Ludovic de Saint Sernin - le prodige libre
Ludovic de Saint Sernin
Le prodige libre
Mots : Barbara Wesoly
Photos : DR
En moins d’une décennie, Ludovic de Saint Sernin a quitté le statut d’anonyme pour celui de créateur au succès international. Un parcours atypique pour un designer qui ne l’est pas moins, tout à la fois ovni poétique et ambassadeur brillant de sa génération. En parallèle au triomphe de sa marque, le belgo-français orchestrera en janvier la collection Haute Couture printemps/été 2025 de la Maison Jean-Paul Gaultier. Portrait d’un talent résolument avant-gardiste.
Février 2024, à New York. Des modèles à l’allure envoûtante et à la délicatesse androgyne défilent sur le sol de béton ciré du Starrett-Lehigh Building. Le cadre est celui d’une prestigieuse Fashion Week, mais pourrait tout aussi bien s’apparenter à un entrepôt underground. Ludovic de Saint Sernin y présente sa collection Automne/Hiver 2024-2025. Un hommage à l’emblématique photographe Robert Mapplethorpe, dont l’impertinence créative et la dualité entre une âme sulfureuse et une sensibilité à fleur de peau sont pour lui une source immuable d’inspiration. Le cuir y croise l’organza, les fleurs caressent en transparence la peau nue. L’érotisme ténébreux embrasse une douceur profonde, presque innocente.
Un regard singulier
Ce tout premier show américain a tout d’une consécration pour le designer belgo-français de 33 ans. Une confirmation fulgurante autant que la suite sublimement logique d’un itinéraire singulier. Celui d’un enfant des années 90, ayant très jeune quitté Bruxelles où il est né, d’abord pour la Côte d’Ivoire puis pour Paris. C’est la Ville Lumière qui accueille sa vocation en devenir et où sa passion du dessin et du style se développent grâce à des cours de peinture mais aussi de couture. Il y sort diplômé d’un cursus mode de l’Ecole Supérieure des Arts Appliqués Duperré, auquel succèdent des collaborations avec Dior, Maxime Simoens et Yves Saint Laurent, ainsi que Balmain. Son départ après trois ans passés sous la direction artistique d’Olivier Rousteing, marque un point de bascule. Et le lancement, en 2017, de sa propre Maison éponyme, récompensée dès l’année suivante par le prestigieux Prix du Label Créatif de l’ANDAM. Ludovic de Saint Sernin a alors 26 ans. Considéré comme l’un des ambassadeurs d’une génération émergente de créateurs, son regard est pourtant déjà empreint d’une finesse et d’une maturité qui contredit les clichés de l’âge. Mais également d’une fluidité qui deviendra signature. Lui qui avait appris la mode par le prisme féminin présente pourtant à la Fashion Week Homme de Paris son défilé inaugural. Avant de balayer définitivement toute frontière, avec l’affirmation d’une sensualité dépassant la notion de genre.
Artiste de l’irrévérence
Les collections se succèdent, au fil de pièces qui racontent le minimalisme empreint d’exubérance, les références à la culture rave et fétichiste autant que les éclats des cristaux Swarovski. L’esthétique queer au diapason du raffinement de la haute couture. Les corps tantôt suggérés sous des looks monochromes, tantôt exposés par des jeux de découpes. L’univers de Ludovic de Saint Sernin est un manifeste de tous les possibles, d’une émancipation flirtant avec l’irrévérence. Jusqu’à s’inscrire en véritable référence de la mode contemporaine. En 2022, le créateur surprend pourtant en devenant directeur artistique d’Ann Demeulemeester, avec qui il partage une même liberté de ton et l’expression d’une vision romantique et lascive à la fois, aux allures gothiques. Une collaboration aussi iconique que brève, puisqu’elle s’est achevée après une seule saison, ne laissant à la postérité que 80 looks d’archives. Le label du designer fête ses cinq ans l’année suivante, auréolé d’un succès que rien ne semble à même d’arrêter. Jusqu’à ce défilé new-yorkais. Puis en septembre 2024, à une invitation au parfum d’héritage. Celle de devenir le 8è designer convié par Jean-Paul Gaultier à prendre les rênes d’une collection couture. Une place que depuis 2021, la Maison propose chaque saison à un autre styliste renommé.
Après Haider Ackermann, Simone Rocha ou encore Glenn Martens, Ludovic de Saint Sernin dévoilera son interprétation du vestiaire Gaultier en janvier 2025. L’amenant à être le plus jeune créateur à concevoir une ligne masculine au sein de la marque. D’un enfant terrible de la mode à un autre. Et d’une audace à la suivante, phares d’un voyage vers les sommets.
Vanessa Tugendhaft - Portée par la délicatesse
Vanessa Tugendhaft
Portée par la délicatesse
Mots : Barbara Wesoly
Photos : DR
Derrière la marque éponyme de Vanessa Tugendhaft, un fil rouge. Celui à l’origine de son premier bijou, un bracelet serti d’un diamant. Celui aussi d’un raffinement telle une seconde peau, imprégnant sa vision joaillière et son label, qui célèbre ses 20 ans.
Deux décennies ont passé depuis le lancement d’Identity, parure toute en finesse, n’ayant jamais quitté votre gamme. Ce bel anniversaire est-il pour vous synonyme de bilan ? C’est un moment qui réveille en tout cas les souvenirs et amène à reparcourir cette superbe histoire faite d’émotions et d’instants inoubliables. Mais également d’étapes plus complexes, comme c’est le cas, je pense, pour tout entrepreneur. Je songe en souriant à la jeune femme que j’étais en 2004 et à qui ce premier bijou a permis de trouver sa voie et de laisser émerger une créativité dont elle n’avait pas conscience. Et quelle plus jolie manière de savourer le chemin parcouru qu’en en écrivant déjà le chapitre suivant ? D’où ce choix de dévoiler six collections conçues pour l’occasion, dont Rainbow qui revisite le bracelet Identity en un arc-en-ciel, composé non plus d’un, mais de sept fils de différents coloris.
