Estelle de Merode - Déclaration d’amour et de mode
Estelle de Merode Déclaration d’amour et de mode
Mots : Barbara Wesoly
Photos : Enamoure
Elle délaisse les tendances, leur préférant l’intuition et une créativité guidée par l’émotion. Si, en lançant sa marque Enamoure, la princesse Estelle de Merode désirait esquisser avec raffinement sa vision de la maroquinerie de luxe, il s’agissait aussi d’y instiller les valeurs d’authenticité et de liberté qui lui sont chers.
Le nom de votre marque vient du verbe Enamourer, qui, en ancien français signifie s’éprendre, être charmé, enflammé. Un terme qui vous correspond ? Je trouvais qu’Enamoure évoquait d’une manière charmante l’attachement profond que je ressens vis-à-vis de mes sacs. Il me permettait également d’opter pour un double E en acronyme, qui rappellerait ainsi mon prénom. C’est un clin d’œil autant qu’une belle déclaration. Il représente l’espoir que je nourris de voir celles qui les portent en tomber profondément amoureuses.
Votre histoire avec la mode a-t-elle démarré par un coup de foudre ? Elle vient du cœur, c’est sûr, mais aussi d’avoir été bercée par cet univers. A deux jours à peine, mes parents m’emmenaient déjà dans leur usine de textiles. Une habitude qui a perduré durant toute mon enfance. Ma maman y avait une pièce remplie de tissus, qui m’apparaissait comme un véritable rêve. Pour m’occuper, j’assemblais les matières et j’imaginais des modèles. Puis, vers mes treize ou quatorze ans, de m’essayer à la couture à l’aiguille et ensuite sur machine, en fabriquant des petits modèles puis des sacs crossbody. Je me rappelle encore ma première vraie création, une pochette avec un intérieur en cuir lisse argenté et de la fausse fourrure sur l’extérieur. Très – trop – tape à l’œil pour mes goûts actuels, mais je savais déjà ce que je voulais.
Après un cursus à l’Istituto Marangoni de Milan et au Central Saint Martin’s College of Art and Design de Londres, vous avez eu pour employeur la joaillerie Harry Winston, Oscar de la Renta, Zac Posen… Pensiez-vous déjà à un jour, fonder votre propre label ? J’ai toujours été très imaginative. Assez rebelle également, et je sentais qu’il me fallait oser la créativité et lancer un projet qui me correspondrait et m’appartiendrait véritablement. J’ai commencé par travailler comme étudiante lors des Fashion Weeks de Paris et Londres. C’était intense et épuisant mais aussi passionnant d’être plongée dans les coulisses de tels évènements. Intégrer ensuite des maisons prestigieuses représentait pas mal de défis, surtout dans un univers aussi compétitif, mais toutes ces expériences ont clairement renforcé ma détermination à donner vie à ma vision.
Les envies qui font battre votre cœur aujourd’hui, sont-elles les mêmes que lors du lancement d’Enamoure, en 2021 ? Plus le temps passe, plus je grandis en tant qu’entrepreneuse et l’identité de ma marque avec moi. Je suis reconnaissante d’avoir réussi à traverser la tempête qu’a représentée un démarrage en plein Covid. Et fière en repensant à ce premier modèle de sac baguette kaki ayant directement rencontré le succès. C’était une belle consécration. Mais tout en ayant à cœur d’être toujours plus alignée avec les souhaits de mes clientes, en me focalisant sur les best-sellers, je tiens à laisser de l’espace pour l’expérimentation et la créativité.
Votre collection AW23 est inspirée par le rêve. Quelle forme cet onirisme y prend-il ? Il s’agit d’une atmosphère plus que d’éléments concrets. La collection mise sur la finesse et l’élégance précieuse, aux tonalités chaleureuses et fortes. C’est seulement une fois les modèles créés que je les entoure d’un univers. J’aime donner à chaque gamme de sacs une note d’intention quant à l’ambiance qu’elle devra dégager. Je finalise ainsi actuellement la collection à venir, prévue pour fin décembre, début janvier, sans savoir encore quelle sera sa thématique. Cela dépendra de mon humeur et de mes inspirations du moment.
Cet été, vous avez épousé le prince Aurèle de Mérode, devenant ainsi princesse. Que signifie ce titre à vos yeux ? Je suis extrêmement respectueuse de ce statut, comme de la famille de mon mari. Mais je reste avant tout fidèle à celle que je suis et à mes valeurs, tout particulièrement l’authenticité. Et je pense que c’est une part de ce qu’il aime chez moi. Cette franchise, très directe.
Quels beaux lendemains peut-on vous souhaiter ? J’ai la tête pleine de rêves. J’ai toujours eu l’envie de créer une Maison de couture plutôt qu’une marque. Je désire amener Enamoure à grandir et pas uniquement en proposant des sacs. A côté de cela, je me passionne pour la culture coréenne. Je suis d’ailleurs un cursus en langue et littérature à Bruxelles. Ce pays m’influence profondément. Je m’imagine aussi concevoir une gamme de vêtements. Je ne veux me contraindre à aucune limite et j’espère insuffler ce principe à travers mes modèles. Donner à celles qui les portent le sentiment de pouvoir être exactement qui elles désirent, en toute liberté.
Edouard Vermeulen « Ce livre, je le dédie à la passion »
Edouard Vermeulen
« Ce livre, je le dédie à la passion »
Mots : Barbara Wesoly
Photos : DR
Après une exposition emblématique à l’espace Vanderborght de Bruxelles, Natan offre un dernier chapitre flamboyant à ses célébrations du 40e anniversaire de la Maison, avec son ouvrage « Edouard ». Un recueil d’archives, autant qu’un objet d’art et d’élégance, au diapason des créations de son fondateur.
Photos des coulisses et des défilés, croquis, archives de campagnes et de fabrication. Ce livre est tout à la fois un mélange d’esthétique et d’émotion. A l’image de Natan ? Oui, il était essentiel pour moi qu’il incarne l’ADN de la Maison. On m’avait déjà proposé de le réaliser à l’occasion de notre trentième anniversaire, mais je trouvais alors la démarche trop prétentieuse. Dix ans plus tard, j’estime que s’il faut laisser une trace, c’est maintenant. Mais avec une démarche artistique et une véritable vision. Les clichés ne suivent pas un ordre chronologique et l’on n’y trouve pas d’interminable biographie. Ce n’est pas une rétrospective des décennies écoulées, plutôt un ouvrage avec une âme, porteur d’histoire par l’image. Un bel objet avec pour fil rouge l’amour de la mode et du vêtement, qui anime Natan.
