11PM Studio - un style singulier qui s’écrit au pluriel
11PM Studio
Un style singulier qui s’écrit au pluriel
Mots : Barbara Wesoly
Photos : DR
Elle est la nièce d’Edouard Vermeulen et gère la création des accessoires pour Natan. Lui est le responsable marketing et communication. Si la Maison de couture a accueilli la rencontre fortuite de Marie-Charlotte Vermeulen et Pieterjan Van Biesen, le hasard a depuis laissé place à une jolie complicité qui les a amenés à créer en tandem leur propre label de prêt-à-porter, 11PM Studio.
Entre vous, c’est une histoire d’amitié autant que de mode, débutée par l’entremise d’Edouard Vermeulen. Quel souvenir gardez-vous de votre première rencontre ? Pieterjan Van Biesen : C’était en août 2021. A l’époque, après quelques années passées chez Natan, Marie-Charlotte travaillait à Londres, comme styliste online chez Selfridges. On s’est alors juste croisés, sans plus. Quelques mois plus tard, Edouard m’annonçait que sa nièce revenait en Belgique et réintégrait la Maison. Trois ans après, elle est devenue ma meilleure amie.
Au-delà de ces liens de fait, qu’est-ce qui vous a rapproché ? Marie-Charlotte Vermeulen : On a le même sens de l’humour, le même amour de la beauté, une passion commune du style et on est voisins. Tout semblait aligné pour nous permettre de nous (re)trouver. Et puis un jour il y a un an, l’idée d’un duo a germé. Tout en adorant la mode, aucun de nous ne parvenait à dénicher des pièces qui lui plaisaient vraiment, alors que nous avions pourtant des goûts très différents. Pieterjan est assez structuré et classique, tandis que de mon côté je pars en tous sens et j’expérimente. Mais on comprenait cependant pleinement les envies de l’autre. On était complémentaires.
Pieterjan Van Biesen : Je rêvais de streetwear haut de gamme. Marie-Charlotte cherchait des pièces minimalistes, avec un twist, une touche qui ferait la différence. Nous avons voulu rassembler le meilleur des deux mondes. Et l’incroyable expertise acquise chez Natan, nous donnait toutes les clés pour y parvenir.
Ce label, vous le baptisez alors 11PM Studio. Seriez-vous tous deux des oiseaux de nuit ? Marie-Charlotte Vermeulen : Ce nom, c’est un clin d’œil. Le 11, écrit II, représente le duo que nous formons et s’accompagne de nos deux initiales, P et M. Et il correspondait en effet également à notre heure. Celle à laquelle on se réveille créativement et où les idées germent. Nos vies sont intenses, constamment en effervescence, nos postes au sein de Natan très prenants. Ce moment, à l’approche de minuit, n’appartient qu’à nous.
Justement, c’est quoi le style 11PM ? Marie-Charlotte Vermeulen : Son ADN, c’est le street tailoring. Les codes de la rue et du skate notam-ment, mixés à ceux du costume, intemporel et sophistiqué. Cela donne des pantalons aux matières nobles et à l’inspiration couture, mais déclinés en version élastique et baggy ou des chemises aux coupes parfaites et tout à la fois déstructurées.
Pieterjan Van Biesen : Notre force est d’être un duo masculin-féminin, avec des silhouettes et des morphologies différentes, créant main dans la main, sans distinction de taille ou de sexe. Un vêtement ne devrait pas se définir par ses règles, le fait d’être un 36 ou un 42, ou encore d’être destiné à une femme ou un homme. Une coupe, si elle est belle, est censée s’adapter à tout le monde. Ce vestiaire non genré n’était pas un parti pris, mais l’évidence même pour nous.
Quelle est justement la pièce coup de cœur que vous avez en commun ? Pieterjan Van Biesen : C’est une chemise blanche à col haut, que Marie porte plutôt comme une robe. Dès que je la mets, l’on m’arrête dans la rue pour me demander d’où elle vient. Elle me remplit de fierté et me rappelle pourquoi je crois en notre projet.
On aperçoit également deux barres chromées qui habillent vos vêtements, pour quelle raison ? Marie-Charlotte Vermeulen : Elles symbolisent le principe de Time Equality. Le temps file à une vitesse folle. Nous disposons tous de 24 heures par jour et pourtant il ne s’écoule pas de façon égale pour chacun d’entre nous. C’est un outil de pouvoir, un principe puissant que l’on doit se réapproprier. Porter nos deux barres, c’est affirmer qu’on ne court pas après le temps, mais qu’au contraire, on fait le choix de le maximiser pleinement.
La référence au temps, toujours. Comment s’annoncent dès lors les lendemains de 11 PM Studio ? Marie-Charlotte Vermeulen : On achève tout juste une collaboration avec WECANDANCE et un évènement avec Delvaux. On revient aussi de la Copenhagen Fashion Week et l’on enchaîne sur celle de Paris. Tout cela a contribué de façon incroyable à lancer la marque et c’est génial, mais désormais on aimerait avoir notre propre boutique physique pour permettre à nos clients de toucher, ressentir nos modèles, ce que ne permet pas le virtuel.
Pieterjan Van Biesen : Ce sera sûrement d’abord sous forme de pop-up, à Knokke ou à Paris. Un « Night Shop », à notre image !
Fabienne Delvigne - « Le beau fait sens lorsqu’il permet de sublimer et soigner »
Fabienne Delvigne
« Le beau fait sens lorsqu’il permet de sublimer et soigner »
MOTS : Barbara Wesoly
PHOTOS : Fabienne Delvigne
Elle habille les têtes couronnées comme celles des inconnues avec la même virtuosité et le même désir de les voir rayonner. Fabienne Delvigne déploie depuis plus de 30 ans finesse et originalité, transformant ses chapeaux en œuvres sculpturales.
