Oui, le sureau vient casser le côté terreux de la betterave et la ricotta confère de la douceur au plat. En cuisine, tout est une question d’équilibre des saveurs. Cela vaut aussi pour les légumes. »
On a craqué pour l’enseigne Eneko Basque
On a craqué pour l’enseigne Eneko Basque
Mots : Servane Calmant
Photos : DR
Originaire du Pays basque, Eneko Atxa a raflé 3 étoiles au Michelin avec Azurmendi, table fameuse qui figure parmi les World’s Fifty Best Restaurants, carrément ! C’est dire si on avait hâte de découvrir ses plats signatures, au travers de l’enseigne Eneko Basque fraichement installée chez nous au sein de l’hôtel Radisson Collection Grand-Place Brussels.
A la tête de cette version ultra conviviale de la cuisine du grand chef et, qui plus est, accessible au portefeuille, un jeune duo passionné, sélectionné par Eneko Atxa en personne. Notre verdict ? Une cuisine gourmande et précise, et un véritable coup de cœur pour le tartare de betterave et le carré d’agneau cuit 24 heures !
A un jet de pierre de la Grand-Place de Bruxelles, se dresse l’hôtel Radisson Collection, un 5 étoiles classé depuis 2020 dans la branche premium du groupe. Oui, oui, c’est bien là qu’Yves Mattagne y avait son restaurant deux étoiles SeaGrill, avant qu’il ne déménage avec sa brigade à la Villa Lorraine, institution également étoilée.
Ce très bel hôtel à l’architecture post-moderniste accueille donc Eneko Basque au coeur d‘un atrium grandiose, haut de sept étages, couronné d’une verrière et coiffé de lustres contemporains créés sur mesure en Espagne qui confèrent, à eux seuls, un cachet incroyable à l’endroit. L’architecte madrilène Rafael de la Hoz a bien fait les choses : car dans cet atrium XXL où l’on aurait pu se perdre, il a créé des îlots intimistes où passer une chouette soirée en couple.
Alors, sommes-nous chez Eneko Atxa ou pas ? Vous ne croiserez pas à Bruxelles le chef du restaurant basque Azurmendi, plusieurs fois déclaré le meilleur d’Europe. Mais l’âme de sa cuisine basque, ses recettes traditionnelles et les produits typiques de chez lui, oui ! Au travers de l’enseigne Eneko Basque, le chef aspire en effet à offrir une version accessible et conviviale de sa cuisine. Pour ce faire, il a sélectionné un jeune duo passionné, le chef Michael Torres et sa compagne Andrea Mesa (notamment préposée aux desserts maison), qui ont officié dans plusieurs restaurants espagnols de renom et parachevé leur formation au sein même du restaurant Azurmendi.
La carte qui met en valeur les produits de la terre et de la mer, n’est pas très longue et incite au partage de grandes ou petites assiettes. On a choisi une petite et une grande assiette, soit, à peu de choses près, une entrée et un plat, plus un dessert évidemment. On a hésité pour la brioche avec une émulsion d’anchois et un tartare d’anguille fumée et finalement opté pour un tartare de betterave aux fleurs, sorbet de betterave et caviar d’huile d’olive, un choix gourmand absolument divin ! Du côté des grandes assiettes, focus sur des poissons entiers (notamment turbot grillé au vin Txakoli) et de belles pièces de viande cuites au charbon de bois. Le carré d’agneau cuit 24h, fini au feu de bois est généreux, tendre, goûteux, fameux, et s’accompagne, au choix, de pommes de terre fumées, de piments de piquillo ou verts fris. Un régal. Parmi les desserts, le pain perdu basque, crème glace au yaourt vire au plaisir régressif ! Une sélection originale de vins basques et espagnols, dont plusieurs servis au verre, complète le festin. On y retournera.
Domaine de La Roseraie - Le savoir-faire de chez nous
Domaine de La Roseraie
Le savoir-faire de chez nous
Mots : Servane Calmant
Photos : DR
Passionnée de fine cuisine, d’architecture et de design, la cheffe Marie Trignon aime avant toute chose se retrouver parmi les siens pour mieux s’ouvrir aux autres. Alors, elle a concilié le tout, en reprenant La Roseraie de papa. Cette villa du 19e siècle, sise dans un magnifique domaine arboré, elle l’a rénovée en 2020 en boutique-hôtel stylé, agrémenté de shelters haut de gamme posés à l’orée d’un bois privé. Repas gastronomique, bassin de nage, vélos électriques en location, promenade balisée et royale literie comme à Buckingham Palace, on a trouvé notre petit coin de paradis !