« Edouard Vermeulen c’est Natan et Natan c’est Edouard Vermeulen », affirme le designer d’intérieur Jean-Philippe Demeyer dans cet ouvrage. Il s’intitule d’ailleurs simplement “Edouard ». Souhaitiez-vous l’aborder à la manière d’un journal intime ? Il est surtout le reflet de ce qu’a été ma vie et de ces quarante dernières années que je n’ai pas vu passer. La passion a été le moteur de mon existence et elle m’a habité du premier instant à aujourd’hui. Elle est au cœur de ce livre.
Vous l’évoquez comme “le document d’une vie”. Représente-t-il aussi une forme de passage à la postérité pour la Maison ? C’est une forme d’accomplissement, c’est certain, mais qui ne s’inscrit pas dans l’immobilité. Il est la preuve tangible que le vêtement couture européen, et belge de surcroît, doit exister et a toute sa raison d’être. Et il a été également conçu pour être une représentation de notre travail et de notre définition du vêtement – dans son essence contemporaine, élégante et minimaliste – notamment à l’étranger. Il s’achève sur les photos du défilé Natan Couture, réalisé à l’Hôtel de Salm de Paris pour nos quarante ans, car elles évoquent à merveille la philosophie de célébration qui nous est si chère, mais cela n’empêche pas cet ouvrage d’être profondément intemporel et non pas restreint par une ligne du temps. Cela lui permettra d’être toujours aussi actuel et inspirant dans une ou plusieurs décennies.
Une photo de celui-ci vous émeut-elle particulièrement ? Celle en compagnie de la reine Paola et qui s’accompagne d’un petit mot de sa main, sur la longue histoire qui l’unit à Natan. Sa présence au premier défilé de la Maison, en 1986, a été un point de départ marquant et reste, à mes yeux, intimement lié au début de mon métier.
Avez-vous le sentiment qu’il dévoile des facettes de l’univers de la Maison, jusqu’ici méconnues du public ? On y découvre en tout cas l’envers du décor de nos ateliers tout comme une part des détails de mon intérieur, de mon dressing. Proposer une expérience et permettre la compréhension de ce savoir-faire reste essentiel à mes yeux. Nous avons d’ailleurs transformé l’étage de notre siège historique de l’avenue Louise afin que l’espace d’essayage s’ouvre sur les salles de confection de nos créations couture, pour un moment d’autant plus immersif.
En en reparcourant les pages, quel regard portez-vous sur ces quatre décennies ? Je suis avant tout frappé par l’évolution de la mode, ces changements d’usage et de société au niveau vestimentaire. La disparition des barrières générationnelles notamment, qui a bouleversé les codes et nous a amenés à repenser à maintes reprises nos créations et les silhouettes de celles-ci. Sans parler de l’influence omniprésente d’internet et des réseaux. Quand je songe par exemple au fait que Balenciaga était le créateur m’ayant le plus inspiré en matière de haute couture et qu’aujourd’hui, la griffe est connue par la nouvelle génération pour ses modèles de sneakers, je me dis que cette constante évolution a un aspect fascinant.
Et si vous deviez en écrire le prochain chapitre, à quoi ressemblerait-il ? Fin décembre s’achèvera la célébration de ce quarantième anniversaire. L’occasion d’un nouveau départ, même si l’on conservera l’énergie créative qu’on y avait insufflée. J’aime cette dynamique de retour à une page blanche, de remise à zéro deux fois par an. En janvier nous dévoilerons la collection printemps-été 2024 à la résidence de l’ambassadeur de Belgique, à Paris. Et nous avons aussi l’objectif de repousser toujours plus les frontières et pourquoi pas, d’ouvrir une boutique à Madrid, une ville dont l’atmosphère, comme Munich ou Zurich, rencontre l’ADN de la Maison. Et continuer d’écrire en beauté l’histoire de Natan.
Van Esser- Un prestige intemporel
Van Esser
Un prestige intemporel
Mots : Barbara Wesoly
Photos : Van Esser
Le parcours de Denis Van Esser n’est en rien le fruit du hasard mais bien de l’audace. Celle de lancer une marque éponyme qui élèverait ses créations vers les sommets de la joaillerie. Celle aussi de se réinventer ensuite, au travers de sa passion de l’horlogerie. Quarante ans plus tard, et forte de la complicité d’une nouvelle génération, le label poursuit son voyage d’orfèvre à travers le temps.
Le slogan de Van Esser est « Not A Detail ». Qu’est-ce qui vous l’a inspiré ? Il a été imaginé par l’un de mes fils. En matière de luxe, il existe beaucoup de frivolité et l’on tenait à marquer notre différence. Un bijou Van Esser est une pièce d’exception, réalisée avec une exigence extrême de qualité. Tout sauf un détail.
En 1983, vous inauguriez votre première boutique située à Hasselt. Un pari osé pour vous qui n’étiez pas issu d’une famille liée à la joaillerie. Comment, jeune bijoutier encore inconnu, affirme-t-on sa vision ? J’ai en effet grandi dans un petit village à la frontière hollandaise, bien loin de cet univers. Mais mon frère ainé qui aimait fabriquer de petits bijoux, a entamé une formation en joaillerie et m’a transmis la passion de ce métier. Et celle-ci n’a fait que grandir durant mes études. J’ai donc rapidement ouvert mon enseigne et commencé à fabriquer mes propres modèles et à les signer. A l’époque c’était encore très rare. Apposer son nom sur un bijou signifie qu’on croit en sa valeur, qu’on promet un label, une excellence. Et c’est ce qui permet à certains d’entre eux d’apparaître aujourd’hui dans les plus grandes salles de vente.
Et puis, en 2002 vous finalisiez un garde-temps exclusif baptisé Van Esser A One Automatic. La réalisation d’un rêve nourri par votre premier emploi, à Chaux-de-Fonds, la capitale de l’horlogerie Suisse ? Chaux-de-Fonds a été un tremplin incroyable. J’y travaillais pour une marque qui s’exportait dans le monde entier. De là est né mon souhait de créer une montre d’excellence. Depuis vingt ans, nous n’en n’avons en effet développé qu’une, conçue en Belgique et fabriquée en Suisse. Elle a la spécificité d’avoir une épaisseur asymétrique, plus fine à 6h qu’à 12h, mais surtout de se suffire à elle-même. Pourquoi en sortir une autre tous les ans si l’on a conçu un modèle intemporel et abouti ? Mes fils m’ont d’ailleurs fait acter qu’elle serait jamais transformée.
