Nathalie-Campion

Nathalie Campion, dualité en noir et blanc

Avec une troisième exposition, Nathalie Campion confirme l’originalité de son style qui exprime la puissance et la fragilité du monde naturel, au travers de sculptures en céramique anthropomorphes et organiques. Dans ses œuvres, le corps discret apparaît, refusant l’idée du spectaculaire. 


COHEN-valerie

Valérie Cohen, Un joli parterre de ronces

Et si les arbres généalogiques comportaient une case pour les amis de toujours, les amours défuntes, les maîtres à penser, les sauveurs ? A quoi ressemblerait le vôtre ? La romancière bruxelloise Valérie Cohen souligne avec brio que le destin de chacun ne tient qu’à un fil. Ou à un mensonge.

Qu’est-ce qui vous a inspiré pour écrire ce roman et le titre afférent ? Fan de développement personnel, je m’intéresse à la psychogénéalogie. Un de mes enfants a voulu faire un test ADN et j’ai adhéré aussi. Comme une écolière attendant ses résultats, j’ai été frustrée de n’apprendre aucune révélation fracassante (rire). Mon roman se penche sur la dynamique sous-jacente à la famille : son système social, ses règles, ses rôles, ses secrets, son système de pouvoir. « Qu’importe la couleur du ciel », dit l’une de mes héroïnes, et ça signifie que la famille reste la famille. On a beau vouloir s’en défaire, on est fait des branches de son arbre généalogique, on est fait de ce bois-là !

Une famille se reconnaît-elle par les liens du cœur ou par les liens du sang ? C’est un subtil mélange des deux et au-delà, il y également tout ce qui est tu : les morts qui sont invisibles mais pas absents, les secrets de famille, les fidélités inconscientes, ce qui ne s’est pas raconté de génération en génération. On fait partie d’une lignée, qu’on le veuille ou non. 

« Vitale et mortelle à la fois, organisme vivant aux multiples facettes. La famille un joli parterre de ronces ». Est-elle la source de nos bonheurs ou celle de nos névroses ? Les deux ! On porte nos propres douleurs et névroses, plus celles non digérées par nos ancêtres. On rêve tous ce cette famille idéale, source d’ancrage et de bonheur, mais ça pique toujours quelque part ! 

Qu’importe les secrets détenus, muselés. Le mensonge a-t-il des vertus ? Toute vérité n’est-elle pas bonne à dire ? Il est plus facile de vivre de façon confortable en taisant un secret qu’en le révélant. Révéler un secret peut être dévastateur pour soi-même et surtout pour notre entourage mais également terriblement libérateur. Pour nous-mêmes et les générations futures, les secrets doivent être partagés. 

Avant de vous consacrer à l’écriture, vous étiez juriste. Qu’est-ce qui a motivé cette reconversion professionnelle ? Être juriste était une erreur de casting et je me suis profondément embêtée durant neuf ans. Écrire a toujours été mon mode de communication le plus facile… Une double fracture de l’épaule et ses six semaines d’arrêt, ont été l’occasion de réfléchir à ce que je voulais faire de ma vie. Avec le recul, c’est la plus belle chose qui me soit arrivée. 

« Mettre de la lumière sur nos ombres », un trait caractéristique de votre plume ? C’est très lié à ce que je suis. Mes enfants vous diront que je suis allumée parce que j’adore les formations de développement personnel et de spiritualité. J’aime infiniment le travail que ça me fait faire sur moi-même. Cela m’aide à transmuter les ombres et les blessures en quelque chose de positif ou de plus léger à vivre. 

« Ma légende familiale raconte que dès mon premier cri, je me suis illustrée par un tempérament d’acier mêlé à une grande douceur ». Est-ce que votre histoire personnelle intervient dans vos romans ?  Je suis dans tous les personnages, non par rapport à ce qu’ils ont vécu mais dans des émotions qu’ils peuvent ressentir. Celui-ci, je l’ai dédié à Sybille Bauwer qui est une prostituée qui a sauvé mes grands-parents pendant la Shoah. Tenancière d’une maison close, elle les avait cachés dans son grenier où ma grand-mère a accouché. Appeler un de mes personnages Sybille, c’est ma manière de lui rendre hommage et d’en faire une « juste parmi les nations ». 

« Une phrase dans un livre peut questionner, faire sourire et ouvrir des portes en nous » ? J’espère que mes livres provoquent du bien et invitent les personnes à se questionner. (NDLR – Ce fut mon cas ! Roman coup de cœur).

La famille parfaite existe-t-elle ? Non, heureusement ! Qu’est-ce qu’on s’ennuierait. En revanche, si on pouvait arriver à cheminer parfaitement avec cette famille en nous, le monde serait magnifique ou du moins plus sage. 


Bouli-lanners

Bouli Lanners, par amour des Femmes et de la Terre

Visage familier du cinéma belge et français, Bouli Lanners, 57 ans, nous reçoit chez lui, sur les hauteurs de Liège, pour nous parler d’une histoire d’amour à fleur de peau où il arbore la triple casquette de scénariste, acteur et réalisateur. « Nobody has to know », love-story tournée en Ecosse et en anglais, amorce un véritable virage dans la carrière du Liégeois. Et dire qu’on croyait que Bouli n’aimait que la Wallonie !