Issue d’une lignée de joailliers par vos arrière-grands-parents et de diamantaires par vos parents, cet univers faisait-il office pour vous de voie toute tracée ?Absolument pas. J’avais côtoyé ce monde toute mon enfance, allant très souvent au bureau avec mes parents, mais je ne m’imaginais absolument pas le rejoindre. Après des études de commerce à Bruxelles, je me dirigeais sans réelle certitude vers le marketing et la communication dans le secteur du cinéma, lorsque par hasard m’est venue une idée : celle de revisiter le fil rouge symbolique, que les célébrités à la mode mais aussi les anonymes de tous horizons arboraient alors en porte-bonheur et de l’associer à un diamant, pour créer un modèle qui soit subtil et précieux. A l’époque, la joaillerie fine et ses pièces accessibles et nobles à la fois, en était à ses balbutiements et ce bijou a donc trouvé un écho d’autant plus retentissant.
Vous avez grandi en Belgique mais êtes désormais installée en France, à Paris. L’histoire de vos bijoux s’inscrit-elle à la frontière des deux pays ? J’ai imaginé Identity alors que je séjournais à Paris pour mon stage de fin d’études. Et je n’ai plus quitté la Ville Lumière depuis. Mais la Belgique n’en reste pas moins mon point d’ancrage. Et j’y vis encore partiellement. Le parcours de ma marque est indissociable de l’un comme de l’autre. Je suis fière que mes créations soient présentes à Knokke, où je passais mes vacances lorsque j’étais petite, ainsi que dans de nombreux autres points de vente de notre pays, comme d’avoir eu quelques années ma propre boutique à Saint-Germain-des-Prés. Et qu’aujourd’hui le label s’affiche dans plusieurs enseignes à Paris, Grenoble ou encore en Corse.
Quels ont été les moments forts de ces années ? Il y en a eu beaucoup. Avoir vu le label prendre un essor international, après deux, trois ans d’existence et ainsi imposer une vision à contre-courant de la joaillerie de l’époque et de ses codes très classiques. Et en parallèle, découvrir qu’elle était portée par des personnalités comme Madonna ou Demi Moore. Il y a eu la conception de mes propres fragran-ces précieuses, les Eaux Diamantées et puis ce sac imaginé en duo avec Clio Goldbrenner. Mais l’un des principaux demeure sans aucun doute le tourbillon médiatique suscité par Meghan Markle, lorsqu’elle a arboré les boucles d’oreilles La Rose ou encore la bague Infini. Cela se déroulait en 2018, aux environs de son mariage avec le Prince Harry, alors que ses faits et gestes étaient scrutés de toutes parts. Soudain Buckingham Palace se faisait notre porte-parole, en communiquant à la presse les marques appréciées par la duchesse et suscitant un engouement inouï. C’était une période unique, vertigineuse.
Comment votre label façonne-t-il sa différence ? Par des lignées épurées, qui s’affirment avec subtilité, depuis toujours. Mes envies ont bien sûr évolué avec le temps. Ainsi de ce premier fil, sont nés 25 déclinaisons de coloris et aussi beaucoup d’autres collections, certaines jouant d’audace, mais sans jamais rompre avec le raffinement. Et par des bijoux qui se veulent des talismans, dont l’aura amène à rayonner. Je conserve aussi ce parti pris de démocratiser la joaillerie, sans renoncer à célébrer l’exceptionnelle beauté du diamant.
Qu’est-ce qui aujourd’hui vous anime ? L’instinct. C’est lui qui m’a toujours guidé. Et le désir de créer un bijou tel un cadeau. Non pas offert forcément par un compagnon ou un mari, mais tel un présent à soi-même. J’ai bien sûr de nombreux clients masculins qui achètent mes pièces pour gâter celle qui fait battre leur cœur, mais j’aime l’idée de concevoir des bracelets, bagues ou colliers qui racontent l’amour de soi, à même la peau.
Audrey Huet - Bijoux colorés et gemmes précieuses signés
Audrey Huet
Bijoux colorés et gemmes précieuses signés
Mots : Olivia Roks
Photos : DR
Audrey Huet imagine des bijoux comme on compose un poème : avec passion, précision et une touche de magie. Chaque pièce, née dans son atelier bruxellois, capture l’éclat des pierres et l’intemporalité de l’or, offrant aux femmes des talismans raffinés pour tous les jours, reflets de leur singularité.
Audrey Huet Joaillerie est le fruit d’une reconversion professionnelle. Comment êtes-vous devenue créatrice de bijoux et gemmologue ? J’ai étudié les sciences politiques qui m’ont amenée à travailler dans diverses grosses entreprises. En 2015, lors de mon premier congé parental, je me suis inscrite à des cours à l’Institut des Arts & Métiers à Bruxelles. J’avais envie de plaisir, d’une activité féminine et manuelle dans ma vie. Je me suis donc formée durant plus d’un an et demi en joaillerie. A l’époque, j’adorais porter des créations fantaisie, originales, colorées. Les brillants et les diamants ultra-classiques ne m’ont jamais fait rêver. Lors de ces cours, on fabriquait nous-mêmes des bijoux mais on avait également un cours de gemmologie dans lequel j’ai découvert la diversité des pierres de couleur. Une véritable révélation ! Je pouvais combiner l’aspect créatif et coloré avec des matériaux précieux. En 2018, j’ai démissionné de mon poste d’employée, j’ai arrêté mes cours de joaillerie et je me suis concentrée sur les pierres afin de maîtriser parfaitement le sujet. Une fois mon diplôme de gemmologue obtenu à la SRBG (Société Royale Belge de Gemmologie), j’ai lancé ma marque !
Votre marque est née en plein cœur de la pandémie. Comment avez-vous relevé ce défi pour faire connaître vos créations malgré les contraintes du Covid ? Ce n’était pas facile, mais d’un autre côté, les gens disposaient de plus de temps pour découvrir de nouvelles choses. J’ai démarché, tenté de contacter les bonnes personnes, certaines personnalités également. Mon mari, travaillant dans le domaine commercial, a dû me pousser car ce n’était pas instinctif pour moi. J’ai aussi lancé mon site web, je me suis mise aux réseaux sociaux, j’ai organisé des ventes chez moi et à l’extérieur, et j’ai participé à des parcours d’artistes.
