Nathalie Van der Massen - éloge de la matière
Nathalie Van der Massen
Eloge de la matière
Mots : Barbara Wesoly
Photos : DR
Sous les doigts et la vision poétique de Nathalie Van der Massen, les étoffes s’incarnent en des dimensions toutes à la fois spatiales, lumineuses et acoustiques. Consacrée en janvier 2024 d’un prestigieux Henry van de Velde Young Talent Gold Award, elle inscrit ses œuvres sur le fil délicat du design textile et de l’architecture d’intérieur.
Vos créations sont multiples, exploi-tant les matériaux dans leur aspect le plus concret, presque tactile et en parallèle intangibles, imprégnées par les sensations comme les émotions. Où puisent-elles leurs origines ? J’ai toujours ressenti une grande curiosité envers les arts graphiques mais ma vision créative a éclos d’elle-même, une fois adulte, tandis que je découvrais en même temps mon identité profonde. C’est un processus finalement très organique, instinctif, qui m’a mené vers cette voie. Le besoin de toucher, de ressentir de mes mains cette connexion avec la matière. Cette sensation si gratifiante de voir son idée prendre forme concrète. C’était comme s’ouvrir à un nouveau monde.
Votre master en design graphique vous a alors conduit à collaborer avec le TextielMuseum de Tilburg et plus tard avec Christian Wijnants. Qu’avez-vous retiré de ces expériences ? Elles ont représenté un apprentissage exceptionnel. Le TextielMuseum m’a permis de découvrir ma fascination profonde pour les tissus et d’approfondir celle-ci par l’expérimentation et le développement. Mais je ne savais pas encore si je souhaitais m’orienter vers la mode ou le design. Ce stage avec Christian Wijnants comme ensuite l’invitation à réaliser des recherches à l’Institut flamand d’architecture m’ont amené vers une dimension plus large, celle du processus de travail. Et ainsi à percevoir mon besoin d’une création lente, rythmée par l’exploration et la réalisation manuelle. En cela l’architecture me correspond parfaitement.
La matière est-elle toujours à la base de vos œuvres ? Tout est une question d’équilibre entre matériau et contexte. Que le projet soit pour un client, en vue d’habiller un espace public ou pour une exposition, je m’interroge sur son sens profond comme sur la manière de l’élever, de l’amener à prendre forme en profondeur. C’est un dialogue permanent avec moi-même comme avec son commanditaire. Je commence le travail sans application, technique ou matériau définitif. L’œuvre naît d’une recherche constante et passionnante.
Qu’est-ce qui vous fascine dans le textile ? Sa complexité. A mes yeux il s’agit presque d’une architecture à une échelle macro voire microscopique. Les possibilités inhérentes aux textures et aux structures sont si vastes, sans parler des matières haut de gamme ou high-tech. Je suis tout autant fascinée par les fibres végétales, comme les herbes, le lin, qu’animales comme la laine, le cachemire et la soie, que par les innovations synthétiques axées sur le recyclage et même par le métal. Ils amènent des sensations différentes, des sentiments autres aussi. Et il est passionnant de constater à quel point leur choix et leur emploi peuvent affecter les émotions humaines, le ressenti d’un environnement. Cela rejoint aussi bien ma tendance à aller vers la résolution de problème avec ma pratique, que mon besoin artistique. J’aime tout particulièrement les matériaux ayant un côté farouche et leur propre caractère. C’est le cas du papier par exemple, très robuste et en même temps très délicat à travailler, cassant facilement et sensibilisé à la température, à l’atmosphère, à l’humidité. Ses réactions s’intègrent directement dans la logique même de création.
Est-il important qu’un objet ait également une dimension fonctionnelle ? C’est toujours une valeur ajoutée mais si c’est le cas, il doit l’être à 100%. Même s’il peut être tout aussi essentiel en demeurant juste beau ou expressif. Tout est encore une fois question de but et de finalité. Comme d’utiliser des techniques industrielles ou artisanales d’ailleurs ou de sélectionner un tissu en particulier. Et il est nécessaire de respecter les limites d’un matériau. Pour la perfectionniste que je suis, devoir parfois accepter que certains éléments soient voués à demeurer uniquement du domaine de l’expérimentation, cause une certaine frustration.
Vous expliquiez voir votre travail comme un hommage au patrimoine belge du savoir-faire textile. Quels en sont les procédés ou les artisans qui vous inspirent particulièrement ? Je suis très touchée par les tapisseries médiévales et cette technique comme cet amour du tissu présent depuis de si nombreux siècles. C’est une part intrinsèque de notre histoire belge, presque présente dans nos gènes. J’apprécie également de découvrir les tisserands qui travaillent encore dans nos régions. La Belgique possède une identité à part, comme une forme d’écriture culturelle distincte.
Qu’en est-il de vos projets pour les mois à venir ? En avril, je présenterai une toute nouvelle collection à Milan, sous forme de triptyque, dont chaque partie comprendra des concepts textiles différents. Je prépare également une exposition, des projets avec des architectes, ainsi qu’une collaboration mode et artistique avec La Collection. Nous sommes presque voisins à Anvers et possédons une énergie et une vision commune. Certaines de mes pièces se retrouveront dans leur concept store et nous développons également un vêtement mêlant nos univers, qui sortira en avril en édition limitée.
Renaissance de Jules Wabbes
Renaissance de Jules Wabbes
Mots : Olivia Roks
Photos : DR
Designer belge à l’aura internationale, Jules Wabbes meurt prématurément à 54 ans. Pour les 50 ans de sa disparition, un sublime objet renaît de ses cendres : la lampe M57. Un nouveau luminaire dont le prototype avait disparu. Retour, avec sa fille Marie Wabbes, sur le parcours, le style et l’héritage du créateur.
Qui êtes-vous Marie Wabbes ? Je suis une des filles de Jules Wabbes. J’ai fait des études d’archéologie et d’histoire de l’art qui m’ont amené peu à peu à me plonger dans les archives de mon père, mort quand j’avais dix ans. J’ai eu la chance de pouvoir grandir dans la même maison, celle qu’il avait décorée et où ma mère habite toujours. Je connaissais très bien ses objets et ses meubles mais avec le regard d’un usager. Quand je me suis plongée dans ses archives, j’ai en quelque sorte redécouvert mon père, j’ai mieux compris son travail. J’ai recréé une chronologie parmi ses réalisations en les datant. Aujourd’hui, l’aventure continue à travers Général Décoration.
Avant la création d’objets, votre père, Jules Wabbes, était photographe et antiquaire. Comment expliquer sa transition, son intérêt du design venu peu à peu ? Dans une interview passée, il explique qu’il avait des amis artistes et peintres qui l’ont mis au défi : « toi qui travailles avec des vieilleries, tu devrais être plus contemporain, travailler avec ton époque », du coup ça l’a stimulé. Mais il faisait également de la décoration et il remarquait que chez certains clients, il manquait des objets, du coup il les créait pour eux. Et de la restauration, il est passé à la création de meubles…
Comment définiriez-vous son travail, son univers, ses affinités ? Il a un style à part, il n’a pas été influencé par l’époque des années 50 ou 60. Il a une esthétique intemporelle, puriste, rectiligne, les structures de ses objets sont toujours apparentes. Il a aussi un grand intérêt pour les matières, le bois et le métal particulièrement. Un métal qu’il a exploité dans toutes ses patines. Avec une vision globale de l’aménagement, il lui fallait également des luminaires. La lumière est un point essentiel pour créer une belle atmosphère. C’est l’un des premiers objets qu’il a créé.