Avec « Nobody has to Know », au cinéma dès le 23 mars, vous sortez de votre zone de confort, pour nous offrir une histoire d’amour, en Ecosse, en anglais… Quelle a été la motivation principale de ce triple virage ? Avec les « Premiers, les Derniers »,  mon précédent film, j’ai volontairement clôturé un cycle auteuriste amorcé avec “Ultranova”. Parallèlement à cette décision, j’avais envie de réaliser un vieux fantasme : tourner un film en Ecosse, pays où je me rends depuis 30 ans. J’avais lu un roman qui pouvait potentiellement être adapté sur l’Ile de Lewis, au nord de l’Ecosse… J’ai alors travaillé au corps mon producteur pour qu’il en obtienne les droits d’adaptation. Mais une fois installé sur l’île de Lewis, j’ai relu ce bouquin, un polar, et je me suis rendu compte qu’il était franchement mauvais ! (Rire). Grand malaise évidemment. J’ai tourné en rond, culpabilisé aussi… Et le déclic a été musical. Le « Wise Blood » de Soulsavers dans les oreilles, j’ai compris que c’était ici, en Ecosse, sur cette île, dans ce relief rude recouvert de tourbe, que je voulais réaliser une histoire d’amour ! A 57 ans, c’était le moment, l’instant … 

L’âge ? L’amour, c’est une question d’âge ? Non, au contraire. Mais plus jeune, j’avais peur de dire des bêtises. J’ai toujours souffert du syndrome de l’imposteur : il m’a fallu faire un long travail d’introspection pour me sentir légitime, pour être convaincu d’avoir le savoir-faire nécessaire pour tourner une histoire d’amour. A mes yeux, une histoire d’amour ratée, c’est pire qu’une comédie loupée ! 

Jusqu’ici, dans le cinéma de Bouli Lanners, il y avait peu de places pour les femmes ! On me l’a souvent reproché. Mais c’est une analyse à nuancer. Certes, il y a peu de femmes dans mon cinéma, mais tous mes personnages en souffrent. Dans Les “Géants”, les ados cherchent une mère; dans “Eldorado”, une compagne de vie …  

Millie, une femme, est le personnage central de votre nouveau film. Et quelle femme ! J’ai voulu faire un portrait de femme dans une communauté presbytérienne où les non-dits, les dogmes, les silences, sont lourds de sens. Cette histoire d’amour va offrir à Millie rien de moins que son émancipation !  

Une histoire d’amour qui se fiche des diktats sociaux… Sur cette terre, la plupart des gens s’aiment. Mais au cinéma, seuls ceux qui sont jeunes et beaux ont le droit de vivre une histoire d’amour. C’est absolument ridicule ! Je rends donc hommage à tous les autres, à vous, à moi, pas aux freaks de Cronenberg, non, juste aux gens ordinaires.

Le choix de la comédienne nord-irlandaise Michelle Fairley, qui a incarné le personnage de Catelyn Stark dans la série Game of Thrones, était-il une évidence ? Oui, car elle a une certaine austérité physique qui pouvait convenir au rôle, doublée d’une sensualité à fleur de peau. Puis, elle a cette voix tendue, bouleversante, cassée parfois. Une femme dont on tombe amoureux. 

Une femme, un homme, pas de chabadabada pour autant. C’est un film d’amour intense et discret à la fois. L’univers pictural y est fort, le verbe mesuré…  J’ai en effet un cinéma très peu verbeux. Dans ma famille, on s’aimait beaucoup, mais on ne se le disait pas forcément. Par pudeur ou méfiance, pour ne pas montrer ses failles.  

L’île de Lewis, au cœur du film, n’est pas un choix innocent …  J’ai toujours aimé les endroits reculés, car on y croise des gens que l’on ne rencontre nulle part ailleurs. La communauté presbytérienne, très importante sur cette île, rythme la vie sociale. Cette île, le fief de la langue gaélique, c’est un peu un pied de nez à l’uniformisation de l’Europe. Or j’aime l’Europe de la diversité, de la spécificité. 

Un élément clé dans la progression narrative, c’est le mensonge ! Un mensonge bien intentionné. Est-ce le Bouli philosophe que l’on découvre-là ? Rire. Oui, un peu. Quand j’ai décidé, in situ, d’écrire une histoire d’amour, il fallait que je perce l’intimité culturelle de cette île. La communauté presbytérienne est prisonnière de dogmes très stricts et chaque fois qu’il y a un schisme, les fractions séparées se radicalisent encore plus. Les presbytériens sont créationnistes. Pour eux, raconter une histoire, c’est mentir, la seule vérité étant la bible. Je vous donne un exemple saisissant : j’ai demandé l’autorisation pour garer nos camions, devant une église, un jour où il n’y avait pas de messe, et j’ai reçu un refus par mail, un refus motivé qui plus est. Puisque nous racontions une histoire à travers ce film, nous étions The Devil, le diable ! 

La religion et Bouli, ça fait trois ? Détrompez-vous. Je viens d’un milieu catholique pratiquant. Mais… Les trois religions abrahamiques font toutes du prosélytisme – ça m’énerve, vous n’avez pas idée ! -, elles sont ethnocentristes et oublient la Terre. Ces religions, plus le capitalisme, ont engendré le monde d’aujourd’hui : une planète exsangue à force d’être pillée par des hommes qui se croient supérieurs à la nature et aux animaux. Je ne veux plus et ne peux plus être abrahamiste ! Je penche, au contraire, vers un animisme de plus en plus radical.

A l’image de Phil, votre personnage, vous avez connu des problèmes de santé. Qu’en avez-vous tiré comme enseignement ? Qu’en avançant en âge, le temps qui reste à vivre est une question de plus en plus pressante ! 

 

Pour « Nobody has to know », vous cumulez les casquettes, scénariste, acteur, réalisateur. Pouvoir gérer ces trois postes, est-ce la recette de la liberté ? Au contraire, cette triple casquette m’a emprisonné. Au départ, je n’étais même pas pressenti pour jouer le rôle de Phil et, dorénavant, je ne jouerai plus dans mes propres films. Dans ceux des autres, oui… J’ai acquis, avec le temps, une certaine légitimité à être acteur : on me propose aujourd’hui de plus beaux rôles qu’il y a quelques années… Il ne faut pas oublier que je suis devenu acteur parce que j’étais gros et, qu’à l’époque, il n’y avait pas beaucoup de gros au cinéma !

