Tijs Vervecken - Chercheur de lumière
Tijs Vervecken
Chercheur de lumière
Mots : Barbara Wesoly
Photos : Tijs Vervecken
La poésie qui habite les images de Tijs Vervecken est celle d’un regard aux frontières de l’architecture et du songe, puisant dans les ombres une étincelle de grâce. Un lumineux rapport aux émotions imprègne ses photos de design d’intérieur d’une sensibilité palpable.
Certains disent avoir grandi avec un appareil entre les mains. D’autres attribuent aux hasards de la vie la découverte de leur vocation. Qu’est-ce qui, de votre côté, vous a amené à la photographie ? J’ai toujours été attiré par ce qui touchait au visuel et à l’art, et j’ai commencé assez tôt à chercher des moyens d’immortaliser ce qui m’entourait, mais je pense qu’en réalité, cette passion m’est surtout venue du skateboard. Adolescent, j’adorais en faire, jusqu’au jour où je me suis cassé le bras. J’ai pris peur et, plutôt que de remonter sur ma planche, j’ai commencé à filmer ou photographier d’autres skaters, parfois des inconnus dont j’aimais juste la technique. Je traînais dès lors souvent dans les vieux quartiers du centre de Bruxelles. Inconsciemment, cela m’a amené à percevoir la ville et ses bâtiments autrement. Après des études de cinéma qui ne m’ont pas convaincu, j’ai choisi d’apprendre la photographie. Et, une nouvelle fois, le skateboard a créé un lien. J’ai trouvé un emploi dans un magasin dédié, dont j’ai fini par immortaliser la collection de vêtements. Puis j’ai commencé à shooter des meubles pour une boutique de décoration. Les missions se sont ensuite enchaînées.
Au-delà du fait que ce soit aujourd’hui votre profession, que représente la photo pour vous ? Un besoin irrépressible de traduire par l’image l’essence d’un sentiment. Au début de ma carrière, je gardais mon appareil sur moi en permanence, capturant littéralement tout, même lorsqu’il s’agissait juste de boire un verre dans un bar. C’était une manière de découvrir ce que j’aimais autant que d’en apprendre plus sur moi-même. Désormais, mes clichés sont plus orientés vers l’architecture et le design, mais tout est à même d’attirer mon regard. Et lorsque l’inspiration vient, il me faut toujours absolument prendre une photo.
Comment justement saisir l’âme d’un lieu ? Je n’ai pas réellement de méthodologie. J’essaie de me laisser guider par la lumière, de m’imprégner de ce que je ressens à son contact, saisissant un maximum d’images à l’instinct. Mes clients me demandent souvent une estimation du nombre d’heures qui me seront nécessaires et je tente de leur répondre avec justesse, mais la vérité est que beaucoup d’éléments influent sur mon travail. Le fait d’avoir pris un ou deux cafés, mon humeur ce jour-là, ce que suscite le lieu en moi. De petits détails qui peuvent sembler dérisoires, mais qui comptent vraiment pour moi. Et puis ma sensibilité aussi. C’est peut-être pour cela que mes photos sont souvent perçues comme sombres ou mélancoliques. Voir la lumière disparaître me touche, et j’essaie donc de la préserver. C’est en quelque sorte une tentative pour mettre la vie en pause. Appuyer sur le bouton « stop » de l’existence et figer le présent afin de pouvoir, d’une certaine façon, le sauver et le revivre plus tard.
La lumière tout comme ses zones d’ombres sont, au fond, le sujet principal de chacune de vos photos ? Oui. Tout le monde cherche un équilibre, le mien se situe à la croisée de la clarté et des ombres. J’essaie de capturer ce moment de balance. Et pour cela, de ne pas trop penser, d’éviter la sur analyse, de ne pas rechercher l’image idéalisée. C’est sans doute ce qui permet à la photographie d’être pour moi un acte d’évasion, qui me permet en même temps de me reconnecter à moi-même.
Votre approche a-t-elle changé au fil du temps ? Absolument, oui. Au début de ma carrière, je souhaitais être photo-graphe de portraits. Je suis content de ne pas avoir suivi cette voie qui n’était pas pour moi. Ma vision des intérieurs s’est aussi progressivement modifiée. J’ai désormais une passion pour les meubles vintage, qui découle évidemment des endroits que j’ai l’occasion de découvrir et qui influence ce que je souhaite transmettre et la façon d’y parvenir. Ce sont les histoires et le caractère derrière les objets et les lieux qui m’intéressent. Et j’aime capturer des fragments plutôt que des vues d’ensemble, des morceaux qui interpellent. Quand je regarde une photo prise par un autre, j’aime me dire que j’aurais voulu être là.
S’il ne devait rester qu’un projet, dont vous soyez particulièrement fier ? J’ai récemment survolé Londres afin d’en prendre des clichés. J’ai apprécié l’expérience, d’autant plus que j’ai longtemps craint de voler. Mais quand je prends l’avion avec mon appareil photo, j’y puise du courage. La photo a, au fond, toujours été mon excuse pour dépasser mes blocages. Et je lui suis reconnaissant de m’emmener à tant d’endroits différents, chacun me permet de m’immerger dans mon propre monde.
Geraldine Dohogne - « Il y a un lien profond entre humain et design »
Geraldine Dohogne
« Il y a un lien profond entre humain et design »
Mots : Barbara Wesoly
Photos : DR
« J’aime donner une âme à un lieu », affirme-t-elle avec passion. Et de fait, Geraldine Dohogne enracine sa vision de l’architecture d’intérieur dans le ressenti autant que dans l’esthétique, concevant avec superbe et à travers le monde des espaces où il fait bon vivre. Parmi ceux-ci, le Landal Hillview Resort Grandvoir, situé à Neufchâteau, un complexe hôtelier novateur, dont la beauté s’écrit en harmonie avec la nature. Et dans la pleine lignée du crédo de la gantoise : Beyond design.