C’est l’amour des pierres et des couleurs qui définit particulièrement vos bijoux ? Oui assurément, je travaille principalement avec des pierres de couleur précieuses et semi-précieuses serties dans le l’or 18 carats décliné en or blanc, rose ou jaune. Mes créations ont un design de caractère : moderne, léger, épuré mais volumineux et surtout facile à porter tous les jours. Il me tenait vraiment à cœur de proposer des bijoux faciles à porter au quotidien mais avec une touche d’originalité.
Comment se déroule un rendez-vous lorsqu’on vient à votre rencontre pour découvrir vos créations ? Je tiens d’abord à préciser que la majorité de mes clientes sont des femmes, et non des couples. Elles viennent s’offrir un plaisir purement personnel. Souvent, il s’agit d’une bague. Je les accueille chez moi, elles choisissent un des modèles qui existent dans mon catalogue et ensuite la pierre qui leur plaît. Je pose différentes pierres sur leur main pour qu’elles puissent apprécier les nuances et identifier celles qui mettent le mieux en valeur leur carnation. Elles peuvent également venir avec une pierre ou une bague qu’elles possèdent déjà, avec le souhait de lui offrir une nouvelle vie. On collabore alors ensemble afin de réaliser une bague ou bijou sur mesure, en réuti-lisant la pierre ou l’or existant.
Ensuite, place au processus de création. Vous vous chargez d’imaginer le bijou, et des artisans le conçoivent ? Je sélectionne toutes mes pierres à Anvers. A partir de mes dessins, un atelier en Belgique confectionne chaque bijou. Soit je travaille autour d’une pierre coup de cœur qui m’inspire, soit je crée un modèle particulier pour accueillir une pierre. Tout est entièrement fait en Belgique.
Y a-t-il une pierre que vous aimez plus que les autres ? J’adore les pierres vertes, en particulier la tourmaline verte et le péridot, qui présente un vert quelque peu électrique.
Remarquez-vous certaines tendances qui se démarquent ? La tendance est au sur mesure et à la transformation de bijoux anciens qui retrouvent une seconde vie à travers de nouvelles créations. Créer un bijou sur mesure en utili-sant l’or et parfois même les pierres de la cliente, c’est transformer une histoire personnelle en une pièce unique. C’est pour moi un moment privilégié, chargé d’émotion tant pour la cliente que pour moi. Quant aux pierres de couleur, elles connaissent de plus en plus de succès. Mais comme pour toute chose colorée, les préférences restent personnelles. On observe que le prix de certaines pierres explose comme les tourmalines ou la London Blue qui ne valaient pas grand-chose auparavant. Aujourd’hui, certaines pierres semi-précieuses sont plus rares et chères que des pierres précieuses. Il suffit de regarder les grandes maisons de joaillerie : elles s’y intéressent de plus en plus.
Des nouveautés à venir ? J’aime collaborer avec des bijouteries où je dépose mes créations. Actuellement, je collabore avec la bijouterie Valentin à Waterloo, et ce jusqu’à fin février 2025. Un nouveau bijou viendra également agrémenter ma collection de fin d’année : mon premier bracelet jonc. Il sera en or brossé mais ne présentera pas de pierre, pour une fois !
Nathalie Vleeschouwer - Un rayonnement sans limites
Nathalie Vleeschouwer
Un rayonnement sans limites
Mots : Barbara Wesoly
Photos : Nathalie Vleeschouwer
Sa créativité lumineuse ne connaît pas les frontières ni les genres. Du prêt-à-porter aux accessoires et même au parfum d’intérieur, Nathalie Vleeschouwer affirme sa vision du style, à la fois vibrante et intemporelle. Et se révèle, avec sa nouvelle collection masculine Grandpa Chic, dans la pleine mesure de sa beauté émancipée.
Vous proposez, cet hiver, un vestiaire masculin inspiré de l’esthétique Grandpa Chic, dont il porte le nom. Quelle en est la signature ? La distinction entre les genres n’a jamais été aussi floue. Cette versatilité et cette fluidité sont passionnantes et le style Grandpa avec ses influences rétro, streetwear et élégantes, en est un superbe exemple. Je crée exclusivement des modèles que je pourrais porter et cette collection n’échappe pas à la règle. Aujourd’hui aux robes, on préfère souvent les pantalons de costume, les gilets amples ou les chemises d’homme. Je me suis donc inspirée de ce qu’aiment mon mari, mon fils ou mes amis, mais en une version qui pourrait également plaire aux femmes. En proposant des rayures et carreaux comme des mailles plus classiques, et en jouant avec des teintes pastel et des coloris chauds, l’ensemble achève de casser les codes pour ne laisser que la beauté du vêtement, peu importe au fond à qui il s’adresse.
Le lancement des créations hommes date de 2020, mais c’est la première fois que celles-ci s’imposent véritablement au-devant de votre marque. Est-ce le signe d’un profond renouveau pour Nathalie Vleeschouwer ? Depuis sept ans, ma fille Felix collabore à la conception des modèles. Elle y insuffle toujours plus sa touche personnelle et tant mieux, car la diversité est une richesse. Déjà alors que je suivais des cours au Fashion Department de la Royal Academy of Fine Arts d’Anvers, j’adorais analyser la façon dont les étudiants s’habillaient. Et je n’ai jamais cessé depuis de puiser l’inspiration dans les tendances et influences extérieures, tout comme auprès de ceux qui m’entourent. Il n’y a rien de plus stimulant que de (re)découvrir la mode par un autre regard. Notre duo donne parfois lieu à de grands débats mais aussi à une belle dose de curiosité, d’enthousiasme et de fraîcheur.
