JACQUES-HENRI BRONCKART : « Les rencontres avec les cinéastes guident mes choix de producteur »
JACQUES-HENRI BRONCKART
« Les rencontres avec les cinéastes guident mes choix de producteur »
MOTS : SERVANE CALMANT
PHOTOs : ANTHONY DEHEZ
Depuis 20 ans, Jacques-Henri Bronckart permet au cinéma belge et étranger d’éclore sur grand écran. Le Liégeois a le nez fin ! Assez pour produire coup sur coup « Nobody has to know » de Bouli Lanners, « Close » de Lukas Dhont et « La nuit du 12 » de Dominik Moll. Des films incontournables, multiprimés chez nous et à l’international.
Vous avez fondé Versus Production en 1999 pour produire, dans un premier temps, des courts-métrages belges, notamment ceux de Bouli Lanners et d’Olivier Masset-Depasse. A l’époque, c’est l’amitié qui guidait vos choix. En 2023, est-ce toujours le cas ? Plus de 20 ans dans la production. Quand je regarde dans le rétroviseur, j’en ai le vertige, ça passe tellement vite. La motivation est cependant restée la même, je fais toujours ce métier par amour du cinéma et des auteurs. Mais la profession a évolué : au début, nous produisions de manière plus artisanale, nous montions des projets un peu fous que nous portions sur nos épaules en rêvant de les voir se concrétiser avec une certaine naïveté. C’est toujours le cas, sauf qu’aujourd’hui, la production s’est complexifiée et les projets que nous portons ont une autre envergure. Notre back-office s’est sensiblement renforcé : pour gérer nos productions, on a besoin de nombreuses compétences qui vont de la fiscalité au juridique. Et la spécificité de la Belgique n’arrange rien ! Il faut solliciter trois niveaux de pouvoir, le Fédéral pour l’aspect fiscal (le Tax-Shelter), les Régions pour le côté économique, la Fédération Wallonie- Bruxelles pour le culturel. Bref, produire en Belgique, c’est beaucoup de paperasserie mais c’est aussi une place stimulante qui nous pousse, pour atteindre l’ambition de nos films, à coproduire avec d’autres pays.
Qu’est-ce qui guide vos choix ? Pas la paperasserie en tout cas ! (Rire) Ce sont les rencontres avec les cinéastes qui guident clairement mes choix.
Vous avez produit tous les films de Bouli Lanners, d’Olivier Masset- Depasse. Versus Production est fidèle ! Oui, la collaboration sur le long terme permet d’apprendre à connaître les auteurs et d’aller plus loin.
Et quand l’envie disparaît ? Il faut décider d’arrêter l’aventure. Ne jamais se forcer, écouter son instinct.
Versus Production montre égale- ment un goût prononcé pour les auteurs flamands à l’univers singu- lier… Nous avons en effet accompagné Tim Mielants, Fien Troch, Patrice Toye, Lukas Dhont. Et sortira bientôt le premier long-métrage de Veerle Baetens, « Débâcle », adapté du roman de Lise Spitz.
Vous êtes également gérant d’une struc- ture de distribution de films, O’Brother. Etait-ce une nécessité ? Plutôt une volonté de maîtriser également le circuit de la distribution. Cela nous permet de soigner la sortie de nos films.
Quand vous produisez un premier film, vous prenez beaucoup de risques ? Pas plus que sur un 2e ou 3e film. C’est très excitant de mettre son expérience et son regard au service d’un premier film. Le travail que j’ai initié depuis plusieurs années avec Delphine Girard est passionnant. Son court-métrage, « Une sœur », nous a amenés aux Oscars et nous venons d’achever la postpro- duction de son premier long qui est très réussi et que je me réjouis de sortir.
L’accompagnement, c’est le cœur de métier de votre travail ? Produire consiste en effet à offrir aux réalisateurs l’espace nécessaire et sécurisé pour leur permettre d’aller au bout de leur ambition. Ce qui ne signifie nullement leur donner carte blanche. Car il faut tenir compte des nombreux obstacles qui jalonnent la fabrication d’un film. Confronté aux objectifs artistiques et financiers, le producteur joue le plus souvent les équilibristes.
2022, quelle année pour Versus Production ! « Nobody has to know »,de Bouli Lanners, « Close » de Lukas Dhont, « La nuit du 12 » de Dominik Moll, tous ces films que vous avez produits ou coproduits ont été primés en Belgique et à l’étranger. Que nous réservez-vous pour 2024 ? On vient de terminer la postproduction de deux films qui devraient sortir en 2024 : « Quitter la nuit » de Delphine Girard que j’ai déjà évoqué et « Sous le vent des Marquises » de Pierre Godeau, avec François Damiens et la jeune Bruxelloise Salomé Dewaels. Une très belle histoire de réconciliation père-fille. Mais ce qui nous occupe particulièrement pour le moment, c’est le tournage de « Le prix de l’argent » d’Olivier Masset-Depasse, adapté de la BD éponyme (avec Tomer Sisley et James Franco dans les rôles principaux). C’est un film d’aventure ambitieux, avec un budget important, que nous avons financé en plein Covid, en nous heurtant de front à la frilosité d’un marché complètement déboussolé. Avec Olivier, on sort de notre zone de confort et on relève un challenge extrêmement excitant : faire un film d’aventure qui remplit le cahier des charges de la franchise « Largo Winch », tout en lui apportant une dimension actuelle et une touche assez émotionnelle. Le film sortira sur nos écrans au deuxième semestre 2024. Depuis trois ans, nous avons également collaboré avec Netflix qui a considérablement bousculé le circuit de distribution des films. Nous avons produit « Balle Perdue » et sa suite, « Balle Perdue 2 », le troisième opus est en préparation. Nous avons également produit des séries TV, notamment « La Corde » ou « No man’s land » diffusée en 2021 et 2022 sur Arte et d’autres séries sont actuellement en développement avec des auteurs maisons.
L’atelier sedanais de Serge Anton
L’atelier sedanais de Serge Anton
Mots : Olivia Roks
Le photographe franco-belge qui manie à la perfection l’art du portrait revient sur le devant de la scène avec un bel atelier à son image, une exposition où ses photographies mettent en lumière ses voyages et ses rencontres mais aussi une collaboration avec l’innovant support digital belge Ionnyk.
Votre atelier à Sedan est fin prêt. Un projet qui vous tient très à cœur... Mon père est né dans cette ville et j’y suis revenu car j’ai récupéré une maison. Ensuite, j’y ai acheté une presqu’île. C’est un ancien hangar à bateaux, au départ il n’y avait que quatre murs. Après trois années de travaux, je m’y suis fait un super atelier. J’avais envie d’être dans la nature, au bord de l’eau. Le plus important pour un photographe c’est la lumière. Et dans ce bâtiment, j’ai douze fenêtres au-dessus et l’eau tout autour, j’ai donc une lumière extraordinaire. à l’intérieur, j’ai un studio photo fermé, et à l’extérieur, un studio à la lumière du jour. On a l’impression d’être au milieu de nulle part mais je suis à cinq minutes du centre-ville. Pour travailler c’est parfait, j’ai de plus en plus de mal avec la ville. Ici, je trouve une énergie particulière.