Le chapeau revêt-il selon vous une place à part dans l’univers de la mode ? Absolument. Par le passé, le chapeau était d’ailleurs considéré comme de la haute mode, en parallèle au principe de haute couture. Cela dit tout de ses lettres de noblesse. Et il a la particularité exceptionnelle, au-delà de son esthétique, de révéler un visage et une personnalité. On peut se cacher derrière un vêtement, mais un chapeau souligne l’essence de celui ou celle qui le porte. C’est ce principe magique qui, au détour d’un magazine feuilleté par le plus grand hasard, m’a amené spontanément à quitter du jour au lendemain un poste de cadre dans le marketing pour concevoir mes modèles.
Vous avez embrassé cette carrière il y a 37 ans. Votre métier a-t-il évolué au fil du temps ? La place du chapeau a évolué dans la société, du classicisme au spectaculaire puis à une utilisation plus casual, mais ma façon de créer est par contre demeurée la même. Je suis entre le sculpteur et l’architecte. Au contraire des chapeliers, je ne conçois pas mes modèles à la machine en utilisant un gabarit en fonte, mais à la façon d’une modiste. J’ai appris le métier auprès de celles que je nomme des « maman chapeau », des femmes au savoir-faire rare, acquis en plus de cinquante ans de carrière. Celui-ci demande de façonner chaque création directement sur ses genoux, pour lui permettre de s’épanouir en suspension, par le tou-
cher, l’équilibre et la finesse. C’est ce qui lui apporte cette forme aérienne et un résultat unique.
Valse de printemps, votre nouvelle collection aborde tout en délicatesse un univers fleuri et coloré. Quel est le point de départ d’un nouveau modèle ? C’est la matière qui me fait vibrer, le toucher. J’ai notamment un véritable coup de cœur pour la fibre de banane, extraite de l’écorce de bananier et recueillie et traitée de façon équitable et écoresponsable. Elle possède un reflet nacré splendide qui accroche la lumière avec grâce. Mais aussi une grande fragilité, qui demande de la patience et de la dextérité. Elle représente parfaitement mon fil rouge, la féminité, l’audace travaillée avec élégance, la volonté d’être avant-gardiste et enfin la légèreté. Cette dernière fait toute la différence, aussi bien au niveau du design que du port. Et permet de se sentir pousser des ailes. Mais au-delà des collections, ce qui m’inspire et me guide est la volonté de révéler la beauté de chaque femme. Le cliché veut qu’il y ait des têtes à chapeaux. Rien n’est moins vrai. Une teinte particulière rééquilibrera la structure d’un visage, un modèle réveillera le regard. Mon but est de parvenir à une harmonie qui représentera une magnifique affirmation de soi. C’est ce que j’ai voulu illustrer par le livre rétrospective des 30 ans de la Maison « Sublimer par la différence ».
Un titre qui résonne profondément avec Caring Hat, le projet engagé que vous avez lancé en 2021 à destination de femmes souffrant d’alopécie. L’humain est ma priorité et il était donc essentiel pour moi de transformer la reconnaissance acquise durant ma carrière en un engagement porteur de sens. Je suis convaincue que l’on peut soigner par le beau. Et j’ai donc voulu permettre aux femmes ayant perdu leurs cheveux à cause d’un cancer, d’un choc émotionnel ou de toute autre pathologie, de renouer avec leur féminité et leur confiance en elles. Pour y parvenir, la Maison leur propose de leur concevoir un modèle sur mesure, non pas pour cacher leur maladie et l’invisibiliser mais pour leur permettre au contraire de se réapproprier le regard qu’elles posent sur elles-mêmes. Et il était essentiel pour moi qu’il soit accessible à toutes, grâce à une prise en charge financière par l’ASBL Caring Hat Fund. Mais cet été nous assisterons enfin à un tournant majeur, grâce à un changement de loi offrant le remboursement des chapeaux au même titre que celui des perruques. Un principe pour lequel je me suis battue corps et âme durant deux ans. J’ai l’intime conviction que dans certains cas, un chapeau peut vous porter.
De cette fondation caritative à des collaborations prestigieuses avec Guerlain, Natan ou encore Chanel, vos chapeaux traversent et mêlent les univers. Un projet particulier a-t-il marqué ces décennies de passion ? Créer pour les familles royales de Hollande, de Suède, du Grand-Duché du Luxembourg et de Belgique est un grand honneur. Et tout particulièrement d’avoir pu concevoir l’Envolée, le chapeau de la Reine Mathilde à l’occasion de la prestation de serment du Roi en 2013. J’ai reçu le titre de fournisseur breveté de la Cour du Roi Albert II et il a ensuite été renouvelé par le Roi Philippe. C’est une réaffirmation de confiance qui m’émeut et raconte mon amour profond de l’élégance.
Sepi Agari - Idylle du beau et de l’éthique
Sepi Agari
Idylle du beau et de l’éthique
Mots : Barbara Wesoly
Photos : DR
Et si le vrai luxe aujourd’hui était une élégance durable, dont le savoir-faire et la qualité repensent la notion de prestige ? Une évidence pour Sepideh Asghari et sa marque Sepi Agari, dont les sacs racontent la passion d’une maroquinerie conçue en conscience.
« Creato con amore », créé avec amour, est le slogan de Sepi Agari. Un mantra qui s’applique à votre label au propre comme au figuré ? Il en est le point de départ. J’ai toujours été passionnée par la conception créative. Et même si mon parcours m’a d’abord mené vers une autre carrière, cet amour du style était également présent en toile de fond. J’ai ainsi réalisé un master en tant qu’ingénieur de gestion, dont le sujet de thèse était la circularité dans l’industrie de la mode, avant de devenir conseillère financière dans ce même domaine. Entrer dans ce milieu par le biais commercial était un moyen d’en percevoir pleinement les tenants et aboutissants, l’aspect stratégique et le développement. C’était une très bonne école, qui m’a amenée à découvrir le manque criant de marques proposant un artisanat qualitatif, aux pièces élégantes, hauts de gamme et durables sans pour autant être inabordables. De là est venu mon désir de combler ce vide. Créé avec amour se définit aussi à mes yeux comme façonné avec sens.