Après avoir ouvert 2019 une seconde adresse, anversoise cette fois, vous avez en effet été rejoint par vos deux fils, Anthony et Alexander, également bijoutiers, à la tête de Van Esser. Était-il important pour vous de leur transmettre cet héritage ? Cela s’est fait instinctivement. Ils ont grandi dans un univers familial ou l’on parlait, lisait, vivait la joaillerie. Chacun d’entre eux est un jour venu vers moi pour me demander à intégrer la société familiale. Au fond, c’est ainsi que nait une dynastie
Quel est, le secret de votre réussite depuis près d’un demi-siècle ? Ne pas reculer ni abandonner ses valeurs. Refuser les compromis sur la beauté, la qualité, le précieux.
L’histoire de Van Esser s’écrit désormais en trio, comment en imaginez-vous le futur ? Développer notre notoriété mais restant exclusifs plutôt que de vouloir grandir à tout prix. Préserver nos modèles phares comme la bague Chameleon ou le bracelet Donatella tout en proposant des nouveautés. Nous avons par exemple lancé la gamme Happy Sound, des pendentifs qui en se touchant produi-sent des bruits délicats. C’est original, élégant et unique. Marque de fabrique de Van Esser.
Les trésors d’authenticité d’Axelle delhaye
Les trésors d’authenticité d’Axelle delhaye
MOTS : Barbara Wesoly
PHOTOS : Camille Doyen
C’est à proximité de la place Brugmann qu’Axelle Delhaye héberge sa passion des bijoux. Un lieu qui reflète à merveille l’éclectisme lumineux et féminin de sa marque, AXL Jewelry, abritant nouvelles créations comme parures vintages.
A quoi peut-on s’attendre en franchissant les portes de votre boutique ? A y découvrir des pièces anciennes, uniques et riches d’une histoire mais aussi à des modèles issus d’ateliers assez confidentiels des quatre coins du monde, bien souvent artisanaux et réalisés en quantité limitée. A une forme de petite joaillerie, c’est-à-dire une bijouterie précieuse mais restant relativement accessible, accompagnée d’un accueil chaleureux, où l’on se sent comme à la maison, s’installant sur notre canapé pour essayer, se laisser conseiller.
Vous avez étudié la peinture à Firenze, ainsi qu’à La Cambre. Qu’est-ce qui vous a amené à quitter cet univers ? La peinture c’est tellement fort et intense. On se marie avec l’art. J’aurais dû m’y donner pleinement. Je voulais des enfants, une vie de famille et les bijoux me permettaient une autre forme de créativité. J’avais aussi suivi un cursus en antiquariat à Louvain-la-Neuve et j’ai toujours été fascinée par les objets qui ont vécu. Cela leur offre une part de mystère. Et j’ai donc commencé à chiner, il y a une trentaine d’années, d’abord du mobilier, de la décoration, puis des pièces de joaillerie originales et éclectiques, que j’accompagnais de mes propres créations.
Un principe qui demeure encore l’âme d’AXL Jewelry aujourd’hui ? Oui, à mes yeux l’ancien nourrit le contemporain. C’est une vision que je tiens de ma grand-mère, véritable collectionneuse qui possédait énormément de bijoux des années 40-45, typiques de la période de l’art décoratif. J’apprécie particulièrement ceux de l’ère victorienne, mais il peut aussi s’agir de trouvailles des seventies, du 19e siècle ou actuelles. Cela peut être très décoratif ou au contraire particulièrement sobre. Les pièces viennent à moi, me parlent. Et j’aime multiplier les genres comme les inspirations. Il y a aussi ces modèles anciens que des clients m’apportent pour que je leur offre une seconde vie, c’est une autre forme de lien à l’histoire.
Une diversité que vous développez encore en proposant des piercings de luxe et des piercings party ? J’ai en effet débuté ce concept il y a sept ans, à une époque où il était totalement novateur en Europe. Je l’avais découvert à Soho, en rencontrant la créatrice Maria Tash, avec laquelle je collabore encore aujourd’hui. Je vois les piercings et studs comme des bijoux précieux à part entière et c’est finalement devenu l’une de nos spécialités.
Comment s’annonce l’automne chez AXL Jewelry ? Avec pas mal d’éme-raudes et d’or blanc. Un retour de l’argent aussi. Je diversifie en permanence les pierres comme les matières, selon les saisons. J’étudie les tendances, mais je fonctionne surtout à l’instinct. Au coup de cœur aussi. La boutique se compose exclusivement de modèles que j’imaginerais porter.
Imagineriez-vous ouvrir une deuxième boutique ? Non, mais j’aimerais par contre réaliser plus de partenariats avec des pop-ups stores, pour diversifier les lieux. C’est d’ailleurs en préparation, notamment avec une adresse à Anvers. Tout comme pour les créateurs avec lesquels je collabore, il est impor-tant pour moi de favoriser le durable, l’artisanal, les marques plus intimes.
En un mot…
Or ou argent ? Or.
Piercing ou boucle d’oreille ? Piercing.
Pierres colorées ou diamants ? Pierre colorée.
Finesse ou exubérance ? Les deux.
Les deux, impossible de choisir.
Des pièces pour toujours ou changeant au gré des envies ? Changeant au gré des envies.
Votre modèle phare ? Une pièce vintage, des années 60, en corail, désormais interdit, et petits diamants. Elle représente une tête de bélier sculptée. Je ne peux m’empêcher de me demander ce qu’elle représentait et qui était celle à qui elle a appartenu.
Pierre Degand, allure et savoir-vivre intemporels
Pierre Degand, allure et savoir-vivre intemporels
MOTS : Barbara Wesoly
PHOTOS : DR
En cinq décennies, Pierre Degand a su imposer sa vision d’un prêt-à-porter masculin luxueux dont le classicisme s’étoffe de modernité. Mais également conserver sa passion du style et son goût pour l’excellence, empreintes de la Maison Degand.