Dans cet atelier qui est également votre studio, vous allez proposer des expositions. Qu’avez-vous à l’agenda ? Actuellement et jusque fin août, il y a une exposition mettant mes kasbahs du Maroc à l’honneur. Les clichés se déclinent via trois supports : les cadres digitaux Ionnyk, des tirages chromalux et du papier recyclé. J’ai photographié des kasbahs, ces lieux historiques et spirituels, vus du ciel depuis un hélicoptère il y a une dizaine d’années. Cette exposition s’inscrit principalement dans le cadre d’un gros festival photo : Urbi & Orbi, la biennale de la photographie et de la ville à Sedan. Un parcours artistique à travers différents points d’exposition. L’exposition présentera aussi des portraits de gens vivant dans des kasbahs et des photos de vues aériennes. Mais par la suite, d’autres expositions seront aussi à l’honneur, et pas spécialement sur la photo. Par exemple, j’aime beaucoup la céramique.
On retrouve vos mythiques clichés issus de la collection Faces sur des cadres digitaux Ionnyk. Rappelez-nous l’origine de ces incroyables photos ? Faces est en fait le nom de mon livre qui est malheureusement épuisé. Il reprend trente ans de travail mais surtout beaucoup de portraits du monde, principalement d’Asie et d’Afrique. Depuis mes seize ans, je photographie des visages, tous racontent une histoire. Je travaille au feeling, à l’instinct, à la beauté qui me touche.
Pourquoi l’envie de collaborer avec une start-up belge proposant des cadres digitaux sans câble ? Qu’est-ce que cela représente pour vous d’être passé au digital ? La femme du propriétaire adorait mes photos et de fil en aiguille ce partenariat très respectueux s’est mis en place. Je ne suis pas sectaire et je suis ouvert à tout. Je sais que certaines personnes vont dire « ce n’est pas du tirage photo ». Mais moi je suis bluffé, ça a la qualité d’un tirage photo, avec une netteté, une matière incroyable et même un passe-partout comme un tirage photo. Les gens sont souvent trompés par le résultat. La technologie est incroyable.
Qu’est-ce que ce type de cadre apporte en plus à vos photographies ? Le plus grand avantage est l’étendue du catalogue Ionnyk. Sur abonnement, Ionnyk donne accès à une application qui offre un catalogue avec une série de clichés issus de Faces. Mes visa-ges sont très puissants, il faut pouvoir les assumer, et ici, impossible de s’en lasser. On peut changer la photo selon ses envies, ses humeurs ou les gens que l’on reçoit chez soi.
Avant de se quitter, des projets à dévoiler ? Je reviens d’un voyage humanitaire, c’était incroyable, je n’avais plus fait cela depuis longtemps. Pourquoi pas réitérer ! J’ai aussi terminé le shooting pour la campagne Baobab Collection de la saison prochaine. Un client pour lequel j’ai toujours énormément travaillé. Enfin, mon éditeur souhaiterait que je fasse un nouvel ouvrage, je dois donc repartir en voyage faire des photos. à suivre donc !
LAETITIA VAN HOVE : « Accompagner les artistes belges, c’est ma mission »
LAETITIA VAN HOVE
« Accompagner les artistes belges, c’est ma mission »
MOTS : SERVANE CALMANT
PHOTOS : DR
Au sein de l’agence « Five Oh » qu’elle a fondée à Bruxelles en 2015, Laetitia Van Hove gère la communication de Clara Luciani, de Flavien Berger, de Zaho de Sagazan et d’une flopée d’artistes belges, Angèle, Charlotte Adigéry & Bolis Pupul, Lous and the Yakuza, Juicy, K.ZIA, ML, Frenetik, Glauque, parmi beaucoup d’autres. Laetitia et sa team accompagnent des artistes, ainsi que des événements musicaux dont le fameux festival de Dour dont l’agence à assuré pour la première fois la mise en avant.
Pourquoi avoir créé Five Oh? J’ai travaillé sept ans chez EMI à Bruxelles, puis j’ai rejoint à Paris un petit label indépendant. De retour en Belgique, j’ai lancé, en 2015, « Five Oh » avec l’envie de défendre à 100% des artistes coups de cœur. J’avais l’intention de travailler avec peu d’artistes, quitte à devoir refuser certains contrats. Mon élan était, et est toujours, celui du coeur, ce qui explique la longévité de ma société.
En quoi consiste concrètement votre travail ? Je gère la communication des artistes, c’est-à-dire que je suis le lien entre un artiste, son actu (la sortie d’un album, d’un EP, d’un concert, d’un événement spécial) et les médias de la culture. C’est le job de l’attachée de presse, avec lequel je renoue pleinement, puisque depuis janvier 2023, c’est Sacha Estelle, qui travaille depuis 5 ans pour « Five Oh », qui occupe désormais le poste de directrice. Je reste la fondatrice, mais je repars de plus belle sur le terrain, là où je donne ma pleine mesure.
Un travail de terrain ? Sont-ce les artistes qui viennent à vous ou vous à eux ? Les deux cas de figure cohabitent. Angèle, par exemple, est venue vers nous, elle avait entendu parler de notre travail. J’ai débuté seule ; aujourd’hui, nous sommes cinq, car on reçoit en effet de plus en plus de demandes d’artistes émergents qui recherchent une équipe de communication dynamique.
La première fois, c’était avec qui ? (rire) Avec Raphael. Nous avions travaillé ensemble quand il était sous contrat avec EMI. Quand il s’est retrouvé sans label, il m’a recontactée. Puis Clara Luciani. Avant de devenir chanteuse, elle a accompagné Raphaël sur scène, pendant un an, en tant que claviériste. Quand elle a signé son premier EP chez Universal, je me suis occupée de la présenter aux médias belges. Son premier succès radiophonique avec « La grenade », c’est à la Belgique qu’elle le doit, bien avant la France !
Quand vous présentez un nouvel artiste à la presse, essuyez-vous parfois/souvent un refus ? Oh oui ! C’est même l’histoire de ma vie. Et c’est normal. Spotify présente chaque jour 60 000 nouvelles chansons ; en Belgique, en radio, les médias doivent recevoir des centaines de nouveautés. Il faut donc batailler ferme pour placer un artiste dans la presse. C’est mon job de convaincre de l’intérêt de tel ou tel artiste pour tel ou tel média, en fonction de tel ou tel événement ou festival, par exemple.
