Old Boy à Flagey - Le pop-up thaïe-brasserie inédit
Old Boy à Flagey
Le pop-up thaïe-brasserie inédit
Mots : Nicolas De Bruyn
Photos : Flash et fourchette
Depuis novembre 2024, l’équipe d’Old Boy a investi le charmant bistro Chez Marie pour un pop-up qui révolutionne la scène culinaire bruxelloise. Sacré restaurant asiatique de l’année 2023 par Gault & Millau, Old Boy continue d’explorer de nouveaux horizons gastronomiques, mêlant l’âme des brasseries belges à des saveurs thaïlandaises audacieuses.
Après six années à bousculer les papilles des Bruxellois, Old Boy ferme temporairement ses portes pour une transformation ambitieuse, avec une réouverture prévue en 2025.
Fondé en 2018 par John Prigogine et Xavier Chen, le restaurant s’était imposé comme une référence incontournable de la cuisine thaïlandaise moderne, puisant son inspiration dans des métropoles vibrantes comme Bangkok, Londres et New York. Sa créativité et son authenticité lui avaient même valu le titre de « Restaurant asiatique de l’année 2023 » décerné par Gault & Millau Belgique.
En parallèle, le duo avait lancé Lil Boy en pleine pandémie, un comptoir de plats à emporter mettant à l’honneur les baos et autres spécialités thaï. Bien que très apprécié pour son offre street food, Lil Boy ferme aujourd’hui ses portes. Cette décision stratégique permettra de se concentrer sur le renouveau d’Old Boy, avec un espace plus grand et une expérience culinaire encore plus immersive.
Le futur Old Boy, qui s’inspire de références internationales comme Kolae et KILN à Londres, promet une carte entièrement repensée autour des grillades et des cuissons au feu, tout en conservant la créativité et l’authenticité qui ont fait son succès. Avec une surface doublée et une approche innovante, Old Boy s’apprête à renforcer son rôle de pionnier de la gastronomie fusion à Bruxelles.
À Flagey : Un pop-up thaïe-brasserie inédit
Pendant les travaux de rénovation, Old Boy se délocalise à Flagey et prend ses quartiers dans le bistro Chez Marie pour un pop-up éphémère. Depuis le 9 novembre 2024, on peut y découvrir une carte qui allie tradition belge et saveurs thaïlandaises. Avec une formule simple pour le déjeuner et un menu unique le soir, ce pop-up séduit par son audace et son originalité.
On a testé leur menu : une escapade culinaire entre tradition et exotisme
On découvre un menu aux saveurs éclectiques, une véritable invitation au voyage entre terre et mer. Dès l’entrée, le ton est donné : le Waterzoï, ce classique belge, se réinvente avec des influences thaïlandaises. Le poulet mariné à la noix de coco se mêle à un bouillon tom yum crémeux, offrant un équilibre délicat entre tradition et exotisme. Les crevettes grises, quant à elles, séduisent avec leur mayonnaise au nam jim. Une alliance subtile entre douceur et piquant, rehaussée par la fraîcheur de la coriandre et une pointe de chili. Mais c’est l’entrecôte barbecue qui s’impose comme le point culminant du repas. Grillée à la perfection, elle est sublimée par un beurre au tamarin et chili. Les frites, parfumées à la citronnelle et au lime makrut, apportent cette petite touche audacieuse et rafraîchissante qui surprend agréablement. Le repas se termine sur une note sucrée et élégante avec une crème brûlée au thé thaï.
Verdict ? Old Boy continue à nous ravir ! Ce pop-up est un rendez-vous incontournable pour les amateurs de fusion culinaire et d’innovation.
La famille Niels - « Les clients qui nous remercient de faire vivre Bruxelles nous rappellent chaque jour pourquoi nous faisons ce métier »
La famille Niels
« Les clients qui nous remercient de faire vivre Bruxelles nous rappellent chaque jour pourquoi nous faisons ce métier »
Mots : Servane Calmant
Photo : Bernard De Keyzer
1924, Joseph Niels invente le fameux filet américain. Un siècle plus tard, la recette, immuable, occupe toujours la place d’honneur sur les cartes des brasseries orchestrées par Frédéric Niels et son père, Albert-Jean. Pour célébrer cet héritage centenaire, un livre, « Rendez-vous chez les Niels », retrace cette formidable aventure familiale, mêlant tradition culinaire et identité bruxelloise.
L’inventeur du filet américain est belge, un point c’est tout. « Avant d’ouvrir la taverne Canterbury en 1926, mon grand-père travaillait au restaurant La Taverne Royale, dans la Galerie Saint-Hubert à Bruxelles », raconte Frédéric Niels, représentant de la quatrième génération. « Déçu par les variations dans la préparation du steak tartare, il imposa un protocole strict en cuisine, pesant chaque ingrédient pour assurer une constance absolue des saveurs. » Aujourd’hui encore, cette précision reste la marque de fabrique des établissements Niels – Au Vieux Saint Martin, Au Grand Forestier, Au Savoy, Le Claridge et Alfred – et un des secrets de leur longévité exemplaire.
Frédéric, né en 1976, a grandi au sein de cette riche tradition, mais il est conscient d’avoir manqué un demi-siècle d’histoire, avant de rejoindre son père en 2002 pour travailler à temps plein dans l’entreprise familiale. « Papa a 72 ans cette année, et il m’a transmis de nombreuses anecdotes sur la famille, les clients, et le personnel. Mais j’ai ressenti le besoin d’en faire un récit écrit, enrichi de nombreuses photos d’archives, dont certaines inédites », explique-t-il.
