Mustii
Sans filtre
Mots : Servane Calmant
Photos : Lennert Madou
The Maze, le nouvel album de Mustii, porte le nom d’une boîte de nuit imaginaire qui exprime l’état d’esprit de Thomas Mustin. En se recentrant sur ses propres expériences, l’artiste rend un vibrant hommage à la communauté queer, tout en assumant un engagement plus personnel que jamais. Confessions.
Ce nouvel album s’intitule The Maze. Que signifie ce mot, labyrinthe, pour vous ? J’aime le paradoxe induit par le labyrinthe car il cristallise la quête initiatique de l’humain et la connaissance, mais il évoque également la perdition, la désorientation, l’obscurité, les extrêmes. Cette dualité trouve écho dans une longue nuit de fête : The Maze étant également le nom d’une boîte de nuit imaginaire, dans laquelle se déroulent les expériences de début et de fin de soirée, de l’euphorie à l’abattement. Une métaphore de mon ressenti, de mon vécu, où j’assume désormais pleinement mon côté queer.
C’est votre album le plus personnel… Oui, clairement. Dans mes deux premiers albums, il y avait toujours un personnage intermédiaire entre moi et le public. 21st Century Boy a pour fil rouge un jeune ado fictif et It’s Happening Now rend hommage à la vie de mon oncle schizophrène disparu. A travers The Maze, j’ose exprimer pour la première fois mon identité personnelle et mes émotions. L’aventure Eurovision a provoqué un électrochoc : j’ai réfléchi aux raisons qui me motivaient à faire ce métier. Pendant deux mois, je me suis enfermé dans un studio et j’ai pris du plaisir à explorer les genres musicaux que j’aime : pop-rock, post-punk, glam-rock, tempo techno. Les textes sont également plus radicaux, je ne cherche plus à me cacher. Cet album est l’expression de ma prise de liberté, d’identité, d’assurance.
Queer signifie étrange, bizarre. Ce qui pourrait s’apparenter à un terme stigmatisant est en fait un pied de nez à la norme identitaire dominante… Queer est un terme très réconfortant qui suscite l’imaginaire, et qui permet d’éviter de ranger les gens dans une multitude de petites cases. Nous sommes tous sujets à nous transformer, à explorer les multiples facettes en nous. Encore faut-il vouloir expérimenter nos propres zones d’inconfort.
A sa création dans les années 50, le mouvement queer belge était plus concentré sur la socialisation que sur le militantisme de ses membres. Qu’en est-il aujourd’hui ? Notre société aborde plus facilement qu’avant les thématiques LGBTQIA+, il suffit de voir le succès TV de Drag Race, mais le backlash (le retour de bâton conservateur – nda) existe toujours ! Un nombre croissant de personnes choisissent de vivre ouvertement leur identité et en même temps, elles sont davantage confrontées à la violence qu’auparavant. La lutte pour la diversité des identités de genre et orientations sexuelles n’est pas linéaire, chaque victoire est chèrement acquise face aux réactionnaires…
Etes-vous un artiste militant ? Je ne suis pas le porte-drapeau de la communauté queer. Il existe des artistes ouvertement activistes, ce n’est pas mon cas. J’ai fait un album pop, fun, mais si The Maze arrive à sensibiliser les foules sur les préjugés et les violences à l’encontre de cette communauté alors, oui, je pose un acte politique, mais je le fais indirectement …
La chanson Silly Boys parle de frustration. Peut-on y faire un parallèle avec votre état d’esprit durant l’Eurovision ? Oui, j’y évoque la frustration de se sentir un peu aliéné, de faire partie d’un cirque qui tourne mal pour diverses raisons…
La perdition, un acte conscient ou inconscient ? Pour trouver son centre, il faut peut-être entrer en perdition. Expérimenter les extrémités, emprunter des chemins de traverse, prendre des sens uniques, des murs en pleine face, m’ont permis de grandir et, in fine, de me trouver.
Massive Love Infection évoque la solitude dans le milieu queer. Cette chanson, à l’image de l’album, est une main tendue aux gens stigmatisés car « hors normes » … Ce nouvel album, élan d’amour et hommage aux queers, se veut également une main tendue à celles et ceux qui sont fragiles et qui ont des parcours de vie compliqués. Les thèmes de la normalité et de l’acceptation de soi traversent d’ailleurs mes trois albums…
Musicalement, ce nouvel album ne cache pas ses références à, notamment, un certain Bowie, lui-même considéré comme un queer à l’époque… Il a en effet créé l’événement quand il a déclaré être gay dans les années 70. C’est un homme qui a exploré de nombreuses facettes de sa personnalité. Un artiste kaléidoscopique, ultime.
2024, l’année Mustii : Eurovision, nouvel album, The Maze, et cinéma avec La nuit se traîne, thriller belge au succès fulgurant … S’il vous fallait faire un choix, musique ou cinéma ? L’acting est ce qui me définit en premier.
1 février 2025, vous serez à Forest national. C’est une première ! The Maze est un véritable labyrinthe musical taillé pour le live et Forest national, un rêve éveillé et une première en effet. J’ai un peu de mal à réaliser ma chance !
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