Alors pourquoi tel artiste ? Parce qu’il partage nos valeurs. « Five Oh » a à cœur de défendre un équilibre entre des artistes masculins et féminins et les personnes racisées. On privilégie le relationnel avec nos artistes pour coller au plus près du message qu’ils souhaitent passer. Oui, nos valeurs sont au coeur des relations que nous nouons et défendons avec les artistes et les journalistes.
Est-ce une fierté de défendre des artistes belges ? Plus qu’une fierté, c’est une mission. En Belgique, nous avons des artistes fabuleux, originaux, qui n’ont pas peur de sortir des clous, d’oser, d’y aller… Est-ce dû à la complexité du pays ? Peut-être…
Five Oh gère la com’ d’artistes musicaux mais vous créez également des événements musicaux… Depuis 2016, j’organise les « Fifty Session », un événement mensuel qui présente un artiste émergent belge et un artiste international dans un lieu bruxellois. Le show se passe en soirée, dure 25 minutes, est gratuit mais sur invitation uniquement via nos médias partenaires. C’est un véritable tremplin médiatique. J’ai ensuite, en 2019, créé les « Fifty Lab », soit trois jours de marché à Bruxelles pour permettre aux jeunes artistes de se faire découvrir par des programmateurs de vingt festivals musicaux internationaux. Ainsi le groupe belge Ada Oda a reçu cinq invitations pour venir jouer dans des festivals européens et a été programmé par Radio Nova en France. C’est une belle reconnaissance !
Du tac au tac avec Sacha Estelle, nouvelle directrice de Five Oh
Le point fort de Five Oh ? Nous sommes une équipe à taille humaine aux goûts musicaux très diversifiés, rock indé, pop, rap, électro, qui défendons uniquement les artistes et projets que nous aimons. Cette relation de très grande proximité avec nos artistes nous permet de développer un relationnel sur le long terme et des campagnes créatives.
L’artiste belge qui a fait récemment appel à vous ? ML avec laquelle on travaillait déjà quand elle était la chanteuse du groupe Sonnfjord. Preuve de notre belle complicité avec les artistes.
Dour, pour la première fois, c’est du lourd ! Nous représentons des festivals de taille diverse, Les Aranulaires à Arlon, Horst à Vilvoorde et… le Dour Festival, pour la première fois. On a assuré les relations presse du festival et de tous leurs artistes (notamment Lomepal, Orelsan, Damso). Un magnifique challenge car Dour se renouvelle chaque année.
www.fiveoh.be
L’art de la fête selon BART ROMAN
L’art de la fête selon
BART ROMAN
Mots : Barbara Wesoly
Photos : Anthony Dehez et Alexander Popelier
C’est sur la plage de Zeebrugge que renaît chaque année WECANDANCE, au son des meilleurs artistes électro, pop et dance. Pour sa dixième édition, le festival se pare d’un thème chatoyant, véritable ode à la mer, baptisé Sea, Sand & Sun. Sans oublier quelques surprises, comme le raconte son fondateur Bart Roman.
WECANDANCE célèbre cette année ses dix ans. Une décennie qui l’a vu prendre toujours plus d’essor. Quel est, selon vous, le fondement de ce succès ? De moins de 1500 visiteurs par jour, durant un week-end, à une édition de quatre jours, rassemblant journalièrement 6000 festivaliers, nous avons en effet parcouru un incroyable chemin. WECANDANCE se conçoit au-delà du concept de fête et de live, en une expérience exclusive, tout à la fois musicale, vestimentaire, culinaire et bien-sûr humaine. C’est la raison d’être de ce thème que nous renouvelons totalement chaque année, aussi bien par son décor que par son cadre. Il a pour but d’insuffler une dynamique joyeuse et étincelante au festival, en créant une véritable alchimie entre les participants, grâce à un style et une fantaisie commune. C’est ce qui apporte l’étincelle à part.
Comment vous est venue l’idée de créer le festival ? J’ai toujours travaillé dans l’évènementiel. J’ai eu des clubs, des bars, des restaurants. En 2008, après un évènement à Knokke, j’ai réalisé qu’aucun important rassemble festif n’était proposé à la côte belge en été. De là est née l’idée de lancer un festival, qui aurait la particularité de se dérouler en journée et soirée, pour une atmosphère inédite et qui se situerait à Zeebrugge. Calvi on the Rocks, le superbe festival corse, a été une grande source d’inspiration. Tout en conservant ce postulat de style cool et de mode, nous l’avons repensé à destination de la Belgique.
Cette édition accueillera 7 scènes sur la plage. Ce cadre maritime entraîne-t-il des contraintes particulières ? En 2019 nous avons affronté une violente tempête. C’était extrêmement stressant pour nous mais en parallèle une atmosphère incroyable s’est emparée de WECANDANCE lorsque les éléments se sont déchaînés. Certes il faut prévoir des générateurs et des abris, aussi bien pour parer au soleil qu’au mauvais temps, mais chaque lieu a ses particularités.
Comment envisagez-vous l’avenir de WECANDANCE ? Resignez-vous pour 10 ans ? J’ai la conviction que nous serons toujours là dans dix ans. Si notre public des premières éditions avait entre 25 et 35 ans, aujourd’hui nous y retrouvons aussi des cinquantenaires accompagnés de leurs enfants. Cela amène une dynamique incroyable. Je travaille aussi sur une dimension supplémentaire, encore secrète, pour le festival. Créer et innover en permanence est ce qui m’anime et la force même de WECANDANCE.
RENCONTRE AVEC LAURA PRAET
Vous êtes la directrice artistique de WECANDANCE depuis sa création. Où puisez-vous vos inspirations pour chaque édition ? Notre référence première est la mode. Nous suivons les défilés du printemps/été à venir, pour y déceler les tendances phares, toujours liées à la mer et à l’invitation au voyage, qui font l’essence de WECANDANCE et ainsi orienter le style de la future édition. Ensuite, nous insufflons celui-ci à chaque aspect du festival. Cette année, le thème Sea, Sand & Sun fait référence au mermaidcore, sirène iridescente à la silhouette fluide et aérienne, agrémentée de satin et de sequins.
Cette édition 2023 s’intitule Sea, Sand & Sun et se présente comme une ode étincelante au monde maritime. Peut- on s’attendre à des surprises pour ces célébrations ? Fêter cet anniversaire était pour nous l’occasion d’un hommage à la mer et ses couchers de soleil à admirer en dansant sur la plage, un délicieux cocktail à la main. Nous célèbrerons le sable, avec des installations incroyables mais aussi les fonds marins puisque l’une de nos scènes revêtira un décor d’aquarium. Je vous laisse la surprise du reste…
WECANDANCE, 5,6,12 & 13 août 2023, à Zeebrugge.