Certaines personnes semblent avoir plusieurs vies. C’est un peu le cas de Marie Trignon. Cette Liégeoise, formée à la traduction, a vécu longtemps à Londres où elle a notamment travaillé au département événements du gouvernement Blair, avant de se former au design et d’intégrer l’entreprise Bo Concept, un fabriquant de meubles danois. Il y a 6 ans, Marie décide pourtant de retourner sur ses terres, à Modave, et de reprendre la gestion de La Roseraie que durant 40 ans, son père, le chef Vincent Trignon, et son épouse Madeleine, avaient fait rayonner dans la région et bien au-delà.
« C’est en effet un retour aux sources ! J’avais trois ans quand mes parents ont acheté La Roseraie. Et le jour où papa m’a annoncé que ses printemps s’additionnant, la retraite était dans sa ligne de mire, j’ai décidé de quitter Londres pour rentrer au pays, avec mon mari et mes deux petites filles. Un sacré tournant dans ma vie, car il me fallait encore régler un problème de taille : apprendre à devenir cheffe ! J’ai pensé que papa allait m’enseigner son savoir, mais il arrivait difficilement à déléguer, alors je suis retournée à Londres pour m’inscrire à la Tante Marie Culinary Academy. Un diplôme Cordon Bleu en poche, j’ai fait plusieurs stages auprès de chefs renommés, notamment Alain Ducasse au Dorchester à Londres et Pierre Résimont de L’Eau Vive à Profondeville, en Belgique. »
Comment concilier gastronomie, design et vie de famille ? Marie y a pensé et sa réussite fait plaisir à voir. « La Roseraie a toujours été une entreprise familiale dont je perpétue l’esprit : mon mari, Dan, gère les finances, je travaille en duo avec papa en cuisine, il a fallu un peu de temps pour que nos caractères s’accordent mais désormais c’est fait, et maman est au service en salle. » Cet esprit de famille imprègne aussi l’accueil des hôtes, que Marie Trignon souhaite prégnant, attentionné, de tous les instants. « C’est avec plaisir que je sers le petit déjeuner à table (royal ! œufs sur le plat, pain, viennoiseries, scones maison et flûte de Crémant – nda), l’idée étant d’offrir un accompagnement de séjour complet, du service hôtelier aux bons plans pour découvrir la région environnante. »
Pour l’heure, passons à table ! Marie avoue être restée fidèle à la cuisine de son père, soit une gastronomie française composée de bons produits et exécutée à la perfection, qui invite à apprécier un consommé de homard en croûte, une crème brûlée de foie gras maison, des sardines nacrées escortées de condiment de melon, des asperges mariées à un thon rouge mariné et encore, un mignon de veau rôti en croûte et une menthe poivrée associée à une mousse au chocolat araguani. Une belle partition et un service aux petits soins.
C’est du belge !
Pourquoi aller chercher ailleurs, les savoir-faire de chez nous ? Ainsi la rénovation de La Roseraie, belle bâtisse qui abrite trois suites élégantes, est le fruit d’une franche collaboration entre l’engouement de Marie Trignon pour l’art et le design, et la créativité de son petit-cousin, l’architecte Maxime Faniel du bureau hutois « Laboratoire Architecture » ; le service de table en porcelaine diaphane, il a été créé spécialement pour le Domaine de La Roseraie par la Liégeoise Valérie Ceulemans ; quant aux tableaux contemporains, ils portent la signature de l’architecte, décorateur et peintre belge, Thierry Thenaers.
Ame passionnée et réfléchie à la fois, Marie est également une visionnaire. Consciente des atouts de son domaine (un joli parc fleuri et un bois privé classé Natura 2000 qui s’étend jusqu’au « camp romain » contigu), elle a fait construire à l’orée du bois, deux « Shelters » (bientôt cinq !) conçus par le même bureau, « Laboratoire Architecture ». Ces petits nids d’amour uniques en leur genre présentent une architecture particulièrement innovante : construits sur pilotis, leur bardage n’est pas en bois mais en verre dépoli. « Il n’était pas question de bâtir des chalets rustiques qui auraient occupé trop d’espace, mais de proposer, au contraire, un shelter élégant qui offre un miroir à la nature, à la lumière, à la bâtisse principale du domaine, tout en faisant écho à la serre de 1875 qui est située en contrebas », précise la cheffe.
C’est donc dans un Shelter tout de verre vêtu et braqué sur Dame Nature, que nous avons passé une nuit de grand confort : royale literie comme à Buckingham Palace (clin d’œil aux années londoniennes de Marie et de son mari, Dan), feu ouvert, et produits de soin, « The White Company », la marque anglaise préférée de Marie, au réveil. « Les détails font la perfection, et la perfection n’est pas un détail », on emprunte la citation à Léonard de Vinci, il ne s’en choquera pas, car elle va comme un gant à Marie Trignon et sa Roseraie familiale.