« Rendez-vous chez les Niels», livre de quelque 200 pages, d’abord adressé aux clients fidèles avant d’être mis à la vente, n’est pas seulement destiné aux membres de la famille ou aux amateurs de gastronomie belge, c’est une œuvre de mémoire qui capture l’évolution de la société belge à travers le prisme de la famille Niels. Car la saga Niels n’est pas seulement une affaire de famille, elle raconte également une histoire qui a notamment traversé deux Expositions universelles à Bruxelles. Celle de 1935 où Joseph Niels exploita une luxueuse brasserie dans l’enceinte d’un pavillon national, et celle de 1958 où Albert et Georges Niels, sur demande du gouvernement argentin, dirigèrent le restaurant de leur pavillon. Les deux frères avaient repris en 1948 un restaurant à Buenos Aires nommé Claridge, nom que porte aujourd’hui la brasserie de Waterloo inaugurée en 2022 par Frédéric et son papa Albert-Jean. Lors de l’exposition d’Osaka au Japon en 1970, Albert Niels fit encore sensation avec un fritkot, l’art de promouvoir les véritables frites belges servies évidemment avec de la mayonnaise maison…
Certes, les temps ont changé mais…
Les temps ont changé, mais chez les Niels, la tradition perdure. « Autrefois, on découpait en salle le faisan ou le poisson sauvage, mais aujourd’hui, ce savoir-faire se perd par manque de personnel qualifié », déplore Frédéric. Cependant, une constante demeure : le fait maison. Des fameuses Oostendse grijze garnaalkroketten (en VO sur la carte) à l’incontournable vol-au-vent au poulet fermier, en passant par les frites, la béarnaise, les glaces, rien n’échappe à cette exigence de qualité.
Et demain ? Depuis 33 ans, Frédéric est un pilier de l’entreprise familiale, où il a fait ses premiers pas en tant qu’étudiant. Cela fait maintenant 23 ans qu’il en a pris les rênes à plein-temps, avec un enthousiasme qui ne faiblit pas. Aujourd’hui, il rêve de voir ses enfants perpétuer cette belle aventure. « J’ai trois enfants, et l’un d’eux est déjà en formation dans le secteur de l’horeca. Mais à 47 ans, je ne compte pas prendre ma retraite de sitôt », plaisante-t-il.
Chez les Niels, la transmission est une affaire de cœur, omniprésente dans leur travail, de la cuisine à la gestion des établissements. Depuis l’ouverture de leur premier restaurant en 1926, chaque nouvelle adresse est un événement attendu. « Lorsque nous inaugurons un nouveau lieu et que nous faisons 100 couverts dès le premier midi, cela montre que nous sommes une véritable institution », se félicite Frédéric. « Les clients qui nous remercient de faire vivre Bruxelles nous rappellent chaque jour pourquoi nous faisons ce métier. Hier encore, j’ai croisé Axelle Red au Vieux Saint Martin, on a discuté comme de vieux amis. Ce métier est l’occasion de faire des belles rencontres… »
Portée par un siècle de traditions, la famille Niels reste un nom incontournable de la gastronomie belge. Leur engagement envers la tradition et le fait maison, couplé à une réelle volonté de transmission, leur assure une place de choix sur la scène culinaire bruxelloise pour de nombreuses années à venir …
La Butte aux Bois - Centenaire d’une élégance champêtre
La Butte aux Bois
Centenaire d’une élégance champêtre
Mots : Barbara Wesoly
Photos : Hugo Thomassen
Le véritable goût se conjugue avec l’intemporalité. Un principe que ne pourrait mieux résumer La Butte aux Bois. Établi à la lisière du Parc National Hoge Kempen dans la province du Limbourg, le domaine au charme romantique célèbre ses 100 ans sous les étoiles. Celles qui l’ont amené à devenir le premier hôtel 5 étoiles supérieur de Belgique, comme celles de son restaurant gastronomique primé par Michelin et Gault & Millau.
Elle s’est imposée parmi les plus prestigieuses adresses de notre pays et pourtant La Butte aux Bois réveille en nous l’image d’une escale secrète. Peut-être en raison de sa proximité avec la vie citadine, qui en quelques rues à peine, cède à la nature et aux jardins bucoliques. Très certainement, en tout cas, par le mariage aussi étonnant que réussi d’un design contemporain et d’une architecture majestueuse de château. Le ton est donné, l’expérience sera celle des contrastes, dont la surprise laisse place à l’enchantement.
Revisiter l’authentique
Ses accents de noblesse, La Butte aux Bois les doit à ses origines de résidence privée du chevalier Edouard Lagasse de Locht. Bâtis en 1924, les lieux se sont métamorphosés en hôtel dans les années 80, poursuivant leur transformation jusqu’à devenir un pied-à-terre d’excellence, accueillant désormais 60 chambres et 3 suites signatures. Et si le domaine conserve un évident cachet historique, ce n’est que pour mieux se jouer des époques.
La découverte commence par La Forêt, nouvelle aile inaugurée en 2017, accueillant la réception, 20 chambres et un espace wellness. Une structure géométrique noire et blanche, qui ne laisse rien présager de l’atmosphère feutrée et luxueuse qui baigne l’intérieur des lieux, pas plus d’ailleurs que de l’imposant crâne de dinosaure qui trône entre les fauteuils de cuir et le bar élégant. L’hôtel regorge en effet de fossiles, minéraux et bijoux grandioses, trésors de son nouveau propriétaire, le joaillier Jochen Leën, qui s’est associé en 2020 à Rüdiger Pohl pour acquérir le domaine, et souhaite aujourd’hui voir le voir accueillir évènements et expositions.
De surprises en plaisirs
Un atout de plus pour un hôtel qui en compte déjà une pléiade. Notamment celui d’abriter l’un des cinq spas Shiseido Institute au monde, où savourer un soin visage divin. On y profite aussi d’une piscine intérieure, d’un sauna, d’un hammam, d’une salle de sport et d’une autre salle de méditation dont la vue panoramique plonge en pleine nature. Dans le prolongement du spa se situe le Manoir, cœur historique des lieux, où découvrir le royal Bar Papillon, clin d’œil aux coléoptères nichés sous des globes de verre, ainsi que ses restaurants. La Butte aux Bois est, en effet, un vrai régal, non seulement pour les yeux, mais aussi pour les papilles, avec deux ambiances culinaires de choix.
D’une part, une cuisine de haut vol dans un décor raffiné, ayant décroché deux étoiles au Michelin sous la maestria du chef néerlando-limbourgeois Ralf Berendsen. Considéré comme l’une des « plus belles tables de Belgique » par Gault & Millau, il offre un voyage gastronomique aventureux en sept escales, où l’originalité rivalise avec la subtilité des saveurs. Et puis de l’autre, Le Ciel, un bistro gourmand ayant pour mot d’ordre l’inattendu, grâce à des plats à la qualité bluffante et à un décor qui ose joliment l’audace, puisqu’on y dîne et petit-déjeune sous un immense cerisier blanc et un plafond verdoyant.