Vous avez déjà un nouveau projet sur la table ?  J’aimerais jouer en Allemagne, en allemand, une langue que je parle couramment (Bouli est né à la Calamine, en Communauté germanophone, nda)… Je travaille également à l’adaptation de « Nature humaine » du romancier français Serge Joncour, film que je co-écris et que je réaliserai… C’est une commande, pas forcément mon truc. Mais, cette fois, le sujet touche à mon âme et parle à mes idéaux philosophiques, écologiques, politiques. Le roman explore 30 ans d’effondrement du monde paysan, le divorce entre l’homme et la nature, à travers l’histoire d’une famille française… Ce sera un film politique, pas pamphlétaire, mais il suscitera néanmoins une véritable réflexion politique. Un genre que je n’ai pas encore exploré, même si j’ai bien conscience d’être un militant.

Bouli, rassurez-nous, vous êtes toujours amoureux de la Wallonie ? L’Ecosse est très ardennaise (rire). Je pourrais y vivre, mais je suis bien à Liège. Mes vacances, je les passe en Belgique, à arpenter les sentiers et les rivières de Wallonie. Oui,  la Wallonie, ma ville, mon jardin, mon bois, mes chiens, les chauves-souris, suffisent largement à mon bonheur !


Nobody has to know 

Phil, un ouvrier agricole, s’est exilé dans une petite communauté presbytérienne sur l’Île de Lewis, au nord de l’Ecosse. Une nuit, il est victime d’une attaque qui lui fait perdre la mémoire. Alors qu’il reprend peu à peu le chemin du travail, Millie, une voisine presbytérienne qui s’occupe de lui, prétend qu’ils s’aimaient en secret avant son accident … 

Le 5e long métrage de Bouli Lanners amorce un véritable virage dans la carrière du Liégeois. « J’ai toujours souffert du syndrome de l’imposteur : il m’a fallu faire un long travail d’introspection pour me sentir légitime, pour être convaincu d’avoir le savoir-faire nécessaire pour tourner une histoire d’amour. » Bien lui fasse, car son « Nobody has to know » raconte une histoire d’amour où les protagonistes vibrent de tout leur être. Pour longtemps. Et dans le cœur du spectateur, bien après le dernier plan.

Notre coup de cœur printanier.

Au cinéma dès le 23 mars 2022.


Booshra-mastour

Dans l’Atelier de Booshra Mastour

Femme attachante, peintre atypique, artiste apaisée, Booshra Mastour a toujours défini ses peintures comme un refuge. Mais un refuge qui s’ouvre à l’autre. Ainsi ses nouveaux projets riches d’échanges : l’«Atelier », une galerie d’art permanente qui lui ressemble, des vernissages dînatoires entre intimes et l’expérimentation d’une rencontre artistique dans le noir. On en parle avec elle.

La première fois que l’on a vu le travail de Booshra Mastour, c’était en 2019, à Strokar Inside, l’ancien Delhaize Molière à Bruxelles. On était restée de longues minutes admirative devant un monumental portrait tribal au regard d’une rare intensité, d’une vibration invisible, aux textures et au relief étonnants, peint par l’artiste belge née au Maroc. Booshra y dévoilait la nature humaine dans ce qu’elle a de plus brut et invitait à une étonnante introspection de la part de la visiteuse ébahie que nous étions. Pour elle, « tout, de la gastronomie à la science, en incluant les fourmis et les arbres, oui, tout participe à la co-création de notre évolution et compose le véritable Enseignement Artistique »

A l’époque déjà, Booshra exposait partout dans le monde, Miami, New York, Johannesbourg, Hong Kong, Shanghai, Bangkok, Casablanca. Mais c’était la première fois que cette autodidacte rendait son art public à Bruxelles. « J’ai commencé la peinture très jeune. Longtemps, je me suis méfiée des galeries, de peur qu’elles me dénaturent. Certaines m’ont demandé de faire des toiles plus petites ou moins tribal, etc. Ce scénario ne me plaisait pas : j’étais jeune, j’avais envie d’explorer et de créer à ma façon. Mes premières ventes, je les ai faites à l’âge de 20 ans au cours de mes nombreux voyages, une quête nomade en solitaire qui a duré douze ans. En 2016, j’ai posté mes tableaux pour la première fois sur les réseaux sociaux. Très vite, j’ai été contactée par des galeries. Travailler et exposer à l’étranger, c’est fabuleux, ça m’a permis d’ajuster mon regard sur le vaste monde de l’art, d’affiner ma vision personnelle, et de m’ancrer plus encore dans ma créativité. 2022 s’annonce formidable : avec un street art dans les Barbades, une expo en Afrique du Sud et plusieurs projets au Maroc. Enfin, il y a « L’Atelier » pour découvrir l’expérience pleine et complète d’un portrait, d’une création, d’une co-création même, mais autrement…»

 

Ici où tout se meut pour prendre vie

Il y a peu, Booshra nous recevait dans le Brabant wallon, dans son Atelier. « Mais on est chez vous ! », lui lance-t-on. « Oh Merci ! C’est fou ! C’est l’une des premières questions que l’on me pose en entrant ici… ». L’Atelier est une galerie d’art permanente vraiment à part, en ce sens qu’elle a été aménagée par l’artiste elle-même. « J’ai dessiné la cuisine, imaginé le salon, chiné les meubles … » Cet Atelier, c’est son refuge, forcément chaleureux et réconfortant que Booshra, peintre généreuse, invite donc à partager. « Cet Atelier permanent, je l’ai voulu comme le lieu qui porte et voit naître les œuvres, le lieu ‘d’être’ indissociable de l’artiste que je suis, une galerie intime où tout se conscientise, se dessine, se manifeste et se meut pour prendre vie ».. Booshra Mastour souhaite y organiser des vernissages dînatoires en petit comité, 12 personnes au maximum. « Des vernissages dînatoires qui seront le fruit d’une co-création en symbiose avec un ou une chef(fe), un/e céramiste, et une peinture dévoilée ce jour-là. Leurs choix de textures, d’associations, de couleurs, etc., exprimeront leur propre expérience.