Avant ce label portant votre nom, vous fondiez Fragile, en 1990, et ses modèles de prêt-à-porter destinés aux futures mamans. Qu’est-ce qui vous a amené à vous réinventer après 21 ans ? Fragile a été la concrétisation du rêve que j’avais toujours nourri de travailler dans la mode. Un rêve qui m’avait semblé perdu en arrêtant ce cursus mode où je ne me sentais pas à ma place, en raison de mon esprit très commercial. En cela, concevoir une marque à destination des femmes enceintes me permettait de cibler un besoin profond. C’était tellement gratifiant de les amener à s’aimer toujours plus. Mais progressivement, ce bonheur a évolué vers une envie de parler à toutes les femmes et de pouvoir pleinement laisser libre cours à ma fantaisie.
Et vous n’avez depuis cessé d’innover, puisque ce sont désormais aussi des accessoires, des chaussures et même un parfum d’intérieur qui sont venus enrichir l’univers de Nathalie Vleeschouwer. Aimez-vous surprendre ? Concevoir des sacs, des ceintures ou des chaussures, représentait pour moi une suite logique de cette exploration de la mode. La possibilité d’oser plus d’audace encore, par un flash de couleur ou une touche un peu fantasque. Et j’ai le luxe d’être entourée d’une équipe tellement talentueuse que cela me permet de concrétiser mes envies, même les plus incroyables, comme celle de créer un parfum.
En plus de votre fille, votre fils ainsi que votre mari ont progressivement rejoint le label. Mêler famille et collaboration est-il un défi au quotidien ? Il est clair que l’on ne laisse pas le travail au bureau lorsqu’on rentre à la maison ! Mon fils Lion a intégré la marque l’année dernière et gère les boutiques, mon mari Jan en conçoit la décoration intérieure. Nous sommes tous passionnés et dotés d’un caractère fort. Les discussions lors des repas de famille sont très animées. Je n’aurais jamais imaginé une telle évolution, mais c’est une chance folle, qui ne cesse de me porter.
Après ce style Grandpa Chic côté masculin et Eclectic Echoes pour la collection féminine, à quoi doit-on s’attendre dans les mois à venir ? Ces créations sont l’aboutissement de tout ce que j’aime. Je prépare donc pour le printemps et l’été une gamme qui restera dans la même mouvance. D’autant qu’en Belgique, on vit davantage entre les saisons que pleinement dans l’une d’elles. L’on y retrouvera des costumes, mais dans des matières plus légères et des drapés, toujours dans un esprit masculin-féminin. Des jeux de gris et de roses, en des mélanges de nuances. Deux couleurs qui de base ne font pas partie de mon dressing et avec lesquelles il était donc très intéressant d’expérimenter. J’aime les challenges, presque autant que savourer les petits instants. La joie est dans chaque détail, tout comme l’inspiration. »
11PM Studio - un style singulier qui s’écrit au pluriel
11PM Studio
Un style singulier qui s’écrit au pluriel
Mots : Barbara Wesoly
Photos : DR
Elle est la nièce d’Edouard Vermeulen et gère la création des accessoires pour Natan. Lui est le responsable marketing et communication. Si la Maison de couture a accueilli la rencontre fortuite de Marie-Charlotte Vermeulen et Pieterjan Van Biesen, le hasard a depuis laissé place à une jolie complicité qui les a amenés à créer en tandem leur propre label de prêt-à-porter, 11PM Studio.
Entre vous, c’est une histoire d’amitié autant que de mode, débutée par l’entremise d’Edouard Vermeulen. Quel souvenir gardez-vous de votre première rencontre ? Pieterjan Van Biesen : C’était en août 2021. A l’époque, après quelques années passées chez Natan, Marie-Charlotte travaillait à Londres, comme styliste online chez Selfridges. On s’est alors juste croisés, sans plus. Quelques mois plus tard, Edouard m’annonçait que sa nièce revenait en Belgique et réintégrait la Maison. Trois ans après, elle est devenue ma meilleure amie.
Au-delà de ces liens de fait, qu’est-ce qui vous a rapproché ? Marie-Charlotte Vermeulen : On a le même sens de l’humour, le même amour de la beauté, une passion commune du style et on est voisins. Tout semblait aligné pour nous permettre de nous (re)trouver. Et puis un jour il y a un an, l’idée d’un duo a germé. Tout en adorant la mode, aucun de nous ne parvenait à dénicher des pièces qui lui plaisaient vraiment, alors que nous avions pourtant des goûts très différents. Pieterjan est assez structuré et classique, tandis que de mon côté je pars en tous sens et j’expérimente. Mais on comprenait cependant pleinement les envies de l’autre. On était complémentaires.
Pieterjan Van Biesen : Je rêvais de streetwear haut de gamme. Marie-Charlotte cherchait des pièces minimalistes, avec un twist, une touche qui ferait la différence. Nous avons voulu rassembler le meilleur des deux mondes. Et l’incroyable expertise acquise chez Natan, nous donnait toutes les clés pour y parvenir.
Ce label, vous le baptisez alors 11PM Studio. Seriez-vous tous deux des oiseaux de nuit ? Marie-Charlotte Vermeulen : Ce nom, c’est un clin d’œil. Le 11, écrit II, représente le duo que nous formons et s’accompagne de nos deux initiales, P et M. Et il correspondait en effet également à notre heure. Celle à laquelle on se réveille créativement et où les idées germent. Nos vies sont intenses, constamment en effervescence, nos postes au sein de Natan très prenants. Ce moment, à l’approche de minuit, n’appartient qu’à nous.
Justement, c’est quoi le style 11PM ? Marie-Charlotte Vermeulen : Son ADN, c’est le street tailoring. Les codes de la rue et du skate notam-ment, mixés à ceux du costume, intemporel et sophistiqué. Cela donne des pantalons aux matières nobles et à l’inspiration couture, mais déclinés en version élastique et baggy ou des chemises aux coupes parfaites et tout à la fois déstructurées.
Pieterjan Van Biesen : Notre force est d’être un duo masculin-féminin, avec des silhouettes et des morphologies différentes, créant main dans la main, sans distinction de taille ou de sexe. Un vêtement ne devrait pas se définir par ses règles, le fait d’être un 36 ou un 42, ou encore d’être destiné à une femme ou un homme. Une coupe, si elle est belle, est censée s’adapter à tout le monde. Ce vestiaire non genré n’était pas un parti pris, mais l’évidence même pour nous.