Vos premiers pas dans la mode remontent à 50 ans et à l’ouverture de votre première boutique à Knokke, alors que vous n’aviez que 19 ans. Pensez-vous qu’une telle aventure serait encore possible aujourd’hui ? Il est clair que j’ai eu énormément de chance de baigner dans ce milieu depuis l’enfance, grâce à ma mère Yvonne Degand, qui possédait une maison de couture pour dames. De la voir travailler et de découvrir les ficelles de ce métier ainsi que de pouvoir y réali-ser mes premiers pas à 14 ans, au sein d’un magasin dont elle connaissait les propriétaires. Mais pour moi, tout est possible lorsque l’on a de la détermination et de la volonté et que l’on agit par passion et non pas par profit. Et quand l’on fait le choix de privilégier le label de qualité aux marques et la personnalité aux effets de mode. Cela fait toute la différence.
Être aujourd’hui considéré comme une institution, est-ce un compliment ? Oui, c’est certain. Ces cinquante années d’existence n’auraient pas été possibles sans liens de fidélité et de confiance qui s’est créé au fil du temps avec nos clients. Ce qu’on construit avec eux est primordial. Plus que le prêt-à-porter pour hommes, mon métier, c’est avant tout le conseil. Je n’aime rien tant qu’aider chacun à mettre en valeur son identité, par une forme d’élégance qui lui corresponde.
Habiller le Roi Philippe et en parallèle Stromae pour la couverture de son album « Multitudes » comme pour son passage en télévision, est-ce une manière de se jouer des codes ? C’est surtout totalement différent. Paul est arrivé un jour en boutique, avec sa femme, Coralie, pour trouver un costume à porter le lendemain, lors du journal de TF1. Je l’ai imaginé avec un blazer croisé bleu marine, avec une cravate unie et une chemise blanche. Et au final, cette allure folle a contribué à une part du buzz qui en a suivi. L’on n’est plus familiarisé avec cette forme de raffinement dans l’habillement des chanteurs. Quant au Roi, je l’habille depuis de nombreuses années et ses tenues ont évolué via de discrets changements, mais qui n’en sont pas moins essentiels, comme le pliage de sa pochette, modifié après son accession au trône. Il ose désormais des détails parfois fantaisistes, comme lors du Bal national du 21 juillet, où il arborait une pochette colorée Degand réalisée en partenariat avec le peintre Malel. Une manière d’être distingué sans être guindé.
Cinquante heures sont nécessaires à un tailleur de la Maison Degand, pour confectionner un costume sur mesure. Sublimer le moindre détail est-il la clé en matière de mode ? La justesse des détails l’est. Ils sont notam-ment la clé du casual chic. Le motif d’une chemise, la mise d’une pochette, les bonnes chaussures, permettent une dose d’audace sans pour autant tomber dans l’ostentation. Et l’artisanat et la qualité s’observent tout particulièrement dans les finitions. M’habiller est un plaisir personnel, une part de cette qualité que j’aime retrouver dans chaque aspect lifestyle, de la cuisine aux voyages, en passant par la mode. Et le bon goût que je recherche, comme celui que je souhaite proposer via la Maison Degand, se dessine aussi dans les aspects les plus subtils.
Qui symbolise pour vous l’élégance ? Steve McQueen assurément. Il reste un emblème de celle-ci. Il suffit de regarder L’Affaire Thomas Crown pour voir que son style n’a pas pris une ride. Qu’il s’agisse de porter une casquette avec un blouson ou un pantalon chino et des baskets, cela fonctionne parfaitement et colle en même temps à son caractère. Le charisme et la personnalité sont des éléments indissociables d’une tenue, tout comme le contexte dans lequel on la porte.
Cet anniversaire marquera-t-il un tournant pour la Maison ? Et pour vous, à titre personnel ? Oui, il s’agit d’une date très symbolique. D’un triple anniversaire. Les 50 ans de la Maison, mais aussi ses 90 ans, si l’on compte les années sous la direction de ma mère. Cela marque aussi mes 70 ans. Je continue d’être un entrepreneur et de souhaiter de nouvelles surprises, de nouvelles découvertes. Nous ne savons pas encore comment nous allons le célébrer, mais certainement par le biais du restaurant Emily, que nous nous apprêtons à rouvrir. Un établissement dédié à ma fille, que j’avais malheureusement perdu après y avoir mis tant d’énergie et de cœur et que je suis si heureux d’avoir pu récupérer. Mode ou gastronomie, les rencontres, la passion et la beauté sont mes moteurs.
Que reste-t -il à accomplir à la Maison Degand ? Je dois encore la finaliser pour qu’elle corresponde à cette vision que j’en avais déjà petit garçon. La vraie réussite pour moi, ce sont les œuvres que l’on crée en suivant ses rêves d’enfant.
Les racines précieuses DE JENNIFER ELLIOT
Les racines précieuses DE JENNIFER ELLIOT
Mots : Barbara Wesoly
Ses modèles ciselés et délicats ont fait d’Elliot & Ostrich l’une des plus élégantes références de la joaillerie belge. Derrière ceux-ci, l’on retrouve l’empreinte de la créatrice Jennifer Elliot, portée par ses influences et son histoire cosmopolite.
Vous êtes née et avez grandi à l’autre bout du monde, fruit d’un métissage d’origines belges, britanniques et africaines. Votre marque a-t-elle éclos au croisement de ces cultures ? Totalement. J’ai vécu jusqu’à mes sept ans au Botswana, près des mines de diamants où mon père travaillait pour une grande compagnie, avant d’avoir sa propre société. Ma mère était orfèvre et avait sa propre ligne de bijoux. J’ai donc évolué dans ce milieu précieux, mais sans imaginer l’intégrer un jour, ayant ensuite étudié le droit et le business. Mais je ressentais un manque, l’impression d’être destinée à autre chose. Puis vers trente ans, alors que j’avais quitté la Belgique pour suivre mon ex-mari en Afrique où il avait obtenu un poste, un inconnu l’a contacté. Sa compagne et lui avaient découvert par hasard nos photos de mariage sur internet. Et ayant eu un coup de foudre pour ma bague de fiançailles, désiraient en connaître la marque, pour se la procurer en vue de leur union. Or, il s’avérait que je l’avais dessinée et créée avec ma maman. J’étais alors en pleine réflexion sur moi-même et en recherche d’un travail. Cet inconnu devint mon premier client. Et c’est à ce hasard que je dois d’avoir compris que je désirais lancer ma propre marque de bijoux.
