Atelier Tourain
« Nos créations s’inscrivent comme un retour au vrai »
Mots : Barbara Wesoly
Photos : DR
C’est à la croisée de l’art et du design que naissent les œuvres d’Atelier Tourain, en une exploration sensible des formes, des textures et des matières. Un dialogue magnétique entre le métal et la nature, mais aussi entre la philosophie et le tangible, indissociable pour Tanguy Tourain et Julie Desmidt d’une profonde authenticité créatrice.
Duo à la vie, vous l’êtes aussi au sein d’Atelier Tourain. Était-ce d’emblée une évidence ? Julie : Nous l’avons en réalité toujours été. Dès la fin de nos études, il y a 10 ans, nous avons créé ensemble Fo le Fer, une entreprise de design d’intérieur contemporain, concevant des objets sur mesure, en acier. Un projet démarré dans un petit hangar à chevaux, en pleine campagne, chez les parents de Tanguy. Aucun de nous n’avait de base de connaissance dans ce domaine, il nous a fallu tout apprendre à coups d’essais et erreurs. Mais, nous étions passionnés et notre crédo était clair : l’excellence, tant au niveau de la qualité que de la finition.
Tanguy : Et puis, il y a deux ans, j’ai ressenti le besoin de créer des pièces qui seraient véritablement miennes et non pas issues de commandes. Je voulais avoir le champ libre pour pousser la matière à ses limites, tout comme mon imagination. Après une année d’expérimentation, il est devenu évident pour nous que le résultat était trop personnel, trop empreint de caractère, pour être intégré à Fo le Fer. De là est né Atelier Tourain.
Comment œuvrez-vous à quatre mains ? Julie : Je gère principalement l’aspect organisationnel, les contacts, les matériaux, la planification et la logistique. Généralement, Tanguy arrive avec une nouvelle esquisse ou une idée, que nous examinons ensemble et qu’il adapte ensuite. Ce n’est pas un processus à sens unique, mais un aller-retour créatif nous amenant à construire ensemble chaque œuvre.
Tanguy : Lorsqu’un concept est arrêté, il faut alors trouver ce qui le composera. Je puise dans le métal, la pierre, le bois et parfois au cœur même de la nature, comme pour ces arbres déracinés par une tempête, que je me suis réappropriés. Il arrive que l’inspiration vienne de la matière elle-même et des formes qu’elle adopte spontanément, et à d’autres moments d’une véritable page blanche, comme ce projet d’un triptyque en laiton, auquel j’ai songé soudainement, à deux heures du matin.
Julie : L’on vit à deux, l’on travaille à deux. Partageant la joie et la frustration. Il n’y a pas de coupure, pas de séparation. C’est très intense d’avoir à ses côtés quelqu’un qui connaît la moindre de vos faiblesses et de vos forces. Mais c’est aussi un lien d’une puissance et d’une honnêteté rare.
Quelle est la philosophie d’Atelier Tourain ? Tanguy : Être authentique dans un monde qui devient toujours plus artificiel. Employer des techniques oubliées ou une expertise peu connue, pour concevoir un artisanat tout à la fois brut et raffiné, qui perdurera toute une vie. Et embrasser les matières sans les dénaturer. Il ne s’agit pas juste de fidélité à des valeurs personnelles, mais de transmettre une forme de sincérité. Des objets faits main dans le sens le plus pur du terme, faits par des mains.
Vous sculptez la matière de façon précieuse et profondément organique. Cet alliage surprenant représente-t-il votre signature ? Tanguy : Mon style est en lien avec la nature, les sons, les couleurs, le mouvement. Mais aussi imprégné d’une forme de puissance tactile. Ce mélange de textures et de corps entraîne un besoin de toucher les créations. En mars 2024, en participant à la Collectible Design Fair de Bruxelles, où les œuvres étaient présentées au public la première fois, nous avons réalisé à quel point il se créait une interaction entre les visiteurs et les objets. Tout comme nous le voyons dans notre showroom, où les carreaux en laiton qui sont exposés scintillent face à la lumière et semblent mouvants. Une attraction particulière amène à laisser glisser sa main à leur surface et à en sentir l’odeur. Il y a une âme, de l’ordre du vivant, qu’aucun objet synthétique ou industriel ne peut renfermer.
Tanguy, estimez-vous qu’être autodidacte a influencé votre vision et votre travail ? Oui, cela induit une profonde liberté mais aussi une grande solitude. Et demande d’accepter d’échouer pour avancer. C’est très éprouvant et prend une immense énergie. En même temps, cela permet de n’être entravé ni par une éducation ni par des croyances. Et d’apprendre la résilience.
Cet été vous avez exposé à New York à la galerie STUDIOTWENTYSEVEN et participé à la Biennale Arte de Venise. En octobre, vous étiez également à la Saatchi Gallery à Londres. Que préparez-vous actuellement ? Julie : Atelier Tourain reste un projet à peine entamé, dont nous continuons d’explorer toute la profondeur. Nous sommes désormais associés avec Objects With Narratives Gallery, qui représentera le travail de Tanguy en tant qu’artiste et en compagnie de qui nous participerons à la BRAFA Art Fair en 2025. Mais globalement, nous laissons venir à nous les opportunités pour ne pas créer de frustration et de déception. Le futur est empli de possibles.

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