Quelle est justement la pièce coup de cœur que vous avez en commun ? Pieterjan Van Biesen : C’est une chemise blanche à col haut, que Marie porte plutôt comme une robe. Dès que je la mets, l’on m’arrête dans la rue pour me demander d’où elle vient. Elle me remplit de fierté et me rappelle pourquoi je crois en notre projet.
On aperçoit également deux barres chromées qui habillent vos vêtements, pour quelle raison ? Marie-Charlotte Vermeulen : Elles symbolisent le principe de Time Equality. Le temps file à une vitesse folle. Nous disposons tous de 24 heures par jour et pourtant il ne s’écoule pas de façon égale pour chacun d’entre nous. C’est un outil de pouvoir, un principe puissant que l’on doit se réapproprier. Porter nos deux barres, c’est affirmer qu’on ne court pas après le temps, mais qu’au contraire, on fait le choix de le maximiser pleinement.
La référence au temps, toujours. Comment s’annoncent dès lors les lendemains de 11 PM Studio ? Marie-Charlotte Vermeulen : On achève tout juste une collaboration avec WECANDANCE et un évènement avec Delvaux. On revient aussi de la Copenhagen Fashion Week et l’on enchaîne sur celle de Paris. Tout cela a contribué de façon incroyable à lancer la marque et c’est génial, mais désormais on aimerait avoir notre propre boutique physique pour permettre à nos clients de toucher, ressentir nos modèles, ce que ne permet pas le virtuel.
Pieterjan Van Biesen : Ce sera sûrement d’abord sous forme de pop-up, à Knokke ou à Paris. Un « Night Shop », à notre image !
Fabienne Delvigne - « Le beau fait sens lorsqu’il permet de sublimer et soigner »
Fabienne Delvigne
« Le beau fait sens lorsqu’il permet de sublimer et soigner »
MOTS : Barbara Wesoly
PHOTOS : Fabienne Delvigne
Elle habille les têtes couronnées comme celles des inconnues avec la même virtuosité et le même désir de les voir rayonner. Fabienne Delvigne déploie depuis plus de 30 ans finesse et originalité, transformant ses chapeaux en œuvres sculpturales.
Le chapeau revêt-il selon vous une place à part dans l’univers de la mode ? Absolument. Par le passé, le chapeau était d’ailleurs considéré comme de la haute mode, en parallèle au principe de haute couture. Cela dit tout de ses lettres de noblesse. Et il a la particularité exceptionnelle, au-delà de son esthétique, de révéler un visage et une personnalité. On peut se cacher derrière un vêtement, mais un chapeau souligne l’essence de celui ou celle qui le porte. C’est ce principe magique qui, au détour d’un magazine feuilleté par le plus grand hasard, m’a amené spontanément à quitter du jour au lendemain un poste de cadre dans le marketing pour concevoir mes modèles.
Vous avez embrassé cette carrière il y a 37 ans. Votre métier a-t-il évolué au fil du temps ? La place du chapeau a évolué dans la société, du classicisme au spectaculaire puis à une utilisation plus casual, mais ma façon de créer est par contre demeurée la même. Je suis entre le sculpteur et l’architecte. Au contraire des chapeliers, je ne conçois pas mes modèles à la machine en utilisant un gabarit en fonte, mais à la façon d’une modiste. J’ai appris le métier auprès de celles que je nomme des « maman chapeau », des femmes au savoir-faire rare, acquis en plus de cinquante ans de carrière. Celui-ci demande de façonner chaque création directement sur ses genoux, pour lui permettre de s’épanouir en suspension, par le tou-
cher, l’équilibre et la finesse. C’est ce qui lui apporte cette forme aérienne et un résultat unique.
Valse de printemps, votre nouvelle collection aborde tout en délicatesse un univers fleuri et coloré. Quel est le point de départ d’un nouveau modèle ? C’est la matière qui me fait vibrer, le toucher. J’ai notamment un véritable coup de cœur pour la fibre de banane, extraite de l’écorce de bananier et recueillie et traitée de façon équitable et écoresponsable. Elle possède un reflet nacré splendide qui accroche la lumière avec grâce. Mais aussi une grande fragilité, qui demande de la patience et de la dextérité. Elle représente parfaitement mon fil rouge, la féminité, l’audace travaillée avec élégance, la volonté d’être avant-gardiste et enfin la légèreté. Cette dernière fait toute la différence, aussi bien au niveau du design que du port. Et permet de se sentir pousser des ailes. Mais au-delà des collections, ce qui m’inspire et me guide est la volonté de révéler la beauté de chaque femme. Le cliché veut qu’il y ait des têtes à chapeaux. Rien n’est moins vrai. Une teinte particulière rééquilibrera la structure d’un visage, un modèle réveillera le regard. Mon but est de parvenir à une harmonie qui représentera une magnifique affirmation de soi. C’est ce que j’ai voulu illustrer par le livre rétrospective des 30 ans de la Maison « Sublimer par la différence ».
Un titre qui résonne profondément avec Caring Hat, le projet engagé que vous avez lancé en 2021 à destination de femmes souffrant d’alopécie. L’humain est ma priorité et il était donc essentiel pour moi de transformer la reconnaissance acquise durant ma carrière en un engagement porteur de sens. Je suis convaincue que l’on peut soigner par le beau. Et j’ai donc voulu permettre aux femmes ayant perdu leurs cheveux à cause d’un cancer, d’un choc émotionnel ou de toute autre pathologie, de renouer avec leur féminité et leur confiance en elles. Pour y parvenir, la Maison leur propose de leur concevoir un modèle sur mesure, non pas pour cacher leur maladie et l’invisibiliser mais pour leur permettre au contraire de se réapproprier le regard qu’elles posent sur elles-mêmes. Et il était essentiel pour moi qu’il soit accessible à toutes, grâce à une prise en charge financière par l’ASBL Caring Hat Fund. Mais cet été nous assisterons enfin à un tournant majeur, grâce à un changement de loi offrant le remboursement des chapeaux au même titre que celui des perruques. Un principe pour lequel je me suis battue corps et âme durant deux ans. J’ai l’intime conviction que dans certains cas, un chapeau peut vous porter.