Une griffe dont le nom se veut énigmatique ? Surtout très personnel. Je souhaitais un patronyme qui me raconterait intimement, d’où le croisement de mon nom de famille et du mot ostrich, qui signifie autruches en anglais. Des oiseaux qui m’ont toujours fascinée par leur puissance et leur vitesse, mais aussi leur élégance. Selon la philosophie africaine, ils cachent leur tête dans leur sol lorsqu’ils ressentent le danger, de façon à se connecter au plus près à la terre et à la nature. Je trouvais cette représentation particulièrement belle.
Est-ce cette invitation au voyage qui anime Elliot & Ostrich ? La nature inspire en effet directement mes créa- tions. Le contact de la mer, du soleil, des paysages d’exception, m’amène à me sentir grandie et au plus proche de moi-même. Tout comme cet équilibre entre le brut et le délicat, que l’on retrouve dans mes modèles est directement issu de mes racines mêlées. De l’Afrique, un lieu tout à la fois pur et chaotique et en parallèle, beau, libre et empreint de joie. Et de ce raffinement et cette qualité typique de la joaillerie belge.
Certains de vos modèles sont minimalistes et aux tons neutres, d’autres colorés et lumineux. Deux univers graphiques qui vous correspondent ? Au lancement d’Elliot & Ostrich, nos pièces étaient résolument pures, fines, sobres. Aujourd’hui, je m’autorise à être plus audacieuse, à prendre des risques. C’est l’occasion d’exprimer ma créativité, même si mon but premier demeure de raconter l’histoire de mes clients, de créer des pièces qu’ils considèreront comme des extensions de leur être.
Vous affirmez sur votre site, qu’un bijou est le présent le plus porteur de sens qui soi. Est-ce l’histoire qu’il véhicule qui vous touche particulièrement ? Dans mon enfance, nous ne recevions pas beaucoup de cadeaux mais pour les évènements importants, mon père n’hésitait pas à nous gâter. Nous pouvions choisir un objet que nous désirions et surtout que nous pourrions conserver. Parfois il s’agissait de bijoux. Ils ont aujourd’hui une symbolique toute particulière pour moi. Mon père est décédé il y a plusieurs années et ils demeurent les seuls objets que je possède encore de lui. Et c’est ce que je trouve magnifique à propos de la joaillerie. Porter tout contre soi une personne ou un message essentiel, à travers le temps.
En plus des bagues, qui représentent l’essence d’Elliot & Ostrich, vous réalisez aussi des bracelets, boucles d’oreilles, colliers… Avec le même plaisir ? Proposer une majorité de bagues est lié à notre évolution naturelle, avec des collections destinées aux évènements importants de la vie, tels que le mariage, les fiançailles, la naissance d’un enfant. Mais nos autres créations me procurent la même joie. Nous lançons d’ailleurs une nouvelle gamme de boucles d’oreilles. Des pièces pour le quotidien comme les moments festifs, et pouvant se combiner selon les envies, en des déclinaisons uniques.
Vous signez une collaboration avec le styliste Tom Eerebout, autour d’une collection de bijoux unisexe baptisée « My ring. My Story ». Qu’est-ce qui relie vos deux univers ? Nous partageons une passion commune pour les matériaux précieux, à l’excellence inégalée et au savoir-faire authentique. En parallèle chacun de nous se démarque avec audace des conventions et normes établies, pour affirmer son indépendance artistique. Avec cette capsule unisexe, composée d’une bague, de deux chevalières et d’une boucle d’oreille, nous avons l’ambition de rendre la haute joaillerie plus accessible aux hommes et tout particulièrement les bagues, en tant que pièce phrase. Et ainsi de briser les barrières qui cantonnent encore les bijoux à un domaine résolument féminin. La tourmaline verte est au centre de collection, car l’on prête à ce cristal un grand pouvoir de guérison et d’harmonie, tout comme elle s’inspire de l’usawa, qui signifie équilibre en swahili. Un équilibre entre yin et yang mais aussi entre masculin et féminin.
Alors que se profilent les cinq ans de votre marque, qu’imaginez-vous pour son futur ? Je nous souhaite de grandir, mais en conservant notre essence. En continuant de fabriquer nos bijoux en Belgique, à la main. Un principe d’au- tant plus beau et précieux qu’il devient de plus en plus rare. Des pièces de qualité et sans compromis. Je considère Elliot & Ostrich comme un multiplicateur de bonheur, destiné à inspirer les gens à vivre plus intuitivement et à suivre leur cœur et dès lors destiné à toujours plus se développer.
ALEXANDRA VAN REMORTEL, EN PLEIN SOLEIL
ALEXANDRA VAN REMORTEL
EN PLEIN SOLEIL
Mots : Barbara Wesoly
Photo portrait : Kathleen Claes
Sa marque, Alex Antwerp respire le sable chaud et les envies d’ailleurs. Alexandra Van Remortel pare nos évasions de matières aériennes et de lignes tout en finesse et revisite la mode swimwear avec une lumineuse beauté.
Qu’est-ce qui vous a mené, d’un cursus en marketing et d’un emploi dans l’immobilier, à la création en 2021, d’une marque dédiée aux maillots et vêtements de plage ? J’ai toujours aimé la mode et tout particulièrement la lingerie et les tenues de bain. Ma maman travaillait avec des enseignes spécialisées et reconnues à l’international dans ces deux domaines, j’imagine qu’elle m’a transmis une part de cette passion. Je travaillais comme développeuse de projet en compagnie de mon mari, dans une société où je gérais notamment le contact client et la logistique, tout en caressant depuis longtemps l’envie de lancer ma propre griffe. Mais imaginer les difficultés que cela impliquerait me retenait. Progressivement, il m’est devenu de plus en plus dur de trouver suffisamment de satisfaction dans mon emploi. Cela a fini par être le facteur déclenchant qui m’a poussé à ne plus reculer le moment de me lancer. Je me suis décidée juste avant le début de la crise sanitaire et j’ai commencé à concevoir la collection aux prémices de l’épidémie. Ce n’était pas le meilleur des timings, mais il était essentiel pour moi que mon emploi soit source de bonheur et d’enrichissement personnel. Et j’ai fini par y arriver.