Une formule qui fait également référence à l’Italie, où sont fabriqués vos modèles. Par choix du cœur ? Par évidence. Lorsque j’ai démissionné pour lancer ma marque, je suis partie en Italie réaliser une formation en maroquinerie. Je tenais à apprendre le travail du cuir auprès d’artisans ainsi que la confection des modèles sur le terrain. Ce n’est qu’en appréhendant pleinement la réalité et la logique derrière une création éthique et respectueuse de l’environnement, que l’on peut concevoir une gamme responsable. L’Italie représente pour moi l’apogée de ce savoir-faire passionné, transmis au fil des générations. Nous réalisons consciemment le choix d’aller vers des techniques manuelles et une fabrication européenne au coût plus élevé, tout comme des matériaux durables et des capsules au nombre limitée. C’est cette exclusivité qui donne pleinement son authenticité et son identité à Sepi Agari.
Lignes épurée et tonalités douces sont prégnantes dans votre collection. Le sac à main idéal à vos yeux rime-t-il avec intemporalité ? Elles sont partie intégrante d’une esthétique globale que j’apprécie. Parmi mes inspirations, on retrouve le design scandinave, notamment dans la conception du modèle triangulaire Archie, mais aussi l’influence lumineuse du sud. Des palettes neutres tout comme des teintes audacieuses à l’image du Bobby bleu électrique ou d’un Allegria vert sapin. Au-delà des sacs pour lesquels je nourris un attachement sentimental et que j’aime porter sur la durée, j’adore les pièces fortes, avec lesquelles jouer et prouver que l’on peut être pointu et aventureux sans pour autant cesser d’être intemporel.
Fort d’un succès fulgurant, Sepi Agari n’a pourtant que quelques mois d’existence. Quels sont les défis auxquels doit faire face votre jeune marque ? Se lancer dans l’industrie de la mode signifie forcément entrer en concurrence avec des labels forts de leur notoriété et de leur aura. Mais je n’en suis que plus reconnaissante et heureuse de voir que nos valeurs résonnent auprès de nos clientes. Je crois en l’impulsion de l’authenticité.
Après un pop-up d’un mois à Anvers, quelle est la prochaine étape pour Sepi Agari ? J’ai toujours été ambitieuse et je désire que notre label soit présent à l’international. Les possibilités sont immenses et je vois grand, mais en demeurant avant tout alignée à ce besoin de sens. Pas question de concevoir des formules saisonnières ou d’enchaîner les rééditions. Pas plus que de collaborer avec des partenaires ne nourrissant pas nos valeurs. Evoluer et croître oui, mais surtout aller à la rencontre de nos clients et rester animée par la passion. Partager et imaginer, au plus près du coeur.
Be-Diamond, nouveau joyau de la joaillerie belge
Be-Diamond, nouveau joyau de la joaillerie belge
Mots : Barbara Wesoly
Photos : DR
Entre classicisme intemporel et créativité affirmée, Be-Diamond fait souffler un vent de fraîcheur sur l’univers du diamant made in Belgium, tout en honorant le patrimoine précieux de l’excellence anversoise.
Le diamant est souvent synonyme d’héritage et de transmission, mais pour Nathalie De Sentis, il raconte également le commencement d’une deuxième vie. Un renouveau amorcé lors d’une escale à Barcelone, par l’esquisse d’une bague. A l’époque pilote de ligne depuis 12 ans, la jeune femme est contrainte de renoncer à voler pour raisons médicales. Un revers laissant toute latitude à cet élan créatif de se transformer en carrière. Et de voir naître Be-Diamond. « Ce bijou agrémenté d’un trio de diamants noirs était un hommage à ma grand-mère. Je rêvais de posséder une pièce symbolique que j’aurais dessinée et c’était un désir d’autant plus accessible que mon mari est diamantaire et qu’il m’était dès lors possible de bénéficier de son expérience. Puis en la découvrant, de nombreuses amies m’ont demandé de concevoir des parures pour elles. La passion a ainsi progressivement laissé place à un véritable label » explique Nathalie De Sentis.
Le noir pour signature
Il s’agissait alors de la première affirmation de l’amour de la créatrice pour le diamant noir, devenu entretemps l’illustration de l’élégance agrémentée d’un twist aventureux, chère à Nathalie De Santis. « Nous proposons aussi des collections en diamant rose, blanc, combinant plusieurs coloris ou encore du sur-mesure, mais le noir reste notre emblème. Tout comme le choix des diamants naturels, à la pureté et à la qualité incomparable. » Après une vitrine à Anvers et une autre Bruxelles, la marque s’exportera en Italie en septembre pour la Fashion Week de Milan et dévoilera ses modèles phares dans un concept store new-yorkais, en une étincelante première à l’international.
La Collection - Duo d’art et d’élégance
La Collection
Duo d’art et d’élégance
Mots : Barbara Wesoly
Photos : DR
C’est en couple que Florence Cools et Artur Tadevosian signent les créations raffinées de La Collection. Des modèles qui redéfinissent l’intemporalité et s’ancrent au croisement du vêtement et de l’expression artistique, forts d’influences architecturales et d’un savoir-faire artisanal.