De cette fondation caritative à des collaborations prestigieuses avec Guerlain, Natan ou encore Chanel, vos chapeaux traversent et mêlent les univers. Un projet particulier a-t-il marqué ces décennies de passion ? Créer pour les familles royales de Hollande, de Suède, du Grand-Duché du Luxembourg et de Belgique est un grand honneur. Et tout particulièrement d’avoir pu concevoir l’Envolée, le chapeau de la Reine Mathilde à l’occasion de la prestation de serment du Roi en 2013. J’ai reçu le titre de fournisseur breveté de la Cour du Roi Albert II et il a ensuite été renouvelé par le Roi Philippe. C’est une réaffirmation de confiance qui m’émeut et raconte mon amour profond de l’élégance.
Sepi Agari - Idylle du beau et de l’éthique
Sepi Agari
Idylle du beau et de l’éthique
Mots : Barbara Wesoly
Photos : DR
Et si le vrai luxe aujourd’hui était une élégance durable, dont le savoir-faire et la qualité repensent la notion de prestige ? Une évidence pour Sepideh Asghari et sa marque Sepi Agari, dont les sacs racontent la passion d’une maroquinerie conçue en conscience.
« Creato con amore », créé avec amour, est le slogan de Sepi Agari. Un mantra qui s’applique à votre label au propre comme au figuré ? Il en est le point de départ. J’ai toujours été passionnée par la conception créative. Et même si mon parcours m’a d’abord mené vers une autre carrière, cet amour du style était également présent en toile de fond. J’ai ainsi réalisé un master en tant qu’ingénieur de gestion, dont le sujet de thèse était la circularité dans l’industrie de la mode, avant de devenir conseillère financière dans ce même domaine. Entrer dans ce milieu par le biais commercial était un moyen d’en percevoir pleinement les tenants et aboutissants, l’aspect stratégique et le développement. C’était une très bonne école, qui m’a amenée à découvrir le manque criant de marques proposant un artisanat qualitatif, aux pièces élégantes, hauts de gamme et durables sans pour autant être inabordables. De là est venu mon désir de combler ce vide. Créé avec amour se définit aussi à mes yeux comme façonné avec sens.
Une formule qui fait également référence à l’Italie, où sont fabriqués vos modèles. Par choix du cœur ? Par évidence. Lorsque j’ai démissionné pour lancer ma marque, je suis partie en Italie réaliser une formation en maroquinerie. Je tenais à apprendre le travail du cuir auprès d’artisans ainsi que la confection des modèles sur le terrain. Ce n’est qu’en appréhendant pleinement la réalité et la logique derrière une création éthique et respectueuse de l’environnement, que l’on peut concevoir une gamme responsable. L’Italie représente pour moi l’apogée de ce savoir-faire passionné, transmis au fil des générations. Nous réalisons consciemment le choix d’aller vers des techniques manuelles et une fabrication européenne au coût plus élevé, tout comme des matériaux durables et des capsules au nombre limitée. C’est cette exclusivité qui donne pleinement son authenticité et son identité à Sepi Agari.
Lignes épurée et tonalités douces sont prégnantes dans votre collection. Le sac à main idéal à vos yeux rime-t-il avec intemporalité ? Elles sont partie intégrante d’une esthétique globale que j’apprécie. Parmi mes inspirations, on retrouve le design scandinave, notamment dans la conception du modèle triangulaire Archie, mais aussi l’influence lumineuse du sud. Des palettes neutres tout comme des teintes audacieuses à l’image du Bobby bleu électrique ou d’un Allegria vert sapin. Au-delà des sacs pour lesquels je nourris un attachement sentimental et que j’aime porter sur la durée, j’adore les pièces fortes, avec lesquelles jouer et prouver que l’on peut être pointu et aventureux sans pour autant cesser d’être intemporel.
Fort d’un succès fulgurant, Sepi Agari n’a pourtant que quelques mois d’existence. Quels sont les défis auxquels doit faire face votre jeune marque ? Se lancer dans l’industrie de la mode signifie forcément entrer en concurrence avec des labels forts de leur notoriété et de leur aura. Mais je n’en suis que plus reconnaissante et heureuse de voir que nos valeurs résonnent auprès de nos clientes. Je crois en l’impulsion de l’authenticité.
Après un pop-up d’un mois à Anvers, quelle est la prochaine étape pour Sepi Agari ? J’ai toujours été ambitieuse et je désire que notre label soit présent à l’international. Les possibilités sont immenses et je vois grand, mais en demeurant avant tout alignée à ce besoin de sens. Pas question de concevoir des formules saisonnières ou d’enchaîner les rééditions. Pas plus que de collaborer avec des partenaires ne nourrissant pas nos valeurs. Evoluer et croître oui, mais surtout aller à la rencontre de nos clients et rester animée par la passion. Partager et imaginer, au plus près du coeur.
Be-Diamond, nouveau joyau de la joaillerie belge
Be-Diamond, nouveau joyau de la joaillerie belge
Mots : Barbara Wesoly
Photos : DR
Entre classicisme intemporel et créativité affirmée, Be-Diamond fait souffler un vent de fraîcheur sur l’univers du diamant made in Belgium, tout en honorant le patrimoine précieux de l’excellence anversoise.
Le diamant est souvent synonyme d’héritage et de transmission, mais pour Nathalie De Sentis, il raconte également le commencement d’une deuxième vie. Un renouveau amorcé lors d’une escale à Barcelone, par l’esquisse d’une bague. A l’époque pilote de ligne depuis 12 ans, la jeune femme est contrainte de renoncer à voler pour raisons médicales. Un revers laissant toute latitude à cet élan créatif de se transformer en carrière. Et de voir naître Be-Diamond. « Ce bijou agrémenté d’un trio de diamants noirs était un hommage à ma grand-mère. Je rêvais de posséder une pièce symbolique que j’aurais dessinée et c’était un désir d’autant plus accessible que mon mari est diamantaire et qu’il m’était dès lors possible de bénéficier de son expérience. Puis en la découvrant, de nombreuses amies m’ont demandé de concevoir des parures pour elles. La passion a ainsi progressivement laissé place à un véritable label » explique Nathalie De Sentis.