Et ces fameux objets qui ont fait sa renommée ? Ce sont ses meubles à lattes primés à la Triennale de Milan en 1957. Il abandonne le placage pour un meuble extrêmement solide en bois massif. Mais à la Triennale, il avait aussi exposé cette fameuse lampe que l’on a refaite. Après cette foire, mon père était reconnu à l’échelle internationale. Ensuite, avec l’après-guerre, ses meubles de bureau ont suscité un grand intérêt. Il a eu aussi divers chantiers, l’un de ses derniers était la Générale de Banque.
L’ensemble de ses pièces se retrouvent sous le nom Géneral Decoration, une société que Jules Wabbes a créée dans le but d’éditer et diffuser ses réalisations. Aujourd’hui, l’entreprise existe toujours, un peu grâce à Vincent et Caroline Colet… Ma mère tenait beaucoup à cette société mais manquait de temps pour s’en occuper. Vincent, un ami d’enfance, ébéniste et antiquaire, s’y connaissait très bien. Il a voulu donner une autre impulsion à son travail et a dit à ma mère qu’il était intéressé de reprendre Général Décoration. On ne pouvait pas espérer mieux que lui ! Ça été un réel casse-tête de retrouver de précieux artisans belges. Ensuite Caroline a rejoint l’aventure et Vincent m’a gentiment laissé des parts de la société.
Pour les 50 ans de la disparition de votre père, la lampe M57 a été éditée, une lampe jamais commercialisée à ce jour et retrouver ses origines n’a pas été simple… Il s’agit d’une lampe créée tout spécialement pour Milan en 1957, d’où son nom. Il a voulu, je pense, un élément spectaculaire, représentatif de son travail. Mon père était grand et la lampe l’est également. Il aimait que l’on n’aperçoive pas la source lumineuse comme c’est le cas ici. Mais apparemment, à l’époque, la lampe avait un problème technique, elle surchauffait, elle n’a donc pas été commercialisée. Aujourd’hui, cette lampe a disparu, on ne l’a jamais retrouvée. On n’avait donc rien pour la reproduire à part quelques photos. La M57 se dévoile en laiton brossé avec des ailettes en laiton nickelé et des ampoules LED qui ne chauffent pas et diffusent une lumière chaude. Elle se met dans deux positions différentes afin de faire bouger les ailettes de manière à diffuser la lumière différemment.
Général Décoration prévoit d’autres nouveautés Jules Wabbes à venir ? Oui, tout n’a pas encore été créé. Il y a le projet de refaire les superbes accessoires de salle de bains mais aussi cette année les canapés.
Quel souvenir gardez-vous de votre père ? Si vous deviez partager une chose qu’il vous a transmise ? Depuis l’enfance, il nous a transmis le respect de l’objet. Enfant, c’était impensable de poser un verre d’eau sur un meuble en bois. On jouait également avec des blocs de bois et nous devions reconnaître de quel bois il s’agissait. Je n’ai pas hérité d’un talent de décoratrice mais je fais automatiquement attention aux choses qui m’entourent, à la lumière, je suis sensible aux ambiances… Il était très exigeant, il nous a sans nul doute aussi transmis son perfectionnisme.
Si vous ne deviez choisir qu’un objet créé par votre père ? Oh la la, c’est compliqué ! J’aime tout… Je dirais la lampe nid d’abeille, j’aime son rapport à la nature et le reflet qu’elle provoque.
www.jules-wabbes.com
Thomas De Bruyne - Créatif grand angle
Thomas De Bruyne
Créatif grand angle
Mots : Barbara Wesoly
Photos : Cafeine
Sous le patronyme de Cafeine, hérité de ses années de DJ, Thomas De Bruyne s’affirme comme une référence de la photographie architecturale et d’intérieur. Point de rencontre de l’espace et du graphisme, autour de compositions d’inspiration picturale. Rencontre avec ce photographe plébiscité par les plus grands architectes, designers et entreprises de décoration, tant en Belgique qu’à l’étranger.
Nathalie Deboel, Nicolas Schuybroeck, Simon de Burbure ou Hélène Van Marcke, pour n’en citer que quelques-uns… Vous travaillez avec les plus grands noms du design et de la décoration d’intérieur. Comment sélectionnez-vous vos collaborations ? Il est important que nous partagions une même sensibilité et une vision esthétique. Sur un shooting, je fonctionne de manière intuitive, percevant l’impulsion et l’atmosphère des lieux et comprenant à l’instinct ce qui fonctionnera ou non, sans m’imposer de règles ou de limitations. Mes clients me laissent toute latitude et c’est cette confiance mais aussi ce goût commun qui en assure la réussite. J’ai la chance aujourd’hui, après plus de 15 ans de pratique, de pouvoir me concentrer uniquement sur les projets qui me passionnent vraiment.
A titre personnel, à quel type d’architecture va votre préférence ? étonnement assez éclectique, mais possédant une base très minimaliste. Comme des plafonds noirs ou bruns foncés, un sol en béton. Il y a un an, j’ai fait construire un pavillon pour mon bureau, il reflète parfaitement ce qu’est mon style personnel. On y trouve des livres, des disques, des bouteilles de whisky, du café, des céramiques et des oeuvres d’art. Les objets qui m’inspirent viennent se greffer sur socle épuré et graphique. Ce sont les détails qui complètent un lieu, qui leur donnent une histoire. C’est aussi pourquoi je préfère les meubles vintages aux pièces neuves.
Sur Instagram, vous partagez également des images de votre maison. Celle-ci est-elle aussi un terrain de jeu créatif ? Oui, certainement, même si cela reste en parallèle un espace familial. Son aménagement est, dans une certaine mesure, comparable à celui de mon bureau. L’intérieur est noir et blanc, ce qui peut sembler froid ou dur, mais les meubles, tapis, tabourets et tables, sans parler des affaires des enfants, viennent ajouter de la vie.
L’oeuvre d’un photographe en particulier vous émeut-elle ? Celle de Luigi Ghirri, un artiste italien ayant réalisé des milliers de clichés dans les années 70 et 80. J’ai découvert une rétrospective de son travail à Paris et depuis, je suis amoureux de ses photos. Mais plus encore, c’est le peintre Koen van den Broeck qui fait office de véritable inspiration pour moi. Certaines de mes compositions sont presque des miroirs de ses tableaux. Mon approche est totalement différente de la sienne. Il convoque l’art et moi la réalité, mais cela ne nous empêche pas d’avoir de multiples lieux communs.
Vous signez la couverture d’“In Focus”, un livre d’hommage aux meilleurs photographes d’architecture et d’intérieur au monde. Est-ce à vos yeux l’illustration du succès ? Arriver à convaincre l’éditeur d’opter pour ce cliché en couverture a été un sacré défi, notamment par sa composition, son cadrage et sa couleur qui lui donnent presque l’apparence d’un projet en 2D. Mais je trouvais justement passionnant d’introduire un livre d’architecture avec une photo loin d’un habituel intérieur clair et élégant, qui ferait l’unanimité. Avec une image qu’il faut observer pleinement pour la comprendre. C’était une forme de pari artistique aussi. Et c’est bien sûr un honneur que de figurer sur une dizaine de ses pages d’un tel ouvrage.