Ensemble, vous avez lancé La Collection, en 2017, vos parcours respectifs vous destinaient-ils à la mode ? Florence : Ni Artur ni moi n’avons évolué dans cet univers. De mon côté, j’ai découvert toute petite l’art et le dessin. Je griffonnais sans cesse et pouvais passer des heures à esquisser des personnages. En grandissant, j’ai commencé à vouer une grande admiration à la mode. Mais, même si je retravaillais constamment les vêtements que j’achetais pour créer des pièces uniques, je n’imaginais pas d’avenir à cette passion. Et puis j’ai rencontré Artur et il m’a transmis la conviction que rien n’est impossible à accomplir et la certitude d’être aux commandes de mon propre chemin. C’est ce qui m’a conduit à un cursus de technologie de la mode et puis vers ce métier.
Jusqu’à imaginer lancer votre propre label ? Artur : L’idée a germé comme ça, un jour, alors que nous roulions dans les rues de Paris. Nous avions à l’époque déjà lancé depuis plusieurs années Damoy, un concept store multimarques qui fonctionnait très bien. Mais il y avait cette frustration à devoir composer avec des tissus et un processus de fabrication qui ne correspondaient pas toujours à nos valeurs. Nous nous sommes donc lancés, avec une étrange facilité. Du moins jusqu’à nous retrouver face aux impératifs techniques et réaliser que nous n’avions aucune expérience de création d’une marque. Deux ans ont alors été nécessaires pour sélectionner les meilleurs partenaires et perfectionner l’atelier. Notre recherche d’excellence n’a pas simplifié le processus, mais réaliser des compromis sur l’éthique et la qualité n’était pas une option.
Florence : Notre fonctionnement en duo est une force. Nous n’avons jamais eu besoin de définir des rôles clairs, ceux-ci s’expriment instinctivement, en fonction de nos sensibilités. Je déve-loppe la vision artistique du label et Artur les aspects liés à la gestion d’entreprise. La marque est aussi née de la certitude que le système traditionnel, sa course constante à la productivité et sa demande perpétuelle de nouveauté, ne fonctionnait pas pour nous.
La Collection se définit comme un point de rencontre entre mode, art et architecture. Florence, ces trois domaines sont-ils vos moteurs lorsque vous façonnez vos modèles ? Définitivement. Les frontières qui les séparent sont pour moi extrêmement fines et poreuses. Je préfère d’ailleurs m’éloigner des influences du stylisme pour puiser l’inspiration dans les musées et les expositions. C’est ce mélange qui donne son esthétique à La Collection, tout à la fois luxueuse et effortless, minimaliste et traditionnelle. Envisageant l’élégance comme un véritable art de vivre, une manière d’être.
Vous affirmez également que chaque pièce naît de la rencontre d’une histoire et d’un décor. Quels lieux et éléments font office de références pour vous ? Le beau, dans sa globalité. Lorsque je me lance dans un processus de création, je marche dans la ville, afin d’en prendre le pouls et la culture. Vivre entre Anvers et Paris offre un merveilleux patchwork d’inspirations. Mais le voyage, en général est un moteur, qu’il soit géographique ou artistique. Un petit café du sud de la France comme les nuances d’un tableau d’Antoni Tàpies. C’est ce qui amène chacune de nos pièces à posséder une histoire et à être pensée au-delà de toute étiquette.
L’Appartement, inauguré à Paris fin 2023, Paris s’inscrit-il dans cette continuité ? Artur : Cela faisait plusieurs années que nous rêvions d’un espace où l’on pourrait venir découvrir les modèles de la Collection mais aussi l’âme qui l’habite. Pas une boutique, mais un lieu de vie, dont chaque aspect, mobilier, décoration, jusqu’à la tasse dans laquelle on vous sert un café, refléterait nos goûts et raconterait notre passion. Et qui n’aurait rien d’un endroit réservé aux VIP, mais au contraire chaleureux, convivial et ouvert. D’abord imaginé comme temporaire, l’Appartement devient aujourd’hui permanent, pour notre plus grand bonheur.
Autre lancement majeur, celui, début février, d’une gamme de bijoux. D’où venait cette envie ? Florence : Je n’avais pas d’attrait particulier pour la joaillerie, jusqu’à ce que la maman d’Artur me fasse don d’une bague, qu’elle avait reçue de son époux, le père d’Artur. Ce geste signifiait pour elle : tu es importante et désormais liée à notre famille. J’ai trouvé cette symbolique tellement belle que depuis, elle ne quitte plus mon doigt. Et en cours de route, ce petit morceau d’or au magnifique éclat est devenu une source d’inspiration. C’est de là qu’a grandi l’envie de concevoir une collection de bijoux, dont les pièces seront destinées à perdurer et à se transmettre au fil de l’amour et des générations. Et qui ne fera que s’étoffer avec le temps.
Jusqu’où souhaiteriez-vous amener La Collection à grandir ? Artur : Nous cherchons à installer de nouveaux Appartements à Anvers, Bruxelles ainsi que Londres et New York. Mais aussi et avant tout à avoir un impact réel sur l’industrie de la mode. C’est rêver très grand mais avec cette certitude, toujours, que rien n’est impossible.
Virginie Morobé et Bernard T. Sestig - Duo au sommet
Virginie Morobé et Bernard T. Sestig
Duo au sommet
Mots : Barbara Wesoly
Photos : Morobe
Son nom comme sa signature broche évoquaient déjà un raffinement flamboyant qu’on se languissait de porter à nos pieds. Après huit années consacrées à la chaussure, Morobé étoffe son univers avec une gamme d’accessoires, sous l’égide de sa fondatrice mais aussi de son nouveau directeur artistique, Bernard T. Sestig.