 

Que se passe-t-il dans le noir ?

C’est à une véritable expérience sensorielle que Booshra Mastour nous invite ce soir-là. « Es-tu capable de lâcher prise ? De ne penser à rien ? De ne rien imaginer, de ne rien attendre. D’observer pleinement ? Il n’y a rien d’ésotérique ou de spirituel, rien de mental ou d’intellectuel, rien n’est à croire, rien n’est à connaître. Tout est à observer, à expérimenter soi-même. Il fera noir mais je te conseille de ne pas parler, d’observer un silence absolu, pendant une dizaine de minutes. Je reste à tes côtés… »

Impossible évidemment de vous en dire plus sous peine de gâcher votre ressenti lorsque vous participerez à votre tour à cette incroyable rencontre artistique avec une toile. Une chose est sûre : les tableaux intimes que Booshra Mastour peint donnent à vivre bien plus dans l’obscurité et dans le silence, que sous l’éclairage !


www.booshra.com

Les dates des vernissages (max. 12 personnes) seront communiquées sur le site et les réseaux de l’artiste. L’Expérience d’une œuvre (jusqu’à quatre personnes) à réserver.


Stephan-Streker

Stephan Streker ou l’art de la conversation

Stephan Streker a plus d’une passion dans la vie. Parmi elles, le 7e art. Et le foot, qui lui vaut aujourd’hui d’être consultant sur l’émission de la RTBF consacrée au ballon rond, La Tribune. Ancien journaliste fou de cinéma, Stephan Streker est passé d’intervieweur à interviewé, quand en 2004 il réalise Michael Blanco, son premier long-métrage. Suivra neuf ans plus tard  Le Monde nous appartient et en 2016, Noces, succès critique et public. Il revient aujourd’hui avec L’Ennemi (en salle le 26 janvier), avec dans les rôles principaux Jérémie Renier et Alma Jodorowsky, librement inspiré de l’affaire Bernard Wesphael, cet homme politique wallon qui défraya la chronique, quand accusé d’avoir assassiné sa femme, Véronique Pirotton, à Ostende en 2013, il est acquitté trois ans plus tard.

Rencontre avec Stephan Streker dans les bureaux de ses producteurs de toujours, Michaël Goldberg et Boris Van Gils, dont le compagnonnage lui est précieux.

Vos films s’inspirent souvent de faits divers, le cas encore pour L’Ennemi. Qu’est-ce qui vous attire tant dans le fait divers ?

J’aime les films qui partent de faits réels, car cela rappelle souvent que dans l’art, ce qui compte c’est le point de vue, le regard. Confiez un même fait divers à trois cinéastes différents et vous aurez trois œuvres différentes.

Ce qui m’intéressait dans l’affaire Bernard Wesphael, c’est le substrat. Je pense que le film est né le jour où j’ai rencontré deux êtres humains, que j’aime et que je respecte énormément, qui m’ont défendu bec ongle et leur position. L’un persuadé de l’innocence du personnage de cette histoire réelle, l’autre de sa culpabilité. Je me suis rendu compte que leur point de vue en disait plus sur eux-mêmes que la réalité.

 

Pas de musique sur le générique de fin, mais le bruit des vagues. Pourquoi ce choix ?

Pour une raison évidente, le film commence à la mer et il se finit à la mer.  Par ailleurs, j’adore le bruit des vagues, c’est un son très apaisant. Surtout, c’est un son mouvant. Il n’y a rien d’arrêté… le doute reste.

Et je préférerai toujours les films qui posent des questions aux films qui apportent des réponses. La question ouvre, là où la réponse ferme. La question idiote n’existe pas, la réponse idiote… il y en a quantité !

 

Vous avez été journaliste cinéma, qu’est-ce qu’il vous reste de cette activité et de cette époque de votre vie ?

Tout d’abord, j’ai adoré faire ça. Je trouvais que je faisais le plus beau métier du monde. Quand je travaillais pour le journal Moustique, je faisais très peu de critiques, mais énormément d’interviews. J’ai pu rencontrer des réalisateurs dans des conditions incroyablement privilégiées : James Cameron, Francis Ford Coppola, Michael Mann, Claude Chabrol, Terry Gilliam, David Lynch, Sergio Leone …

Je suis un vrai cinéphile au sens premier : j’aime le cinéma. Ma nature est de plutôt fait que je vais retenir et célébrer les films que j’aime, plutôt que de critiquer ou de dire du mal des films que je n’aime pas.

Ce métier a été totalement décisif dans la carrière de cinéaste que j’ai embrassé.

 

Entre écouter par passion les cinéastes parler de leur travail et en devenir un soi-même, il y a une marge ! Comment on saute le pas ?  

Il y a eu un peu d’inconscience. Si j’osais un conseil, ce serait : action, décision… dans cet ordre-là.

Il faut d’abord sauter de la falaise pour se construire des ailes pendant la chute, plutôt que de se construire des ailes avant de se lancer.

 

Et si on s’écrase ?

Ça n’est pas grave !  C’est moins grave que de ne pas avoir sauté… parce qu’il n’y a pas la mort au bout. Il y a un problème, quelque chose… mais la vie c’est comme ça !

 

Une autre passion vous anime : le football. Y a-t-il un lien entre ces deux passions ?

Le lien le plus important, c’est de considérer que le football est aussi une expression artistique et que l’on peut dire des plus grands joueurs, qu’ils ont une indiscutable part de créativité. Une passe de Kevin De Bruyne envisagée et exécutée techniquement à la perfection, est à n’en pas douter un geste d’artiste. Les joueurs que j’admire le plus sont des joueurs créatifs et je leur reconnais un statut d’artiste.

Il est d’ailleurs intéressant de voir que bon nombre de cinéastes sont des passionnés de foot… Stanley Kubrick en tête.

 

Des projets ?

J’ai écrit le scénario d’un polar : Du sang sur les mains, une tragédie grecque déguisée en polar. Ça n’a rien à voir avec ce que j’ai pu écrire précédemment, et ça m’excite énormément.