Près de 5 ans se sont écoulés depuis le lancement de votre studio, Geraldine Dohogne Design. Que vous a apporté cette envolée en solo, après plus d’une décennie passée au sein du prestigieux groupe Zannier Hotels ? J’avais pu entamer un chemin incroyable au sein de Zannier Hotels et concevoir de nombreux projets internationaux. Mais désormais s’ouvrent à moi d’autres horizons et de nouveaux challenges. C’est une aventure extraordinaire que je ne regrette pas une seconde d’avoir entreprise. Depuis 2020 et la création du studio, j’ai eu la chance de signer deux très belles réussites, l’une résidentielle, avec une maison aménagée au cœur de Londres et l’autre dans le domaine hôtelier, grâce au Landal Hillview Resort Grandvoir.
Vous expliquez débuter chacun de vos projets par une page blanche, qui s’inscrit au sein d’une histoire plus vaste. Quelle était celle du Hillview ? Les Ardennes belges et la volonté d’un panorama dévoilant la nature environnante, dans toutes ses saisons. L’emploi aussi de matériaux de provenance locale ainsi que des teintes chaudes, comme du terracotta et des nuances de vert, se mêlant au gris et au noir de la pierre. Je voulais enrichir la vision de la région de ceux qui viendraient y loger tout en leur donnant envie de la découvrir. On peut ainsi louer des vélos sur place et il y a de nombreux points d’observation et d’apprentissage sur les oiseaux, les animaux, la végétation, afin d’ancrer cette exploration.
Les liens humains sont-ils aussi au coeur de ce récit ? Tout à fait. L’hôtellerie implique de fait une grande part de lien aux autres. Réaliser le plus beau des projets n’a pas de sens s’il ne parle à personne. Que l’on conçoive un lieu de passage ou de vie, on souhaite susciter le désir d’y rester. L’essence de tout cela, c’est l’humain. Et c’est aussi le cas pour les collaborations liées à ce métier. Le Hillview était l’occasion de retrouver Geert de Paepe, propriétaire des lieux ainsi que du 1898 The Post à Gand, dont je m’étais également occupée. Nous partageons la même vision et sa confiance m’a permis de laisser totalement libre cours à mon imagination pour créer l’architecture intérieure du resort. C’était très précieux.
Vous qui aimez gérer la conception d’un lieu de A à Z, était-ce réalisable pour un imposant complexe de 84 lodges et 16 chambres, s’étendant sur 43 hectares ? La taille importe peu au final et une habitation se révèle parfois plus complexe qu’un hôtel. Je tiens à gérer l’ensemble d’un projet, car c’est ce qui permet de créer une réelle immersion. Dans le cas du Hillview, cela passait aussi par une expérience pensée pour faire le bonheur de chacun et où savourer du temps de qualité ensemble, avec des aires de jeux et des activités sportives. La possibilité de s’y ressourcer, mais aussi d’y travailler. Pourquoi ne pas s’installer avec son ordinateur ou lire, dans les fauteuils à bascule de la terrasse de son lodge, tandis que les enfants jouent à proximité, ou que l’un des convives regarde la télévision dans sa chambre.
Mêler luxe et lodge était-il un vrai défi ? Je vois le luxe avant tout comme un sentiment, tout comme l’élégance est un savoir-vivre. Une atmosphère que l’on induit par la matière, les textures et les tonalités, ainsi que par le plaisir de circuler entre les différents espaces. Mon objectif était de créer un concept mélangeant l’insolite et le haut de gamme. Un endroit qui amènerait à ressentir pleinement où l’on se trouve. Voyager n’amène pas forcément à être inscrit dans sa destination. A Hillview, cet ancrage se retrouve partout. Dans les pierres issues d’une carrière à proximité et le bois des tables basses provenant d’arbres du site. Par les meubles conçus au sein d’entreprises de travail adapté de la région et les antiquités chinées partout en Belgique.
Du Népal au Mexique en passant par Bali, vous enchaînez les projets internationaux. Où vous emmènent-ils actuellement ? Dans les montagnes de la région d’Upper Mustang au Népal. Je m’y occupe depuis 2 ans de la restauration d’un palais du 17e siècle situé à 3000 mètres d’altitude et transformé en hôtel d’exception de 16 chambres. Un énorme défi, par sa localisation et son climat, qui amène à ne pouvoir y travailler que six mois par an. Mais pour son propriétaire, c’est le projet d’une vie, puisque les fonds en seront reversés à la communauté locale. L’humain, toujours.
JW Architects - Révéler l’âme des lieux
JW Architects
Révéler l’âme des lieux
Mots : Olivia roks
Photos : Cafeine
JW Architects, un talentueux duo belge composé de Julie Wissocq et Aurélien Courtois, se consacre à l’art de la rénovation et de la création contemporaine. Ces architectes passionnés ont pour ambition de révéler l’âme des espaces qu’ils transforment ou conçoivent. Leur atout ? Jongler avec brio entre architecture, architecture d’intérieur et décoration, des disciplines qu’ils manient avec grande maîtrise.
Julie Wissocq, pouvez-vous nous parler de votre parcours ? J’ai grandi en Afrique, avant de revenir en Belgique où j’ai étudié l’architecture à Saint-Luc, avec une année Erasmus à Montréal. J’ai débuté ma carrière auprès d’un ingénieur architecte qui m’a transmis des bases solides en techniques, rigueur et urbanisme. Ensuite, j’ai passé six ans chez Iceberg Architecture Studio, une expérience qui m’a fait découvrir l’architecture d’intérieur, un domaine qui m’a tout de suite captivée. Puis, j’ai rejoint Esther Gutmer, une décoratrice renommée avec qui j’ai eu la chance de voyager et de travailler sur des projets d’envergure. Lorsqu’elle a pris sa retraite, il est devenu évident pour moi que je devais créer mon propre bureau.
Comment est né JW Architects ? Aurélien et moi avons commencé à collaborer chez Esther Gutmer, et c’est là que nous avons réalisé que nos visions étaient parfaitement alignées. En 2019, nous avons décidé de fonder JW Architects. Dès nos débuts, nous avons eu la chance d’attirer de beaux projets, avec des clients fidèles qui nous ont fait confiance. Nous travaillons toujours main dans la main, avec une approche collaborative sur chaque projet.