Des tables que l’on quitte à regret, mais seulement pour parfaire l’expérience d’une nuit au domaine. Et celle-ci se révèle une nouvelle fois à la carte, avec trois emplacements à l’atmosphère distincte. Contemporaine et sophistiquée pour les chambres de La Forêt. Ouvrant sur les bois à La Villa, située en retrait des installations principales. Ou respirant le romantisme d’un cottage anglais, dans Le Manoir. C’est au chant des oiseaux et dans le cocon de ce dernier qu’on a savouré à un réveil ensoleillé, convaincu qu’un anniversaire centenaire n’aurait pu avoir de goût plus doux.
Inter Scaldes - Virée gourmande en Zélande
Inter Scaldes
Virée gourmande en Zélande
Mots : Servane Calmant
Photos : Inter Scaldes
Plantons le décor : la Zélande, séduisante terre de la mer, une villa et ses douze suites hôtelières élégamment rénovées, une table qui a toujours tutoyé les étoiles, un héliport. La proposition est alléchante. Elle l’est d’autant plus qu’Inter Scaldes, nouvellement géré par le chef néerlandais Jeroen Achtien, figure parmi les meilleures tables des Pays-Bas. Récit.
Nous sommes en Zélande, à 50 kilomètres d’Anvers, à Kruiningen plus précisément, dans les vastes polders de cette belle province néerlandaise, entre les estuaires de l’Escaut oriental et de l’Escaut occidental d’où le nom du restaurant, Inter Scaldes en latin. Terrain de jeu du chef Jannis Brevet pendant plus de 20 ans, Inter Scaldes a affiché 3 étoiles Michelin dès 2018. Mais Jannis et son épouse ont décidé de se séparer de leur restaurant début 2023 pour vaquer à d’autres occupations…
Novembre 2023, Inter Scaldes rouvre ses portes après une vaste rénovation et le rachat par la chaîne Pillows Hotels d’une villa au toit de chaume qui abrite 12 suites hôtelières disponibles exclusivement pour les clients du resto. Pas de petite chambre donc, que de grands espaces rénovés par les architectes du Studio Paul Linse, également responsables du design de l’hôtel De Blanke Top à Cadzand et des Pillows Amsterdam et Gand. Drapées d’épure et vêtues d’un blanc ponctué de tableaux contemporains, ces suites ne boudent pas la convivialité pour autant : l’espace salon mettant à la disposition des hôtes, une platine et des vinyles, invitation à lâcher prise avant de prendre le large, à l’occasion d’un voyage de découvertes culinaires en compagnie de Jeroen Achtien, le nouveau chef d’Inter Scaldes.
Jeroen Achtien est loin d’être un inconnu… Le chef a fait ses armes dans le restaurant triplement étoilé de Jonnie Boer, De Librije à Zwolle (où il a rencontré sa femme, Sanne, qui codirige aujourd’hui Inter Scales), avant d’offrir 2 étoiles au Restaurant Sens, au bord du lac des Quatre-Cantons en Suisse. Bref, un chef au parcours brillant. De retour au pays, Jeroen et Sanne Achtien ne cachent d’ailleurs pas leur priorité : perpétuer ce lieu prestigieux (Inter Scaldes reste le seul resto des Pays-Bas à disposer de son propre héliport), tout en imposant leur style, leur signature. Deux mois et demi après sa réouverture, le restaurant figure dans le guide Gault&Millau 2024 avec une note de 16,5 points. L’étoile ne saurait tarder…
Le restaurant, complètement rénové donc, s’ouvre sur un salon intimiste flanqué d’un bar à amuse-bouches, lequel débouche sur une vaste salle à manger baignée de lumière. Des banquettes semi-circulaires d’un élégant bleu pastel offrent une vue dégagée sur le jardin paysager, le jardin d’herbes aromatiques et l’hôtel. Design épuré et classieux.
Après deux mises en bouche délicieusement iodées, le maître d’hôtel, Leroy Pechler, nous invite à rencontrer le chef dans sa cuisine pour y déguster un dernier amuse-bouche. Faut-il y voir une sympathique faveur accordée à une chroniqueuse gastronomique belge ? Point du tout. Jeroen Achtien prend la peine de s’entretenir avec chaque client. L’occasion d’une brève présentation bien rodée de sa philosophie culinaire qu’on se plaît à résumer ainsi : quand le produit est bon, pas la peine d’en faire des caisses pour le sublimer ! S’ensuit un éloge des trésors de la Zélande, poissons, coquillages et crustacés. La cuisine durable tournée vers le circuit-court, les produits locaux des petits producteurs et de saison, n’est pas pour Jeroen un énième effet de mode, elle est au contraire le fruit d’une réelle prise de conscience des enjeux de l’alimentation. Confidences également d’un chef qui affectionne particulièrement le terre-mer qu’il maîtrise à la perfection, la maturation notamment de l’agneau et les herbes aromatiques qu’il cultive au jardin. De retour à table, les atouts de cette Zélande gourmande courtisent le palais : plie, fruits de mer, citron, pour un vibrant hommage à cette terre de la mer. Viennent ensuite l’agneau et l’huître de Zélande pour une combinaison élégante. Coup de cœur pour ce foie gras (sans gavage) harmonieusement escorté d’un sorbet et de dés de betterave et nappé de graines de tournesol. A chaque étape, la sélection de vins opérée par la pétillante sommelière, Tessa van de Wouw, 28 ans, séduit. Les vins blancs minéraux, partenaires privilégiés des produits de la mer, ont de toute évidence ses faveurs. Le festin s’invite ensuite au salon et au bar à mignardises, en compagnie de Jeroen Achtien, pour la dégustation, notamment, d’un délicieux dessert régressif, douceur d’une saveur toute particulière pour le chef puisqu’elle vient saluer la naissance du premier enfant du jeune couple.