K.ZIA : « L’artiste qui m’a le plus influencée ? Ma mère. »
K.ZIA
« L’artiste qui m’a le plus influencée ? Ma mère. »
MOTS : SERVANE CALMANT
PHOTOS : TATJANA HUONG HENDERICKX et ILYA SAFONOV
Chanteuse, compositrice, directrice artistique et fille de Marie Daulne alias Zap Mama, K.Zia se met à nu avec « Kintsugi Heart », un nouvel EP qui égrène des confidences enveloppées d’un chaleureux mélange
de R&B, de pop et d’afrobeats.
Vous êtes la fille de Marie Daulne (Zap Mama) et d’un papa acrobate martiniquais. Parlez-vous souvent musique avec votre maman ? Oh oui, c’est un sujet qui a toujours été présent entre nous.
Elle vous conseille ? En tant que mère et en tant qu’artiste, elle m’accompagne dans toutes mes décisions. Et j’ose espérer pouvoir profiter de ses conseils après dix voire vingt albums. (rire)
Et Marie Daulne sollicite-t-elle souvent votre avis ? Oui oui, parce que j’ai un regard neuf et différent du sien sur notre métier, sur l’art d’une manière générale, sur des stratégies de communication ( j’ai un master en relations publiques en poche), sur l’industrie musicale et son évolution… Maman qui aime être au fait des choses, est définitivement dans le dialogue.
Vous êtes née à Bruxelles, vous avez été biberonnée aux voyages, vous vous définissez d’ailleurs comme une citoyenne du monde. Pourquoi avoir posé vos bagages à Berlin plutôt qu’à Bruxelles ? J’ai décroché un master à Bruxelles mais j’ai cherché un stage à Berlin, car j’avais besoin de bouger pour être stimulée par un nouvel environnement. Berlin est une grande ville très cosmopolite, très ouverte, où tous les vilains petits canards ont une chance de devenir des cygnes.
Depuis cinq ans, vous travaillez la musique à temps plein, si j’ose dire. Avez-vous réfléchi longtemps avant d’emprunter cette voie ? Lors de mon stage, j’ai compris que travailler dans un bureau n’était définitivement pas fait pour moi. Je ne peux pas vivre sans musique. Je n’ai donc pas hésité bien longtemps…
Vous venez de sortir deux singles « Love is » et « Rise », deux puissants hymnes pop/R&B qui figurent sur votre EP 6 titres, « Kintsugi Heart ». Cet EP, disponible depuis ce mois de juin, est une véritable mise à nu … Oui, il fait référence à une période de ma vie assez sombre. Il y a deux ans, j’ai souffert d’une dépression. Au fil de l’enchainement des titres, je revis. « Happy » parle d’une relation où on s’autorise à aimer et à être aimé.e, le titre suivant « Hold on » évoque les premiers orages, « Pressure » fait référence au moment où l’orage est passé mais où l’on broie du noir, « Rise », c’est l’instant où on retrouve de l’énergie et de la lumière pour s’élever, « Trust » décrit cette phase de reconquête de la confiance en soi, « Kintsugi Heart », le dernier chapitre, convoque cette étape de la vie où on a recollé les morceaux avec de la colle dorée !
Vous avez puisé dans votre douleur et votre guérison, pour la partager avec votre public … Absolument, l’écriture fonctionne comme une thérapie. Et si mes chansons accompagnent et réconfortent des gens qui ont vécu la même histoire que moi, j’en serai la plus heureuse. La musique me confère un super pouvoir !
Le single « Rise » est accompagné d’un clip vidéo que vous avez réalisé vous- même. Aimez-vous avoir le contrôle total sur votre univers artistique ? D’une certaine manière oui, car je suis curieuse de tout, mais ce n’est pas toujours délibéré. Je suis une artiste indépendante sans label, donc pour des raisons financières, je suis obligée de mettre la main à la pâte, de concevoir ma pochette, de traduire ma vision en clip… Je ne ferme cependant pas la porte à une collaboration avec un label, pourvu qu’elle fasse sens.
Quel est le moteur de votre métier ? Le besoin de m’exprimer, j’ai véritablement besoin de chanter, un besoin physique.
Quelles sont vos influences musicales ? Il y en a tellement, j’aurais peur en citant des noms d’artistes, d’en oublier d’autres, ce serait injuste.
Un seul nom… La plus grande à mes yeux, celle qui m’a le plus influencée : ma mère.
J’ai lu que vous n’aimiez pas être cataoguée « World Music », pourquoi ? Parce que cette notion occidentale est terriblement réductrice ! Comment ranger dans une seule et même catégorie, la musique du Brésil, du Mali et du Japon ?
Où pourrons-nous avoir la chance de vous voir en concert en Belgique cet été ? Notamment au NYX Festival à Meerhout, à l’AfritDrongen, au Sfinks Mondial, etc.
PRINCESSE DELPHINE DE SAXE-COBOURG ou la positive attitude
PRINCESSE DELPHINE DE SAXE-COBOURG
Ou la positive attitude
PRINCESSE DELPHINE DE SAXE-COBOURG
Ou la positive attitudeMots : Olivia Roks
Photos : Wim Van De Genachte - Jim O Hare
Sur le thème « Love Imperfection », la princesse Delphine égaille cet été les allées de Maasmechelen Village avec son art coloré et positif mais aussi son amour et son bon goût pour les créateurs de talent. Derrière ses œuvres, beaucoup de messages qui reflètent sa positivité. Pour l’occasion, un tête-à- tête à Bruxelles, depuis son salon.
On vous retrouve tout au long de l’été dans un projet artistique à Maasmechelen Village, un lieu au public très large, comment est née cette collaboration ? Je ne connaissais pas le lieu et j’ai adoré ! Mais ce qui a motivé ma participation c’est principalement que j’affectionne tout particulièrement soutenir les jeunes créateurs. Je suis dans l’art depuis trente-sept ans et je sais que les débuts peuvent être extrêmement compliqués. Alors si je peux les mettre en lumière, je n’hésite pas ! Ensuite, je demeure une artiste qui aime faire passer des messages, mon art n’est pas purement décoratif. Ce parcours artistique, c’est aussi donc l’occasion de partager et transmettre un message qui me tient très à coeur, ici en l’occurrence : « Love Imperfection ».
Vous êtes une artiste polyvalente et touche-à-tout. Maasmechelen Village vous a presque octroyé carte blanche en vous donnant le rôle de directrice artistique et en vous proposant un projet très complet… Qu’est-ce que le visiteur peut venir y découvrir ? Au gré du village, on retrouve des installations interactives qui rappellent certaines de mes valeurs. Il y a Delphineke-Pis, c’est moi en XXL (six mètres de haut !), elle est remplie d’humour avec son petit chapeau, ses lunettes, ses chaussures à plateforme. C’est important pour moi et je l’inculque aussi à mes enfants : ne pas se prendre au sérieux. On ne rigole pas des autres mais beaucoup de soi-même. Une autre installation présente un jeu de miroirs où en se regardant dedans, on est déformé.