Quelle est l’essence de JW Architects ? Qu’est-ce qui vous distingue ? Notre travail se caractérise par le respect du contexte architectural et environnemental. Nous cherchons à comprendre l’histoire des bâtiments que nous rénovons pour préserver ce qui en fait leur âme. L’intégration harmonieuse de l’architecture intérieure et extérieure est également primordiale pour nous. Chaque projet est une aventure collective, où nous travaillons main dans la main avec des paysagistes, des décorateurs et des artisans pour garantir une cohérence esthétique et fonctionnelle du début à la fin. Notre philosophie est de prendre en charge les projets de manière globale, en allant du concept initial jusqu’au dernier détail de finition. Pour nous, la plus grande récompense est un client satisfait qui nous confie ensuite sa maison de vacances.
Vous semblez avoir un penchant pour le minimalisme. Pourquoi ce choix ? Effectivement, nous privilégions un minimalisme chaleureux, loin de toute froideur. Il s’agit pour nous de créer des espaces à la fois épurés et accueillants, où chaque élément a sa place et contribue à une atmosphère apaisante et intemporelle. Nous aimons utiliser des matériaux naturels, imparfaits mais authentiques, comme le bois brut, la pierre ou le bronze. Ces matières apportent une chaleur et une élégance discrète à nos projets, que nous aimons décliner également dans des pièces de mobilier sur mesure.
Quels sont les styles ou les tendances que vous adoptez ou laissez de côté ? Nous ne suivons pas spécialement les tendances éphémères, notre objectif est de créer des espaces intemporels. J’explique toujours à nos clients que s’ils comptent habiter leur maison pour les vingt prochaines années, il est essentiel qu’ils s’y sentent bien, sans avoir envie de tout changer dans cinq ans. Cela dit, nous ne sommes pas très friands des intérieurs trop décorés ou trop chargés. Ce style peut convenir à un hôtel ou un restaurant, mais pas à un espace de vie quotidien. En revanche, nous aimons utiliser des matériaux de récupération et des formes organiques et arrondies, qui apportent cette douceur que nous recherchons.
Parmi vos nombreux projets, lesquels vous ont particulièrement marqué ? Nous avons eu la chance de travailler sur des projets variés, principalement résidentiels, mais aussi des bureaux et des boutiques. Notre travail est principalement basé sur le bouche-à-oreille, que ce soit en Belgique ou à l’international. Récemment, nous avons terminé une magnifique propriété à Saint-Tropez, avec vue sur mer et pins parasols, un cadre de rêve. Une autre réalisation qui nous a marqués est une maison de maître pleine de charme, avec ses moulures et sa lumière exceptionnelle. Nous avons également créé une boutique, Butterfly à Waterloo, où nous avons pu exprimer notre créativité avec des tringles en laiton et des enduits sur mesure. Les projets les plus intéressants ne sont pas toujours les plus grands. Actuellement, nous travaillons sur la construction d’une maison en bois au cœur d’une forêt à Dinant, ainsi que sur une maison moderniste à toit plat à Lasne. Nous sommes également impliqués dans la réalisation de projets en Sardaigne et à Knokke.
Un projet rêvé que vous aimeriez réaliser ? Aurélien et moi adorons la nature et les voyages. Nous rêvons de concevoir un écolodge en Afrique, des écuries, car je suis passionnée d’équitation, ou encore un boutique-hôtel à Lisbonne ou au Cap.
Ado Chale - De l’âme à la matière
Ado Chale
De l’âme à la matière
Mots : Barbara Wesoly
Photos : Gilles Van den Abeele
Durant plus de 65 ans, Ado Chale aura été un être de création. Vibrant tout entier au diapason d’un art en trait d’union du brut et du précieux, du noble et de la nature. Ce sont désormais ses enfants, Ilona et Pierre qui se font les garants de son œuvre monumentale, mais aussi le prolongement de celle-ci. L’émerveillement et la liberté en héritage, comme l’explique Pierre Barbion-Chale.
Designer, minéralogiste, forgeron, artiste… les définitions apposées à votre père et à ses créations sont nombreuses. Vous qui avez grandi aux côtés d’Ado Chale, comment raconteriez-vous son univers et son processus créatif ? Mon père est une personne profondément humble, qui s’est toujours considérée comme un artisan au service des matières nobles qu’il façonnait. Plus qu’une technique, ce qui le guidait c’était l’émerveillement et la fascination pour les choses les plus infimes, souvent invisibles aux yeux des autres. Et un regard resté brut et intègre, qui refusait les influences extérieures. Il expérimentait les formes et les matières, dessinait, sculptait et concevait des meubles et des objets, s’imposant uniquement de créer avec authenticité.
Ado Chale étant âgé de 96 ans, votre sœur Ilona et vous veillez désormais sur l’ensemble de ses réalisations. Vous considérez-vous tous deux comme les gardiens de son histoire et de son patrimoine ? Certainement. Ces rôles se sont imposés à nous naturellement. La création a toujours été partie intégrante de notre famille, son noyau. Mais j’ai la certitude que même si nous n’étions pas là y contribuer, la vision de notre père perdurerait. Les initiés distinguent d’emblée un meuble Chale. Il jouit d’une forme de reconnaissance inouïe aujourd’hui, fondé sur des décennies de travail et de passion, ayant légué une production colossale qui ne disparaîtra pas. Ses tables de pierre ou de bronze pourront résister au temps encore des milliers d’années. Et cela rend cet héritage d’autant plus émouvant.
Ilona gère la promotion de son travail et sa reconnaissance, tandis que vous êtes à la tête de la création et de la direction artistique. Souhaitez-vous aujourd’hui lui donner une autre forme ou marcher dans ses pas ? Prêtez un même outil à mille personnes et chacun l’emploiera à sa façon, tout comme nous sommes tous uniques. Mon approche est un peu différente de celle de mon père, ma sensibilité aussi. J’ai par exemple débuté en réali-sant des objets à base de mosaïque d’os. Nous avons chacun d’une certaine façon notre musique, mais je reste fidèle à sa ligne de conduite. C’est le sens même de ma démarche.
Tout comme lui, vous êtes auto-didacte. La curiosité est-elle à ses yeux et au vôtre la meilleure des écoles ? Quand je pense à mon enfance, je me rappelle ce même atelier où je continue son travail aujourd’hui. Et ma fascination en découvrant ces énormes bacs contenant des pierres de toutes formes et couleurs, des minéraux, mais aussi de la malachite, du jaspe, des cristaux, ou encore des grains de poivre, des perles et des morceaux de bois, chinés au fil de ses voyages et avec lesquels je pouvais expérimenter comme un vrai terrain de jeu. Mon père a toujours aimé partager cette aventure. Sur la façade était d’ailleurs inscrit « Atelier d’artistes » au pluriel. Son optimisme était contagieux et sa passion a nourri notre esprit créatif, à mon frère, ma sœur et moi. Une passion qui tenait plus du besoin viscéral. Il ne s’arrêtait jamais d’imaginer et de créer.