Vous lanciez Caféine, votre studio, en 2007. Qu’est-ce qui vous permet de préserver et nourrir votre passion pour la photographie après toutes ces années ? En demeurant curieux. J’ai ma propre signature mais je suis constamment en recherche d’amélioration de l’éclairage, des ombres, des finitions, des couleurs. Au début de ma carrière, je ne prenais que des clichés en noir et blanc. Mais j’ai totalement abandonné ce principe ces sept dernières années. J’expérimente énormément, notamment en post-production. Je suis passionné par la technique. Encore un aspect issu de mon identité de graphiste. Et je suis convaincu qu’il est essentiel de créer son propre style, mais plus encore de le développer et de l’alimenter.
Renata Stinglhamber - Uniques et précieux bijoux
Renata Stinglhamber
Uniques et précieux bijoux
Mots : Olivia Roks
Photo : Luk van der Plaetse
Renata Stinglhamber est l’une des joaillières les plus réputées du Royaume. Depuis plus de 25 ans, la magie des pierres précieuses, l’harmonie des courbes, la lumière des ors n’ont plus de secret pour elle.
Dans son écrin bruxellois, des merveilles voient le jour, certaines prennent vie entre ses mains d’autres sont retravaillées au goût du jour.
Un savoir-faire d’exception.
Cela fait plus de 25 ans que vous évoluez dans l’univers de la joaillerie, quel est votre parcours ? Depuis toute jeune je savais ce que je voulais faire. Je coupais, je sciais, je faisais des bracelets que je vendais. Après un cursus classique, j’ai fait quatre années d’études de création de bijoux à Anvers et j’ai terminé par une cinquième année à Londres au Saint Martins College Art & Design. Une année de bijoux expérimentaux, conceptuels, de vraies œuvres d’art. De retour en Belgique, j’ai fait le tour des belles bijouteries bruxelloises, il n’y en a pas beaucoup… Du haut de mes 24 ans, je me suis retrouvée chez Wolfers à côtoyer la Reine. J’ai fréquenté l’aristocratie belge et surtout eu accès aux somptueux bijoux anciens, spécialité de Wolfers. J’y suis restée 12 ans, ensuite la bijouterie s’est fait racheter par des Chinois et j’ai poursuivi mon aventure chez Leysen, autre bijouterie d’exception. Je retrouvais une ambiance familiale mais aussi un autre public : la bourgeoisie avec un haut pouvoir d’achat. Plus de bijoux anciens, mais de gros projets, des créations d’exception que je gérais de A à Z.
Ensuite, vous vous êtes lancée à votre propre compte… Oui, la maison Leysen s’est aussi fait racheter par des Chinois. Pendant le Covid, après la perte de mon compagnon qui m’a toujours soutenue, je me suis rendu compte que la vie ne tenait qu’à un fil. Depuis plusieurs années, j’avais développé une petite clientèle sur le côté en toute transparence. J’ai alors sauté le pas, poursuivi mon rêve et je me suis lancée à mon compte. Aujourd’hui, depuis deux ans, je travaille uniquement pour ma marque. Je n’ai pas désiré ouvrir une boutique car j’aime justement recevoir chez moi, dans un cocon, un écrin confidentiel, intime, où on se sent à l’aise, où j’accueille sur rendez-vous, où l’on prend son temps. Il ne faut pas oublier que l’humain est au centre de mes créations.
Quelle est votre force face à d’autres joailliers ? Mon atout reste ma formation très complète. J’ai appris à dessiner le bijou, le réaliser et rechercher la pierre adéquate. J’ai la capacité, les connaissances pour tout faire même si je ne le fais pas systématiquement. Ce que j’aime c’est comprendre ce que le client souhaite, chercher les pierres et ensuite réaliser le dessin. Je laisse enfin quelqu’un confectionner le bijou, sous ma supervision, toujours en Belgique. J’ai aussi cette force de bien déceler le style de la personne. C’est important quand on souhaite faire un cadeau et surprendre la personne qu’on aime. On me montre souvent une photo de la main mais j’ai besoin d’analyser son style, son métier, son âge, sa manière de se vêtir, et je me suis rarement trompée !
Comment décririez-vous vos créations ? Il y a ce que moi j’aime et ce que le client aime. Je crée pour moi, pour proposer des modèles à la vente, mais je crée aussi pour le client, selon ses demandes, un bijou sur mesure. Le sur-mesure est la plus grande partie de mon travail. Je m’oriente principalement vers deux styles distincts, bien que j’aime beaucoup de choses… J’adore les couleurs, les pierres, des pierres plutôt rares qui sortent de l’ordinaire. Je réalise par exemple des bagues dites bouquets, composées de plusieurs pierres de couleurs différentes. Ce genre de créations s’axe principalement autour de la pierre et de son originalité. Mon autre dada, c’est l’art déco, j’affectionne ce côté sobre aux lignes très claires. Naissent alors des bijoux plus architecturaux.
Et l’un de vos autres talents, c’est redonner vie à des bijoux anciens… Oui. C’est très en vogue, c’est en quelque sorte de l’upcycling ! Soit j’achète des bijoux en salle de ventes et je leur redonne une nouvelle vie, soit j’accompagne mes clients pour réaliser cette même démarche. Par exemple, une broche de votre grand-mère trop vieillotte pour vous ? Je la transforme et la revisite au goût du jour en en faisant des boucles d’oreille.
Fascinée par les pierres, quelle est votre préférence ? Il y en a une que je rêverais d’avoir moi-même mais les prix sont colossaux, c’est le diamant rose, un rose pâle délicat. J’adore également la tsavorite, un grenat vert, très intense. Je propose cette pierre parfois à la place de l’émeraude, très connue.
Un rêve en tant que joaillière ? Bien sûr, j’adorerais voir une star porter une de mes parures sur le tapis rouge. Une femme élégante avec du caractère qui portera à merveille le bijou comme Claudia Cardinale ou Monica Bellucci. Mais mon plus beau cadeau, c’est tout simplement la confiance des clients, j’adore quand on me donne carte blanche.
Arno Declercq - Une esthétique de l’âme
Arno Declercq
Une esthétique de l’âme
Mots : Barbara Wesoly
Photos : DR
Ses pièces aux allures monolithiques, tout à la fois brutalistes et organiques, s’imposent tels des livres ouverts révélant un amour et un respect profond du vivant. Sous le toucher d’Arno Declercq, bois et métal se métamorphosent en mobilier sculptural, hommage à l’architecture et à l’art ancien.
A seulement 30 ans, vos créations, meubles comme objets d’intérieurs, sont plébiscités à l’international pour leur beauté atypique et leur conception audacieuse. Mais, comment, à titre personnel, les décririez-vous ? Je dirais que mon style est un condensé de Wabi-sabi brutaliste. Il puise dans cette esthétique japonaise un côté spirituel et le désir de donner du sens à la matière, de modeler la nature pour créer des pièces qui vont durer à travers le temps et sont conçues pour habiter l’espace et la vie. Quant au brutalisme, il en a les codes de minimalisme brut ainsi que la géométrie et les volumes imposants.