Restaurant Le Corbier - Une renaissance signée Gerald Watelet
Restaurant Le Corbier
Une renaissance signée Gerald Watelet
Mots : Servane Calmant
Photos : Luc Viatour
Quand il s’agit de relever des défis passionnants, Gerald Watelet – personnalité médiatique, cuisinier, maître d’hôtel, décorateur – le fait avec panache. Ce fringant sexagénaire aux multiples talents redonne vie au Corbier, table historique du Sablon vouée à reprendre sa place parmi les incontournables de la scène culinaire bruxelloise et à devenir un véritable repaire pour épicuriens …
Le Corbier d’Amin a marqué les esprits pendant de longues années. On venait y déguster des grillades, qui ont établi la renommée de l’endroit, à l’issue d’une pièce de théâtre, d’un film, d’un apéro à rallonge. Il était 23 heures et Amin était toujours ouvert… A la belle époque, les célébrités de passage à Bruxelles s’y pressaient, de Delon à Christopher Lee. On croisait Maurane également, et Adamo. Mais les années ont passé, d’autres bonnes adresses conviviales ont pris le relais, et Amin a fini par cesser ses activités …
Plus qu’une naissance, c’est donc d’une renaissance qu’il faut parler avec la réouverture du Corbier. Renouveau sous la houlette d’un trio complice : Gerald Watelet, personnalité médiatique (« C’est du Belge » et « Un Gars, un Chef », deux émissions phares de la RTBF), Arnaud le Grelle et Delphine Roberti de Winghe, un jeune couple d’épicuriens. «Arnaud et Delphine qui fréquentaient le Corbier depuis une dizaine d’années, ont eu l’opportunité de le racheter, et ils m’ont proposé de les rejoindre dans cette aventure », explique Gerald Watelet.
Propriétaire d’une boutique à Uccle qui propose des services de rénovation, décoration et restauration, Gerald a évidemment été sollicité pour la déco, du mobilier au choix de la vaisselle, en passant par l’éclairage. Si le Corbier n’est donc pas, à proprement parler, le restaurant de Gerald Watelet, il porte indéniablement sa patte, notamment à travers une déco bourgeoise, opulente, somptueuse. Mais pas uniquement. Le cuistot d’ « Un Gars, un Chef » a également collaboré à l’élaboration de la carte avec Olivier Chanteux, un chef adepte de la bonne cuisine bourgeoise revisitée.
Qu’ont-ils gardé ? Qu’ont-ils changé ?
« La transformation est totale, vous ne reconnaîtriez pas l’endroit ! », s’exclame Gerald. Le Corbier arbore désormais une façade couleur jade, tandis qu’à l’intérieur, briques, vieilles poutres et cheminée côtoient un puits de lumière qui vient apporter une nouvelle respiration à l’espace. Le velours, omniprésent, tapisse banquettes et murs, le nappage et les serviettes sont en tissu, la vaisselle à fleurs, les verres gravés et l’argenterie brillent. « Nous avons souhaité un luxe feutré, intemporel, à contre-courant des tendances. C’est la revanche du classique, avec un clin d’œil aux grandes heures de l’hôtellerie d’autrefois. Je n’ai pas cherché à être au goût du jour car ce n’est pas dans ma nature. Suivre la mode, c’est déjà être dépassé. Et ne me parlez pas de ces restaurants où l’on commande sur son Smartphone avant d’aller chercher sa commande au comptoir, c’est un non-sens pour moi ! Le service à l’ancienne, c’est mon crédo, et j’y tiens. »
Et dans l’assiette ?
La carte promet d’être généreuse. « Pâté de campagne, côte de bœuf sauce béarnaise avec des frites maison, crêpes Suzette. Des produits frais de chez-nous et une sélection de vins belges. Bref, tout ce que j’aime. Pour les fumeurs, on a prévu un véritable fumoir, cosy, avec banquettes en velours, où savourer un bon cigare après le repas. C’est un restaurant chic certes, mais pas élitiste ».
Peu friand des restaurants étoilés, trop complexes à son goût, Gerald Watelet apprécie beaucoup les brasseries de tradition, à l’instar de la famille Niels où il avoue commander systématiquement la cervelle de veau sauce gribiche. « Si le Corbier arrive à fidéliser la clientèle avec l’un ou l’autre plat, alors la sauce aura pris… »
A l’instar du Corbier d’Amin qui a toujours accueilli les clients tardivement, le trio Gerald/Arnaud/Delphine promet que « les commandes seront encore prises à minuit ». De quoi ravir les Bruxellois qui sortent d’un vernissage et qui ne trouvent plus de tables libres à la tombée de la nuit…
Eat Festival 2024 : Le rendez-vous gourmand qui enchante vos papilles
Eat Festival 2024 : Le rendez-vous gourmand qui enchante vos papilles
Eat Festival 2024 : Le rendez-vous gourmand qui enchante vos papilles
Mots : Ariane Dufourny
Photo Drapeau : Maurine Toussaint
Le Eat Festival, l’événement incontournable de la gastronomie à Bruxelles, revient pour sa 13e édition du 26 au 29 septembre 2024 à la majestueuse Gare Maritime de Tour & Taxis. Cette édition met en lumière un nouveau concept centré sur des menus créatifs et des expériences gastronomiques inédites.
Pour 2024, Eat Festival se réinvente et propose une expérience gastronomique aussi conviviale qu’accessible. Le concept phare de cette année ? Des menus de 3 ou 5 services, conçus en équipe.
L’accent se met sur la nouvelle génération de chefs talentueux qui, avec leurs équipes, réinventent la scène gastronomique bruxelloise. Ensemble, ils brisent les conventions et font la part belle à l’innovation, à la synergie et à la convivialité.
Des créations culinaires exclusives chaque jour
Chaque jour, deux équipes composées de chefs, pâtissiers et fromagers bruxellois unissent leurs talents pour élaborer des menus exclusifs. Ces créations gastronomiques se magnifient par des accords mets et vins méticuleusement choisis, avec en vedette les prestigieux Vins de Bordeaux, partenaires du festival depuis dix ans. Les amateurs de bières artisanales se comblent également grâce à une sélection raffinée proposée par le BXLBeerFest, qui se déroule également à Tour & Taxis.