J’ai toujours adoré le polar au cinéma. C’est une façon à la fois spectaculaire et plus légère de traiter de grands sujets.


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« Beau comme une usine ! »

URBEX, c’est quoi ? Un mot condensé pour désigner l’Exploration Urbaine. Les photographes Delphine Buxant & Céline Danloy prospectent les traces du passé en sites désaffectés, usines, mines, hangars, prisons, hôpitaux psychiatriques, piscines, et aussi, écoles, églises, maisons, voitures … Quelle est l’histoire de ces lieux ? A qui appartenaient ce cheval à bascule, cette robe de bal, ce vinyle, tous ces objets abandonnés là ? Sans jamais intervenir sur les lieux qu’elles visitent, nos compatriotes en capturent des images qui racontent le terrible silence, l’inexorable destruction par la rouille, le bonheur qui s’est fait la malle. Des photos qui suggèrent la vie d’avant également. Et c’est beau comme un récit de voyage.

« L’histoire de certains sites industriels peut nous être aisément accessible. Mais on a beau ‘savoir’, les lieux génèrent des images… », expliquez-vous d’entrée de jeu dans votre livre, « Terminu »s. Que ressentez-vous sur ces lieux abandonnés ?  Delphine Buxant : « Imaginez un véritable voyage dans le temps, c’est exactement ça. Des maisons à l’abandon et des objets qui jonchent encore le sol, parfois 50 ans après la dernière occupation. Qui a vécu ici ? Pourquoi cette maison n’a-t-elle pas été vendue, rénovée ? Aux Pays-Bas, par exemple, il  n’y a pas d’URBEX, rien – ou si peu – n’est à l’abandon. En France et en Belgique, en revanche… »

N’est-ce pas un peu indiscret de fouiller ces lieux ? « Tout dépend de la manière dont on aborde les choses. Pour moi, l’URBEX est une passion. D’ailleurs, c’est en visitant des lieux abandonnés que je suis devenue photographe, pas l’inverse ! Il y a donc de ma part et de celle de Céline (Danloy – nda) une volonté de partager cette vibrante passion pour l’URBEX à travers la photographie. »

Quelle est votre méthode de travail ? « Il faut d’abord trouver un endroit abandonné via le réseau des urbexeurs ou sur le net ou parfois repéré dans la presse. Ensuite, place à l’immersion dans le lieu pour s’en imprégner. On reste parfois quatre heures sur place ! On ouvre des tiroirs, on fouille les étages. Ce n’est pas de la curiosité, j’insiste. Plutôt l’envie de témoigner, à travers la photographie, d’un passé révolu, mais qui est toujours porteur de sens. Quand on arpente une usine désaffectée des heures durant, on peut presque sentir la sueur des travailleurs… C’est terriblement émouvant. »

Vous citez d’ailleurs les usines métallurgiques parmi vos lieux URBEX préférés … « Oui, notamment, Heavy métal (en langage URBEX – nda), une ancienne aciérie liégeoise condamnée au début des années 2010 en raison du ralentissement économique. On a réussi à prendre cinq photos, dont l’une magnifique où le soleil s’engouffre dans le monstre d’acier… »

Charleroi est donc un terrain de jeu parfait pour l’URBEX ? « Et Liège ! Et l’Italie, pour une tout autre raison : on y trouve beaucoup de sites abandonnés mais très peu ont été vandalisés. Nous avons le projet de nous y rendre. »

L’exploration urbaine consiste à visiter des lieux abandonnés qui ne sont pas forcément libres d’accès ! Si la propriété est abandonnée mais reste privée, que faites-vous ? « Il faut envisager tous les cas de figure : soit on fonce, soit le site a depuis été rénové, soit l’entrée est barricadée, soit les voisins veillent (rire), soit la police risque d’intervenir… On a vécu chacune de ces situations ! »

Quel est l’endroit Urbex photographié qui vous a laissé le souvenir le plus intense ? « Ce sont les prisons. Toutes ces traces, ces mots, ces écrits, ces cris, laissés sur les murs ; ces vies réduites à l’enfermement… C’est un sentiment très difficile à exprimer. Mes photos sont, je l’espère, plus parlantes… »


Terminus

Que s’est-il passé ici ? Pourquoi les occupants sont-ils partis, abandonnant là outils, machines, souvenirs les plus intimes parfois ? Dans « exploration urbaine », il y a exploration. C’est à celle du passé et des traces qu’il laisse que Delphine Buxant & Céline Danloy vouent leur passion pour la photographie. Un livre d’une beauté brute qui s’ouvre le plus souvent sur l’inconnu…

Terminus, aux Editions Racine

 


Hande-Kodja

“Je ne suis pas une mondaine”

Inscrite à l’Académie de musique de Bruxelles, notre compatriote Hande Kodja aurait pu devenir pianiste, si elle n’avait préféré monter à Paris pour s’inscrire au Conservatoire National d’Art Dramatique. Un regret ? « Ah la la, vous mettez le doigt sur la plaie. Je joue du piano tous les jours. A tout vous avouer : je peux même jouer pendant des heures. Un regret ? Oui, oui peut-être … »

Si Hande Kodja avait délaissé le grand écran pour la musique, elle nous aurait privés de quelques perles cinématographiques : « Meurtrières » de Patrick Grandperret où elle est Nina, ado fauchée qui va s’attirer pas mal de problèmes, un rôle extrême qui l’a révélée aux pros (le film est à Cannes) et au grand public, « Marieke Marieke » de Sophie Schoukens où elle crève littéralement l’écran en jouant une ado en quête d’amour paternel, qui se perd dans des bras de septuagénaires dont elle photographie les corps dénudés, ou encore « Rosenn » d’Yvan Le Moine, l’histoire d’une jeune femme en proie à la passion sur fond de Grande Guerre… Que de drames ! « Oh, c’est un concours de circonstance car, croyez-moi, je ne passe pas mon temps à explorer les recoins sombres de l’âme !  J’adore aussi les comédies… »