Une gamme homme, une collection d’accessoires et surtout l’arrivée de Bernard T. Sestig à la direction artistique. On ne compte plus les nouveautés Morobé de ces derniers mois ! Virginie, souhaitiez-vous entreprendre un véritable virage créatif ? Cela s’est imposé à moi. L’ouverture des boutiques de Knokke puis d’Anvers, a marqué un tournant majeur. Glenn et Bernard Sestig les ont conçues pour refléter l’esthétique Morobé, dans les moindres détails de design et de mobilier. Soudain la chaussure qui avait jusque-là été l’élément central, devenait partie intégrante d’un univers, ouvrant le champ de tous les possibles. De là est venue l’envie de développer une gamme d’accessoires et le besoin de trouver quelqu’un capable de la gérer. Lorsque nous travaillions ensemble aux futurs magasins, Bernard ne cessait de proposer des aménagements et des idées, dévoilant sa vision de Morobé. Et c’est devenu une évidence. C’était la première fois que quelqu’un qui comprenait de manière aussi viscérale l’ADN de la marque et la direction que nous souhaitions lui donner.
Bernard : Mon rôle de directeur artistique du cabinet Glenn Sestig Architects m’a amené à travailler à de nombreuses reprises dans l’univers de la mode. Un domaine qui m’a toujours passionné. En concevant l’intérieur des boutiques Morobé, je ne pouvais m’empêcher d’aller un pas plus loin, d’imaginer l’agencement d’une vitrine ou de futurs produits. Lorsque Virginie et David Damman, son mari, également à la tête de la marque, m’ont proposé de les rejoindre, j’ai d’abord hésité, me demandant si j’en étais capable. Mais cela m’électrisait. Et une semaine après, je leur proposais 70 concepts d’accessoires. Des sacs, mais aussi des chapeaux ou des diadèmes.
Les sacs à main comme les ceintures ou les bijoux, sont désormais partie intégrante de l’identité de Morobé. Vous sentiez-vous, à force, limitée par la chaussure ? Virginie : La chaussure demeure mon coup de cœur, mais avec désormais la certitude que l’identité de Morobé peut exister au-delà de celle-ci. Cela se voit avec notre logo en broche, connu sur nos boots ou sandales et désormais décliné en poufs pour la boutique mais aussi sur nos sacs, en motif de nos ceintures ou en solitaire porté sur une chaîne. Des détails qui façonnent une signature, un label. Mais je n’imaginais par contre pas le défi technique que cela représenterait, surtout pour la conception de sacs, qui ne demande pas moins d’une année. La moindre pièce, plus petit anneau de chaque modèle est fabriqué sur mesure, avec le concours de Julie De Taeye, qui avait travaillé 11 ans chez Delvaux, afin de correspondre à l’exigence de qualité synonyme de Morobé.
Êtes-vous plutôt alignés sur vos choix ou complémentaires ? Bernard : Les deux. Nous avons une connexion très forte. Nous sommes le plus souvent sur la même longueur d’onde, parfois sans même avoir besoin de se parler. Et avec une grande confiance mutuelle. Je pense que ma force est de ne pas vouloir imposer ma vision, mais au contraire renforcer et transposer l’univers de Virginie et l’image de Morobé.
Virginie : On partage la même sensibilité. Mais Bernard a aussi la capacité de changer mon regard, moi qui me fiais jusque-là à mon seul instinct. J’ai failli annuler deux fois notre sac Pare-Choc, car je n’étais pas convaincue. Mais lui l’était et aujourd’hui j’adore ce modèle et je le porte très souvent. C’est un lien entre nous qui ne s’explique pas.
Bernard, vous définissez le style Morobé comme “balnéaire », expliquant que ce principe est le catalyseur de vos créations. A quel niveau ? C’est un mot qui s’est directement imposé à moi. Morobé, c’est Saint-Tropez, Capri, Saint-Barth. C’est un univers estival, coloré, lumineux, qui fait surgir dans mon esprit des inspirations au parfum de vacances et de bord de mer mais aussi une certaine notion de la féminité. Aujourd’hui, en plus de la direction artistique, je suis aussi responsable de l’identité visuelle de la marque, des campagnes photos à la communication sur les réseaux et elle est imprégnée de cette atmosphère balnéaire.
Les mois à venir annoncent-ils de nouvelles surprises ? Virginie : Bernard voit les choses en grand et ne s’arrête jamais de créer. Un jour il entre dans nos bureaux et déclare ainsi qu’on va réaliser un bracelet pour les fêtes, qui peut se transformer en choker, ou des serviettes de bain pour l’été prochain. Ce sont des évolutions spontanées, naturelles. Et l’on va continuer à s’ouvrir à de nouveaux domaines sans pour autant renoncer à nos classiques. Et toujours avec le même indispensable : des modèles que je porterais moi-même sinon rien.
Estelle de Merode - Déclaration d’amour et de mode
Estelle de Merode Déclaration d’amour et de mode
Mots : Barbara Wesoly
Photos : Enamoure
Elle délaisse les tendances, leur préférant l’intuition et une créativité guidée par l’émotion. Si, en lançant sa marque Enamoure, la princesse Estelle de Merode désirait esquisser avec raffinement sa vision de la maroquinerie de luxe, il s’agissait aussi d’y instiller les valeurs d’authenticité et de liberté qui lui sont chers.
Le nom de votre marque vient du verbe Enamourer, qui, en ancien français signifie s’éprendre, être charmé, enflammé. Un terme qui vous correspond ? Je trouvais qu’Enamoure évoquait d’une manière charmante l’attachement profond que je ressens vis-à-vis de mes sacs. Il me permettait également d’opter pour un double E en acronyme, qui rappellerait ainsi mon prénom. C’est un clin d’œil autant qu’une belle déclaration. Il représente l’espoir que je nourris de voir celles qui les portent en tomber profondément amoureuses.