Programme culinaire :
- Jeudi 26 septembre
Équipe 1 : Racines (Ugo Federico), Vérigoud (Alexandre Pappamikail), Tontons (Valérie Delange & Zoé Vrankenne), Julien Hazard, Nikolas Koulepis
Équipe 2 : Smala (Arth Alvarez & Anaïs Verrijdt), Le Rossini (Bogdan Streinu), Cantina Valentina (Alex Joseph), La Câlinerie (Amandine Bourgueil), Vincent Denis Dessert Bar (Vincent Denis) - Vendredi 27 septembre
Équipe 3 : Fernand Obb Delicatessen (Cédric Mosbeux), Achille (Benjamin Bret & Thomas Gourlet), Bombay BBQ (Pavan Bajwa), Saint-Octave (Octave Laloux), Yasushi Sasaki
Équipe 4 : Titulus (Lyla Bangels), Grabuge (Alexander Duke & Pannawat Wichaiphum), Frank (Mathias Smet), L’Estive (Anne-Sophie Meurin), Julien Othomene - Samedi 28 septembre
Équipe 5 : Barge (Grégoire Gillard), Klok (Jordan Joubert), badi (Maxime Bourdigal & Victoria Merret), La Fruitière (Véronique Socié & Léo Begin), Cokoa (Anaïs Gaudemer)
Équipe 6 : Yoka Tomo (Tomo Ohara), Groseille (Camille Cosnefroy), La Bonne Chère (Alexandru Sapco), From Comptoir (Etienne Boissy & Bénédicte Dartois), Laurent Gerbaud - Dimanche 29 septembre
Équipe 7 : Le Tournant (Denis Delcampe), Kitchen 151 (Simona El-Harar), Entropy Restaurant (Elliott Van de Velde), Sœurs (Lara & Hélène Milan), Ginkgo (Olivier Kasiers)
Équipe 8 : 65 degrés (Antoine Ysaye), Ramen Nobu (Nobutomo Ishii), Kamoun (Georges Baghdi Sar)
Un festival qui célèbre le terroir bruxellois
Outre les menus d’exception, Eat Festival met à l’honneur les talents locaux et les produits artisanaux bruxellois au Marché des Producteurs. Le Brussels Bar met également en avant une sélection de boissons locales alternatives, allant du Brussels Craft Gin aux bières artisanales, en passant par des cocktails sans alcool issus de la scène belge. Par ailleurs, Masalto, autre partenaire fidèle du festival, propose des ateliers café.
Des moments forts à ne pas manquer
En plus des expériences gastronomiques, plusieurs événements phares rythment ce festival gourmand, notamment le Concours National du Premier Fromager, en partenariat avec la Fédération des Fromagers de Belgique, qui met en lumière les meilleurs artisans du pays, ainsi que le concours de la meilleure croquette aux crevettes qui sacre le maître incontesté de cette spécialité bruxelloise tant appréciée. Le tout se déroule dans une ambiance festive, animée par des DJ locaux qui insufflent à l’événement une atmosphère chaleureuse et conviviale.
L’Orchidée Blanche de Katia Nguyen - « Restauratrice, c’est en quelque sorte apprendre à monter sur scène … »
L’Orchidée Blanche de Katia Nguyen
« Restauratrice, c’est en quelque sorte apprendre à monter sur scène … »
Mots : Servane Calmant
Photos : DR
Ouvert depuis 1986, le restaurant L’Orchidée Blanche témoigne d’une édifiante longévité, affiche souvent complet, enchante toujours et a même été couronné du prix de l’Asiatique de l’année 2015 par le Gault & Millau Belgique. Le mérite en revient à la patronne, Katia Nguyen, restauratrice pleine d’entrain, qui invite chaque client à un véritable voyage de saveurs au pays du sourire.
Originaire de Saïgon, vous êtes arrivée en Belgique en 1972 pour faire des études en sciences politiques à l’ULB. Et vous êtes restée chez nous. La Belgique est-elle devenue votre deuxième patrie ? Oui, tout à fait, c’est mon pays d’adoption. Après la Guerre du Vietnam, je n’ai pas pu rentrer au pays et je me suis lancée dans la restauration à Ixelles, dans le quartier de l’université. C’était il y a 38 ans… J’ai acquis la nationalité belge, pour autant, je n’ai pas oublié mon pays d’origine. Ni le respect des traditions, ni le sens de l’accuei, ni la politesse qui le caractérisent si bien.
Retournez-vous parfois au Vietnam ? Chaque année. J’y fais notamment confectionner l’áo dài, la robe brodée traditionnelle vietnamienne que portent toutes les serveuses de L’Orchidée Blanche. J’y achète également de la vaisselle et d’autres accessoires de la table. Ces voyages au Vietnam sont également l’occasion de rencontres et d’échanges avec de grands chefs de restaurants gastronomiques locaux, que j’espère pouvoir inviter un jour à L’Orchidée Blanche.
Le sens de l’accueil est-il une des clés de l’exemplaire longévité de votre enseigne ? En 38 ans, L’Orchidée Blanche a en effet acquis une belle notoriété. J’ai vu défiler dans mon établissement quatre générations d’une même famille et des clients de toutes les strates sociales. Cela fait plaisir, évidemment. A quoi je dois ce succès ? Il n’y a pas de miracle ni de mystère. Il faut rester humble. Je n’ai jamais eu la prétention de faire la meilleure cuisine du monde, mais j’ai à cœur de proposer une excellente cuisine à prix raisonnable. Il faut également préserver une stabilité dans le personnel : le client aime être accueilli par une figure familière. L’accueil et le sourire, qui définissent mon pays, participent évidemment au succès du restaurant. Restauratrice, c’est en quelque sorte apprendre à monter sur scène. Chaque soir, je revêts un bel habit, je fais des sourires. Le client vient pour passer un bon moment, pas pour écouter les malheurs de mes serveuses ni les miens !
Côté déco, il y a deux fois L’Orchidée Blanche… en une. Le rez-de-chaussée à l’ambiance zen et épurée, et l’étage à l’atmosphère ‘coloniale’ qui évoque certains romans de Margueritte Duras. Quelle salle rencontre le plus de succès ? L’exotisme plaît beaucoup. Certains clients me disent qu’ils ont l’impression de manger dans une maison au cœur du delta du Mékong. Mais le style plus épuré du rez-de-chaussée a ses inconditionnels. Quand j’ai imaginé ces deux ambiances, je n’ai pas pensé plaire aux uns et aux autres, mais finalement j’ai satisfait tout le monde !