Du 100% Belge

Sophie Schoukens, Yvan Le Moine, Jawad Rhalib, les réalisateurs belges sont tombés sous le regard fascinant de la discrète Hande Kodja. « Je ne suis pas une mondaine, je préfère en effet me perdre en forêt ou dans les rayonnages de la librairie Filigranes qu’arpenter le tapis rouge ! » Mais Hande aime surprendre aussi et brouiller les pistes. Quand on lui demande avec quel réalisateur belge elle aimerait tourner, elle répond sans chercher à réfléchir : « Fabrice Du Welz ! », l’auteur d’une trilogie sur l’amour fou et la violence (« Calvaire », « Alléluia », « Adoration » … ) Et si la trajectoire d’Hande Kodja était bien moins rectiligne qu’il n’y paraît…  « Music Hole » du duo belgo-français Gaëtan Liekens et David Mutzenmacher pour preuve ! « C’est déjanté mais intelligent », insiste-elle. « Cette histoire d’un comptable de cabaret miteux qui va tout tenter pour raviver les flammes de l’amour a choisi le ton de la comédie noire décalée et fantaisiste. J’ai pris un réel plaisir à faire partie de l’aventure ! »

Et demain ?

« En 2022, vous allez enchainer plusieurs tournages, le rythme s’accélère, que se passe-t-il ? ». Elle rit. « Ce métier n’est en aucun cas linaire. Je reçois des scénarios évidemment, encore faut-il qu’ils me plaisent ! » Ce fut le cas pour « You Never Know » de la réalisatrice américano-finnoise Victoria Schultz, un film féministe et politique.  Le cas aussi pour « The Journal » et « When Whales Cry », tous deux écrits, et réalisés en 2022, par l’Allemande Nora Jaenicke. « The Journal est un thriller psychologique qui nous offre un regard sans vergogne sur les replis les plus sombres de la nature humaine. Quant à « When Whales Cry », le film explore l’impact des secrets de famille sur nos vies. » Et le scénario ultime, celui que l’on ne vous a pas encore proposé ? « Difficile question ! Je dirais, le rôle d’une… pianiste ! » Et Hande Kodja de boucler la boucle.


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Un café avec un croissant et quelques confidences, s’il vous plait !

C’est dans un troquet saint-gillois que Thomas Gunzig, chroniqueur, photographe, scénariste et écrivain belge, a rédigé son nouveau roman, Le Sang des bêtes. C’est là aussi qu’il nous a fixé rendez-vous pour une bonne heure de papote sans filtre. Thomas Gunzig nous parle de la force de l’imaginaire et de sa position d’écrivain. De ses hésitations, de ses doutes et de ses ambitions aussi, que ce nouveau chapitre devrait combler, pour sûr .

Lui : « Je vous commande un café ? » Elle : Un thé bio fera l’affaire. 

Lui : «  Vous êtes bobo ? » Elle : Vous n’avez pas idée,  je viens même du Béwé ! Rire. 

Et vous ? « J’habite au fond d’Uccle, à la limite de Linkebeek… » 

Mais vous n’êtes pas sur vos terres ! « Non, je n’aime pas travailler à la maison. Quand je suis chez moi, c’est pour manger, dormir, m’occuper de mes enfants. J’ai besoin de dissocier vie privée et travail. » 

Pourquoi ne pas avoir choisi un espace de coworking ? Ils sont légion à Bruxelles ! « Oh non ! Impossible ! Je déteste travailler dans un endroit dédié au travail. Voir tous ces gens en rang d’oignon qui bossent, ça me déprime vraiment ! »  

Oh oh, peut-être n’aimez-vous pas le travail ? « Ah mais je me force à écrire ! » 

Même pour vos chroniques matinales sur La Première (RTBF) ? « Evidemment ! Si j’avais le choix, je n’écrirais pas, je me promènerais dans les bois toute la journée ! » 

Mais ça ne paie pas ! « Rien à ajouter ! »

Vous ne rêvez pas de devenir écrivain à temps plein et d’abandonner vos casquettes de chroniqueur, de scénariste, de prof ? « Evidemment ! Mais j’ai fait le choix de travailler avec une maison d’édition indépendante, Au diable vauvert, fondée par Marion Mazauric. Je suis chez eux depuis ‘Mort d’un parfait bilingue’. Marion ne me larguera jamais, même si mon roman devait être un fiasco, et je ne la quitterais pour rien au monde. Cependant, ce n’est peut-être pas la meilleure maison d’édition pour faire le buzz à Paris ! »

Vous avez soif de reconnaissance ? « Oui, sans doute ! Gamin, on m’a trop longtemps pris pour un idiot ! Pour revenir à ma chronique sur la RTBF, la seule raison qui me motive à la poursuivre – je l’ai entamée en  2010 – , ce sont les réactions positives du public, pas mes maigres défraiements ! C’est un peu comme une addiction cette reconnaissance… » 

Je vous sens un peu amer ? « Non, pas du tout. Consacrer ses journées à une activité qui mêle la recherche, l’émotion, l’échange, l’expérimentation et pouvoir en vivre, c’est une chance extraordinaire. C’est vrai qu’il m’arrive de l’oublier et je me lamente alors sur la charge de travail et les sacrifices que ça représente, mais je me reprends très vite. Je n’ai vraiment pas le droit de me plaindre ». 