Quels sont les piliers de l’esthétique d’Alex Antwerp? Le style, la qualité et l’intemporalité. En tant qu’acheteuse, même s’il existe de superbes marques de maillots sur le marché, je ressentais toujours cette frustration de découvrir un point de détail qui ne me plaisait pas totalement. Un coloris, un motif, une ligne qui ne correspondait pas véritablement à ce que je recherchais. Ce principe m’a amené à réaliser qu’il restait un créneau à développer dans le domaine du swimwear. Trop souvent, les modèles forcent à un choix entre confort et féminité. De mon côté, je me refusais à réaliser l’un au détriment de l’autre. Un maillot ou un bikini doit demeurer une pièce élégante à part entière et habiller celle qui le porte avec style
Tout comme vous vous refusez à intégrer le circuit d’une production de masse ? En effet. C’est la manière dont personnellement je consomme et choisis mes vêtements. Je préfère investir dans des pièces de qualité, promises à durer dans le temps. Et c’était une obligation pour moi, en créant Alex Antwerp. J’ai longtemps cherché les tissus adéquats, les fabricants d’exception. Nos modèles sont produits au Portugal et c’est également lié à une volonté de durabilité. De même qu’il n’est pas question de sortir des nouveautés tous les mois, comme le font certaines marques, mais d’œuvrer à une mode slow, avoir son fabricant en Europe permet aussi de travailler plus étroitement avec lui à la réalisation des collections et ainsi de pouvoir y prendre part dans les moindres détails.
Qu’il s’agisse des maillots et bikinis, de pantalons ou robes de plage ou encore de bandeaux, chacune de vos pièces porte le nom d’une femme qui vous inspire. Cet esprit de sororité est-il très important pour vous ? En créant mes premières pièces, je les imaginais portées par l’une ou l’autre de mes proches. J’ai donc voulu leur donner le nom de celles-ci. C’est une façon de rendre hommage à mes amis et ma famille, essentiels à ma vie et soutiens indéfectibles. D’où le fait que la collection, quoiqu’exclusivement féminine, comprenne aussi des noms d’hommes. Mais il est clair que je souhaite que ma marque amène celles qui la porte à se sentir véritablement elles-mêmes, fières de qui elles sont. Sûres d’elles et belles, peu importe leur âge, leur poids ou l’opinion extérieure.
Appeler votre griffe Alex Antwerp était-il par ailleurs une forme d’hommage à la Belgique ? Antwerp est bien sûr un clin d’œil à mon pays, mais surtout à Anvers pour son prestige dans le domaine de la mode. Et aussi car il s’agit de ma ville d’origine. J’ai également opté pour le diminutif de mon prénom car Alex est court, se retient facilement et a une consonance unisexe et internationale. Si pour l’instant je préfère élargir nos collections et me concentrer sur une gamme forte, créer des modèles masculins ne serait pas inenvisageable dans le futur. Ce qui est certain par contre, c’est mon souhait de nous voir toujours plus représentés, en Belgique mais aussi au-delà de nos frontières.
ALEXANDRE HAMES, l’élégance décomplexée
ALEXANDRE HAMES
L’élégance décomplexée
MOTS : BARBARA WESOLY
PHOTOS : JAGGS
Huit ans après la création de JAGGS, Alexandre Hames continue son ascension sur mesure, savant alliage d’expertise et d’élégance. Et impose en référence sa passion du costume.
JAGGS se définit comme le tailleur de l’homme moderne. Que recherche celui-ci selon vous ? Il désire consommer de manière responsable, avoir du style et être accompagné ainsi que très bien conseillé dans ses choix. Depuis notre lancement, en 2015, notre optique n’a pas changé. Il s’agit de l’amener au sur-mesure, avec une vision moderne et élégante, accommodée d’un grain de folie.
À quelle atmosphère doit-on s’attendre en franchissant les portes d’une boutique JAGGS ? À un lieu à l’accueil convivial et tout sauf guindé, mais aussi et surtout à une expertise extrêmement poussée en matière de costume. Un savoir-faire que nous sommes heureux de pouvoir transmettre. Nous ne cherchons pas à impressionner ou intimider nos clients, mais à créer un climat de confiance chaleureux, où ils oseront poser toutes leurs questions.
Aujourd’hui, en plus du sur-mesure, vous proposez également du prêt-à-porter. Pourquoi ce choix ? Une immense majorité de notre clientèle continue de faire appel à nous pour du sur-mesure. Mais durant la crise sanitaire, le prêt-à-porter s’est révélé une évidence, sachant que plus personne n’avait de raison de porter de costume. Tout le monde restait en chino, jeans et baskets. Nous nous sommes donc tournés vers ces créations, avec l’envie de concevoir des modèles de qualité, pointus, allant à une majorité et disponibles en différentes coupes et couleurs. Et nous continuerons d’étoffer cette collection, avec un costume prêt-à-porter, qui sera prochainement disponible, mais en un modèle et coloris unique. Proposant ainsi une offre complémentaire mais qui n’est pas destinée à s’affirmer à égalité du sur-mesure.
À quelle clientèle s’adresse votre e-shop ? L’e-shop est plutôt destiné aux clients internationaux, qui plébiscitent nos accessoires, tout particulièrement nos nœuds papillon. Nous possédons la plus grande collection d’Europe. Et si nous les avons créés par loisir, tel un complément aux doublures de nos costumes, désormais nous en confectionnons et vendons entre 10.000 et 15.000 par an, nous amenant à être des acteurs européens majeurs du domaine. Mais cela reste un plaisir, un twist original, qui apporte un ce petit plus. Nous vivons pour et par le costume et pas le nœud papillon.
En plus des nœuds papillon, vous proposez aussi des bretelles signées Bertelles – seul accessoire non fabriqué par JAGGS – des ceintures, boutons de manchettes… mais également des bracelets ou headbands, pour femmes et des bretelles et nœuds papillon enfant. Avec le souhait d’un jour, aller encore plus loin ? Nos nœuds papillon notamment, étant confectionnés dans notre atelier de Waterloo, il était dès lors aisé d’utiliser ces mêmes rouleaux de tissu, pour les décliner en d’autres formules. La gamme féminine a ainsi été développée pour répondre à une demande pour les mariages. En vue par exemple d’assortir un couple par ses accessoires, de proposer des barrettes plates ou des bracelets pour filles et femmes mais aussi de réaliser des commandes spécifiques comme des coussins d’alliances ou encore des nœuds pour serviettes.