Katia, quel est votre plat vietnamien préféré ? J’adore les raviolis à la vapeur, un plat très populaire à Saigon que vendent notamment les marchands ambulants, et les scampis grillés à la citronnelle fraîche servis avec des vermicelles. J’aime beaucoup également les nems. On en trouve dans beaucoup de restaurants asiatiques, mais sincèrement les nôtres sont fameux et très appréciés des clients.
Et votre plat belge favori ? Il y a de très grands chefs en Belgique, notamment Pascal Devalkeneer dont j’apprécie beaucoup la cuisine. Mais, à tout vous avouer, je suis une inconditionnelle du stoemp carottes et du pain de viande. De bons plats tout simples. (rires).
Forte du succès de L’Orchidée Blanche, avez-vous déjà pensé ouvrir une deuxième enseigne ? Sincèrement, non. Je ne recherche pas la gloire. Mon métier de restauratrice, c’est ma passion. Mieux vaut un resto bien tenu que deux bâclés ! Et j’ai déjà beaucoup de travail, d’autant que j’organise également des fêtes et des banquets à L’Orchidée Blanche et ailleurs, sur demande.
Il Giardino de Gatien Thiry - « Le quartier du Fort-Jaco à Uccle mérite de beaux établissements »
Il Giardino de Gatien Thiry
« Le quartier du Fort-Jaco à Uccle mérite de beaux établissements »
Mots : Servane Calmant
Photos : DR
Le restaurant italien Il Giardino a fait l’objet d’une rénovation inspirée à l’élégance résolument contemporaine. Tons et matériaux naturels, arches, plafond de vagues en bois, terrasse avec pergola in/out, pour une parenthèse sereine et ressourçante qui protège de l’agitation urbaine. L’invitation reste gourmande avec ce plat de luiguine citron burratina jambon de parme et le voyage à travers les terroirs les plus prestigieux de la Botte, enivrant. Rencontre avec Gatien Thiry, l’âme de cette véritable institution uccloise depuis 14 années déjà.
Il est élégant, soyeux même, le nouveau Il Giardino. L’architecte d’intérieur, Caroline Nava, Belge d’origine italienne qui a longtemps collaboré avec le bureau d’architecture et d’architecture d’intérieur de Guy Stapels, a insufflé au lieu une douce sérénité quasi enveloppante qui tranche avec la frénésie urbaine du quartier. Tout est pensé pour contribuer à créer à table, un véritable moment de détente. Tons clairs, matériaux naturels et espaces baignés de lumière pour une sensation de calme, plafond de vagues en bois et arches (préférés aux angles) pour la douceur, banquettes cintrées et claustras pour créer toujours plus d’intimité, luminaires en terre cuite pour une ambiance délicate et chaleureuse, terrasse avec pergola modulable pour profiter de l’extérieur été comme hiver… Dans nos assiettes, délicates tranches de saumon balik (la Rolls du saumon fumé), salade de pommes de terre et caviar Sevruga à la franche saveur iodée, suivies d’un incontournable, la tagliata de bœuf Simmental accompagnée de roquette et parmesan. Honneur évidemment aux cépages italiens. Comme un air de vacances.
Un nouvel agencement, une nouvelle déco, un nouveau mobilier, une terrasse avec une nouvelle pergola modulable. C’était de toute évidence l’heure de faire peau neuve… J’ai fermé trois mois en ce début d’année 2024 pour une rénovation que j’estimais en effet nécessaire. Cela fait 14 ans que je suis à la tête de Il Giardino, dans ce beau quartier du Fort-Jaco qui mérite de beaux établissements. Il était grand temps de redonner un coup de peps au restaurant, d’être plus en phase avec son époque.
Le design d’intérieur, vous l’avez confié à Caroline Nava, architecte d’intérieur belge d’origine italienne, qui avait déjà transformé Il Giardino il y a 14 ans… Exactement. Je lui ai donné quelques pistes, le beige, des tons clairs, un intérieur baigné de lumière, pour un cadre plus apaisant et une atmosphère plus zen. J’avais également à cœur de commander du mobilier chez des fabricants belges et italiens. Caroline a ensuite élaboré le projet qui a largement répondu à tous mes souhaits.
Caroline Nava pour une deuxième collaboration, Eric Beretta, votre chef depuis le début, Tijani et Farid, les mêmes pizzaïolos depuis 14 ans. Vous êtes un patron fidèle ! La plupart de mes collaborateurs m’accompagnent depuis au moins 10 ans. Je dois être un bon patron ! (rires)
Quelle est la recette pour transformer un restaurant en une adresse incontournable ? Il faut demeurer fidèle à son ADN. Il Giardino est, et reste, un restaurant de quartier familial où il n’est pas rare de voir plusieurs générations autour d’une même table. On a d’ailleurs préservé la grande table familiale, qui est très demandée. On a gardé évidemment notre atout séduction : la pizza au feu de bois qui fédère jeunes et moins jeunes. Mais ce qui fait également la particularité de la maison, c’est notre cuisine italienne teintée de belgitude. La cuisine propose pizzas et pâtes traditionnelles mais aussi un filet de bœuf au poivre ou une blanquette de volaille fermière. On avait supprimé les fondues au fromage. A la demande pressante des clients, nous allons les rajouter !
C’est bientôt l’été, mais en Belgique le temps est souvent incertain. Cela ne vous a pas échappé… En effet. La terrasse, privatisable, est désormais accessible été comme hiver, grâce à une pergola aux cloisons et au toit vitrés totalement amovible. Pour profiter de la lumière 7 jours sur 7, à défaut de soleil…
Fort du succès de Il Giardino, avez-vous eu l’idée d’en ouvrir un deuxième ? Depuis la Covid, l’horeca souffre malheureusement d’un manque criant de personnel. Ouvrir un Il Giardino 2 en Belgique ou à l’étranger ne m’aurait pourtant pas fait peur… Pour l’heure, je continue à veiller sur Il Giardino qui d’ailleurs perdurera après moi, car c’est devenu une véritable institution.