Pourquoi avoir choisi de réaliser cette rétrospective, qui sera présentée à partir d’octobre dans les écuries de l’hôtel Solvay ? Marque-t-elle un nouveau cap, après celle au Bozar en 2017 ? Mon père ayant un grand âge, nous voulons lui offrir encore une fois cet honneur de son vivant. Ce sera l’occasion de présenter l’ensemble de son travail, les nouvelles créations que j’ai faites comme les pièces iconiques façonnées il y a 50 ou 60 ans. Et permettre ainsi aux amateurs de revoir ses œuvres et à ceux qui ne les connaissent pas encore de découvrir la façon dont nous les inscrivons dans une continuité.
Comment votre père vit-il les hommages à ces 65 ans d’une vie dédiée à la création ? Il n’a jamais cherché à atteindre les étoiles ni couru après la gloire. Il n’imaginait pas que ce qui naissait dans son petit atelier ixellois puisse avoir une telle portée et une fois qu’il l’a compris, il en a été le premier surpris. Aujourd’hui, il n’en a hélas plus conscience. Mais sa modestie l’a toujours amenée à vouloir qu’on honore ses réalisations plutôt que lui-même.
Peut-on dire aujourd’hui que l’art d’Ado Chale s’écrit en duo ? Non, je ne crois pas. C’est lui le pilier. Je ne vais pas me substituer à mon père. Je continuerai à appréhender son travail à ma manière, en mêlant ma vision à la sienne, mais cela reste son œuvre. Et je veille à la faire vivre à travers ma main.
Exposition Rétrospective d’Ado Chale, du 18 octobre au 16 novembre 2024,
36 Rue Lens, 1050 Ixelles.
Le Belge hors frontières par Ludivine Pilate
Le Belge hors frontières par Ludivine Pilate
Mots : Olivia Roks
Photo : Sébastien Vandenwouwer
Pour le plaisir ou pour l’investissement, quand il le peut, le Belge aime se faire plaisir avec l’achat d’un second bien. Résidence secondaire ou bien d’investissement ? Côte belge, France ou Espagne ? Ludivine Pilate, CEO chez Puilaetco, une succursale belge de Quintet Private Bank, nous informe et nous aiguille sur ce projet qui fait rêver nombre de Belges.
Peut-on dire que le Belge est particulièrement friand à l’idée de s’offrir une seconde résidence ? Tout à fait ! Le Belge affectionne particulièrement la seconde résidence. On peut même parler de tendance. Une fois que l’on a constitué un peu de patrimoine, le bien émotionnel, la maison de vacances devient une évidence. On souhaite « reproduire le schéma ». Soit on reprend la maison de vacances qui appartenait aux parents par souvenir et émotion, soit on crée son propre projet. Le projet d’une maison de vacances est principalement dans un but de faire plaisir aux autres : enfants, petits-enfants, amis, pour passer du bon temps ensemble. Avec l’augmentation du télétravail, ces résidences secondaires deviennent aussi des lieux de ressourcement où travailler en toute quiétude.
Vos clients sont-ils nombreux à avoir une seconde résidence ? Si l’on considère la clientèle ayant plus d’un million en portefeuille chez Puilaetco, environ 80 à 90% d’entre eux possèdent au minimum un deuxième bien immobilier. Parmi ces heureux multi-propriétaires, la majorité utilise ce second bien pour usage personnel, tandis que d’autres le destinent à la location.
Sur quoi attirez-vous l’attention quand un client souhaite un second bien hors de la Belgique ? Le client doit décider de la distance qu’il est prêt à parcourir. C’est une considération personnelle. Est-ce un achat dans un but d’investissement ou personnel ? Ensuite, il est crucial de se faire aider, de bien s’entourer, de trouver un bon agent immobilier et de connaître les acteurs du pays : le rôle de l’agent immobilier, du notaire et de l’avocat, qui diffère d’un pays à l’autre.
Y a-t-il une réglementation pour ces biens ? Un régime fiscal particulier ? Outre les frais et taxes liés à l’acquisition du bien, celui-ci fait est souvent soumis à une taxe foncière qui peut être augmentée par des taxes locales, communales, départementales ou cantonales. Citons le précompte immobilier auquel s’ajoutent souvent une taxe de seconde résidence et/ou une taxe de séjour. Certains États lèvent également un impôt sur la fortune (comme en France ou dans certaines régions d’Espagne) en fonction de la valeur du bien. En Belgique, un bien étranger se voit attribuer par l’administration fiscale belge un revenu cadastral, comme tout bien situé en Belgique. Ce revenu cadastral devra être déclaré chaque année à l’impôt des personnes physiques et sera exempté sous réserve de progressivité. Ceci signifie que ce revenu sera exonéré d’impôt, mais il en sera tenu compte pour déterminer l’impôt dû sur les autres revenus imposables dans le chef du résident belge. Si le bien est mis en location, les loyers seront imposables dans le pays de situation du bien. Le bénéficiaire des loyers devra déposer une déclaration à l’impôt des non-résidents dans le pays où se situe le bien. Dans certains pays, une retenue sera effectuée directement par l’organisme intermédiaire de location. Chez Puilaetco, nous sommes là pour vous accompagner.
Y a-t-il des restrictions face à ce genre d’achat ? Il n’existe pas de restrictions à l’acquisition au sein de l’U.E., qui se caractérise par la liberté de circulation des personnes et des capitaux (sauf rares exceptions). En dehors de l’Union européenne, notamment en Suisse, l’autorité peut imposer des restrictions à l’acquisition par des ressortissants étrangers. Par exemple, certains cantons suisses interdisent la vente à des étrangers, sauf si le bien appartient déjà à un étranger non domicilié en Suisse. Certains États (hors UE) exigent que l’acquisition du bien se fasse en indivision avec un résident local ou après obtention d’un permis d’achat (le Danemark par exemple).