Vos créations sont-elles influencées par un ADN mode typiquement belge ? Il y a un certes une identité belge très importante, mais au-delà un savoir-faire européen extraordinaire et exclusif. Nos chaussures sont fabriquées en Espagne, tout comme nos pulls, dans un atelier qui les tisse et fait des remaillages fil à fil à la main, nos cravates en soie sont tissées en Italie. Le critère éthique est essentiel pour nous, il est inenvisageable de réaliser des vêtements en production de masse, livrés en conteneurs après quatre mois passés en mer.
Près d’une décennie après son lancement, comment envisagez-vous le futur de JAGGS ? Si la marque est liée au principe d’évènement, notamment de mariage, JAGGS a pour ambition d’habiller les hommes modernes au quotidien. Et cela se concrétise, puisque nos chinos, comme nos chaussures font un carton. Notre but est aussi de développer nos points de vente. Forts de quatre boutiques en Belgique et d’une à Rennes, en France, nous voudrions aller plus loin, notamment via une franchise en Flandres et des magasins au Luxembourg, en Suisse ou dans d’autres villes de France, jusqu’à tendre vers un réseau européen d’une trentaine d’enseignes.
Edouard Vermeulen, le règne de la modernité
EDOUARD VERMEULEN
Le règne de la modernité
Mots : BARBARA WESOLY
Photos : NATHALIE GABAY
Certains anniversaires rappellent le passage du temps. D’autres au contraire, ont le parfum galvanisant de nouveaux défis. Loin d’avoir émoussé la passion de l’élégance d’Edouard Vermeulen, ces quarante années d’existence de la maison Natan, signent la célébration d’une maestria résolument tournée vers l’avenir.
Natan fête ses quarante ans. Près d’un demi-siècle, marqué par l’intemporalité comme par l’audace. Quel regard portez-vous sur le chemin parcouru ? De la fierté d’abord, de voir évoluer la Maison depuis si longtemps avec un fil rouge et une identité, à laquelle nous n’avons jamais dérogé, tant au niveau de la qualité, que de la créativité et du savoir-faire. Mais cet anniversaire, je le conçois surtout comme le point de départ d’une nouvelle ère pour Natan. La mode requiert de ne pas se reposer sur ses acquis. À chaque nouvelle saison, nous remettons tout en question : matières, vêtements, stylisme, présentation, photos … Si vous ne le faites pas, le temps file et les évolutions vous dépassent.
Votre rapport à la mode a-t-il évolué au fil du temps ? Bien sûr, tout comme la mode en elle-même n’a de cesse de se réinventer. Lorsque j’ai débuté, trois générations de femmes se mêlaient dans mes magasins, aujourd’hui elles se confondent, se rajeunissent. Mère et fille s’échangent des tenues, partagent des styles communs. C’est fantastique et enrichissant, notre objectif étant que le vêtement puisse voyager à travers les années, en conservant tout son raffinement et la beauté de son port.
Est-il nécessaire d’oser et de bousculer les codes pour perdurer dans cet univers ? Il est avant tout important de rester fidèle à son image. La nôtre, c’est la couture. L’âme de Natan, c’est le vêtement. On n’hésite certes pas à l’accessoiriser, mais pour le sublimer, plutôt que pour l’égaler ou le remplacer.
Est-il essentiel pour vous de continuer à pérenniser ?Lorsque les clientes franchissent nos portes, c’est le plus souvent en vue d’une célébration ou d’un mariage. Et ce que l’on porte lors d’un évènement est primordial, car l’on transmet une part d’assurance et de confiance de par son élégance. Nous cherchons donc toujours à favoriser l’expérience. De l’accueil à la lumière en passant par l’ambiance, tout se veut enthousiasmant. La fête doit débuter chez nous !
En parlant de fête, vous avez nommé Christophe Coppens directeur artistique de ce superbe anniversaire, qui se déroulera durant une année entière. Pourquoi ce choix et que peut-on attendre de ces célébrations ? De par sa carrière d’artiste, de metteur en scène et de créateur travaillant dans le monde entier, Christophe Coppens porte un regard neuf sur l’univers de la Maison. Nous nous connaissons depuis 25 ans et avions déjà collaboré ensemble quand il s’était lancé dans les accessoires. C’est un homme créatif, avec une vision artistique mais aussi commerciale et ouverte sur l’international. Car si ces célébrations sont un plaisir, elles sont surtout l’occasion de grandir. Et les expériences festives ne manqueront pas ! Nos magasins se voient dotés d’un relooking, tout comme les collections à venir ainsi qu’un défilé inédit, prévu à l’été 2023. Un livre dédié à l’univers de Natan sortira également au mois d’octobre. Nous prévoyons aussi différents évènements pour la clientèle, visant à montrer notre savoir-faire ainsi que des visites d’ateliers. Ce sera l’occasion de sublimer la Maison, en accentuant son image et en la dynamisant. Une manière de surprendre les clients fidèles et d’en séduire de nouveaux.
En soufflant ces quarante bougies, quel regard portez-vous sur l’avenir et les quarante prochaines années de Natan ? Notre but pour le futur est d’internationaliser la Maison et de dépasser toujours plus les frontières de la Belgique. Nous sommes fiers de notre patrimoine. Avoir pu créer la robe de mariée de la Reine Mathilde demeure l’un des évènements les plus marquants de l’histoire de Natan. L’objectif désormais est de porter ces couleurs et cette excellence à l’étranger. Cet anniversaire a été l’occasion de nous implanter « Au Bon Génie » à Paris et à Genève, ainsi qu’ « Au Bon Marché » parisien, ce dont j’avais toujours rêvé. On veut aller encore plus loin. Le monde est grand et ces quarante ans ne sont qu’un début !
Rencontre avec Christophe Coppens
« Cet anniversaire, je l’ai imaginé à la manière d’un opéra, en œuvrant à tous les niveaux créatifs. »
Comment s’est initiée cette collaboration anniversaire avec Natan ? Edouard Vermeulen est-il venu à vous avec un concept déjà défini ? On y a réfléchi ensemble. Je souhaitais construire un projet qui s’implémenterait au-delà d’une année, plutôt que comme un coup d’éclat. Son dessein est de laisser une empreinte durable sur la façon de réfléchir, de penser, de travailler de la Maison et sur son futur.