Le Chalet de la Forêt (**) de Pascal Devalkeneer - 25 ans d’un projet de vie
Le Chalet de la Forêt (**) de Pascal Devalkeneer
25 ans d’un projet de vie
Mots : Servane Calmant
Photos : DR
Pascal Devalkeneer inaugurait le Chalet de la Forêt en 1999. Un quart de siècle plus tard, ce charmant passeur d’émotions n’a jamais dérivé de l’ADN de sa Maison : le goût de l’aliment comme source de plaisir. Pourtant, en 25 ans, il s’en est passé des choses ! Retour sur les étapes qui ont marqué la vie du chef doublement étoilé.
Chef, vous souvenez-vous du premier jour d’ouverture du Chalet de la Forêt ? Oh oui, c’était en 1999, un 2 décembre, le jour de mon anniversaire ! Mon souhait était d’ouvrir le Chalet de la Forêt pour le réveillon de l’an 2000, mais quand j’ai vu que les travaux de rénovation avançaient vite, j’ai convaincu tous les corps de métier d’être prêts pour cette date.
Dans quel était d’esprit étiez-vous ? Très très ému. Avant l’ouverture, j’ai passé mes journées derrière les fourneaux afin que la mise en place soit nickel le jour J. J’ai donc découvert la salle à 19h, quelques minutes avant l’ouverture officielle. Que d’émotions ! D’autant que je savais déjà à l’époque que le projet du Chalet de la Forêt allait m’accompagner pendant des années. Les deux premiers soirs, j’ai invité toutes les personnes qui m’avaient aidé, des amis, les fidèles du Bistro du Mail, l’entrepreneur, les responsables des chantiers …
Ce 2 décembre 1999, quel était le plat principal ? Une volaille rôtie, sauce foie gras, avec des chicons sautés aux noisettes. A l’époque, nous étions 3 en cuisine; aujourd’hui, entre 12 et 14, et nous faisons moins de couverts.
Qu’est-ce qui a changé ? Tout. On a modifié la disposition des tables et volontairement réduit le nombre de couverts afin d’être à la hauteur de nos 2 étoiles.
Avez-vous pris rapidement votre envol ? Non. Avant le Chalet de la Forêt, j’avais ouvert avec mon associé, Didier Plasch, le Bistro du Mail. En salle, les clients sympathisaient avec Didier qui avait un réseau incroyable. Moi, j’étais en cuisine et personne ne me connaissait. Quand j’ai ouvert le Chalet de la Forêt, j’étais donc un parfait inconnu et le Michelin m’a véritablement boudé. Les premières années n’ont pas été faciles.
2008, première étoile Michelin. Où et avec qui avez-vous fait la fête ce soir-là ? Au Chalet de la Forêt évidemment. Champagne ! J’ai invité mes anciens cuisiniers à venir me rejoindre. Chaque année, je perdais les meilleurs éléments, ceux que j’avais formés, car ils préféraient faire carrière dans des étoilés. J’ai passé huit ans à former des cuisiniers, huit ans à espérer l’étoile, huit ans à ressentir la même déception. Puis, 2008, la récompense Michelin, la consécration et, pour nous tous, en cuisine et en salle, une véritable libération.
2012, deuxième étoile Michelin. Qu’avez-vous ressenti ? Cette deuxième étoile est arrivée plus rapidement que la première. Pour la petite anecdote : en 2011, les inspecteurs du Michelin ont commandé un risotto aux courgettes et ils m’ont dit : « c’est merveilleux, mais on ne peut pas octroyer 2 étoiles à un risotto… ». Ils sont revenus en 2012 (mais je ne les ai pas vus) et m’ont octroyé une 2e étoile, une formidable surprise !
Quels conseils continuez-vous à dispenser au quotidien à vos seconds et chefs de partie ? Je n’ai plus de sous-chef. Je travaille en direct avec mes chefs de partie. Je demande à chacun d’être exigeant, rigoureux, curieux, cultivé, de conscientiser chaque acte, chaque geste et surtout, de préserver l’identité, l’ADN, de l’établissement. Ne jamais copier.
Quelles sont les limites de l’inventivité culinaire ? Aucune. Mais chaque plat doit raconter une histoire, avoir un ancrage, un souvenir d’enfance, un voyage, une rencontre… Chaque mets doit exprimer quelque chose et véhiculer des émotions. Associer une pomme pour l’acidité, un espuma pour le côté aérien et une tuile pour le croquant, ne suffit pas à me convaincre ! La créativité naît du travail, de beaucoup de travail, c’est la base, et d’une enrichissante curiosité. Sans cesse, il faut se cultiver.
En 25 ans, l’identité de la cuisine de Pascal Devalkeneer a-t-elle évolué ? Oui, mais je ne me sens pas obligé de réinventer la roue ! Ce qui fonctionne, je le conserve. Je m’amuse évidemment à expérimenter de nouveaux ingrédients et de nouvelles techniques, notamment japonaises, mais, à l’instar de la mode et de la musique, la cuisine est faite de cycles qui se répètent encore et encore.
Après un quart de siècle à la tête du Chalet de la Forêt, quel regard portez-vous sur l’évolution du secteur de la restauration ? Le monde a changé et avec lui, la restauration. La Covid a modifié le rapport au travail. J’ai été formé il y a 38 ans « à la dure », ce ne serait plus possible aujourd’hui. En revanche, la gastronomie impliquera toujours du travail, beaucoup de travail et encore du travail !
Que dirait Pascal Devalkeneer aujourd’hui au jeune chef qu’il a été hier ? Quand je fais ma propre introspection, je note que j’ai vraiment beaucoup travaillé. Et parallèlement, je sais aussi que je n’ai pas encore bossé assez ! J’aurais pu aller plus loin, faire plus de recherches.
Il reste 25 ans devant… (rires) Non ! Dans 25 ans, je ne serai plus au Chalet de la Forêt même si j’adore mon métier. C’est ma passion. Mais j’ai d’autres envies, de voyages notamment…
Où serez-vous dans 25 ans ? Je suis incapable de me projeter aussi loin.
Avez-vous des regrets ? A force de rester derrière les fourneaux, je n’ai pas passé assez de temps avec les producteurs, les éleveurs, les maraîchers, les mareyeurs… Je ne connais pas suffisamment leur travail.
Comment vont vos 80 000 abeilles ? Elles attendent, comme moi, le soleil.
Le mot de la fin ? La gastronomie a tendance à viser une perfection, par peur de décevoir le client, qui peut parfois être ennuyeuse. J’essaye à travers une cuisine intuitive et sensible, et donc pas toujours parfaite, d’éviter ce piège.
