Nicolas Michaux
En prise avec la vie
Mots : Servane Calmant
Photos : Anaïs Ramos
Nicolas Michaux, chanteur, auteur-compositeur et producteur belge, présente Vitalisme, collection de douze chansons pop lumineuses qui, sous leur apparente légèreté, sont imprégnées de la gravité des temps troublés que nous vivons. Une dualité qui dessine un univers singulier et sincère, porté par un activisme artistique optimiste…
Rencontre avec un auteur lucide.
Vous vous souvenez d’Eté 67, ce groupe rock liégeois qui a rencontré le succès fin des années 90 ? Nicolas Michaux en était le chanteur, avant de se lancer dans une carrière solo… Son premier album, A la vie à la mort, sort en 2016, suivi d’Amour colère en 2020 et d’une compilation, Les chutes. Vitalisme, son quatrième opus, dévoilé en octobre dernier, inclut notamment Chaleur humaine, single envoyé en éclaireur, désigné « Coup de cœur des médias francophones publics ». On ne se lasse pas de l’écouter…
Vous partagez votre temps entre le Danemark où résident vos filles, et Bruxelles qui héberge votre label … Le cœur entre deux chaises ? Je suis séparé de la maman de mes deux filles, qui est Danoise. J’ai vécu 10 ans au Danemark et j’y passe désormais six mois par an. J’habite dans un chalet niché sur l’île de Samsø. Un lieu où je vis en communion avec la nature et la mer. Cette dualité géographique me permet de prendre du recul par rapport à la scène musicale bruxelloise et mon cercle professionnel. Une situation qui me convient parfaitement et qui imprègne ma méthode de travail. Vitalisme, mon nouvel album, a été composé dans mon chalet danois, mais les arrangements musicaux ont été faits dans mon studio bruxellois…
Vous avez dédié ce nouvel album à Jeanine Dubois, votre grand-mère communiste qui a passé sa vie à se battre pour un monde plus juste. Et vous, quel est votre combat ? On a souvent opposé la culture de masse aux niches culturelles. Or il y a moyen de faire de l’art populaire – à l’instar de la musique pop que je défends ou des films de Sergio Leone, pour citer un réalisateur dont je suis fan – qui ne prend pas les gens pour des imbéciles ! Il est là mon combat. Je m’inscris dans une pop d’auteur, avec une démarche artisanale. J’ai d’ailleurs co-fondé mon propre label indépendant (Capitane Records – nda) pour montrer qu’il y a moyen d’évoluer dans le music business sans le financement ou la distribution des majors de l’industrie musicale. Ce label a hébergé une quinzaine d’artistes (Juicy notamment – nda). Le DIY/ « fais-le toi-même » et l’esprit de fraternité musicale sont en parfaite adéquation avec mes valeurs personnelles. Dans cet esprit, Capitane Coop a vu récemment le jour. Cette coopérative regroupe des musiciens, techniciens, passionnés de musique, et appartient à ses membres. Ce modèle se distingue nettement des sociétés cotées en bourse !
Etes-vous un artiste engagé ? Je suis de gauche et favorable à un nouveau projet de société qui nous évitera d’aller droit dans le mur. Mais je ne me revendique pas artiste militant. Je progresse doucement vers l’artivisme, l’activisme artistique, notamment avec la création de Capitane Coop.
Vitalisme, le titre de l’album est un hommage à Gilles Deleuze, grande figure intellectuelle emblématique de l’esprit 68… Mais quelle est votre propre définition de ce mot ? C’est un terme polysémique, en effet. Dans la conception deleuzienne, la vie peut transpirer d’un poème, d’une pièce de théâtre, d’une chanson. J’essaie donc que les paroles que j’écris et la musique que je compose, soient en prise avec la vie. J’aime beaucoup d’artistes différents, mais j’affectionne particulièrement ceux qui parlent du réel, qui racontent une époque, comme le faisait Lou Reed.
La chanson Chaleur humaine, coup de cœur des médias francophones publics, est imprégnée d’une forme de fausse légèreté… Elle vous ressemble. (rires). C’est pas faux. J’essaie de dire des choses mais sans plomber l’ambiance. L’exemple du single Chaleur humaine l’illustre parfaitement : voilà une chanson pop solaire, lumineuse, qui a été diffusée en radio tout l’été, et qui parle de réchauffement climatique, un problème environnemental préoccupant évidemment.
« J’étais l’enfant qui joue à côté du fumoir. Et reçoit un cadeau quand il est courageux ». Dans Peace of Mind #2, vous vous mettez à nu… Il s’agit en effet d’un morceau autobiographique basé sur un poème, IRM, que j’ai écrit il y a deux ans. Ado, entre 13 et 19 ans, j’ai passé pas mal de temps dans les hôpitaux, pour des tumeurs sur le système nerveux central. Depuis, je me suis retapé !
Dans Watching The Cars, vous nous interpellez : « will they kill another kid ? » … Je parle des choses que je vois. Dans un monde merveilleux, je chanterais l’amour et les oiseaux. Mon seul désir : écrire des chansons qui touchent le public, qui résonnent en lui. Même quand tout va mal, il ne faut pas se laisser gagner par l’obscurité. J’ai écrit et composé un album lumineux car l’espoir doit prévaloir. J’ai la lucidité du constat mais je crois en l’optimisme de l’action. Tous les Trump du monde ne peuvent pas gagner. Nous devons agir, à quelque niveau que ce soit.
Vous écrivez et chantez en français et en anglais, à la croisée de deux traditions… En effet. Je rencontre un franc succès en France notamment, car le Français défend l’expression de sa culture. Et le fait que je chante en anglais également confine, à ses yeux, à un certain exotisme…(rires).
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