Be Perfect a bien fait de vous offrir la cover ! Rire. « Oh, oui, merci ! »

On attaque Le Sang des bêtes, votre nouveau roman ?  « Allons-y ! »

Vous dédicacez votre livre à vos parents « pour tout ce qu’ils ont fait de travers » ! C’est fort drôle ! Je sens néanmoins poindre un reproche derrière le sarcasme ? « Mes parents qui sont toujours en vie, ont toujours été très aimants mais ils ont parfois voulu trop bien faire. Toujours avec bienveillance et amour certes, mais…  Je vous donne juste un exemple : très jeune, j’étais un peu dyslexique et ils m’ont placé dans l’enseignement spécialisé avec d’autres élèves qui avaient des problèmes plus graves que les miens. Et quand j’ai réintégré l’enseignement classique, je ne vous raconte pas mes lacunes…

Vous en voulez à vos parents ? « Non, ils auraient pu être démissionnaires, ils ne l’ont pas été ! Et ce qu’ils ont fait de travers compose l’homme que je suis aujourd’hui ! »

Parlons de Tom, le personnage de votre dernier roman, il est juif par son père, est sportif, a 50 ans, se demande ce qu’il a fait de sa vie. Tom, c’est vous ! « Ahaha, oui, dans tous mes romans, je projette un peu de moi et ce n’est pas toujours intentionnel. Même dans un personnage de femme, il y a parfois une part de moi… Mais dans ce dernier roman, c’est peut-être en effet plus frontal… »

Tom, c’est un anti-héros. Vous aimez particulièrement ces personnages ordinaires en prise avec un quotidien qui les dépasse … « Un anti-héros, c’est quelqu’un de normal sans cape ni pouvoirs spéciaux, ce qui donne évidemment plus de poids à son héroïsme ! »

Pas de super-héros chez Thomas Gunzig, mais des personnages bien frappadingues, comme cette femme qui pense être une vache… « Mais c’est vraiment une vache ! »

Ah ! J’y avais vu une ode à la différence ou une volonté de casser les stéréotypes de genre… « Oui, c’est ça aussi, mais dans ma tête, le personnage de N74 est vraiment une vache. Je dois bien vous avouer que je ne sais absolument pas comment le lecteur va l’appréhender ! Hormis dans ‘Feel Good’, j’ai toujours introduit des éléments décalés, étranges, noirs, dans mes romans. L’imaginaire est l’outil le plus précieux dans un récit ! On peut dire beaucoup de choses à travers le registre du fantastique, bien plus qu’avec l’hyper réalisme ! »

Le traumastisme transgénérationnel de la Shoah est également au cœur de votre nouveau roman… « Oui, mais je ne le ressens pas comme un traumatisme, qui pourrait être handicapant. Au contraire, cette mémoire transgénérationnelle m’a rendu plus fort. Aujourd’hui, je sais que je peux (presque) tout affronter. Je suis devenu un guerrier ! »

Enumérer des détails pour composer un personnage, fait partie de la touche Gunzig. Ce style s’est-il affiné avec le temps ? « Oui ! En tant que romancier, on est souvent dans une recherche stylistique pour imposer une sorte de signature. Avec le temps, j’ai l’impression d’aller davantage droit au but, adieu l’esbroufe et les images formelles pour épater… Je me sens mieux dans une forme d’économie de moyens. Moins, c’est mieux. »

Sans rien dévoiler de l’histoire, vous êtes devenu un auteur résolument optimiste – bravo ! « Oui, je suis beaucoup moins pessimiste qu’à mes débuts ! Peut-être qu’en vieillissant j’ai besoin de trouver un équilibre dans le déséquilibre… Ou à force de regarder mes enfants qui sont formidables dans ce monde qui ne l’est pas, suis-je devenu plus optimiste… Je n’en sais rien ! Ce roman est comme un geste d’amour envers le lecteur. Je souhaite qu’il se sente bien, une fois le livre refermé. Franchement, ça me rendrait infiniment heureux !


Le Sang des bêtes (Au diable vauvert éditions)

Tom, vendeur dans une boutique de protéines pour bodybuilders, est en pleine dépression. A 50 ans, qu’a-t-il fait de sa vie ? Témoin d’un acte de violence, il va sauver une inconnue qui prétend être une vache, la ramener chez lui et perturber le quotidien de tous, de sa femme qui ne le rend plus heureux, de son fils tout juste séparé de sa copine et de son père, juif marqué par la Shoah et malade d’un cancer.

Avec les membres de la famille de Tom, Thomas Gunzig fait une description lucide de son temps. Son roman bref et impeccable se dévore sur le corps, le couple, la vie, vieillir, aimer, durer, rester vivants, qui alterne avec un talent et un rythme parfait le rire, la lucidité, le désenchantement, le bonheur… Drôle et profond, le plus sensible et personnel des livres de l’auteur.

En librairie le 6 janvier, date de sortie également de « Feel Good » en format poche.


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Les œuvres versatiles de Lou van ’t Riet

Les triptyques de cette jeune plasticienne, combinant formes géométriques et couleurs, invitent les spectateurs à sortir de leur passivité et à interagir. Attention, il est permis et même recommandé de toucher !  


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Le Vaudeville Plus de 137 ans et pas une ride

Le Vaudeville semble avoir eu mille vies depuis sa construction en 1884. Tour à tour café-chantant, théâtre qui accueillit « Bossemans et Coppenolle » et discothèque (les nuits du Vaudeville, que de souvenirs !), cet endroit mythique abrite désormais une salle évènementielle et des chambres d’hôtes gérées par Choux de Bruxelles.

Le théâtre du Vaudeville fut construit en 1884 au sein des galeries Saint-Hubert  à Bruxelles, mais son histoire architecturale remonte à 1846 lorsque l’architecte Jean-Pierre Cluysenaer, figure de proue de l’éclectisme, conçut l’un des premiers marchés couverts de Bruxelles. Il imagina une imposante verrière afin d’apporter de la lumière naturelle au passage, et évoquer la vente en plein air ; la structure de la verrière composée de colonnes en fonte est d’ailleurs toujours visible de nos jours au Vaudeville.