Créateur autodidacte, vous avez grandi au sein d’une famille éprise d’art, d’artisanat et de mode. Le design a-t-il toujours représenté pour vous une évidence ? Ce n’était pas réfléchi. Mon père, ayant étudié à l’Académie royale des arts, nous emmenait ma sœur et moi visiter tous les musées et les galeries et se passionnait pour les arts tribaux. La boutique de mode de ma mère m’a de son côté permis de découvrir des créateurs d’exception comme Ann Demeulemeester ou Rick Owens. J’ai donc commencé un cursus en design intérieur, à Sint-Lucas, à Gand, avant de rapidement comprendre que les normes du système scolaire n’étaient pas pour moi et j’ai arrêté après un an. J’ai alors eu l’occasion de partir plusieurs mois au Brésil, créer aux côtés d’Arne Quinze et cela a enrichi mon travail bien au-delà de ce qu’aurait pu m’amener un diplôme. Au retour, j’ai ouvert une galerie d’art et de design ethnographique à Louvain, tout en travaillant dans la rénovation et la peinture de bâtiment, pour financer mon projet. Celle-ci a malheureusement dû fermer après un an, faute de moyens, mais j’ai continué à me passionner pour le design et je restais aussi face à l’impossibilité de trouver du mobilier et de la décoration que j’aimais. J’ai alors fabriqué mes propres modèles, destinés au départ seulement à mon intérieur. J’en publiais des photos sur mon compte Instagram, et ceux-ci furent rapidement repérées par des galeristes, parmi lesquels Garde, à Los Angeles, qui devint mon premier client.
Vous évoquiez le Brésil et son importance dans votre parcours. Ce fut le cas pour d’autres voyages, notamment en Afrique de l’Ouest, dont vous avez ramené l’Iroko, un bois tropical devenu votre principal matériau. Oui, en effet. J’ai beaucoup voyagé avec mon père. J’ai dormi chez le peuple Lobi au Burkina Faso, chez l’ethnie Fon au Bénin. J’y ai découvert des philosophies très pures et des objets à la symbolique exceptionnelle. Au Bénin, j’ai ainsi rencontré des menuisiers travaillant avec du bois Iroko, que l’on retrouve aussi au Cameroun, au Togo et au Burkina Faso. Un arbre tropical fascinant, surnommé « Roi de la forêt ». Les locaux l’estiment habité par leurs ancêtres et lorsqu’un guérisseur vodou doit cueillir des herbes et plantes de la forêt, il demande aux Iroko, sa bénédiction avant de poser cet acte. Je n’ai pas imaginé d’emblée créer des meubles avec celui-ci, mais je trouvais cette vision spirituelle magnifique, tout comme sa teinte noire et sa dureté mêlée à la finesse de ses veines. Je ne mets pas son histoire en avant, estimant qu’il s’agirait d’appropriation culturelle, mais elle imprègne mes pièces. En créant par exemple une table centrale, où les membres d’une famille pourront se retrouver pour parler, partager, j’espère imprégner leur maison d’une part de cet esprit. Tout comme j’utilise la technique japonaise du Sho Sugi Ban, consistant à brûler profondément le bois pour le rendre ensuite plus résistant à la combustion et aux champignons. Je tiens à ce que derrière l’esthétique il y ait une âme. La pièce dont je suis le plus fier est ainsi la Zoumey Table, un plateau de noyé africain brûlé et ciré, soutenu par une forêt de pieds en bois Iroko. Je voue un immense respect à mes matériaux, c’est pourquoi je fabrique mes créations artisanalement, en veillant à en minimiser les chutes. Je me fais le devoir préserver chaque morceau de bois.
Si vous créez toujours au sein de Zaventem Ateliers, vous avez récemment ouvert un showroom à Anvers, dans un espace industriel de 500 mètres carrés. Pourquoi ce choix ? Zaventem Ateliers est un superbe espace, mais c’est celui de l’artiste et designer Lionel Jadot, son identité. Il était temps pour moi d’avoir un lieu, une atmosphère qui me ressemble, qui puisse refléter l’essence de mes collections.
Qu’est-ce qui vous guide aujourd’hui ? J’aime créer dans la diversité, entre commandes et projets personnels, tout en conservant toujours mon intégrité artistique. On m’a déjà proposé de racheter mon studio, mais cela reviendrait à vendre mon nom et mon identité. Il n’en est pas question, pas plus que de fabriquer des objets à la chaîne. Je ne signe pas non plus mes pièces. J’espère les imprégner d’un ADN suffisamment fort que pour qu’elles soient reconnaissables, même sans cela. Aujourd’hui, je nourris aussi le rêve d’acheter des maisons et appartements à travers le monde, pour permettre à ceux qui le souhaitent d’habiter au milieu de mes meubles et objets. C’est la vie qui leur donne tout leur sens.
50 ANS DE DESIGN AVEC DOMINIQUE RIGO
50 ANS DE DESIGN AVEC
DOMINIQUE RIGO
Mots : Olivia Roks
Photos : DR
En 1974 naissait une petite entreprise de décoration : Dominique Rigo.
50 ans plus tard, cette maison solidement établie continue de refléter un design élégant, moderne et de qualité. Entre la boutique qui regorge de superbe mobilier scandinave ou italien et leurs magnifiques projets d’aménagement, on ne sait où donner de la tête. Une chose est sûre, ici, le design est roi. Rencontre avec, Charlotte Rigo, la nouvelle maîtresse des lieux.
Dominique Rigo est une boutique de design éponyme, elle porte le nom de votre père. Qui est Dominique Rigo ? Mon père, Dominique Rigo, a parcouru un long chemin avant de lancer sa boutique éponyme. Ayant étudié l’architecture à Saint-Luc, il était déjà un passionné de bricolage et de design dès son adolescence. Peut-être influencé par sa mère qui avait un intérêt marqué pour l’aménagement intérieur classique, il a développé un goût pour le mélange subtil des styles. Lors de ses études d’architecture à Saint-Luc, il a été invité à repenser l’étage de direction d’une société de réassurance du père d’une de ses camarades de classe. Cette expérience l’a incité à envisager d’établir sa propre entreprise et à ouvrir un magasin. Il a donc lancé sa petite société de décoration en 1974 avec son ex-épouse, Marianne Tedesco. Son expertise a rapidement attiré l’attention et ils ont été sollicités pour divers projets.
Aujourd’hui vous reprenez le flambeau ? Le flambeau oui, mais surtout la passion, qui est nécessaire dans notre métier. Comme j’aime le dire, je suis née dans un tiroir Interlubke, mon père m’a transmis le virus du beau, du bien fait et du travail. Ce n’est pas toujours simple de marcher dans les pas du « grand monsieur », mais j’aime ce que je fais, j’aime ce contact client et surtout j’aime faire voguer le bateau que mon père a créé, avec une touche plus actuelle peut-être, plus 2.0.