Des pays sont-ils plus attractifs que d’autres ? Chez nous, peu de clients investissent hors Europe, hormis éventuellement au Maroc. La côte belge et le sud de la France restent les premiers choix. Le chalet à la montagne est plus spécifique. Les pays les plus attractifs sont la France, l’Italie et l’Espagne. Il est à noter que la France connaît une fiscalité assez complexe comparée à l’Italie ou à l’Espagne.
Hormis l’immobilier, le Belge aime-t-il investir dans d’autres passions ? Quels sont les autres domaines dans lesquels Puilaetco apporte son expertise ? L’art reste une passion très présente, avec l’envie de construire une collection et la transmettre. Plusieurs familles belges sont de réels collectionneurs. Chez nous, Sophie Clauwaert, Art Advisor, est notre experte. Elle apporte son aide lors d’achat ou de vente, conseille sur les assurances, la rénovation, aide au transport et met en contact avec les bons intermédiaires. Les autres passions incluent la gastronomie, avec parfois des investissements dans le vin. L’automobile est également appréciée, bien que ce soit un domaine plus de niche. L’offre de service de gestion chez Puilaetco va de pair avec un accompagnement dans ces multiples domaines.
Maisons rêvées signées Hervé Vanden Haute
Maisons rêvées signées Hervé Vanden Haute
Mots : Olivia Roks
Photos : DR
Esthétiquement élégantes et modernes, les villas de l’architecte Hervé Vanden Haute sont avant tout fonctionnelles, confortables, parfaitement pensées et ultra lumineuses. Dans ses bureaux situés en Brabant wallon, il imagine des réalisations uniques. Son dessein ? Sublimer les envies du client et imaginer leur maison idéale.
Échange dans votre bureau, entourés d’ouvrages tels que « Minimalisme », « Bien bâtir en Belgique », « Paradis verts » ou encore « Maisons spectaculaires »… Des livres vous inspirent ? Quel architecte êtes-vous ? Je suis tombé dedans tout petit. Ma mère achetait des magazines d’architecture, et je me plaisais à copier et dessiner ces villas. Très vite j’ai su que je voulais devenir architecte, c’était une évidence. A 17 ans, j’ai pris le bus et je suis allé m’inscrire à Saint-Luc. Après les études, mon premier stage était auprès d’une expertise judiciaire, ce qui m’a appris la rigueur. Ensuite, j’ai travaillé sept ans dans un bureau de restauration de patrimoine. C’était très intéressant ; cela m’a permis de développer une sensibilité aux matières, le respect des bâtiments et des lieux. En parallèle, j’ai développé ma clientèle et j’ai pris la décision de faire ce que j’ai toujours voulu : du logement !
Quelle architecture défendez-vous ? Quand on regarde l’ensemble de mes réalisations, on comprend très vite que je crée des villas plutôt contemporaines, sobres, très vitrées, minimalistes. La fluidité, la circulation et la lumière sont primordiales dans chacun de mes projets. Mes clients viennent à moi pour rêver. Chaque projet, je vais donc le rêver, sans oublier que c’est un projet pour eux et non pour moi. J’adore les écouter mais aussi les contredire, comprendre réellement ce qu’ils désirent. Le résultat doit leur plaire et je dois en être fier. Je ne sacrifie jamais l’esthétique au fonctionnel, mais je m’efforce toujours de concevoir des lieux qui correspondent le mieux au mode de vie du maître d’ouvrage pour dépasser ses attentes.
Vous avez une merveilleuse approche de la lumière, mais on vous appelle aussi particulièrement pour des terrains qui sont difficiles à aborder… Bien sûr, la lumière est essentielle. Baies vitrées, effets lumineux, j’aime créer des jeux de lumière. Souvent, de prime abord, mes maisons ont l’air fermées, mais en fait, elles sont baignées de lumière. Je suis aussi connu pour créer des projets sur des terrains particulièrement difficiles. J’avoue que ça m’amuse ; je transforme les contraintes en avantages ! Il est primordial également que mes villas restent en osmose avec la nature. Le souhait n’est pas d’en mettre plein la vue, mais qu’elles se fondent dans le paysage, qu’elles s’effacent.
Comment souhaiteriez-vous que vos clients vivent vos maisons ? Beaucoup de clients me disent que depuis qu’ils ont construit, ils n’ont plus la même envie de partir en vacances. Ils sont bien chez eux. Je pense alors que le projet est réussi.
Quand vous construisez, quel est le moment que vous préférez ? Le moment où tout s’emboîte. Durant la phase d’avant-projet, je cerne les envies et puis, à un moment, la solution est là. C’est clair, tout coule de source, toutes les pièces du puzzle s’assemblent, chaque choix a sa raison : le projet est cohérent.
Quelle serait la plus grosse erreur architecturale dans une construction ? Qu’est-ce que vous ne supporteriez pas ? Que le projet ne réponde pas aux besoins des occupants. Les erreurs architecturales peuvent être interprétées ou détournées, mais un bâtiment a une fonction qu’il ne faut pas oublier. Autre point négatif : le manque de lumière. Mes réalisations sont ouvertes sur l’extérieur, on en a tant besoin en Belgique. Il faut arriver à capter la lumière.
Est-ce que vous vous chargez également de l’architecture intérieure ? De plus en plus ! Mes projets sont toujours très léchés dès le départ en proposant un concept global. Mon bureau accompagne le client principalement pour le choix de l’éclairage et les meubles sur mesure. Idéalement, l’étape suivante serait de pouvoir l’accompagner dans le choix du mobilier (fauteuils, tables, etc.). Pour l’extérieur, je collabore avec des architectes de jardin. Selon moi, le luxe c’est ce qui ne se voit pas. Des réalisations où tout est intégré : stores, descentes d’eau, système sonore…
Un bâtiment qui vous anime en Belgique ou ailleurs ? Au cœur des Grisons suisses, dans l’hôtel 7132, les thermes de Vals de Peter Zumthor. Pour l’architecture, l’expérience spatiale et sensorielle. Si un jour vous avez l’occasion d’y aller, séjournez à l’hôtel et allez à l’ouverture des thermes à 7 heures. Vous ne les aurez rien que pour vous. Et cerise sur le gâteau, le petit déjeuner est incroyable !