Poncho - En mode « caliente »
Poncho
En mode « caliente »
Mots : Servane Calmant
Photos : DR
Le groupe horeca Art Blanc, fondé par les frères Blanchart, vient d’ouvrir à Waterloo, le restaurant Poncho, en collaboration avec Yves Mattagne, célèbre chef doublement étoilé. Au menu, spécialités latino-américaines pimentées d’élégance, cuisine Nikkei trait d’union entre le Japon et le Pérou, vin de là-bas et pisco péruvien, déco luxuriante. Une symphonie de couleurs et de saveurs vives pour une soirée résolument caliente.
On attendait sa réouverture avec impatience. Et, le 27 mai dernier, l’enthousiasme était au rendez-vous. Transformé de fond en comble, l’emblématique La Pomme, à Waterloo, est devenu Poncho, un restaurant latino-américain dont la carte est signée Yves Mattagne. L’illustre chef collabore en effet à ce nouveau projet des frères Blanchart en tant que chef consultant étoilé extérieur, gage évidemment de créativité et d’excellence.
Présent à l’ouverture, Yves Mattagne qui a conçu la carte, formé la brigade, défini les arts de la table, et qui accompagnera les équipes pendant les premiers mois de rodage, a le propos joyeux. « J’ai puisé dans les richesses de la nature latino-américaine, mêlant les épices relevées de la cuisine mexi-caine avec les nuances subtiles de la cuisine Nikkei (la fusion culinaire entre le Japon et le Pérou – nda). Chaque bouchée est un voyage au cœur de cette diversité, entre le feu du chili et la douceur du miel, entre la force de la viande et la fraîcheur des herbes… ».
Les inconditionnels de Mattagne se souviennent forcément du Yu Me, où le chef doublement étoilé avait déjà régalé nos palais en jouant la carte des saveurs asiatiques et, d’une manière plus générale, ils savent que ses nombreux voyages au bout du monde ont inspiré les plus surprenantes de ses assiettes… A leur tour, les frères Blanchart ont fait le pari du dépaysement total, et il est réussi. Si le nom, Poncho, se veut une référence explicite au Mexique, la déco (du velours, du bois exotique, du cannage, de la végétation en abondance) renvoie également à la richesse multicolore, à l’exubérance baroque des cultures latino-américaines.
L’aménagement, chaleureux, bénéficie d’un éclairage tamisé qui vient délicatement intimiser un élégant bar central et deux grandes salles avec mezzanine de 130 places (100 de plus quand la terrasse est ouverte). La carte, étoffée, invite à déguster des cocktails ensoleillés. Poncho’s Touch pour ce Mai Tai exotique et ce surprenant Popcorn à l’espuma de maïs rouge. En accompagnement, le guacamole Nikkei pillé dans un mortier à table et ses chips totopos à base de maïs, séduisent. La carte propose plats à combiner pour un food-sharing toujours en vogue. Nous aimons le partage mais pas celui de l’assiette. Qu’à cela ne tienne, le classique entrée-plat-dessert est également de mise. Le cru est à l’honneur avec plusieurs ceviches à la carte et cette préparation aux saveurs audacieuses et addictives de lieu jaune, sauce tartare, algues nori, concombre et glace coco. Grillade à gogo également avec, notamment, un savoureux filet pur d’Argentine, que nous avons choisi d’agrémenter de maïs grillé, de frites de manioc et d’une sauce rocoto, du nom du piment éponyme, typique de la cuisine péruvienne. Enfin, coup de saveur absolu pour, en dessert, l’ananas parilla rôti entier avec sa mousse d’avocat brûlé (une véritable tuerie !), sa glace yaourt rafraichissante et son Pisco sour, cocktail à base d’eau-de-vie péruvienne et de jus de citron vert. Vins du sud du continent américain et assortiment de Pisco, participent également de l’exotisme ambiant de ce Poncho, véritable symphonie de couleurs et de saveurs vives.
Trois questions à Jérôme Blanchart, co-CEO de Art Blanc
Poncho s’appuie de toute évidence sur l’expertise du chef Yves Mattagne… De fait. Nous ne souhaitions pas, mon frère et moi, ouvrir une brasserie de plus à Waterloo. Au contraire, nous cherchions à nous démarquer avec une proposition nouvelle et accessible, pas du gastronomique donc. Dès que le concept de restaurant latino-américain a été arrêté, nous avons donc cherché des consultants extérieurs pour la cuisine, la carte des vins. Au même moment, Yves Mattagne m’a contacté pour me dire qu’il souhaitait louer l’ex-Pomme pour lancer un restaurant latino-américain … C’était exactement notre concept. Je lui ai dès lors proposé un partenariat sur le projet Poncho.
L’Amusoir, son Bar et son Chalet, La Cocotte Belge à Waterloo, La Maison Basse à Lasne, Chez Eddy à Rhode-St-Genèse, Les Brasseries Georges et La Bécasse à Bruxelles (réouverture prévue en automne 2024), les nightclubs Mirano et Spirito et même un hôtel, Le 20° Sud, à l’île Maurice… Comment s’opère le choix des lieux que vous et votre frère Jonathan, prenez sous votre aile ? Art Blanc n’est pas un groupe qui cherche à démultiplier une adresse. Nous cherchons des lieux qui se distinguent par leur emplacement et leur caractère, et nous les transformons pour offrir une expérience client 360° où la cuisine, la déco, le service, l’art de la table doivent apporter satisfaction…
Vous cultivez (déjà) d’autres projets ? Oui, moi, je suis un peu le cheval fou du groupe, toujours à l’affût de nouvelles opportunités. En 2023, Art Blanc a repris La Bécasse, une brasserie populaire du cimetière d’Ixelles, qui va devenir une trattoria italienne où les pizzas ne devraient pas dépasser 10 euros. Ouverture prévue à l’automne 2024. Prochain chantier : l’ancien Stamp, à Waterloo, que nous allons transformer en brasserie familiale avec une aire de +- 1000 m2 de jeux intégrés, façon Marie Siska, pour permettre aux parents de garder un œil sur les enfants. Ouverture de Capucine (nom provisoire – nda) prévue fin 2025, début 2026.