Votre histoire avec la mode a-t-elle démarré par un coup de foudre ? Elle vient du cœur, c’est sûr, mais aussi d’avoir été bercée par cet univers. A deux jours à peine, mes parents m’emmenaient déjà dans leur usine de textiles. Une habitude qui a perduré durant toute mon enfance. Ma maman y avait une pièce remplie de tissus, qui m’apparaissait comme un véritable rêve. Pour m’occuper, j’assemblais les matières et j’imaginais des modèles. Puis, vers mes treize ou quatorze ans, de m’essayer à la couture à l’aiguille et ensuite sur machine, en fabriquant des petits modèles puis des sacs crossbody. Je me rappelle encore ma première vraie création, une pochette avec un intérieur en cuir lisse argenté et de la fausse fourrure sur l’extérieur. Très – trop – tape à l’œil pour mes goûts actuels, mais je savais déjà ce que je voulais.
Après un cursus à l’Istituto Marangoni de Milan et au Central Saint Martin’s College of Art and Design de Londres, vous avez eu pour employeur la joaillerie Harry Winston, Oscar de la Renta, Zac Posen… Pensiez-vous déjà à un jour, fonder votre propre label ? J’ai toujours été très imaginative. Assez rebelle également, et je sentais qu’il me fallait oser la créativité et lancer un projet qui me correspondrait et m’appartiendrait véritablement. J’ai commencé par travailler comme étudiante lors des Fashion Weeks de Paris et Londres. C’était intense et épuisant mais aussi passionnant d’être plongée dans les coulisses de tels évènements. Intégrer ensuite des maisons prestigieuses représentait pas mal de défis, surtout dans un univers aussi compétitif, mais toutes ces expériences ont clairement renforcé ma détermination à donner vie à ma vision.
Les envies qui font battre votre cœur aujourd’hui, sont-elles les mêmes que lors du lancement d’Enamoure, en 2021 ? Plus le temps passe, plus je grandis en tant qu’entrepreneuse et l’identité de ma marque avec moi. Je suis reconnaissante d’avoir réussi à traverser la tempête qu’a représentée un démarrage en plein Covid. Et fière en repensant à ce premier modèle de sac baguette kaki ayant directement rencontré le succès. C’était une belle consécration. Mais tout en ayant à cœur d’être toujours plus alignée avec les souhaits de mes clientes, en me focalisant sur les best-sellers, je tiens à laisser de l’espace pour l’expérimentation et la créativité.
Votre collection AW23 est inspirée par le rêve. Quelle forme cet onirisme y prend-il ? Il s’agit d’une atmosphère plus que d’éléments concrets. La collection mise sur la finesse et l’élégance précieuse, aux tonalités chaleureuses et fortes. C’est seulement une fois les modèles créés que je les entoure d’un univers. J’aime donner à chaque gamme de sacs une note d’intention quant à l’ambiance qu’elle devra dégager. Je finalise ainsi actuellement la collection à venir, prévue pour fin décembre, début janvier, sans savoir encore quelle sera sa thématique. Cela dépendra de mon humeur et de mes inspirations du moment.
Cet été, vous avez épousé le prince Aurèle de Mérode, devenant ainsi princesse. Que signifie ce titre à vos yeux ? Je suis extrêmement respectueuse de ce statut, comme de la famille de mon mari. Mais je reste avant tout fidèle à celle que je suis et à mes valeurs, tout particulièrement l’authenticité. Et je pense que c’est une part de ce qu’il aime chez moi. Cette franchise, très directe.
Quels beaux lendemains peut-on vous souhaiter ? J’ai la tête pleine de rêves. J’ai toujours eu l’envie de créer une Maison de couture plutôt qu’une marque. Je désire amener Enamoure à grandir et pas uniquement en proposant des sacs. A côté de cela, je me passionne pour la culture coréenne. Je suis d’ailleurs un cursus en langue et littérature à Bruxelles. Ce pays m’influence profondément. Je m’imagine aussi concevoir une gamme de vêtements. Je ne veux me contraindre à aucune limite et j’espère insuffler ce principe à travers mes modèles. Donner à celles qui les portent le sentiment de pouvoir être exactement qui elles désirent, en toute liberté.
Edouard Vermeulen « Ce livre, je le dédie à la passion »
Edouard Vermeulen
« Ce livre, je le dédie à la passion »
Mots : Barbara Wesoly
Photos : DR
Après une exposition emblématique à l’espace Vanderborght de Bruxelles, Natan offre un dernier chapitre flamboyant à ses célébrations du 40e anniversaire de la Maison, avec son ouvrage « Edouard ». Un recueil d’archives, autant qu’un objet d’art et d’élégance, au diapason des créations de son fondateur.
Photos des coulisses et des défilés, croquis, archives de campagnes et de fabrication. Ce livre est tout à la fois un mélange d’esthétique et d’émotion. A l’image de Natan ? Oui, il était essentiel pour moi qu’il incarne l’ADN de la Maison. On m’avait déjà proposé de le réaliser à l’occasion de notre trentième anniversaire, mais je trouvais alors la démarche trop prétentieuse. Dix ans plus tard, j’estime que s’il faut laisser une trace, c’est maintenant. Mais avec une démarche artistique et une véritable vision. Les clichés ne suivent pas un ordre chronologique et l’on n’y trouve pas d’interminable biographie. Ce n’est pas une rétrospective des décennies écoulées, plutôt un ouvrage avec une âme, porteur d’histoire par l’image. Un bel objet avec pour fil rouge l’amour de la mode et du vêtement, qui anime Natan.
« Edouard Vermeulen c’est Natan et Natan c’est Edouard Vermeulen », affirme le designer d’intérieur Jean-Philippe Demeyer dans cet ouvrage. Il s’intitule d’ailleurs simplement “Edouard ». Souhaitiez-vous l’aborder à la manière d’un journal intime ? Il est surtout le reflet de ce qu’a été ma vie et de ces quarante dernières années que je n’ai pas vu passer. La passion a été le moteur de mon existence et elle m’a habité du premier instant à aujourd’hui. Elle est au cœur de ce livre.