Dominique Rigo a 50 ans. 50 ans de design, de décoration. Quelle est la patte « Rigo » ? Mon père a toujours été séduit par le design contemporain et le principe du “less is more”. Il a fait de la modernité son credo, privilégiant le confort, la fonctionnalité et la durabilité dans ses collections. Aujourd’hui, la marque est solidement établie et reflète notre engagement envers l’innovation et la qualité. Quand on parle de patte, on pense à un style, un fil conducteur. Le nôtre est principalement l’écoute du client et son bien-être chez lui ou sur son lieu de travail. Chaque projet est personnalisé, on repart de zéro pour chaque client mais bien sûr dans un style moderne et contemporain mais nous y allions avec plaisir des meubles anciens ou de famille.
Quels sont ces objets qui selon vous ont marqué l’histoire du design ces cinquante dernières années ? La chaise Panton (1967) en plastique moulé d’une seule pièce, la lampe Tolomeo (1987), le fauteuil Egg (1958), la chaise Ghost (2002) en polycarbonate transparent a redéfini les possibilités du matériau plastique mais aussi le fauteuil Bambole, le lounge de Eames, le Togo, la lampe Arco… Il y a tant d’emblématiques !
50 ans plus tard, la décoration a bien évolué… Effectivement, la déco- ration a connu une évolution significative reflétant les changements sociaux, culturels, technologiques et économiques de notre époque. Au niveau des styles, nous avons vu un passage de l’opulence des années 1980 à la simplicité du minimalisme des années 1990, puis à une réévaluation des styles rétro et vintage dans les années 2000 et 2010. Aujourd’hui, nous observons une tendance vers un design plus éclectique, où les gens mélangent différents styles pour créer des intérieurs uniques et personnalisés. Nous avons aussi assisté à l’émergence de nouveaux matériaux et à l’adoption de méthodes de fabrication plus durables et respectueuses de l’environne- ment. La technologie a également joué un rôle majeur dans l’évolution de la décoration, avec l’intégration de solutions intelligentes pour le contrôle de l’éclairage, du chauffage et d’au- tres aspects de la maison connectée. Parallèlement, les attitudes envers la décoration ont également changé. Autrefois considérée comme un luxe réservé à une élite, la décoration est devenue plus accessible et démocratisée. Aujourd’hui, la décoration est plus que jamais un moyen pour les individus d’exprimer leur identité et leur créativité.
Justement, quelles sont les tendances actuelles qui inspirent le marché et vos clients ? La durabilité et l’éco- logie sont des préoccupations majeures pour de nombreux consommateurs. Il y a une demande croissante pour des matériaux écologiques et des pratiques de fabrication durables. Le minimalisme et la simplicité continuent aussi d’être des tendances importantes. Les consommateurs recherchent des designs épurés avec des lignes simples et des espaces ouverts, créant des environnements à la fois fonctionnels et esthétiquement agréables. Et bien sûr, le confort et le bien-être à la maison sont également au premier plan.
Des nouveautés à venir cette année ? La plus grande nouveauté c’est le cap que nous passons : nos 50 ans ! J’ai aussi hâte d’aller à Milan, malheureusement ce sont des secrets très bien gardés et je n’ai pas encore eu d’échos de la part de nos marques. Mais je pense que le confort et l’amour des matières seront encore au rendez-vous. Aujourd’hui, plus que jamais, on doit avancer, créer, réfléchir et ne pas rester sur nos acquis, d’ailleurs rien n’est jamais acquis même après 50 ans.
Out of catalogues Livre d’art hybride
Out of catalogues
Livre d’art hybride
Mots : Olivia Roks
Photos : DR
Le collectif singulier Zaventem Ateliers, fondé par Lionel Jadot, a travaillé sur le fameux concept The Mix, l’ex-Royale Belge à Bruxelles. Un projet colossal prenant vie grâce à de nombreux talents. Cette énergie créative se retrouve désormais dans un bel ouvrage. Pour les esthètes curieux, les amateurs de design ou les amoureux de belles choses.
Lionel Jadot, vous signez un nouvel ouvrage mettant à l’honneur deux projets qui vous sont chers : Zaventem Ateliers et le Mix. Rappelez-nous le concept de Zaventem Ateliers… C’est un lieu que j’ai créé il y a cinq ans. Un espace de 6000m2 dans une ancienne usine de papier de la périphérie bruxelloise où j’ai mis en place un concept d’ateliers partagés rassemblés presque uniquement autour du collectible design. Le but était de « curater » l’espace, de sélectionner précisément chaque producteur, designer, qui nous rejoignait dans l’aventure afin de rassembler en quelque sorte l’excellence du design actuel. Zaventem Ateliers est avant tout un accélérateur, un lieu qui permet aux jeunes studios émergents d’accéder à une place plus importante, une meilleure visibilité sur le marché. On fonctionne par candidature. On recherche des profils différents, originaux, innovants, avec des spécificités variées. C’est une vraie communauté. Et cette année, nous sommes très fiers, nous avons gagné le Henry van de Velde Award.
L’autre projet qui vous est cher et qui tient une place à part entière dans le livre, c’est le Mix… Je rêve de ce bâtiment depuis que je suis petit. Il fallait qu’on donne tout pour ce projet extraordinaire. Je voulais vraiment proposer quelque chose d’unique. On a imaginé Realistic circle. Autrement dit, un projet de 25000m2 où l’idée était de pousser notre client, le Mix, à dépenser localement. L’idée était donc de sélectionner un nombre de designers, ceux de Zaventem Ateliers mais aussi 27 autres se situant à moins de 50 km de Bruxelles. On a créé le concept, le mood board, ensuite les designers ont eu carte blanche pour choisir leur espace d’expression et ce qu’ils souhaitaient en faire. Selon moi, le Mix est devenu aujourd’hui l’ambassade du collectible design en Belgique.
Et de ces deux projets naît un livre intitulé « Out of catalogues »… Oui, Out of catalogues reflète notre philosophie : ne pas travailler avec ce que l’on trouve dans les catalogues. Je ne sers jamais du tout cuit à mes clients, je réfléchis, je réinvente, je collabore, je souhaite toujours proposer quelque chose de différent. Hors catalogues, c’est aussi la marque de fabrique de Zaventem Ateliers, des ateliers uniques loin d’un marché classique ou tendance.
Que retrouve-t-on dans ce bel ouvrage ? On retrouve un panel de présentations des designers de Zaventem Ateliers. On y parle de chaque studio, de leur spécificité et de ce qu’ils ont réalisé pour le Mix. Ensuite vient un cahier de trente-cinq pages axées sur le Mix, avec beaucoup de photos, des focus sur chaque objet, sur les designers qui ont participé à l’aventure. Et le troisième volet de ce livre, ce sont des discussions ouvertes, croisées, entre différents designers de Zaventem Ateliers. Cette partie apporte une autre dimension, un échange plus intime.