Le noir pour signature
Il s’agissait alors de la première affirmation de l’amour de la créatrice pour le diamant noir, devenu entretemps l’illustration de l’élégance agrémentée d’un twist aventureux, chère à Nathalie De Santis. « Nous proposons aussi des collections en diamant rose, blanc, combinant plusieurs coloris ou encore du sur-mesure, mais le noir reste notre emblème. Tout comme le choix des diamants naturels, à la pureté et à la qualité incomparable. » Après une vitrine à Anvers et une autre Bruxelles, la marque s’exportera en Italie en septembre pour la Fashion Week de Milan et dévoilera ses modèles phares dans un concept store new-yorkais, en une étincelante première à l’international.
La Collection - Duo d’art et d’élégance
La Collection
Duo d’art et d’élégance
Mots : Barbara Wesoly
Photos : DR
C’est en couple que Florence Cools et Artur Tadevosian signent les créations raffinées de La Collection. Des modèles qui redéfinissent l’intemporalité et s’ancrent au croisement du vêtement et de l’expression artistique, forts d’influences architecturales et d’un savoir-faire artisanal.
Ensemble, vous avez lancé La Collection, en 2017, vos parcours respectifs vous destinaient-ils à la mode ? Florence : Ni Artur ni moi n’avons évolué dans cet univers. De mon côté, j’ai découvert toute petite l’art et le dessin. Je griffonnais sans cesse et pouvais passer des heures à esquisser des personnages. En grandissant, j’ai commencé à vouer une grande admiration à la mode. Mais, même si je retravaillais constamment les vêtements que j’achetais pour créer des pièces uniques, je n’imaginais pas d’avenir à cette passion. Et puis j’ai rencontré Artur et il m’a transmis la conviction que rien n’est impossible à accomplir et la certitude d’être aux commandes de mon propre chemin. C’est ce qui m’a conduit à un cursus de technologie de la mode et puis vers ce métier.
Jusqu’à imaginer lancer votre propre label ? Artur : L’idée a germé comme ça, un jour, alors que nous roulions dans les rues de Paris. Nous avions à l’époque déjà lancé depuis plusieurs années Damoy, un concept store multimarques qui fonctionnait très bien. Mais il y avait cette frustration à devoir composer avec des tissus et un processus de fabrication qui ne correspondaient pas toujours à nos valeurs. Nous nous sommes donc lancés, avec une étrange facilité. Du moins jusqu’à nous retrouver face aux impératifs techniques et réaliser que nous n’avions aucune expérience de création d’une marque. Deux ans ont alors été nécessaires pour sélectionner les meilleurs partenaires et perfectionner l’atelier. Notre recherche d’excellence n’a pas simplifié le processus, mais réaliser des compromis sur l’éthique et la qualité n’était pas une option.
Florence : Notre fonctionnement en duo est une force. Nous n’avons jamais eu besoin de définir des rôles clairs, ceux-ci s’expriment instinctivement, en fonction de nos sensibilités. Je déve-loppe la vision artistique du label et Artur les aspects liés à la gestion d’entreprise. La marque est aussi née de la certitude que le système traditionnel, sa course constante à la productivité et sa demande perpétuelle de nouveauté, ne fonctionnait pas pour nous.
La Collection se définit comme un point de rencontre entre mode, art et architecture. Florence, ces trois domaines sont-ils vos moteurs lorsque vous façonnez vos modèles ? Définitivement. Les frontières qui les séparent sont pour moi extrêmement fines et poreuses. Je préfère d’ailleurs m’éloigner des influences du stylisme pour puiser l’inspiration dans les musées et les expositions. C’est ce mélange qui donne son esthétique à La Collection, tout à la fois luxueuse et effortless, minimaliste et traditionnelle. Envisageant l’élégance comme un véritable art de vivre, une manière d’être.
Vous affirmez également que chaque pièce naît de la rencontre d’une histoire et d’un décor. Quels lieux et éléments font office de références pour vous ? Le beau, dans sa globalité. Lorsque je me lance dans un processus de création, je marche dans la ville, afin d’en prendre le pouls et la culture. Vivre entre Anvers et Paris offre un merveilleux patchwork d’inspirations. Mais le voyage, en général est un moteur, qu’il soit géographique ou artistique. Un petit café du sud de la France comme les nuances d’un tableau d’Antoni Tàpies. C’est ce qui amène chacune de nos pièces à posséder une histoire et à être pensée au-delà de toute étiquette.
L’Appartement, inauguré à Paris fin 2023, Paris s’inscrit-il dans cette continuité ? Artur : Cela faisait plusieurs années que nous rêvions d’un espace où l’on pourrait venir découvrir les modèles de la Collection mais aussi l’âme qui l’habite. Pas une boutique, mais un lieu de vie, dont chaque aspect, mobilier, décoration, jusqu’à la tasse dans laquelle on vous sert un café, refléterait nos goûts et raconterait notre passion. Et qui n’aurait rien d’un endroit réservé aux VIP, mais au contraire chaleureux, convivial et ouvert. D’abord imaginé comme temporaire, l’Appartement devient aujourd’hui permanent, pour notre plus grand bonheur.
Autre lancement majeur, celui, début février, d’une gamme de bijoux. D’où venait cette envie ? Florence : Je n’avais pas d’attrait particulier pour la joaillerie, jusqu’à ce que la maman d’Artur me fasse don d’une bague, qu’elle avait reçue de son époux, le père d’Artur. Ce geste signifiait pour elle : tu es importante et désormais liée à notre famille. J’ai trouvé cette symbolique tellement belle que depuis, elle ne quitte plus mon doigt. Et en cours de route, ce petit morceau d’or au magnifique éclat est devenu une source d’inspiration. C’est de là qu’a grandi l’envie de concevoir une collection de bijoux, dont les pièces seront destinées à perdurer et à se transmettre au fil de l’amour et des générations. Et qui ne fera que s’étoffer avec le temps.