L’idée est d’aimer ses imperfections, physiques mais également au-delà, des imperfections dans notre vie familiale ou professionnelle. Il y a aussi le wish tree à qui on peut poser trois questions. Un peu partout, on retrouve également mes cœurs colorés, ils remplacent les mots souvent utilisés dans mes œuvres. Quel que soit l’âge, on connait la signification du cœur… Enfin, immanquable, le Creative Spot. Une boutique mettant à l’honneur quelques jeunes créateurs belges que j’ai choisis avec mon ami Jody Van Geert qui est de bon conseil. Tous représentent mes valeurs, ma vision, ma personnalité avec de belles créations (prêt-à-porter et accessoire) à la clé réalisées en Belgique… Ils sortent de l’ordinaire et sont indéniablement des bosseurs passionnés.
Comme thème et comme fil conducteur : Love Imperfection. Des mots qui vous suivent dans votre vie professionnelle et privée… Un message à faire passer ? La vie et la société actuelles vous semblent trop faussement parfaites ? Je pense que c’est important, dans sa vie, de ne pas tenter d’atteindre la perfection. C’est toxique, c’est quelque chose qui va peut- être ou même certainement vous freiner dans votre parcours. J’ai des enfants, je vois leur intérêt pour les réseaux sociaux où tout semble si beau, et cela fait peur. C’est de la fausse perfection, où est la réalité dans tout cela ? J’ai envie de rappeler, surtout aux jeunes, que la perfection n’existe pas.
Assiettes, robes, peintures, quel que soit le support qui vous sert de toile créative, on retrouve vos mots, ici en l’occurrence des cœurs pleins de sens. Que représentent ces mots ou ces symboles hautement colorés ? Les mots sont très importants, ils peuvent construire, rendre heureux. A l’inverse, ils peuvent blesser, résonner en tête tout au long d’une vie. Les mots ont donc une telle puissance qu’ils deviennent extrêmement intéressants à mes yeux. Je suis aussi dyslexique, donc quand je vois un mot, il se dévoile comme un dessin qui me semble très joli. Dernièrement, j’ai beaucoup écrit le mot « Love ». Passé la cinquantaine, je me suis rendu compte que beaucoup de gens vieillissent et deviennent parfois aigris. Je me suis dit : vais-je aussi devenir comme ça ? Et j’ai commencé à écrire de manière obsessionnelle des « love » partout. J’en ai fait des expositions, des créations de toute taille, et cela m’aide à ne pas devenir négative, à aimer la vie, à croire en soi et surtout en les autres… Il faut en profiter !
Il y a eu le mot«blabla»aussi à vos débuts... Oui, c’est le premier mot que j’ai utilisé de manière obsessionnelle, en continuité. Je l’ai tant écrit qu’aujourd’hui encore parfois j’en ai mal au poignet ! « Blabla », car c’est l’allergie aux ragots, aux paroles qu’on dit dans le dos des gens. Je ne supporte pas cela. Cela peut détruire certaines personnes.
Et là, en l’occurrence à Maasmechelen village, il s’agit du cœur qui est mis en avant… Oui ! Plein de cœurs colorés et joyeux. Toujours à répétition. La répétition, comme le jogging, est quelque chose qui me calme.
Vous voguez tous azimuts ! D’autres projets à venir ? Oui, mais hélas je ne peux encore rien vous dire (rires).
Love Imperfection au Maasmechelen Village, du 24 juin à fin août.
Jean-Marie Ghislain ou la poésie des profondeurs
Jean-Marie Ghislain ou la poésie des profondeurs
MOTS : BARBARA WESOLY
« Qu’arrive-t-il lorsqu’on se confronte à nos peurs ? » Telle est l’interrogation avec laquelle Jean-Marie Ghislain nous interpelle, au détour de son site. Une question qui fut fondatrice pour l’artiste, qui fit de l’apprivoisement de sa phobie de l’eau et des requins, le point de départ d’une quête initiatique mais aussi d’un travail photographique aux confins de l’humain et du vivant.
Votre rapport à l’eau a débuté très jeune, par une terreur profonde et viscérale. Peur, que vous avez décidé, à la cinquantaine, de combattre en conscience, d’abord en apprenant à plonger puis via la photographie. Pensez-vous que l’on peut magnifier les angoisses qui nous étreignent ? C’est une intime conviction. Mon souhait est d’inviter les gens à aller voir au-delà de la perception qu’ils ont de l’objet de la peur, de manière à petit à petit la tutoyer pour l’apaiser. Elle n’est bien souvent pas la résultante d’un trauma mais de constructions mentales liées à l’imaginaire, à l’instinct ou au collectif, comme la crainte des serpents, des loups ou des requins. Dans le cas de l’eau, se laisser apprivoiser nécessite d’oser aller vers elle. Et découvrir qu’il y a énormément de douceur à son contact.
L’eau est le point d’ancrage de vos clichés, quel est votre lien avec elle aujourd’hui ? Je me laisse toujours plus guider par et vers elle. L’eau compose intrinsèquement chaque être, qu’il soit humain, animal, végétal, et c’est grâce à elle que nous entrons en résonnance avec les autres. Je découvre qu’elle possède des propriétés encore trop méconnues, dont une véritable mémoire. Mais également qu’une eau n’est pas l’autre et que chacune présente des caractéristiques particulières. Lors de mon travail « Réconciliation », photographié en piscine, j’ai réalisé qu’en changeant de bassin, je révélais d’autres aspects du kaléidoscope émotionnel. Tout comme l’océan, en fonction de l’emplacement où l’on se trouve, va permettre d’aborder d’autres réalités. L’eau possède un champ d’exploration infini.
Justement, votre projet « Réconciliation » aborde la nudité, physique comme émotionnelle et la représentation du corps féminin, « Sharks » offre une plongée fusionnelle en compagnie des requins, « Impermanence », explore les profondeurs intimes des fonds marins. Chacun s’accompagne de textes et réflexions. Est-il essentiel pour vous de transmettre, au-delà des images ? C’est mon but premier. Amener, grâce à ma prise de conscience personnelle, le plus grand nombre à faire grandir sa réflexion et surtout son ressenti. L’on évolue dans un monde ou le cartésien est dominant, or il y a une multitude de possibles qui ne sont pas associés à la pensée mais sont reliés aux sentiments. Et il en va de même pour la photo. Elle doit être vectrice d’émotions et court-circuiter le mental. En favorisant un lien de sympathie, d’empathie puis d’amour avec le vivant, on amène les spectateurs à souhaiter spontanément le protéger.