Qui retrouve-t-on à l’écriture et derrière ces beaux clichés ? A l’écriture, c’est notre anthropologue maison ! Jérôme Hoppe ! Il a voulu faire sa thèse sur Zaventem Ateliers. ça fait quatre ans qu’il est avec nous, il connaît intimement bien notre communauté, chaque studio, chaque histoire, chaque anecdote, chaque drama. Il n’y avait que lui qui pouvait écrire ce livre. En combinant une vision globale analytique, sa présence continue et des entretiens tant informels que spécifiques, il brosse un tableau personnel qui se focalise sur la dimension humaine de l’équipée et nous emmène à la rencontre de la famille qui habite cette ancienne usine. Quant aux clichés, habités de l’intimité de la création, ils sont signés Stan Huaux et Jeremy Marchant. Pour mettre en forme ce livre d’art hybride écrit et photographié de l’intérieur : Juliette Amigues, graphiste et relieuse bibliophile.
Justement, esthétiquement, comment le décririez-vous ? L’idée était de réaliser un livre facile à prendre en main, avec une couverture souple. Quand on ouvre le livre, il tient à plat. La partie sur le Mix est en papier brillant, le reste en papier mat. La couverture rose reprend en impression gaufrée le plan de tous les ateliers.
Et chaque livre est en quelque sorte exclusif car il est accompagné d’un petit objet fait main… Tout à fait. On a réalisé 2000 marque-pages. Chaque exemplaire est accompagné d’un marque-page unique, fabriqué à la main par l’un des studios de Zaventem Ateliers, avec leurs outils et leurs gestes signature.
STEPHAN VANFLETEREN - « Parce qu’elle est immobile, la photographie apporte la paix de l’esprit »
STEPHAN VANFLETEREN
« Parce qu’elle est immobile, la photographie apporte la paix de l’esprit »
MOTS : SERVANE CALMANT
PHOTOS : STEPHAN VANFLETEREN
Atelier, c’est un huis clos intime où Stephan Vanfleteren, photographe multi récompensé, façonne la lumière du jour. Atelier, c’est également le titre de son nouveau livre, une monographie retraçant 12 ans de création dans son propre studio. Comment ce formidable artiste qui est né et qui a grandi sous un ciel de plomb belge, est-il arrivé à modeler la lumière ? Confidences.
Stephan, vous souvenez-vous de votre première photo ? Non, pas vraiment. Peut-être une photo de mon chat ou des dunes de Ostdunkerque où j’ai grandi. En revanche, je me souviens très bien du jour où mon père m’a offert son appareil photo, un Pentax Spotmatic. Je n’oublierai jamais le son de l’obturateur, envoûtant !
A vos débuts, aviez-vous un photo-graphe de référence ? Je pense à l’Américain Irving Penn pour l’intimité qu’il est parvenu à créer avec son modèle. Intimité que vous mettez également brillamment en lumière … J’ai en effet découvert le travail incommensurable et inégalable d’Irving Penn, pendant mes études. Et il ne m’a jamais quitté. Il reste une source d’inspiration, dans mon travail de photographe et dans la vie. J’ai failli faire le portrait de ce maître intemporel ; malheureusement, il est décédé peu de temps avant notre rencontre.
Comment arrivez-vous à créer ce cadre d’intimité avec vos modèles ? J’aime l’idée d’aller à la rencontre de l’autre et de créer un moment suspendu. Je m’y consacre entièrement, pleinement, avec beaucoup d’empathie également. Les modèles ressentent cet abandon, cette passion, et offrent souvent beaucoup en retour.
Pour Steve McCurry, il est important de photographier le monde tel qu’il est, donc en couleur. Vous, en revanche, vous avez rapidement opté pour une photographie en noir et blanc. Pourquoi ce choix ? La photographie ne montre jamais le monde tel qu’il est. C’est au photographe de choisir ce qu’il veut montrer ou ne pas montrer, et comment il veut le faire. Tel est le paradoxe de la photographie. Photographier, c’est forcément faire un choix. Et un choix, c’est subjectif. N’oubliez jamais que la photographie convertit un monde trimental en un monde bidimensionnel. On y perd beaucoup, mais on y gagne parfois plus. C’est le moyen ultime pour saisir l’immobi-
lité de la vie. Parce qu’elle est immobile, dans un monde dansant, vibrant et fou, une photographie apporte la paix de l’esprit.
Vous êtes né à Courtrai, et vous vivez aujourd’hui à Furnes, près de La Panne. En tant que Belge, un ciel plombé par la grisaille ou la pluie, vous connaissez ! La photographie de Stephan Vanfleteren aurait-elle été différente sous le soleil ? Le soleil est idéal… en vacances. Mais en tant que photographe, je préfère la lumière douce. « Avec un ciel si gris, qu’un canal s’est pendu » : Jacques Brel n’est jamais bien loin !
Vos photos reflètent une certaine mélancolie. Je me trompe ? Je place en effet beaucoup de mélancolie dans la photographie, pour pouvoir ensuite me sentir joyeux et décomplexé de l’être. La photographie me soulage de ma lourdeur mélancolique. C’est une bénédiction qui me permet de fonctionner dans ce monde.
Nouveau tournant dans votre carrière. En 2015, avec la série « Nature morte », vous décidez d’abandonner le monde extérieur pour travailler en atelier. « Atelier », c’est également le titre de votre nouvel ouvrage. Cet atelier, cet espace clos, est devenu le théâtre de nouvelles collections de photos. Parlez-moi de ce lieu et de la lumière envoûtante qui le pénètre… J’ai beaucoup voyagé dans le monde au cours de ma vie, mais depuis la pandémie, je me consacre pleinement à des sujets qui me tiennent à cœur. L’Atelier est l’un d’entre eux. Pour autant, je ne m’enferme pas dans mon petit monde. La grande contradiction, c’est qu’ici, dans le petit espace de mon atelier, je peux observer tout simplement comment la lumière évolue au cours de la journée et comment une saison naît ou prend fin. Quand la lumière, qui se trouve à 500 secondes du soleil, s’installe petit à petit dans mon atelier, c’est merveilleux. La lumière qui tombe contre les murs ou sur le sol est le terminus d’un long voyage. Jamais, je n’ai autant réfléchi à la lumière. Dans cet atelier, je me rends compte que le monde tourne autour du soleil et que nous sommes tout petits dans ce grand cosmos. Un constat qui permet de s’affranchir de son égo !
Comment apprivoisez-vous la lumière entrante ? Au fil des ans, je suis devenu plus habile pour trouver la lumière nécessaire à la réalisation d’un bon portrait. Mais la lumière ne se laisse jamais totalement apprivoiser. Elle reste parfois insaisissable. Tant mieux, car cela permet de ne jamais maîtriser la situation. La lumière du jour n’est pas un danseur classique prévisible mais un fantôme imprévisible.
Ce travail en atelier est-il le fruit d’une certaine maturité ? La maturité n’explique pas tout. Mon principal moteur, c’est l’envie, le désir, la curiosité. J’aime le changement, aller vers l’inconnu, prendre des risques. Je n’aurais pas pu, pas voulu, rester photographe de presse toute ma vie. Parfois, on me demande pourquoi je photographie une feuille séchée dans mon atelier. Ma réponse : car les choses simples sont les plus difficiles à saisir. Dans la vie également, la simplicité est souvent compliquée à atteindre.
