SOPHIE CLAUWAERT
L’art, une alliance subtile entre émotion et investissement
Mots : Olivia Roks
Photo : Sébastien Vandenwouwer
Sophie Clauwaert, Art Advisor chez Puilaetco, oriente les collectionneurs passionnés et les investisseurs dans leurs acquisitions d’œuvres d’art. Elle les accompagne dans la recherche de l’équilibre entre émotion esthétique et acquisitions réfléchies, une approche qui séduit de nombreux Belges.
L’art est votre passion depuis toujours. D’où vous vient cet intérêt, devenu votre métier ?
L’art est dans l’ADN de ma famille. Dès mon plus jeune âge, j’ai été immergée dans cet univers. Mes parents n’étaient pas collectionneurs, mais de grands amateurs d’art. On m’emmenait dans les foires, les musées, et à la maison, j’étais entourée d’objets d’art. Cela éveille inévitablement les sens et stimule la curiosité. J’ai donc naturellement choisi d’étudier l’Histoire de l’art. Ensuite, j’ai approfondi mes connaissances avec un second master à Londres, au Sotheby’s Institute, suivi de plusieurs stages, notamment au Victoria & Albert Museum et chez Sotheby’s à Paris. En 2009, je me suis lancée comme conseillère en art indépendante, offrant mes services aux collectionneurs, galeries, bureaux de notaires et sociétés d’assurances, en les accompagnant tout au long du cycle de vie d’une collection. Après une dizaine d’années, lorsque je suis devenue maman, j’ai souhaité me recentrer sur un poste en entreprise. C’est à ce moment que je suis arrivée chez Catawiki, la plus grande plateforme d’enchères en ligne. Fin 2023, une nouvelle opportunité s’est présentée chez Puilaetco, chez qui ils recherchaient un Art Advisor. Cela tombait à point nommé.
En quoi consiste votre mission de conseillère en art au sein d’une banque privée ?
Puilaetco, en plus d’être une banque privée, possède elle-même une collection d’art. Le service auquel j’ai été rattachée existe depuis plus de 10 ans, mais il avait besoin d’être revitalisé, ce que j’ai entrepris. Mon travail repose sur trois axes principaux. Le premier, et le plus important, est la gestion des collections : de l’achat à la vente, en passant par l’assurance, la conservation, et ce jusqu’à la transmission. J’ai développé une gamme de services pour répondre à chaque étape de ce processus. Le deuxième axe est orienté vers le networking et l’organisation d’événements. Enfin, le troisième concerne la gestion et le développement de la collection d’art de la banque et du groupe Quintet auquel elle appartient.
Comment accompagnez-vous les clients dans leurs acquisitions d’œuvres d’art ?
Accompagner est vraiment le mot juste. Mon rôle est de faire le lien entre le client et des experts de confiance, qu’ils soient internes ou externes. Je les accompagne en fonction de leurs besoins, de leur profil, et du stade de développement de leur collection. Une collection d’art passe par plusieurs phases : avant l’achat, pendant la période où l’œuvre fait partie de la collection (gestion, stockage, conservation, prêt en musée, etc.), et enfin, la phase de transmission ou de revente. Bien entendu, mes clients peuvent également me poser des questions ponctuelles, à n’importe quel moment.
L’art peut-il être considéré comme un actif financier comparable à d’autres investissements traditionnels ?
L’art est effectivement un actif, puisqu’il immobilise du capital. Toutefois, je préfère éviter de parler d’investissement pur. C’est avant tout un investissement passionnel. Cela demande de la curiosité, du suivi, et un réel engagement. C’est bien plus qu’une question d’argent : soutenir un artiste, se plonger dans un univers créatif, profiter d’une œuvre chaque jour… J’aime dire à mes clients : choisissez avec votre cœur, mais achetez avec votre tête. Je peux les orienter dans leurs choix, mais l’art reste une affaire d’émotion, profondément personnelle.
Les Belges sont-ils particulièrement attachés à l’acquisition d’œuvres d’art ?
Absolument. Le Belge est connu pour avoir la « brique dans le ventre », mais il est aussi un collectionneur passionné. Dès le 17e siècle, les cabinets de curiosités apparaissaient à Anvers et ailleurs en Belgique. On dit même que la Belgique et Taïwan possèdent le plus haut pourcentage de collectionneurs d’art par habitant. Outre ce côté collectionneur, il y a une dimension artistique forte : depuis des siècles, la Belgique est reconnue pour son rayonnement artistique à l’international.
Quels conseils donneriez-vous à un collectionneur débutant qui souhaite investir dans l’art ?
Le marché de l’art étant complexe et souvent difficile à naviguer, il est donc essentiel de bien s’entourer. La première étape est de définir un budget clair, pour savoir quelle somme on est prêt à investir. Ensuite, il faut explorer et affiner ses goûts, ce qui n’est pas toujours évident étant donné la diversité de l’offre. Je recommande de se construire un réseau de confiance : suivre des gale- ries, des artistes et d’autres collectionneurs, visiter des expositions, et surtout prendre le temps d’éduquer son regard. Une fois que l’on a trouvé un artiste dans lequel on souhaite investir, il est crucial de ne pas tout miser sur lui : il faut diversifier ses achats, tant en termes d’artistes que de médiums. Comme en finance, il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier.
Quelles sont, selon vous, les grandes tendances actuelles du marché de l’art ?
Les artistes émergents et l’art contemporain continuent d’être très prisés. Les résultats des enchères ont explosé pendant la période du Covid, mais ils connaissent aujourd’hui un léger ralentissement. Les antiquités et les tableaux anciens sont particulièrement impactés. En revanche, on assiste à un intérêt croissant pour les artistes femmes, qui bénéficient désormais d’expositions dédiées dans les musées, ainsi que pour les artistes issus d’autres cultures, notamment africaines. Une autre tendance intéressante à suivre est celle de la céramique, un art qui mêle tradition et modernité, et qui est en plein essor.
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