Carine Doutrelepont
L’image comme écriture du monde
Mots : Olivia Roks
Photos : Carine Doutrelepont
Avocate reconnue, Carine Doutrelepont est également une photographe talentueuse et passionnée. Inspirée par la nature et la diversité humaine, elle parcourt la terre en quête de découvertes et de richesses. Une exposition à La Boverie à Liège et un nouvel ouvrage dévoilent son travail qui nous fait naviguer entre réalisme et imaginaire, un art photographique teinté de poésie.
Comment est né votre amour pour la photo ? Plusieurs facteurs m’ont poussée vers la photographie. Ma fille cadette en est passionnée et je m’y suis intéressée grâce à elle. Depuis toute jeune, je suis une amoureuse de littérature, de poésie. Selon moi, la photo est une forme d’écriture, l’image remplace les mots, elle apporte une plus grande sensation de couleur. Mon métier m’a également amenée à l’art photographique, je suis avocate en droit des médias et des droits fondamentaux où l’image est omniprésente. Et il y a bien entendu aussi l’héritage de mon père, un homme passionné par les pierres et la géologie, devenu archéologue à un âge où d’autres songeraient plutôt à la retraite. Tant d’influences et d’inspirations qui m’ont amenée, il y a environ une dizaine d’années, à manier moi-même cette image, à écrire autrement, à me laisser emporter par l’émotion que la photographie peut susciter.
Tant d’émotions émanent d’ailleurs de vos clichés… Qu’est-ce que vous apporte l’art de photographier ? La photographie est bien plus qu’un simple métier ou un art visuel. C’est pour moi un engagement, une façon de vivre, une manière de percevoir le monde dans tout son éclat et sa complexité. Capturer des images est une chose, mais rencontrer des êtres, comprendre de nouvelles cultures ou univers, en partager les scènes et la richesse de la différence, découvrir des paysages, en est une autre. Ensuite, il y a l’envie de partager et de transmettre, de capter ces instants éphémères qui racontent tant du monde, des petites choses de la vie aux somptuosités de la nature et du vivant dans son ensemble. C’est aussi plaider, avec douceur, la nécessité d’en prendre soin et de protéger sa beauté et sa diversité. Autrement dit, photographier, c’est explorer, découvrir, se laisser surprendre. C’est une perpétuelle aventure et une invitation renouvelée à se dépasser, à repousser les limites et à voir au-delà des apparences. Communiquer l’envie de prendre soin de la nature, car prendre soin d’elle, c’est prendre soin de nous et favoriser le vivre-ensemble.
Justement la nature est presque omniprésente dans vos clichés et vous semblez affectionner particulièrement les terres volcaniques… J’ai commencé avec la photo de paysage, mais j’ai évolué vers des scènes de rue, vers des photos d’habitants, des fêtes sacrées indiennes. J’aime la convergence des univers. J’ai un intérêt particulier pour les terres volcaniques qui sont pour moi le reflet de nos façons d’être, elles sont un miroir pour nous. Extrêmement colorées, elles ont une intensité particulière… Chaque paysage est une leçon d’humilité. Que ce soit les vastes étendues glacées du Nord ou les forêts luxuriantes des tropiques, la nature a cette capacité à nous rappeler notre place dans le monde. Photographe, je me sens souvent comme une simple messagère, une interprète de la beauté brute qui nous entoure. Bien sûr, des rencontres marquantes avec des cultures qui vivent en harmonie avec la nature et qui sont baignées de spiritualité m’ont progressivement appris à voir le monde autrement. Je songe aux Mongols, aux Hawaïens ou encore aux Amérindiens Kogis en Colombie. Leur respect, leur vénération pour la terre et ses ressources m’ont touchée et certaines de mes photos en témoignent. Toutes ces expériences très colorées ont renforcé mon désir de transmettre, par l’image, l’importance de préserver ces trésors. La photographie n’est pas seulement une question d’esthétique, mais une manière de témoigner de la beauté fragile de notre planète, de capturer ces moments éphémères où l’homme et la nature ne font plus qu’un. Mon travail est une ode à la nature et à l’humain qui en fait partie, une invitation à la contempler, à la respecter, et surtout, à la préserver.
Comment voyez-vous l’évolution de la photographie de nature avec les nouvelles technologies, comme les drones ou l’intelligence artificielle ? L’IA, les drones, sont des outils, des processus industriels, mais ce ne sont pas des créations, ce ne sont pas des œuvres selon moi. L’intention photographique, la personnalité du photographe, n’apparaissent pas dans l’IA. Rien de tel que d’avoir son appareil, son boîtier entre les mains. Pour les prises en hauteur, je n’utilise pas de drones, mais je photographie depuis de petits avions.
Vos merveilleux clichés sont désormais à découvrir à La Boverie mais également dans un bel ouvrage. Dites-nous en plus… Oui, j’expose à La Boverie jusqu’au 10 novembre. L’exposition se nomme Brûlures. On y contemple l’intensité et la fusion présentes dans les terres volcaniques qui se retrouvent étrangement dans les fêtes indiennes de Holi et de Divali célébrant le renouveau ou la renaissance, la victoire du bien sur le mal, de la lumière sur les ténèbres. L’exposition souhaite amener le visiteur à entrer dans des univers qui convergent. Je souhaite susciter des énergies positives, une curiosité… Au fil de l’exposition, la lumière évolue, on débute avec la lumière à la fois douce et intense du matin pour terminer avec la luminosité veloutée du soir. Un cheminement, un rythme s’installe. La lumière règne en souveraine sur les images, elle leur donne vie, profondeur et mystère. Quant au livre « Éphémère : éternelle renaissance » aux éditions La Martinière, c’est un ouvrage de photos, ponctué de textes de ma plume, mais aussi du poète Bernard Tirtiaux ainsi que de mes notes issues de mon carnet de route.
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