Des projets en cours ? Une quinzaine de projets, plusieurs en Brabant wallon et une incroyable finca à Marbella.
Un projet rêvé un jour ? Un projet ultra contemporain implanté dans un magnifique paysage. Pourquoi pas en Italie, sur la côte italienne.
Dominique Eeman - Créatif par nature
Dominique Eeman
Créatif par nature
Mots : Barbara Wesoly
Photos : Stefano Arcari
Dominique Eeman travaille le vivant comme une sculpture, y apposant ses lignes et sa signature tout en en embrassant la matière. Dans ses jardins suspendus, maritimes ou avant-gardistes, il cultive avec ingéniosité et beauté sa passion de l’organique. Portrait d’un botaniste dans l’âme qui s’accomplit hors des sentiers battus.
Vous définissez vos réalisations comme une quête de symbiose entre habitation et jardin. Comment parvenir à celle-ci selon vous ? En comprenant pleinement le lieu et les éléments qui le composent : son architecture, les bâtiments présents, ainsi que la nature environnante. Mon premier acte est de parcourir les environs pour découvrir les végétaux qui y poussent, la typologie et les spécificités du sol. Œuvrer avec de la matière organique demande de s’adapter à elle et d’accepter de suivre son rythme et ses impératifs. Il est également crucial de connaître ceux qui vont habiter ce lieu. Un jardin doit être comme le prolongement d’un lieu de vie, un espace où l’on mange, savoure et reçoit des amis, où l’on doit se sentir bien. Les plus beaux projets sont ceux en adéquation avec leur propriétaire et ses souhaits. Il faut que cette volonté intérieure infuse vers l’extérieur, créant une véritable symbiose, une unité.
Au-delà de ces premiers critères, abordez-vous chaque lieu comme une étendue vierge prête à être remodelée ? Pas totalement vierge, non, mais résolument nouvelle. Je jette d’ailleurs toujours la première esquisse d’un jardin, car elle sera forcément la plus évidente. Je m’impose d’imaginer plus loin, de concevoir au-delà. Souvent, il s’agit également d’un mariage d’impulsions, surtout lors de missions pour des connaisseurs ou à partir de demandes très spécifiques. Par exemple, pour un projet mené en parallèle avec les architectes Paul Robbrecht et Bruno Moinard, ils avaient conçu une maison blanche monochrome et le jardin devait rehausser l’ensemble d’une touche colorée. Je devais perpétuer leur vision tout en y apposant la mienne.
Enfant, votre fascination pour la nature, vous est venue de la mer du Nord, à proximité de laquelle vous viviez une grande partie de l’année. Comment l’eau vous a-t-elle menée à l’architecture paysagiste ? J’ai toujours ressenti une proximité, un lien avec la nature. Nous habitions à la côte et voyagions beaucoup. J’ai commencé très tôt à dessiner et je rêvais d’un métier qui me permettrait de voir le monde. Ces trois passions m’ont conduit à cette voie. Lors de mes études, j’ai dû réaliser un stage à l’étranger. J’ai choisi le Midi de la France et j’ai été fasciné par la végétation méditerranéenne. Cela a directement éveillé en moi l’envie de me spécialiser dans les jardins côtiers, qui représentent aujourd’hui 90 % de mon travail.
Jardin sur les toits, de sculptures et même jardin maritime : vous osez l’inattendu et le tout terrain. Mais quel type de jardin a votre préférence personnelle ? Je peux me sentir aussi bien dans un endroit sauvage que dans un cadre très travaillé aux formes sculpturales. Mon propre jardin est plutôt singulier. J’habite en plein polder, à côté d’une réserve naturelle. C’est un grand terrain que je fais évoluer progressivement tout en respectant son origine agricole, ainsi que le réchauffement climatique et les changements qui l’accompagnent. Cela nous oblige à évoluer en conscience et à accepter une part d’aléatoire.
Qu’est-ce qui, après plus de 30 ans d’activité, vous fait toujours vibrer dans votre métier ? La création me porte toujours. Je continue d’esquisser mes plans sur papier, au crayon. C’est une des phases les plus enrichissantes d’un projet à mes yeux. La seconde est l’aménagement réel, lorsque les plantes arrivent sur place. Je tiens à les disposer moi-même. Dans la majorité des jardins que j’ai conçus, j’ai tenu en main chaque plante vivace ou d’ornement. J’ai besoin de ressentir l’atmosphère qui se dégage de l’endroit et de recomposer mon puzzle sans plus tenir compte des configurations prévues. Les végétaux ne sont pas des meubles aux proportions exactes. Chacun est différent, unique, et évolue singulièrement, ce qui fait leur magie. Cette réinvention constante est ce qui rend la sculpture du vivant si fascinante.
Le ballet des lumières de Nico de Nys
Le ballet des lumières de Nico de Nys
Mots : BARBARA WESOLy
Photos : DR
Un rayon du soleil qui transparaît à travers les branches d’un arbre, des lueurs jouant sur les vagues ou la lente danse des nuages. Les œuvres de Nico de Nys défient l’éphémère et domptent le mouvement de ces instants fugitifs. Elles nous offrent de contempler indéfiniment ces heures dorées.
Ni peintures, ni vidéos, vos créations baptisées « Moments » se transforment et bougent sur une toile pour-tant immobile. Que sont-elles exactement ? Une forme d’œuvre vivante, de mélodie visuelle obtenue par une succession de photos qui capturent l’essence lumineuse d’un moment. Comme la caresse des ombres sur un mur en crépi ou les ondulations d’une piscine. Ce projet m’est venu alors que j’étais alité à cause du Covid, contemplant les reflets scintillants sur le plafond de ma chambre. Je rêvais de créer une œuvre capable de les représenter. Mais la lumière est fugace et changeante, il n’était pas question pour moi de la figer. Je voulais capturer sa trajectoire.
Ce résultat saisissant, proche d’une danse flamboyante, est rendu possible grâce à une technique d’entrelacement d’images. Comment fonctionne-t-elle ? En réfléchissant à la manière de matérialiser cette idée, je me suis souvenu d’un principe utilisé au début des années 2000 : l’impression lenticulaire, qui permettait d’obtenir un effet de relief 3D. À l’époque, cette technique était peu aboutie, mais elle a depuis évolué, permettant aujourd’hui de créer des séquences de 2 à 21 images en les entrelaçant pour obtenir un véritable mouvement. C’est devenu le cœur de mon projet artistique. Ces clichés, pris à la suite, forment une boucle temporelle, donnant l’illusion de contempler une vidéo ou un écran.