Vous l’évoquez comme “le document d’une vie”. Représente-t-il aussi une forme de passage à la postérité pour la Maison ? C’est une forme d’accomplissement, c’est certain, mais qui ne s’inscrit pas dans l’immobilité. Il est la preuve tangible que le vêtement couture européen, et belge de surcroît, doit exister et a toute sa raison d’être. Et il a été également conçu pour être une représentation de notre travail et de notre définition du vêtement – dans son essence contemporaine, élégante et minimaliste – notamment à l’étranger. Il s’achève sur les photos du défilé Natan Couture, réalisé à l’Hôtel de Salm de Paris pour nos quarante ans, car elles évoquent à merveille la philosophie de célébration qui nous est si chère, mais cela n’empêche pas cet ouvrage d’être profondément intemporel et non pas restreint par une ligne du temps. Cela lui permettra d’être toujours aussi actuel et inspirant dans une ou plusieurs décennies.
Une photo de celui-ci vous émeut-elle particulièrement ? Celle en compagnie de la reine Paola et qui s’accompagne d’un petit mot de sa main, sur la longue histoire qui l’unit à Natan. Sa présence au premier défilé de la Maison, en 1986, a été un point de départ marquant et reste, à mes yeux, intimement lié au début de mon métier.
Avez-vous le sentiment qu’il dévoile des facettes de l’univers de la Maison, jusqu’ici méconnues du public ? On y découvre en tout cas l’envers du décor de nos ateliers tout comme une part des détails de mon intérieur, de mon dressing. Proposer une expérience et permettre la compréhension de ce savoir-faire reste essentiel à mes yeux. Nous avons d’ailleurs transformé l’étage de notre siège historique de l’avenue Louise afin que l’espace d’essayage s’ouvre sur les salles de confection de nos créations couture, pour un moment d’autant plus immersif.
En en reparcourant les pages, quel regard portez-vous sur ces quatre décennies ? Je suis avant tout frappé par l’évolution de la mode, ces changements d’usage et de société au niveau vestimentaire. La disparition des barrières générationnelles notamment, qui a bouleversé les codes et nous a amenés à repenser à maintes reprises nos créations et les silhouettes de celles-ci. Sans parler de l’influence omniprésente d’internet et des réseaux. Quand je songe par exemple au fait que Balenciaga était le créateur m’ayant le plus inspiré en matière de haute couture et qu’aujourd’hui, la griffe est connue par la nouvelle génération pour ses modèles de sneakers, je me dis que cette constante évolution a un aspect fascinant.
Et si vous deviez en écrire le prochain chapitre, à quoi ressemblerait-il ? Fin décembre s’achèvera la célébration de ce quarantième anniversaire. L’occasion d’un nouveau départ, même si l’on conservera l’énergie créative qu’on y avait insufflée. J’aime cette dynamique de retour à une page blanche, de remise à zéro deux fois par an. En janvier nous dévoilerons la collection printemps-été 2024 à la résidence de l’ambassadeur de Belgique, à Paris. Et nous avons aussi l’objectif de repousser toujours plus les frontières et pourquoi pas, d’ouvrir une boutique à Madrid, une ville dont l’atmosphère, comme Munich ou Zurich, rencontre l’ADN de la Maison. Et continuer d’écrire en beauté l’histoire de Natan.
Van Esser- Un prestige intemporel
Van Esser
Un prestige intemporel
Mots : Barbara Wesoly
Photos : Van Esser
Le parcours de Denis Van Esser n’est en rien le fruit du hasard mais bien de l’audace. Celle de lancer une marque éponyme qui élèverait ses créations vers les sommets de la joaillerie. Celle aussi de se réinventer ensuite, au travers de sa passion de l’horlogerie. Quarante ans plus tard, et forte de la complicité d’une nouvelle génération, le label poursuit son voyage d’orfèvre à travers le temps.
Le slogan de Van Esser est « Not A Detail ». Qu’est-ce qui vous l’a inspiré ? Il a été imaginé par l’un de mes fils. En matière de luxe, il existe beaucoup de frivolité et l’on tenait à marquer notre différence. Un bijou Van Esser est une pièce d’exception, réalisée avec une exigence extrême de qualité. Tout sauf un détail.
En 1983, vous inauguriez votre première boutique située à Hasselt. Un pari osé pour vous qui n’étiez pas issu d’une famille liée à la joaillerie. Comment, jeune bijoutier encore inconnu, affirme-t-on sa vision ? J’ai en effet grandi dans un petit village à la frontière hollandaise, bien loin de cet univers. Mais mon frère ainé qui aimait fabriquer de petits bijoux, a entamé une formation en joaillerie et m’a transmis la passion de ce métier. Et celle-ci n’a fait que grandir durant mes études. J’ai donc rapidement ouvert mon enseigne et commencé à fabriquer mes propres modèles et à les signer. A l’époque c’était encore très rare. Apposer son nom sur un bijou signifie qu’on croit en sa valeur, qu’on promet un label, une excellence. Et c’est ce qui permet à certains d’entre eux d’apparaître aujourd’hui dans les plus grandes salles de vente.
Et puis, en 2002 vous finalisiez un garde-temps exclusif baptisé Van Esser A One Automatic. La réalisation d’un rêve nourri par votre premier emploi, à Chaux-de-Fonds, la capitale de l’horlogerie Suisse ? Chaux-de-Fonds a été un tremplin incroyable. J’y travaillais pour une marque qui s’exportait dans le monde entier. De là est né mon souhait de créer une montre d’excellence. Depuis vingt ans, nous n’en n’avons en effet développé qu’une, conçue en Belgique et fabriquée en Suisse. Elle a la spécificité d’avoir une épaisseur asymétrique, plus fine à 6h qu’à 12h, mais surtout de se suffire à elle-même. Pourquoi en sortir une autre tous les ans si l’on a conçu un modèle intemporel et abouti ? Mes fils m’ont d’ailleurs fait acter qu’elle serait jamais transformée.