Vous sentez-vous plus serein aujourd’hui qu’hier ? Non. Je ne suis plus l’homme que j’étais à 22 ans ; au-
jourd’hui, à 54 ans, j’ai besoin de porter des lunettes et j’ai parfois mal au dos.(rire). J’ai toujours réalisé ce que je souhaitais faire au moment où je le faisais. Aucun regret. Désormais, je travaille moins la vitesse d’obturation, c’est vrai. Je m’adapte, j’évolue. Dans mon travail et dans ma vie.
La série « Nature morte » présente dans votre livre, se rattache à la tradition d’un Rembrandt, notamment … Est-ce une référence pleinement consciente ? Bien sûr, je connais la lumière des vieux maîtres. Pas seulement Rembrandt ou Vermeer, mais aussi Irving Penn ou Paolo Roversi. Cette lumière est universelle et intemporelle. C’est dans cette tradition que je m’inscris. Cette « vieille lumière », elle me fascine et me séduit.
Cette série, « Nature morte » donne à voir des corps d’animaux morts. Quel est votre rapport à la mort ? Je n’ai aucun tabou concernant la mort. Plus nous approchons de la mort, plus nous réalisons que la vie est précieuse, fragile et si extraordinaire. Malheureusement, les gens en prennent souvent conscience lorsqu’ils tombent gravement malades. J’essaie de contourner ce problème et de regarder la mort droit dans les yeux. Mes Natures Mortes ne sont pas une glorification de la mort, au contraire, elles sont un hommage à la vie !
Combien d’heures intenses passez-vous dans votre atelier à attendre une lumière parfaite à vos yeux ? Tant que le modèle dans la lumière le permet. Je suis un chercheur et j’ai un esprit douteur, alors quand on m’offre du temps, je le saisis jusqu’à pleine satisfaction. L’attente n’occasionne aucune lassitude ; en revanche, après la séance photo, la fatigue s’abat sur moi comme un lourd manteau. Bah, cela me permet de bien dormir !
Atelier, le livre, retrace 12 ans de création. Y figurent notamment les séries Nature Morte, Corpus, ainsi que des portraits de personnalités connues du monde de la musique ou du cinéma (Arno, Warren Ellis, Rutger Hauer, Gregory Porter, Mads Mikkelsen, Terry Gilliam, Matthias Schoenaerts, etc.). Une singularité m’intrigue : la main de Nick Cave…Je suis un grand fan de Nick Cave. Je connais un peu Warren Ellis, son ami et âme sœur musicale. Quand Nick Cave est en tournée, il refuse de se laisser photographier. Et c’était le cas. Alors, j’ai demandé à photographier sa seule main droite… « The Red Right Hand » de Cave est emblématique. J’aime les choses atypiques. Un visage parle. Une main aussi. À moi de la saisir avec mon œil et mon objectif.
Y’en aura-t-il une expo en Belgique à l’issue du livre ? Une exposition inti-tulée « Nature morte/Still Life » a lieu à Paris, à la Galerie Rabouan Moussion, jusqu’au 31 décembre. En Belgique, rien n’est encore prévu. Si quelqu’un connaît un espace d’expo formidable en Wallonie ou à Bruxelles, qu’il n’hésite pas à m’appeler. Expo et livre dégagent deux énergies différentes. Le livre a sa propre vie, il se suffit à lui-même. Je crois en la puissance des pages, au rythme propre au livre, à l’intensité au coeur de la relation auteur-lecteur.
Atelier, monographie,
Editions Hannibal Books
Xavier Lust - Design d’excellence
Xavier Lust
Design d’excellence
Mots : Olivia Roks
Photos : DR
Xavier Lust fait partie des noms qui comptent dans l’univers du design international. Au fil de ses réalisations, l’homme s’approprie encore et toujours la matière pour donner vie à des pièces de mobilier hors du commun où performance, équilibre, innovation et durabilité coexistent. Rencontre avec ce génie du design.
Diplômé architecte d’intérieur de l’Institut St Luc en 1992, vous êtes devenu une pointure du design, un Belge réputé à l’international. Rappelez-nous vos débuts ? Durant mes études j’avais déjà créé quelques mobiliers dont un paravent qui a été acheté quelques années après par l’équipe Ralph Lauren Home, un de mes premiers succès. J’ai débuté en faisant de l’auto-édition, j’avais un accord avec Tradix (qui importait de grandes marques italiennes) qui a pris en collection mes objets que je livrais par vingt pièces : étagères, tables, miroirs pivotants. Même si j’ai appris énormément d’aspects du design qu’on n’apprend pas à l’école, je reproduisais à chaque fois les mêmes modèles, j’avais envie de changement. En 1999, seul devant ma table, une idée incroyable m’est venue : le pliage 3D du métal. L’usine anversoise avec qui je travaillais a réussi à mettre en application mon idée. Chaises et bancs sont nés. Ensuite, en 2000, j’ai voulu faire le salon Satellite à Milan, j’y ai emmené mes plus beaux projets et sans le savoir, j’ai fait le buzz. J’ai rencontré de grands éditeurs dont MDF Italia a voulu mon banc en métal déformé. Et de fil en aiguille, j’ai dessiné beaucoup de projets pour de belles marques très inspirantes : Driade, De Padova…
Très polyvalent, vous avez également exploré le design pour tous avec du mobilier urbain à Bruxelles… Oui, en 2006 on m’appelle pour réaliser du mobilier urbain à Bruxelles. J’ai fait des bancs pour le Mont des Arts (ndlr : presque tous volé entre-temps). J’ai aussi remporté le concours pour créer de nouveaux abris de bus dans la capitale. Douze ans plus tard, il n’y en a toujours pas un qui ait été exposé… Le service public est compliqué et incompétent… Aujourd’hui, évidemment, cet abri imagi-né n’est plus dans les normes mais je n’aurais aucun problème à recommencer le projet. Ca me tient vraiment à cœur. C’est dommage, c’est une grande frustration pour moi. Vous savez, des projets comme cela dans une ville, ça donne une identité, ça tire la ville vers le haut. C’est très important.
Quelle est votre vision du design ? Ma motivation est réellement, à chaque fois, de proposer un projet qui n’a pas de référent, j’aime créer des pièces complètement nouvelles, novatrices dans tous les sens du terme : usage, forme, production, etc.
Et de plus en plus, vous vous tournez vers « l’art design »… Comment décririez-vous cette pratique ? C’est important de différencier le design et l’art design. Le design c’est faire des projets en relation avec la production industrielle. Ce sont des réalisations en grande quantité, une production industrielle où tous les coûts sont analysés et maîtrisés. La chaise Thonet Cabaret par exemple. Le collectible design (ou art design), à l’opposé, est un retour à l’artisanat, à ce qu’il se passait avant le design, avec des pièces en petite quantité. Ici, les aspects environnementaux sont aussi pris en compte. L’art design m’a permis de retrouver le toucher, le retour à des choses plus matérielles, plus manuelles, c’est très inspirant. De plus, on n’est pas contraint à un budget, je n’ai aucune limite dans les matériaux, la technologie… Aujourd’hui je ne fais presque plus que de l’art design. Le public, plus niche certes, recherche également cela, des pièces uniques. C’est aussi pour moi une forme d’excellence, une quête d’absolu.