Pourquoi la lumière vous fascine-t-elle ? Je suis très sensible à la lumière depuis toujours. Elle m’apaise et j’y perçois une forme de poésie. Lors de mes études d’architecture d’intérieur à Saint-Luc, j’ai rapidement remarqué que l’éclairage d’un lieu était central pour moi. Je pouvais passer des heures à observer les ombres et les lueurs en mouvement. Je voulais permettre à chacun de ressentir les émotions qu’elles me procurent. C’est ainsi que j’ai créé mon tout premier tableau, “Light Blinds”, un suivi des stores lumineux qui apparaissaient de 6 heures à 10 heures du matin sur les murs de mes bureaux à Waterloo à l’époque. Ensuite, mon second tableau était “Sparkling Waves”, capturé à Marbella. Ce tableau représente un mouvement beaucoup plus rapide, rappelant les scintillements de la mer à l’heure de l’apéro durant les vacances.
Vous avez d’ailleurs aussi cofondé Ponctuel, une marque de montres, avec votre frère Robin. Une trajectoire qui tient de l’héritage puisque votre famille a bâti Pontiac Tic-Tac dans les années 30, avant que votre père ne crée ses propres marques. Et vous avez également lancé une griffe de t-shirts baptisée 22h:22. Une ligne du temps relie donc tous vos projets. Oui, en effet, même si c’est de manière totalement inconsciente. Je me suis toujours interrogé sur le temps. J’ai un rapport assez ambivalent avec lui. Je suis bien plus en paix avec la mort qu’avec la naissance, même si je ne me l’explique pas. Par ailleurs, il est très important pour moi de laisser une trace, d’avoir un impact. L’art m’apporte ce sentiment d’alignement avec moi-même, j’y puise une paix intérieure.
L’été dernier, vous exposiez à l’Art Unity Gallery de Knokke et ce 2 juin vous étiez présent à La Terrasse O2 à Bruxelles. D’autres rendez-vous sont-ils déjà prévus ? Mon objectif principal actuellement est de continuer cette expérimentation lumineuse et d’y intégrer de nouvelles approches. Je viens de dévoiler deux œuvres imprégnées de l’atmosphère de Marrakech, « Majorblue » et « Marracotta », qui seront suivies par un triptyque ainsi qu’un tableau scindé en deux sur la French Riviera, où apparaîtront des mots en filigrane, toujours par entrelacement d’images. Je lancerai également une collection inspirée de Berlin, suivie de New York, et je partirai prochainement capturer la lumière du Brésil.
L’aventure Jam à Lisbonne
L’aventure Jam à Lisbonne
Mots : Olivia Roks
Photos : Mireille Roobaert et Philippe Boutefeu
Un ancien bâtiment, tel un navire navire abandonné sur les rives du Tage face aux docks, renaît de ses cendres pour devenir le Jam Lisbonne. Cet hôtel passif industriel, coloré et hautement créatif, propose des chambres idéales pour les séjours entre amis ou en famille, un rooftop avec piscine ainsi qu’un restaurant exceptionnel. Le tout dans une optique abordable et fun. Après Bruxelles, retour sur l’aventure Jam à Lisbonne avec Lionel Jadot, l’architecte d’intérieur des lieux.
Aujourd’hui, honneur au Jam et à son concept ! Rappelez-nous les prémices. Le Jam est tout d’abord arrivé à Bruxelles. L’aventure débute en octobre 2014. Jean-Michel André me contacte pour un projet. Je visite le bâtiment situé chaussée de Charleroi, complètement vide, et il me demande de lui faire un projet pour le restaurant (les chambres étaient imaginées par Olivia Gustot). Il me donne un moodboard que son équipe a préparé. Je ne l’ai pas suivi… et on a inventé un nouveau concept basé sur le constructivisme et le travail de Kurt Schwitters afin d’imaginer en quelque sorte un collage abstrait.
A quoi ressemblait votre moodboard ? Comment décririez-vous ce premier Jam ? Le moodboard, axé vintage et mobilier de récupération, leur a plu. On a dessiné dans cet esprit le lobby d’entrée, la réception, le bar, le restaurant et le bar rooftop. Une aventure incroyable ! Avec Sophie Coucke, nous avons trouvé le nom de l’hôtel : le JAM. Nous avons pensé à « jam session » qui reflète un lieu d’échange mais aussi à « traffic jam » pour la touche plus urbaine.
Quelle est la ligne directrice, le fil conducteur de la ligne d’hôtels Jam en termes de concept mais aussi de décoration ? Après ce premier JAM, le groupe Nelson a pris les commandes et nous avons participé au JAM Lisbonne. Ce groupe, dirigé par Jean-Paul Putz, initie un chemin « green » pour leurs hôtels. Leur but ? Construire pour durer. A Lisbonne, nous avons poussé le concept encore plus loin en collaboration avec le bureau d’architecture A2M pour un projet le plus durable possible.
C’est-à-dire ? Comment ça s’est passé à Lisbonne ? L’aventure de Lisbonne a été longue car l’administration est lourde. Mais le voyage a été beau, agrémenté d’étonnantes rencontres comme mon ami designer Mircea Anghel. En ce qui concerne la décoration d’intérieure, l’accent a été mis sur des collaborations avec des designers locaux que nous avons curatés, ainsi que sur de nombreux matériaux de récupération issus de la région. En parallèle, nous avons eu une vraie réflexion sur l’aspect démontable de ce que l’on installait. Nous nous projetons dans une vie future où le bâtiment pourrait être transformé en autre chose. Par exemple, pour les lits, nous avons récupéré des troncs d’arbres venant d’une forêt incendiée près de Lisbonne. Chacune de ces poutres en bois peut être réutilisée comme élément dans une construction future. Pour le sol, les tablettes de lavabo et les étagères, nous avons réutilisé énormément de chutes de marbre provenant des carrières locales. C’est ça le projet Jam : un ancrage contemporain, artistique, durable et honnête, une créativité débordante et un projet qui offre une expérience client généreuse pour un hôtel 3 étoiles.