Jusqu’où souhaiteriez-vous amener La Collection à grandir ? Artur : Nous cherchons à installer de nouveaux Appartements à Anvers, Bruxelles ainsi que Londres et New York. Mais aussi et avant tout à avoir un impact réel sur l’industrie de la mode. C’est rêver très grand mais avec cette certitude, toujours, que rien n’est impossible.
Virginie Morobé et Bernard T. Sestig - Duo au sommet
Virginie Morobé et Bernard T. Sestig
Duo au sommet
Mots : Barbara Wesoly
Photos : Morobe
Son nom comme sa signature broche évoquaient déjà un raffinement flamboyant qu’on se languissait de porter à nos pieds. Après huit années consacrées à la chaussure, Morobé étoffe son univers avec une gamme d’accessoires, sous l’égide de sa fondatrice mais aussi de son nouveau directeur artistique, Bernard T. Sestig.
Une gamme homme, une collection d’accessoires et surtout l’arrivée de Bernard T. Sestig à la direction artistique. On ne compte plus les nouveautés Morobé de ces derniers mois ! Virginie, souhaitiez-vous entreprendre un véritable virage créatif ? Cela s’est imposé à moi. L’ouverture des boutiques de Knokke puis d’Anvers, a marqué un tournant majeur. Glenn et Bernard Sestig les ont conçues pour refléter l’esthétique Morobé, dans les moindres détails de design et de mobilier. Soudain la chaussure qui avait jusque-là été l’élément central, devenait partie intégrante d’un univers, ouvrant le champ de tous les possibles. De là est venue l’envie de développer une gamme d’accessoires et le besoin de trouver quelqu’un capable de la gérer. Lorsque nous travaillions ensemble aux futurs magasins, Bernard ne cessait de proposer des aménagements et des idées, dévoilant sa vision de Morobé. Et c’est devenu une évidence. C’était la première fois que quelqu’un qui comprenait de manière aussi viscérale l’ADN de la marque et la direction que nous souhaitions lui donner.
Bernard : Mon rôle de directeur artistique du cabinet Glenn Sestig Architects m’a amené à travailler à de nombreuses reprises dans l’univers de la mode. Un domaine qui m’a toujours passionné. En concevant l’intérieur des boutiques Morobé, je ne pouvais m’empêcher d’aller un pas plus loin, d’imaginer l’agencement d’une vitrine ou de futurs produits. Lorsque Virginie et David Damman, son mari, également à la tête de la marque, m’ont proposé de les rejoindre, j’ai d’abord hésité, me demandant si j’en étais capable. Mais cela m’électrisait. Et une semaine après, je leur proposais 70 concepts d’accessoires. Des sacs, mais aussi des chapeaux ou des diadèmes.
Les sacs à main comme les ceintures ou les bijoux, sont désormais partie intégrante de l’identité de Morobé. Vous sentiez-vous, à force, limitée par la chaussure ? Virginie : La chaussure demeure mon coup de cœur, mais avec désormais la certitude que l’identité de Morobé peut exister au-delà de celle-ci. Cela se voit avec notre logo en broche, connu sur nos boots ou sandales et désormais décliné en poufs pour la boutique mais aussi sur nos sacs, en motif de nos ceintures ou en solitaire porté sur une chaîne. Des détails qui façonnent une signature, un label. Mais je n’imaginais par contre pas le défi technique que cela représenterait, surtout pour la conception de sacs, qui ne demande pas moins d’une année. La moindre pièce, plus petit anneau de chaque modèle est fabriqué sur mesure, avec le concours de Julie De Taeye, qui avait travaillé 11 ans chez Delvaux, afin de correspondre à l’exigence de qualité synonyme de Morobé.
Êtes-vous plutôt alignés sur vos choix ou complémentaires ? Bernard : Les deux. Nous avons une connexion très forte. Nous sommes le plus souvent sur la même longueur d’onde, parfois sans même avoir besoin de se parler. Et avec une grande confiance mutuelle. Je pense que ma force est de ne pas vouloir imposer ma vision, mais au contraire renforcer et transposer l’univers de Virginie et l’image de Morobé.
Virginie : On partage la même sensibilité. Mais Bernard a aussi la capacité de changer mon regard, moi qui me fiais jusque-là à mon seul instinct. J’ai failli annuler deux fois notre sac Pare-Choc, car je n’étais pas convaincue. Mais lui l’était et aujourd’hui j’adore ce modèle et je le porte très souvent. C’est un lien entre nous qui ne s’explique pas.
Bernard, vous définissez le style Morobé comme “balnéaire », expliquant que ce principe est le catalyseur de vos créations. A quel niveau ? C’est un mot qui s’est directement imposé à moi. Morobé, c’est Saint-Tropez, Capri, Saint-Barth. C’est un univers estival, coloré, lumineux, qui fait surgir dans mon esprit des inspirations au parfum de vacances et de bord de mer mais aussi une certaine notion de la féminité. Aujourd’hui, en plus de la direction artistique, je suis aussi responsable de l’identité visuelle de la marque, des campagnes photos à la communication sur les réseaux et elle est imprégnée de cette atmosphère balnéaire.
Les mois à venir annoncent-ils de nouvelles surprises ? Virginie : Bernard voit les choses en grand et ne s’arrête jamais de créer. Un jour il entre dans nos bureaux et déclare ainsi qu’on va réaliser un bracelet pour les fêtes, qui peut se transformer en choker, ou des serviettes de bain pour l’été prochain. Ce sont des évolutions spontanées, naturelles. Et l’on va continuer à s’ouvrir à de nouveaux domaines sans pour autant renoncer à nos classiques. Et toujours avec le même indispensable : des modèles que je porterais moi-même sinon rien.