Quel est d’ailleurs votre rapport au vivant ? A la nature au-delà de son existence aquatique ? Elle m’est essentielle. Je travaille actuellement sur une exposition baptisée « Le Printemps Urbain », qui fixe des éléments, parfois macroscopiques, observés en ville, en vue de questionner l’érosion de notre conscience et notre capacité à nous émerveiller. Je constate chaque jour que si l’on veut préserver une espèce, terrestre ou sous-marine, cela doit intrinsèquement passer par la protection d’un écosystème et pour cela, il est essentiel de réapprendre à « être en amour » du vivant. C’est là l’une des clés pour amener notre monde à évoluer vers une dynamique sensible.
Dans « Peur Bleue » Au milieu des requins, je suis devenu un homme libre » ouvrage autobiographique publié en 2014, vous racontez votre parcours des abîmes vers la rencontre de la beauté marine. Quelle forme prend aujourd’hui la liberté pour vous ? Ne pas reporter au lendemain. Faire à l’instant ce qui empêche d’avoir un véritable espace de liberté dans le cœur et l’esprit. Nous sommes sans cesse divisés. Si l’on souhaite revenir à davantage d’unicité intérieure, il faut faire le vide pour se remplir de ce qui est réellement autour de nous. Tout est synonyme de beauté, pour peu qu’on soit prêt à accueillir les possibles.
Vous exposez actuellement pour Silly Silence, au milieu des arbres du bois de Silly. Comment percevez-vous cette rencontre des éléments ? En découvrant les précédentes réalisations de ce collectif, j’ai été très touché par la scénographie. Et je m’émerveille à chaque retour face à l’exposition de la magie de cette osmose, cette symbiose avec la forêt, un véritable écrin accueillant parfaitement les images du milieu marin. Avec le soleil, sous la pluie, dans la grisaille, elle vibre différemment en fonction de la lumière. C’est une expérience unique.
L’exposition Silly Silence invite Jean-Marie Ghislain est à découvrir jusqu’au 29 septembre 2023
www.silly.be
www.ghislainjm.com
MOUS LAMRABAT, hymne à l’A(r)mour
MOUS LAMRABAT
Hymne à l’A(r)mour
Mots : Barbara Wesoly
Photos : Mous Lamrabat
Photo portrait : Lisa Lapauw
Ses photographies évoquent des mirages oniriques à l’abordage du réel, aussi poétiques qu’impertinentes. Tout à la fois surréalistes et d’une actualité brûlante, figuratives et spirituelles. Après plus de dix ans à dévêtir notre société de ses convenances et clichés, Mous Lamrabat expose tout l’été son envoûtante nouvelle série, baptisée A(r)mour, au MAD Bruxelles.
Vos clichés ressemblent à des mosaïques, fusion de pop culture et de traditions, aux accents surréalistes et aux teintes flamboyantes. Ils convoquent Magritte, mais aussi les paysages et la culture du Maroc où vous êtes né. Était-ce un choix ou cette dynamique s’est-elle imposée à vous ? En réalité, j’ai le sentiment de ne pas connaître grand-chose à l’art. Je suis issu d’une famille qui ne baignait pas dans ce milieu et après des études d’architecture d’intérieure à l’Académie des Beaux-Arts de Gand, j’ai commencé à pratiquer la photo, car j’étais en recherche d’un domaine où exprimer ma créativité. Cela a toujours été un proces- sus très spontané et profondément personnel. L’inspiration peut venir d’un objet chiné comme d’un fait d’actualité, de mon environnement, ou d’une part de nostalgie. J’utilise des éléments habituellement considérés comme antagonistes ou je les place dans des cadres incongrus, mais toujours avec une recherche d’esthétique et le souhait d’aller un pas plus loin que la réalité. Tout est pour moi matière à expérimenter, mais les gens cherchent à analyser une œuvre, à lui trouver des influences et un sens, alors que de mon côté j’aime le mystère.
Ces rencontres inédites entre niqab et champagne, prière et fastfood, voile et superhéros, que proposent vos photos, font-elles écho aux influences multiples que l’on retrouve dans notre société ? Elles visent plutôt à questionner le sens que nous donnons à la normalité. Nous avons des référen- ces issues de l’enfance, des idées préconçues quant à ce que doit être le monde. J’essaye de penser et créer hors des lignes établies et de montrer toute la beauté de l’inattendu. Ce patchwork parfois improbable, d’influences et d’idées c’est aussi ce que je suis. Et lorsque je réalise des expositions, je peux constater à quel point ce métissage est enrichissant. J’y retrouve des individus attirés par l’aspect traditionnel de mes photos, d’autres par ses références au hip-hop ou encore par les marques qu’elles mettent en avant. Tous ces gens qui habituellement ne se côtoient pas, se retrouvent alors dans un même lieu, à discuter et échanger, c’est formidable.
Vous inaugurez une nouvelle exposition, au MAD de Bruxelles, baptisé A(r)mour. Que signifie ce terme ? Nous portons tous une armure, une protection qui nous tient à distance et pour beaucoup elle commence par les vêtements. Or à l’intérieur de celle-ci, il y a notre être véritable. Il y a l’amour. Je souhaite inciter à sortir de ce carcan, pour voir plus loin et laisser place à l’essentiel. Délaisser l’armure pour l’amour.
Pour celle-ci, vous avez arpenté les rues de Bruxelles, avec une valise remplie de créations de jeunes designers bruxel- lois. Un clin d’œil au début de votre carrière, en tant que photographe de mode ? J’adore travailler avec de jeunes designers car ils façonnent encore leur style, osent une vraie recherche de matière et de forme. Tout comme j’aime collaborer avec des étudiants d’académie, car dans leur travail, art et mode se confondent, loin de l’aspect commercial.
Vous y traitez en toile de fond du poids du vêtement sur l’identité, du choix non anodin d’un logo. Un thème qui revient fréquemment dans votre travail. Votre réflexion sur celui-ci évolue-t-elle au fil du temps ? J’aimais et j’aime toujours les logos, les sigles. Enfant j’étais fasciné par eux car les vêtements de marques étaient impayables pour moi. J’épluchais leur catalogue, rêvant désespérément de rejoindre le clan de ceux qui en portaient. Ils sont pour moi fondamentalement liés à une appartenance à un esprit, à une vision. Une forme particulière de connexion aux autres.
Sur quoi travaillez-vous actuellement ? Pour l’instant sur de nombreuses expositions. Au MAD à Bruxelles, mais aussi en Italie, à Istanbul et Chicago et en septembre à ma participation à la Biennale d’Ostende. Je réalise aussi sur un premier livre rassemblant une part de mes photos.