Qu’est-ce que vous préférez ou adorez particulièrement dans cet hôtel ? Sa liberté créative où rien ne semble avoir été fait en même temps. Nous avons conjugué les talents, par exemple en collaborant avec Openstructures pour tous les luminaires, qui envisagent chaque projet dans l’idée de sa seconde ou même troisième vie. Chaque élément peut ou pourra servir à constituer une partie de meuble ou de luminaire. Je retiens aussi l’ensemble de talents incroyables que nous avons alignés : Mircea Anghel, Openstructures, Grond Studio, Emmanuel Babled, Ivan Daniel Cova, Pierre Emmanuel Vandeputte, Rikkert Pauw, Mon Colonel Spit…
Peut-on dire que c’est un projet encore plus abouti que le Jam Bruxelles ? Oui, certainement. Le projet et la vision s’affinent. J’applique maintenant à tous mes projets le concept de « realistic circle » : des collaborations locales sans intermédiaires, sans ingérences financières ni créatives, avec un vent de liberté et d’inspiration très fort.
Tout autre type de créativité, j’ai adoré Mojjo, le restaurant au rez-de-chaussée de l’hôtel, vous aussi ? Oui, il est impossible de ne pas se laisser surprendre par le restaurant MOJJO. Un restaurant de cuisine fusion qui réunit des saveurs du Portugal, de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique du Sud. Le chef Mauro Airosa, 24 ans, fait son chemin dans le monde de la restauration depuis qu’il a participé à l’émission Masterchef. Les plats sont incroyables, avec des touches équilibrées, gourmandes et croquantes à la fois.
Peut-on s’attendre à l’arrivée d’autres Jam ? Oui, l’année prochaine, le Jam Gand s’inscrira dans la même veine, joyeux et responsable ! Un chantier dans les anciennes casernes Léopold, un lieu historique et incroyable.
Un rêve pour le projet Jam ? En réali-ser plus, bien sûr, et surtout affiner cet esprit abordable et didactique, honnête et frais, et partager cette créativité pour continuer à surprendre et à faire plaisir.
Paradis Apartment ou l’art de l’hospitalité
Paradis Apartment ou l’art de l’hospitalité
Mots : Barbara Wesoly
Photos : Frederik Vercruysse
Hasard aux airs de rendez-vous, c’est à deux pas des « Rock Strangers » d’Arne Quinze que Paradis Apartment a pris ses quartiers sur le littoral ostendais. Dans ce pied-à-terre superbement hybride, projet du couple Albane Paret et Micha Pycke, on se laisse bercer par la synergie de l’art, du design et du voyage, comme par le panorama plongeant sur les vagues de la mer du Nord.
Du mobilier aux assiettes, chaque élément présent au sein de Paradis Apartment raconte l’amour du beau, grâce à des œuvres uniques et des pièces en édition limitée. Comment les choisissez-vous ? Micha : Albane et moi sommes férus d’art, d’architecture et de design. Cela nous a conduits à fonder il y a sept ans, Club Paradis, une agence de communication mariant ces différentes passions à celle de l’hospitalité. Nous travaillons quotidiennement avec des artistes et des designers qui nous inspirent. Certains d’entre eux, comme Thomas Caron, fondateur de Artlead, nous ont spontanément proposé d’emprunter des œuvres pour habiller les murs de notre appartement ostendais.
Albane : Et ainsi, lorsqu’est née l’idée de Paradis Apartment, en tant que lieu de séjour dédié à l’art et ouvert au public, nous avons préparé une « wishlist » des pièces que nous rêvions d’y placer et le projet a suscité l’enthousiasme des créateurs. C’est pour eux une occasion inédite de présenter leur travail sous une forme vivante et habitée, hors des sentiers battus.
En créant ce concept original et inspirant, qui imaginiez-vous y séjourner ? Micha : Initialement, il n’était destiné qu’à nous. Albane est née à Ostende et c’est une ville dont nous adorons l’énergie. En achetant l’appartement l’été dernier, nous rêvions d’un lieu au littoral, où résider avec nos enfants et donnant sur la mer. Ce panorama exceptionnel, depuis le 8ème étage, a été l’une des raisons premières de notre coup de cœur.
Albane : Et puis progressivement nous est venue une envie de partage, autour de notre vision de l’esthétique et dans le cadre du voyage. Nous ne sommes pas une salle d’exposition, pas plus qu’une galerie. On ne vient pas visiter Paradis Apartment, mais y déposer ses valises, le temps d’un séjour de vacances, d’un évènement professionnel ou d’un shooting photo, pour y vivre une expérience inspirante. C’est le concept même de ce que nous appelons un « Curated Apartment ».
Quels ont été les aménagements nécessaires ? Albane : Lorsque nous avons acheté cet appartement, dans un immeuble des années 60, il présentait un style assez désuet mais nous tenions à en conserver certains aspects, notamment la cheminée en marbre et le parquet en chêne et puis bien sûr la rotonde et sa merveilleuse vue. En y ajoutant des touches personnelles et contemporaines, notamment une salle de bain rappelant celles des hôtels parisiens.
Micha : Nous voulions aussi ouvrir la cuisine et lui donner une identité forte. C’est Atelier Ternier qui en a conçu le meuble mural ondulant, en bois vernis, qui contraste à merveille avec un plan de travail ultramoderne en acier inoxydable.
Tous les objets et meubles présents au sein de l’appartement sont disponibles à la vente. S’agissait-il d’une façon de prolonger l’expérience ? Micha : Cela participe directement à notre souhait d’offrir à ces œuvres toute la lumière qu’elles méritent. Qu’elles aient été conçues par de grands noms comme Muller Van Severen ou soient issues de belles découvertes tel Coseincorso. Les objets et meubles seront aussi destinés à évoluer dans le futur. L’occasion de repérer de nouveaux designers et artistes, hors de notre réseau.
Quel sentiment espérez-vous inspirer à ceux qui en franchissent les portes de Paradis Apartment ? Albane : « Qu’ils soient subjugués par la vue magnétique et ressentent un véritable ailleurs. Nous avons conçu un espace où l’on peut vivre, sans pour autant qu’il ait le côté fonctionnel d’une habitation à long terme. A contrario d’un principe de « home away from home ». C’est toute la beauté du dépaysement.