Vous avez des matières de prédilections, certaines plus utilisées que d’autres ? Je suis contre le plastique et toutes les matières qui n’ont pas la possibilité d’être recyclées. J’affectionne donc les matières durables, le métal, le verre, le cuir, la pierre, le marbre, des matériaux qui peuvent être totalement recyclés. Même si mes pièces n’ont pas la visée d’être recyclées (rires), ça a toujours été important pour moi. Elles traversent le temps, elles peuvent être transmises. Leur provenance m’importe aussi, tout est fait uniquement en Europe, en Belgique, en Allemagne, en Italie…
Le temps file ! Avant de se quitter, parlons de vos nouvelles réalisations ! Il y a trois nouvelles collections. « The Alchemist Bar », un bar à l’aspect or, fabriqué en panneaux de bois dans l’esprit d’un meuble à secret puisque son ouverture réserve quelques surprises. L’intérieur illuminé permet de découvrir un univers invitant à la préparation d’un cocktail. Dans le même esprit, « The Alchemist Cabinet », la commode, décline les mêmes codes pour une utilisation plus traditionnelle. Ensuite, il y a la collection de lampes « Experiment » qui ramène au travail de laboratoire puisqu’elles sont fabriquées à base des éléments en pyrex standard. Ma démarche est autre ici, elle se limite volontairement à combiner les éléments du catalogue de verrerie entre eux.
Enfin, la troisième collection, ce sont les tables d’appoint « Smoke ». Leur pied est une panache de fumée, une inspiration dramatique liée au monde d’aujourd’hui : les guerres, la détresse environnementale… Ces tables d’appoint sont imprimés en 3D, en métal. Et en 2024, d’autres surprises arrivent bien entendu !
Hôtel van Eetvelde - Le retour de Victor Horta
Hôtel van Eetvelde
Le retour de Victor Horta
Mots : Olivia Roks
Photos : Luc Viatour
Bruxelles se dévoile comme la capitale de l’Art nouveau en 2023 avec entre autres comme actualité l’ouverture au public de l’étonnant Hôtel van Eetvelde signé Victor Horta. En prime, un espace de promotion de l’Art nouveau, le LAB.AN s’y est aussi implanté. Avis aux amoureux de ce style artistique.
En 1900, alors que la révolution industrielle bat son plein, Bruxelles est le terrain d’expérimentations d’un style subversif : l’Art nouveau. Un style ? Non, un état d’esprit et une foi insatiable dans la modernité. La Belgique et surtout Bruxelles occupent une place particulière dans l’histoire de ce style souvent peu considéré qui a été redécouvert dans les années 1970 et qui a finalement regagné ses lettres de noblesse. Parmi les fleurons de l’Art nouveau, l’ouverture récente de l’Hôtel van Eetvelde, conçu selon les dires de Victor Horta lui-même comme étant « le plus audacieux qu’il ait fait jusque-là ». Rencontre avec Hortense de Ghellinck coordinatrice au sein du LAB.AN et de l’Hôtel van Eetvelde.
Rappelez-nous l’origine historique de cette demeure ? Edmond van Eetvelde achète le bâtiment en 1895. Il a des fonctions de plus en plus importantes auprès de Léopold II et finit par être ministre du Congo. Ses besoins de réception grandissants, il a développé cette maison, conçue par Victor Horta, avec comme inspiration l’Art nouveau, une nouveauté fascinante à ses yeux. Ensuite la maison revient à son fils, puis à la famille d’Antoine Pouppez de Kettenis et enfin, de 1950 à aujourd’hui, à la Fédération des Industries du gaz.
Dans quel cadre la restauration de cet Hôtel a eu lieu ? Une première restauration a eu lieu en 1988 et une seconde en 2000. Le bâtiment était occupé par des locataires membres de la fédération. Le Covid est passé par là, l’idée de restaurer était déjà dans les esprits, mais cela a accéléré les démarches. Ce bâtiment, étant classé, a eu droit à des subsides, et dans les négociations, l’Hôtel, bien privé, peut être visité par le public durant cinq ans.
Une demeure signée Victor Horta. On dit que cela serait une de ses créations les plus abouties, comment expliquez-vous cela ? C’est une demeure incroyable située dans le quartier des Squares à Schaerbeek. On pourrait passer trois heures à la visiter. Rien que sa façade rideau métallique est exceptionnelle, elle est la seule existante au monde. Tout est extrêmement bien pensé, il n’y a pas un centimètre qui est perdu. L’organisation des espaces et des circulations est subtile, chaque pièce est pensée dans les moindres détails. La verrière est l’une des plus belles de la ville esthétiquement parlant mais d’un point de vue technique aussi. Le système de ventilation, naturel, est aussi très ingénieux pour l’époque. Tout se mêle parfaitement. Le génie Victor Horta a réussi à traiter l’architecture et la décoration comme un tout, atteignant un sens de l’unité extraordinaire grâce à la conception minutieuse du moindre détail du bâtiment, depuis la poignée de porte ou la sonnette, jusqu’à la moindre pièce de mobilier de chaque pièce.
Avant de se quitter, quelques mots sur le LAB·AN qui se trouve au sein même de l’Hôtel van Eetvelde ? Dans le cadre de l’année Art nouveau et l’ouverture de ce bâtiment au public, nous avons créé un centre d’interprétation et de promotion de l’Art nouveau. Les visiteurs peuvent y découvrir une exposition présentant les caractéristiques principales de ce courant. L’objectif est d’en faire un lieu de dialogues avec la création contemporaine, mais aussi un espace de recherches et de débats. L’un des objectifs fondamentaux est la création d’un espace qui valorise et met en relation les partenaires et bâtiments de ce style existants à Bruxelles, en Belgique et en Europe. Une sorte d’émulation positive permettant de faire rayonner Bruxelles, la Belgique et l’Art nouveau dans le paysage culturel national et international.
3 questions à Katrien Mestdagh, directrice et maître verrière
L’un des éléments étonnants de l’Hôtel van Eetvelde est la fameuse coupole. Qu’est-ce qui la rend extraordinaire ? Il est très rare qu’une coupole de cette époque soit à ce point préservée. Ici, la plupart des vitraux sont d’origine. Il faut aussi souligner le caractère exceptionnel de la structure de ses vitraux et la manière dont ils épousent la courbe de cette coupole. C’est un travail extrêmement difficile à réaliser actuellement car il exige une très grande maîtrise de la part des concepteurs et des artisans. Cette prouesse technique la rend aussi exceptionnelle !
Quels ont été les défis les plus techniques ? Le démontage des vitraux car personne ne savait exactement comment ils avaient été placés. Cela s’est plutôt bien passé, bien mieux que ce que nous avions prévu, car les vitraux étaient en bon état. Un autre défi pour ce type de restauration de chefs-d’œuvre, consiste à trouver le verre le plus adéquat pour remplacer les pièces cassées ou manquantes car les verres fabriqués à l’époque sont désormais introuvables. Notre alternative consiste à juxtaposer deux types de verre afin qu’on ne voie pas de différence entre les originaux et les autres.
Et la plus belle surprise ? L’une des étapes les plus agréables a été le nettoyage, car les vitraux étaient opaques et jaunes. En les nettoyant, nous avons constaté qu’ils étaient imprégnés de nicotine. Le verre est apparu d’un blanc éclatant, presque bleu.