Et s’il ne devait rester qu’une unique photo ? Un cliché de mon grand-père, l’un des derniers que j’ai pu prendre de lui. Son visage y est caché par ses mains. C’est l’une des premières photos qui m’a amené à me sentir véritablement un photographe. La première aussi qu’on a voulu m’acheter. J’étais fier quoi qu’embarrassé et j’ai donné un prix avant de faire machine arrière. Je ne pouvais pas vendre mon grand-père. Tout est à vendre, excepté ce dont la valeur émotionnelle n’appartient qu’à nous. En photo c’est pareil. C’est ce qui différencie le cliché du souvenir.
L’exposition A(r)mour de Mous Lamrabat se déroule du 9 juin au 2 septembre 2023 au MAD Bruxelles.
Bil&Gin - « On refuse de se laisser enfermer dans un seul style musical »
Bil&Gin
« On refuse de se laisser enfermer dans un seul style musical »
MOTS : SERVANE CALMANT
PHOTOS : ANTHONY DEHEZ
Nashville, Paris, Berlin, Dakar, Buenos Air, Kiev, Mindelo … Reliant dix villes qui les inspirent, Bil&Gin, le duo bruxellois de DJ et compositeurs formé par Michel de Launoit et Stéphane Grégoire, livre « City Stop », un album électro-pop-jazzy, élégant, éclectique et qui sort des clous. Stimulant.
Avant un shooting, Be Perfect discute longuement avec ses invités pour déterminer un endroit inspirant. Le Jam Hotel Brussels, c’est le choix de Michel de Launoit, « Lionet Jadot qui en a défini le style architectural brut, est un ami, et Jean-Paul Putz, l’actuel propriétaire du Jam Hotel est également celui du Mima. » C’est donc l’amitié qui dicte ce choix. Et d’amitié, il en sera encore question lors de notre interview…
Quel est le parcours de chacun pour arriver à Bil&Gin?
Michel de Launoit :
Je suis un entrepreneur culturel bruxellois, cofondateur de « L’Impro Session », producteur au sein de « Tourne Sol » de capsules humoristiques (« Faux contact » notamment), cofondateur et exploitant du « Mima » (le musée bruxellois dédié à la culture urbaine) et fondateur d’ « Akamusic » (un site de crowfunfing pour des projets musicaux).
Stéphane Grégoire :
Je suis ingénieur du son et multi-instrumentiste, je joue notamment du piano, du synthé, du saxo. C’est en devenant le représentant pour le Benelux de « Flam Music »(un collectif international de mixeurs, réalisateurs, compositeurs et beatmakers) que j’ai rencontré Michel. J’ai également cofondé « Purple Airplane », une société qui s’occupe de création de musique, habillage identitaire (notamment celui de La Une et de La Trois/RTBF), bruitage, mixage de sons, etc.
Stéphane, ne soyez pas modeste, vous avez également récemment reçu des prix pour votre travail ! En octobre 2022, l’Urbanworld Film Festival à New York m’a en effet décerné le prix de la meilleure conception sonore pour « Le voyage de Talia », le dernier long-métrage du belge Christophe Rolin.
Et vous, Michel, vous poursuivez votre route … Oui mais cette fois, je travaille la « matière », les sons. J’aime ça. Les machines, c’est l’instrument d’aujourd’hui.
Et le chant ? Oh non, je savais pertinemment bien que je ne savais pas chanter ! Sur le single « Paris », j’ai donc choisi le récitatif, la parole plutôt que le chant.
Venons-en à l’album « City Stop ». De l’électro pop comme fil conducteur et de nombreuses influences musicales …
Michel :
C’est un album concept composé de 10 titres inspirés par 10 villes définies par un genre musical, une histoire marquante ou des souvenirs personnels. « City Stop » est donc inclassable, car il ne suit aucune règle. On a en effet refusé de se laisser enfermer dans un style musical, préférant alimenter l’album de sonorités urbaines, africaines, des îles, en fonction de notre inspiration. On carburait à l’instinct, au moment. Chaque titre doit être considéré comme un voyage musical unique et singulier, jamais folklorique cependant. On aurait pu imaginer une escale sur Mars et voir ce que la planète rouge nous inspirait comme son !
Stéphane :
Notre seule contrainte, c’était de produire de la qualité et de ne pas nous laisser aller à la facilité. Pour le morceau « Dakar », qui m’a été inspiré par le film « Le voyage de Talia », on a invité l’immense chanteur sénégalais, Woz Kaly. Quel honneur.
Michel :
Et pour « Kiev », composé au moment où les Russes déclenchaient les hostilités contre l’Ukraine, on a samplé le discours de Gorbachev de décembre 1991, quand il annonce à la télé qu’il démissionne, signant ainsi la fin de l’Union soviétique.
Au fait, qui est Gin ?
Michel :
Bil&Gin, c’est nous, l’union de deux jeunes fous, une véritable aventure artistique que nous menons à deux. S’opère ensuite une magie fusionnelle. Peu importe qui est Gin ou qui est Bil.
Michel aurait-il fait ce projet sans Stéphane ? Stéphane, même question !
Michel et Stéphane :
Non, car on se complète.
Michel :
Stéphane possède un sacré atout : multi-instrumentiste, il rode un morceau quasi instantanément. Ce que je fais dire est volontairement prétentieux mais si Mozart avait rencontré Herbert Von Karajan, Stéphane serait Mozart …
Stéphane :
C’est en effet prétentieux ! (Rire). Michel est un audacieux, un fonceur. Sans lui, je n’aurais pas osé l’aventure Bil&Gin.
Bil&Gin, un clin d’œil à …
Michel :
A Michael Jackson évidemment, mais c’est juste un clin d’oeil. Bil&Gin, c’est surtout un nom à la belle sonorité et un chouette logo. A ce titre, il me faut citer Thierry De Prince, notre graphiste, qui nous suit depuis le début. C’est à lui que l’on doit notre identité visuelle artistique. C’est important les histoires d’amitié.
Bil&Gin, un projet artistique que vous menez de bout à bout …
Michel :
En effet, nous avons sorti « City Stop » sur notre propre label, même si nous ne sommes pas du tout réfractaires à l’idée de signer avec un grand label qui nous offrirait un solide coup d’accélérateur.
Que les fans de Bil&Gin et les collectionneurs soient mis au parfum : vous avez édité 300 albums vinyles de « City Stop » …
Stéphane :
C’est un objet d’art unique. Un album numéroté et signé par Bil&Gin et par Elzo Durt, un immense illustrateur bruxellois qui a notamment réalisé les pochettes de Laurent Garnier et la nôtre !