Inauguré le 14 novembre 1847, le Marché aux Fleurs qui s’adressait à une clientèle différente de celle du Marché aux Herbes ne répondit pas aux attentes financières de la société des Galeries. Dès lors en novembre 1851, il fut transformé en café-chantant et dénommé : le Casino Saint-Hubert. Il devint donc la seconde salle de spectacle après le Théâtre des Galeries, dont la construction remonte en 1847. Dirigé par le Conte de Juvigny, un Français exilé à Bruxelles, l’ambiance y fut très chaude ! Le public assistait à un spectacle, bière à la main, pommes de terre rôties pour l’accompagner. Il connut une existence éphémère à l’instar de la plupart des cafés-concerts bruxellois de l’époque…

En 1872, à l’initiative de Léopold Boyer, un ancien ténor qui y avait fait ses débuts, les lieux se transformèrent en théâtre doté de loges, de baignoires et d’un balcon. Pourvu d’une décoration orientale, il rouvrit sous le titre de « Spectacle-concert des Bouffes Bruxelloises » et fut consacré à l’opérette et au vaudeville, tout en ne rompant pas ses habitudes de café-concert où le public continua à consommer et s’amuser.

 

Le Théâtre du Vaudeville venait de naître ! 

Le 28 octobre 1884, afin d’assurer la sécurité du public et du personnel, la salle des Bouffes fut transformée en véritable théâtre avec de vastes dégagements. Le Théâtre du Vaudeville venait de naître ! Il présentait un décor en plâtre néoréaliste tel que les théâtres d’inspiration italienne. On y découvrait des cartouches portant les noms d’illustres auteurs, des putti musiciens (angelots -nda), une lyre d’Apollon, un sceptre de bouffon. Le plus marquant était sans conteste, le plafond en forme de coupole qui était supportée par quatre caryatides (statues de femmes qui font office de colonnes-nda) aux allures aussi suggestives que les pièces libertines qui se jouaient au Vaudeville.

En 1926, afin d’aménager les accès, un magasin placé à droite servit de foyer et de hall d’entrée. Ses motifs floraux et géométriques de style Art déco subsistent encore de nos jours.

Durant des décennies, le Vaudeville fut consacré au théâtre de boulevard, à la revue et la zwanze (type d’humour gouailleur associé à Bruxelles-nda) et aux spectacles mémorables à l’instar de « Bossemans et Coppenolle » qui y fut présenté pour la première fois le 25 février 1938. De célèbres artistes tels Juliette Gréco, Bourvil, Raymond Devos ou encore Fernand Raynaud foulèrent ses planches.

 

Une discothèque qui agita le tout-Bruxelles ! 

Après la faillite du théâtre, il fut loué durant vingt ans à Jean-Marie Ravet, plus connu sous le nom de « Yannick du Vaudeville ». Il le transforma en dancing qui agita le tout-Bruxelles. On lui a demandé de nous raconter « ses années Vaudeville ».

Yannick Ravet, qu’avez-vous vu en pénétrant la première fois au Vaudeville ?

Son superbe plancher en chêne, ses dorures, ses angelots, ce côté florentin… Un théâtre merveilleux, magnifique, que j’avais cherché pendant des années.

En quelle année avez-vous ouvert le Vaudeville ?

En mille neuf soixante- quatorze, j’avais 40 ans (Yannick est d’origine française comme le Conte de Juvigny qui, avant lui, avait allumé le feu – nda).

Donc en 1974, vous avez transformé le théâtre en discothèque ?

Le théâtre était dans un état lamentable, les éclairages étaient même arrachés! J’ai entrepris des travaux de replâtrage, notamment pour les moulures qui

manquaient, et redonné ce côté lumineux du théâtre avec ses fresques, ses blasons. J’ai refait les loges. Ensuite, mes amis ont décidé d’ouvrir le lieu à la « high society ». L’idée ne me plaisait guère et ça n’a d’ailleurs pas été une grande réussite. Alors j’ai pris un virage à 180° et fait du Vaudeville, un rendez-vous populaire. Le succès a été incroyable : j’ai vu revenir tous les clients du Kiosque et du Cinéma, mes précédents Club privés. Au Vaudeville, se rencontraient les noctambules du haut et du bas de la ville, une incroyable mixité !

Parlez-nous de la piste de danse (qui surplombait le bar), façon « Saturday Night Fever » durant les années disco.

J’en fus l’architecte, le maître d’œuvre. La piste ressemblait à une couronne, que j’avais fait réaliser sur mesure par un ferronnier. C’était une continuité de la scène du théâtre qui servait déjà de piste de danse … 

A la fin du disco, pourquoi avoir retiré cette fameuse piste de danse ?

A cette époque, toutes les pistes de danse étaient en contrebas et ça m’avait influencé. C’était une erreur.

Votre concession, 1974-1994 ?

Oui, 20 ans de concession ! Les 3 dernières années ont connu les fantastiques soirées folles du Vaudeville avec Maman, Marco et leurs amies …

Le Vaudeville était une adresse incroyable, fréquenté par de nombreuses stars du showbiz !

 

Ce soir je dors chez Loulou ou Baudelaire ? 

Quelques années plus tard, le metteur en scène Daniel Scahaise (qui fut plus tard, de 1998 à 2015, directeur du Théâtre des Martyrs-nda) redonna vie à la salle de spectacle. En 1999, de minutieux travaux de rénovation furent entrepris par le bureau d’architecture bruxellois A2RC et scrupuleusement supervisés par la Commission royale des monuments et sites.

Son faste retrouvé depuis 2003, le théâtre du Vaudeville est géré par la société évènementielle Choux de Bruxelles. Il est loisible de louer les lieux pour un évènement et même de prolonger le plaisir dans l’une des splendides chambres d’hôtes répondant aux noms de Loulou, Black and White, Magritte, Apollinaire, suite Victor Hugo (celles-ci sont côté cour) et Rimbaud, Explorateur, Diva ou encore suite Baudelaire qui ont toutes vue sur la spectaculaire Galerie de la Reine.

Nous remercions Thierry Dhulsters qui gère le site avec passion et a mis les archives du Vaudeville à notre disposition.


www.chouxdebruxelles.be