Qu’avez-vous souhaité insuffler à cet évènement ? Il ne pouvait avoir de sens qu’en travaillant l’ADN propre à Natan, cet univers joyeux et lumineux, en y insufflant des touches créatives. L’objectif est d’amener le public à sentir une forme d’électricité dans l’air, d’étincelle qui révèlera son éclat au cours de toute cette année.
Vous qui êtes designer de mode mais aussi artiste et metteur en scène d’opéra, avez-vous pensé et conçu cet anniversaire, à la manière d’une performance, d’un récit mêlé à une dose d’émotion ? La création d’un opéra est la réalisation la plus complète que j’accomplisse, car je travaille à tous les niveaux de développement. J’ai voulu faire pareil pour ces célébrations. C’était courageux de la part de Natan et d’Edouard Vermeulen d’accepter que je me mêle ainsi de tous ces aspects. Mais la Maison est formidable d’ouverture à l’évolution et au changement. Et c’est l’essence même de cet anniversaire, une réflexion sur plusieurs niveaux, qui s’intègrera dans l’Histoire même de Natan. Le plus beau cadeau que la Maison pouvait s’offrir.
www.natan.be
Dans les pas de VIRGINIE MOROBÉ
Dans les pas de
VIRGINIE MOROBÉ
Mots : BARBARA WESOLY
Photos : Morobé et Jean-Pierre Gabriel
Huit ans auront suffi pour mettre la Belgique à ses pieds. Petite fille, Virginie Morobé vouait déjà une véritable fascination aux chaussures. Une passion que la créatrice de mode a transformée en flamboyante réussite, en lançant en 2015, sa marque éponyme et défini par la même, de nouveaux standards d’élégance.
« On base notre tenue sur nos chaussures, pas l’inverse ». Un mantra qui trône en première ligne sur votre site. Sont- elles à vos yeux, tel un pendant de rouge à lèvres rouge, en version mode ? Ce twist dont l’audace fait la différence et permet de se sentir confiante et féminine en toute circonstance ? J’en suis convaincue. On le voit directement chez nos clientes. Dès qu’elles enfilent par exemple de hauts talons, leur maintien, leur posture, changent. Elles affichent directement plus d’assurance. C’est toute la puissance d’une belle chaussure que d’être capable d’amener le style le plus simple, au comble de l’élégance.
Street couture, rock’n roll, glamour, sont des termes que l’on appose par instinct à Morobé, mais comment imaginez-vous celles qui portent vos modèles ? En réalité, je ne les imagine pas. Je me laisse guider par mon intuition et ce que j’aime. Je ne valide aucun prototype qui ne corresponde pas à un modèle que je porterais. C’est ce qui fait l’identité de Morobé, tout comme notre signature est l’intemporalité. Il est aussi essentiel que chaque chaussure que nous fabriquons puisse sublimer tous les pieds, quelle que soit leur morphologie. Cette volonté d’universalité compose notre ADN. Réussir à développer une chaussure qui met en valeur 90% des femmes, c’est la certitude d’avoir réalisé une chaussure extraordinaire.
Morobé propose également une gamme d’accessoires et, vous avez lancé en janvier 2023, Logomania Limited Edition, votre toute première collection de prêt-à-porter. Aviez-vous le désir de décliner la griffe sous d’autres formes ? Nous avions conçu énormément de chaussures dans cet imprimé jacquard et en stretch et je désirais les accompagner de photos en total look. Cela impliquait d’acheter des centaines de mètres de tissus et nous avons alors décidé d’utiliser une partie de celui-ci pour la production de quatre pièces de prêt-à-porter. Mais, si j’adore les vêtements, le plaisir créatif n’est pas le même pour moi qu’avec les chaussures et je ne compte donc pas réitérer l’expérience.
Et votre gamme Maison ? Cela faisait longtemps que je désirais réaliser un vase basé sur l’un de nos modèles de bottes mais il fallait en concevoir les moules. J’ai donc contacté l’artiste et céramiste Anita Le Grelle pour les créer, en même temps que des accessoires décoratifs.
Vous avez également signé, en 2016, une collaboration avec l’influenceuse Chiara Ferragni, ainsi qu’avec la styliste Marylène Madou en 2020. Une manière de prôner l’empowerment au féminin ? Ces collaborations sont parties de contextes très différents. Chiara Ferragni nous a contactés après avoir eu un coup de cœur pour nos boots en velours vieux rose. Et nous les avons déclinés ensemble en bleu roi et bordeaux. C’était un coup de projecteur inespéré pour Morobé qui existait alors depuis seulement deux saisons. Marylène Madou a réalisé un imprimé exclusif pour célébrer les cinq ans de la marque et transposé celui-ci sur un tissu qui emballait nos chaussures à la manière furoshiki, technique de pliage japonaise précieuse. Anita, aussi bien que Marylène excellent dans leur domaine et nous cherchons toujours à proposer l’exception.
Après Knokke en avril 2022, vous avez inauguré en décembre de l’année passée une boutique Morobé à Anvers. Toutes deux ont été conçues par l’architecte Glenn Sestig. Qu’est-ce qui, dans son design, fait résonnance avec votre griffe ? Je suis une grande admiratrice de l’esthétique intemporelle et de l’incroyable élégance du travail de Glenn. Nous voulions des boutiques qui seraient pensées non pas comme des magasins mais comme l’intérieur de notre maison ou comme mon dressing, avec une véritable ambiance plus qu’un aspect purement commercial. Pour notre première boutique, nous sommes arrivés au studio de Glenn avec une idée bien précise du design que nous désirions : vitrine bombée, touches de kaki, mélange de lignes droites et d’arrondis et il a directement compris pleinement notre vision. Dès le deuxième rendez-vous, il nous a présenté ce qui allait devenir tel quel notre boutique. C’était tout simplement époustouflant.
Morobé fêtera ses huit ans en avril 2023, que vous souhaite-t ’on pour la suite ? Nous avons nos deux boutiques et sommes distribués dans les meilleures enseignes du Bénélux. Désormais, l’objectif est international. La prochaine étape est de trouver un lieu à Saint-Tropez. Le style et l’audace de Morobé s’accordent à merveille avec l’atmosphère balnéaire. Nous cherchons donc à nous installer dans des villes côtières, en Europe et plus loin. En continuant à nous fier à notre instinct, toujours.
15 mai 2023 ! À la demande de ses amis masculins les plus stylés, tels que César Casier, Glenn Sestig et son mari, David Damman, Virginie Morobé s’est lancée dans une collection qui transcende les frontières du genre.