Après avoir ouvert 2019 une seconde adresse, anversoise cette fois, vous avez en effet été rejoint par vos deux fils, Anthony et Alexander, également bijoutiers, à la tête de Van Esser. Était-il important pour vous de leur transmettre cet héritage ? Cela s’est fait instinctivement. Ils ont grandi dans un univers familial ou l’on parlait, lisait, vivait la joaillerie. Chacun d’entre eux est un jour venu vers moi pour me demander à intégrer la société familiale. Au fond, c’est ainsi que nait une dynastie
Quel est, le secret de votre réussite depuis près d’un demi-siècle ? Ne pas reculer ni abandonner ses valeurs. Refuser les compromis sur la beauté, la qualité, le précieux.
L’histoire de Van Esser s’écrit désormais en trio, comment en imaginez-vous le futur ? Développer notre notoriété mais restant exclusifs plutôt que de vouloir grandir à tout prix. Préserver nos modèles phares comme la bague Chameleon ou le bracelet Donatella tout en proposant des nouveautés. Nous avons par exemple lancé la gamme Happy Sound, des pendentifs qui en se touchant produi-sent des bruits délicats. C’est original, élégant et unique. Marque de fabrique de Van Esser.
Les trésors d’authenticité d’Axelle delhaye
Les trésors d’authenticité d’Axelle delhaye
MOTS : Barbara Wesoly
PHOTOS : Camille Doyen
C’est à proximité de la place Brugmann qu’Axelle Delhaye héberge sa passion des bijoux. Un lieu qui reflète à merveille l’éclectisme lumineux et féminin de sa marque, AXL Jewelry, abritant nouvelles créations comme parures vintages.
A quoi peut-on s’attendre en franchissant les portes de votre boutique ? A y découvrir des pièces anciennes, uniques et riches d’une histoire mais aussi à des modèles issus d’ateliers assez confidentiels des quatre coins du monde, bien souvent artisanaux et réalisés en quantité limitée. A une forme de petite joaillerie, c’est-à-dire une bijouterie précieuse mais restant relativement accessible, accompagnée d’un accueil chaleureux, où l’on se sent comme à la maison, s’installant sur notre canapé pour essayer, se laisser conseiller.
Vous avez étudié la peinture à Firenze, ainsi qu’à La Cambre. Qu’est-ce qui vous a amené à quitter cet univers ? La peinture c’est tellement fort et intense. On se marie avec l’art. J’aurais dû m’y donner pleinement. Je voulais des enfants, une vie de famille et les bijoux me permettaient une autre forme de créativité. J’avais aussi suivi un cursus en antiquariat à Louvain-la-Neuve et j’ai toujours été fascinée par les objets qui ont vécu. Cela leur offre une part de mystère. Et j’ai donc commencé à chiner, il y a une trentaine d’années, d’abord du mobilier, de la décoration, puis des pièces de joaillerie originales et éclectiques, que j’accompagnais de mes propres créations.
Un principe qui demeure encore l’âme d’AXL Jewelry aujourd’hui ? Oui, à mes yeux l’ancien nourrit le contemporain. C’est une vision que je tiens de ma grand-mère, véritable collectionneuse qui possédait énormément de bijoux des années 40-45, typiques de la période de l’art décoratif. J’apprécie particulièrement ceux de l’ère victorienne, mais il peut aussi s’agir de trouvailles des seventies, du 19e siècle ou actuelles. Cela peut être très décoratif ou au contraire particulièrement sobre. Les pièces viennent à moi, me parlent. Et j’aime multiplier les genres comme les inspirations. Il y a aussi ces modèles anciens que des clients m’apportent pour que je leur offre une seconde vie, c’est une autre forme de lien à l’histoire.
Une diversité que vous développez encore en proposant des piercings de luxe et des piercings party ? J’ai en effet débuté ce concept il y a sept ans, à une époque où il était totalement novateur en Europe. Je l’avais découvert à Soho, en rencontrant la créatrice Maria Tash, avec laquelle je collabore encore aujourd’hui. Je vois les piercings et studs comme des bijoux précieux à part entière et c’est finalement devenu l’une de nos spécialités.
Comment s’annonce l’automne chez AXL Jewelry ? Avec pas mal d’éme-raudes et d’or blanc. Un retour de l’argent aussi. Je diversifie en permanence les pierres comme les matières, selon les saisons. J’étudie les tendances, mais je fonctionne surtout à l’instinct. Au coup de cœur aussi. La boutique se compose exclusivement de modèles que j’imaginerais porter.
Imagineriez-vous ouvrir une deuxième boutique ? Non, mais j’aimerais par contre réaliser plus de partenariats avec des pop-ups stores, pour diversifier les lieux. C’est d’ailleurs en préparation, notamment avec une adresse à Anvers. Tout comme pour les créateurs avec lesquels je collabore, il est impor-tant pour moi de favoriser le durable, l’artisanal, les marques plus intimes.
En un mot…
Or ou argent ? Or.
Piercing ou boucle d’oreille ? Piercing.
Pierres colorées ou diamants ? Pierre colorée.
Finesse ou exubérance ? Les deux.
Les deux, impossible de choisir.
Des pièces pour toujours ou changeant au gré des envies ? Changeant au gré des envies.
Votre modèle phare ? Une pièce vintage, des années 60, en corail, désormais interdit, et petits diamants. Elle représente une tête de bélier sculptée. Je ne peux m’empêcher de me demander ce qu’elle représentait et qui était celle à qui elle a appartenu.