Bérangère McNeese « J’aime le travail solitaire de l’écriture et du jeu »
Bérangère McNeese
« J’aime le travail solitaire de l’écriture et du jeu »
MOTS : SERVANE CALMANT
PHOTOS : ANTHONY DEHEZ
COIFFEUR ET MAKE-UP ARTIST : LUC DEPIERREUX
Actrice belgo-américaine, elle s’impose à la télévision dans deux séries qui ont fait un récent carton, « HPI » et « Des gens bien ». Scénariste et cinéaste, elle obtient le Magritte du meilleur court-métrage pour son film « Matriochkas ». Non contente de gagner sur tous les tableaux, la brune piquante a du caractère à revendre, le rire franc, la frange élégante et un charme fou. Et Bérangère McNeese de devenir peu à peu incontournable…
Le shooting de Bérangère McNeese a lieu au Soko Rooftop, au 11e étage du building aux escargots, au niveau du carrefour des Quatre Bras de Tervueren. Ce bar haut perché festif propose une vue à 360 degrés sur la forêt de Soignes. Bérangère a passé 15 ans à Paris, le Soko, elle le découvre à la faveur de notre interview. « Quel spectacle. Je n’imaginais pas Bruxelles aussi verte. Je reviendrai en soirée. » Elle a bien raison, d’autant que de tout là-haut, voir le soleil se coucher est un event en soi !
Vous êtes née à Bruxelles d’un père américain et d’une mère belge. Une double culture dans laquelle vous avez puisé une richesse … J’ai principalement grandi en Europe, à Bruxelles puis à Paris où je suis partie dès l’âge de 18 ans. Dans le Kentucky, aux Etats-Unis, je m’y rendais surtout en été et à Noël. Ado, je fantasmais sur le lycée américain et je rageais d’être coincée en Belgique. Aujourd’hui, je suis fière d’être européenne, et intimement, je me sens belge.
Vous venez d’une famille d’artistes ? Oui, du côté paternel. Ma grand-mère était comédienne, mon père, Barry McNeese, est bassiste, il a joué avec les plus grands (Adamo, Bashung, Philippe Lafontaine, nda). Il a cependant quand même flippé quand je lui ai annoncé que je voulais faire du cinéma ! Mais comme j’ai commencé très jeune à tourner dans des pubs et des courts-métrages, on a vite compris, dans ma famille, que je voulais absolument jouer et que j’allais tout faire pour devenir actrice.
Pour réussir, beaucoup d’artistes belges montent à Paris. Vous y êtes d’ailleurs restée 15 ans… Partir à Paris à 18 ans, après mes études secondaires, m’a permis de rencontrer mon tout premier agent, qui m’a mis le pied à l’étrier. Je n’oublie pas que la France et le public français, à travers notamment le succès phénoménal de « HPI », m’ont apporté une reconnaissance incroyable.
« HPI » a réalisé sur TF1 un record d’audience, « Des gens bien », une coproduction RTBF/ Arte, a également cartonné, vous avez du flair ! Ce fut un jeu d’enfant d’endosser pareils personnages (Daphné la policière procédurière et Linda qui monte une arnaque à l’assurance, nda) parce que leur psychologie, leurs émotions, leurs actions ont été soigneusement écrites. L’écriture, c’est la base.
Jouer Linda Leroy, le rôle féminin principal de la série « Des gens bien », devait être particulièrement jubilatoire… Oh oui, car la série oscille entre le drame social et la comédie noire. Il me fallait rester sérieuse même dans les scènes à l’humour décapant. C’était jouissif, en effet.
Il y a un an, vous quittez pourtant Paris pour revenir à Bruxelles… Oui mais j’ai gardé un pied-à-terre parisien. Je dois vous avouer que je suis une travail-
leuse acharnée qui essaie depuis un an de prendre le temps de se poser. Pendant longtemps, toute ma vie même, un grand besoin de reconnaissance m’a poussée à travailler beaucoup, pour me prouver « je ne sais quoi ». J’ai décidé de faire la paix avec cette course en avant. Cette volonté de ralentir le rythme correspond à mon retour à Bruxelles où il me sera plus facile de trouver l’espace mental et l’inspiration nécessaires à l’écriture de nouveaux projets.
Vous avez également écrit et réalisé trois courts-métrages, tous primés en Belgique et à l’international, dans un registre plutôt social. Quels sont les thèmes qui vous bottent ? J’aime écrire la richesse des relations et la complexité des rapports humains, avec un ancrage social en effet, et des personnages féminins.
Pourquoi vous tiennent-elles à cœur, ces femmes ? Parce que je puise dans mon expérience personnelle. Les filles de mes courts-métrages ont entre 16 et 34 ans. Quand j’ai écrit et tourné « Le Sommeil des Amazones », en 2014, j’avais 25 ans. Mes personnages s’inspirent de mon ressenti, à une époque donnée.
En revanche, quand vous êtes actrice, vous vous lâchez ! Ah oui, j’aime expérimenter de nouveaux uni-
vers et genres cinématographiques. « Braqueurs » est une série sur les gros bas, « Des gens bien » flirte avec le burlesque, la comédie « HPI » plait pour sa légèreté. Et prochainement, je serai à l’affiche de « Veuillez nous excuser pour la gêne occasionnée », une comédie du Belge Olivier Van Hoofstadt (Dikkenek, Go Fast, Lucky, nda) avec, comme d’habitude chez Olivier, une galerie de personnages secondaires bien trempés.
Une jeune carrière éclectique qui vous évite de vous voir coller une étiquette … Exactement. Après le succès d’« HPI », ce serait dommage de recevoir uniquement des propositions de comédie policière !
Dites, trois courts, en voilà un bon tremplin pour un premier long ! (Rire). Mon premier long-métrage est écrit, ce sera une coproduction franco-belge en mode financement à l’heure où je vous parle. Mais je ne peux pas vous en dire plus, je suis trop superstitieuse. Et j’ai un deuxième projet, un film d’époque, qui est en phase d’écriture…
Deux projets d’écriture, carrément. Etes-vous une hyper active ? Je suis percée en plein jour !
Etre scénariste vous rend-il plus exigeante dans le choix de vos films ? Probablement, mais en tant que comédienne, j’adore me laisser surprendre. J’accepte des rôles que je n’aurais sans doute jamais écrits moi-même. Parallèlement, réaliser des films m’aide énormément dans mon travail d’actrice, car j’ai pleinement conscience de tout le travail fourni par le réalisateur en amont d’une journée de tournage. J’ai une plus grande empathie pour le métier de réalisateur, ce qui me permet d’appréhender mon métier d’actrice différemment.
Des trois casquettes, quelle est votre préférée ? Ecrire et jouer. Réaliser, c’est être chef d’orchestre, je préfère le travail plus solitaire de l’écriture et du jeu.
Bérangère sera à l’affiche de :
« Veuillez nous excuser pour la gêne occasionnée ». La comédie du Belge Olivier Van Hoofstadt sortira dans nos salles fin juillet.
« Braqueurs » (saison 2). A voir sur Netflix.
« Des gens bien ». Les Belges Matthieu Donck, Stéphane Bergmans et Benjamin d’Aoust, les créateurs de la série, ont confirmé une saison 2 pour 2024.
« HPI ». Une 4e saison est actuellement en cours d’écriture.