Caroline Notté
Electron libre et éclectique
Mots : Agnès Zamboni
Photos : DR
Dans le paysage minimaliste de l’architecture et de la décoration belge, affichant rigueur et sobriété, elle assume son côté décalé, parfois rock’n’roll. Généreuse, surprenante et enthousiaste, Caroline Notté entraîne dans son sillage d’autres personnalités.
D’où vient ce refus une architecture lisse et linéaire ? J’aime les couleurs chaudes comme celles de Luis Barragan et j’adore les mélanger ainsi que les styles et les époques. J’ai vécu en Andalousie et à New York, quel contraste ! Et je continue à me rendre régulièrement à Zanzibar, un archipel où se mêlent de nombreuses influences. Dans mes projets, je transpose cette créativité selon le contexte, la situation et le client. Dans tous les espaces que j’ai habités, j’ai intégré la couleur pour composer des ambiances différentes. Après mes études d’architecture à Saint-Luc et à La Cambre je suis partie vivre une année à Séville et, de retour à La Cambre, j’ai réalisé ma thèse sur les maisons patios sévillanes. Puis je suis partie à New York étudier la photo. En rentrant en Belgique, j’étais prête à bousculer les tendances… non pas dans le but de me faire remarquer mais d’ouvrir le champ des possibles.
Comment est venue l’idée d’inviter d’autres artistes dans votre univers ? La maison signée Louis Herman de Koning qui abrite mon bureau et cabinet de curio-sités est un emblème de la Belgique. Au cœur de cette icône architecturale des années 1930, qui mérite de vivre à travers des manifestations culturelles, j’ai créé un espace dédié aux artistes, pour lesquels j’ai eu un véritable coup de cœur. Ils s’intéressent à la couleur et la matière comme le souffleur de verre Xavier Normand, la peintre Aurélie Gravas. J’ai une âme d’artisan et je vais moi-même régulièrement à l’académie de Watermael-Boitsfort pour dessiner des nus. J’aime aussi la tapisserie. Pour les 100 ans du Bauhaus, j’ai créé des tapis avec Limited Edition.
Avez-vous envie de vous lancer dans l’édition d’objets ? Je ne suis pas designer mais j’ai un côté touche-à-tout et expérimental. J’ai eu envie de concevoir des objets qui ont de la présence. J’ai dessiné un modèle de table basse – en pourparlers avec l’Emaillerie Belge – et un motif de papier. « Palms », mixant la végétation exubérante de Zanzibar et les formes organiques de l’Art Nouveau – en cours avec Pierre Frey. En ce moment, je mets aussi au point un modèle de poignée de porte avec la maison Vervloet : Abstraction d’un morceau de branche, « Touch me » invite à la caresse et sera nappé d’une patine, vert mousse, tout à fait inédite. L’idée m’a été inspirée par l’architecte et designer Charlotte Perriand qui observait beaucoup la nature. En parallèle, je continue mes collaborations, avec des architectes, de plus en plus orientées vers les espaces publics (restaurants, bars, hôtels…) et de travail. En 20 ans de pratique du métier, mes activités ont évolué. Après 2 ans passés aux côtés de Marc Corbiau et 4 ans avec Lionel Jadot, où j’étais architecte responsable du bureau, j’ai ouvert ma propre agence. Puis j’en ai eu assez de passer trop de temps dans l’administratif et les permis de construire. Il y a environ 8 ans, j’ai changé le statut de ma société pour me focaliser sur l’aménagement d’intérieur. Bien sûr, je continue « à casser des murs » et mes notions de conception de l’espace me sont indispensables dans sa gestion et sa restructuration. 4 fois par an, j’organise des expositions pour présenter de nouveaux talents : le designer Kaspar Hamacher lauréat du Prix Van de Velde, Pol Quadens, qui a fait le choix de l’indépendance et lus récemment Paloma Gonzales-Espejo et sa ligne de tables The Yume Furniture Collection… Il n’est pas rare que les artistes, auxquels j’ai offert une première visibilité, soient ensuite repérés par de grandes galeries comme Carpenters Workshop Gallery.
Et vos projets d’architecture, comment évoluent-ils ? Récemment, j’ai réalisé plusieurs aménagements de bureaux avec une approche favorisant la convivialité, le côté cosy comme à la maison. Dans ce domaine, j’ai remporté des concours pour les espaces Comeos, SAP Lounge ou le cabinet d’avocat Xirius avec des solutions plus conviviales qui brisent les codes du milieu. L’architecte André Putman, que j’admire, disait : « Ne pas oser, c’est déjà perdre ». J’aimerai me diriger vers la scénographie, réaliser des décors d’opéras, des vitrines pour des maisons de luxe. J’ai envie d’éphémère, de poésie…
Vous fonctionnez à l’intuition ? Exactement, à l’inverse d’un ensemblier, j’essaie de développer ma spontanéité, mon ressenti. J’ai cet instinct du collectionneur qui, passionné par la découverte des artistes, fait confiance à sa propre sensibilité. Outre le travail de Charlotte Perriand avec sa phase japonaise et celui de Claire Bataille, qui sont de véritables références pour moi, j’observe le travail de Kelly Wearstler. Les moyens de ses clients sont démesurés mais son audace est un modèle pour moi. J’apprécie aussi les réalisations de Dorothée Meilichzon, Laura Gonzalez ou India Mahdavi qui s’expriment en faisant fi des tendances de la décoration. Moi, mon style, c’est de n’en avoir aucun ! Et de m’adapter aux lieux et contextes pour laisser exploser ma créativité, en gardant comme ligne conductrice la JUSTESSE.
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