Nicolas Bets « L’essence d’une photographie, c’est une personnalité, une aura, bien plus qu’une technique »
Mots : Barbara Wesoly
Photos : Nicolas Bets
Du ciel azur de Californie aux pavés de Paris, et des étendues désertiques aux horizons futuristes, Nicolas Bets fusionne les univers délurés et flamboyants. Derrière l’objectif, il transcende les genres, créant un monde où des égéries glamour croisent des super-héros et où des nymphes modernes s’offrent un voyage temporel en pleine ère seventies.
Grandir auprès d’une mère photo-graphe vous a-t-il encouragé à faire vos armes derrière l’appareil ? Je baignais dans cet univers, entre les clichés d’Helmut Newton, Jeanloup Sieff et Herb Ritts accrochés à nos murs, et les vernissages où elle m’emmenait adolescent. J’ai certainement puisé inconsciemment dans cette ambiance. Mais ma découverte du métier résulte d’un concours de circonstances. A 17 ans, mon parrain, agent de mannequins à Paris, m’a proposé un stage de trois mois dans un studio photo. J’ai été passionné, mais je manquais de savoir-faire. Il m’a alors offert une année d’étude en photographie, une formation normalement prévue pour trois ans. C’était une chance que j’ai saisie, réussissant mon cursus en un an. Déjà, à l’époque, tout ce que je voulais, c’était raconter des histoires.
Vos clichés semblent capturer l’instant d’un récit, presque une scène de film. Avez-vous une âme de cinéaste ? Je suis surtout un touche-à-tout qui aime expérimenter. J’ai testé de tout à mes débuts : voitures, natures mortes, séries de mode. Rapidement, j’ai compris que le studio n’était pas pour moi. Je vois la photographie comme une récréation, mon terrain de jeu se trouve dans la spontanéité, avec des gens qui rient. Il faut que ça bouge, que ça vive. Instinctivement, je me suis éloigné de ce qui était trop formaté, refusant les cases et les dynamiques figées. Ce qui fait une photographie, c’est une personnalité, une aura, bien plus qu’une technique. Dans mon univers, on ressent l’alliance du rétro et de la modernité, avec une dose de pop culture. Je dis souvent que je suis un réalisateur frustré, incapable de rester trois mois sur un tournage. J’aime que mes photos ressemblent à des films résumés en un instantané, un arrêt sur image où l’on peut imaginer l’avant et l’après.
Quelle est la part de mise en scène et d’improvisation dans vos œuvres ? Cela commence souvent par un objet. Pour « Party of the Curlers », la deuxième partie de ma série « Les Bigoudis », tout a commencé avec une panthère rose trouvée en Espagne. Ensuite, l’idée de deux mannequins en lingerie Cadolle, une marque qui a inspiré le fameux soutien-gorge de Madonna créé par Jean-Paul Gaultier. Quelques accessoires, un maquilleur et un styliste dans une maison en Provence ressemblant à Los Angeles, et il ne restait qu’à laisser la magie opérer. Chaque shooting est une fête pour créer une synergie. Parfois, je sais exactement ce que je veux, comme pour « Sahara Vibes ». Je visualisais une femme sur un cheval blanc dans les dunes, avec des grands ballons gonflables pour ajouter un élément manquant. La spontanéité est essentielle, mais toute improvisation nécessite une bonne préparation.
Les femmes que vous sublimez par un regard décalé sont vos modèles de predilection. Avez-vous des muses ? J’aime les représenter dans des situations burlesques et glamour, mais toujours en laissant leur personnalité s’exprimer. C’est une question d’âme. Les femmes de ma vie sont mes muses : mon ex-femme et mère de mon fils, une amie avec laquelle je travaille depuis plus de quinze ans, et ma compagne. Mais d’autres personnages majeurs entrent en scène dans mes photos, le décor en étant partie intégrante. Photographier devant une porte ou un mur m’ennuierait à mourir. La couleur saturée et lumineuse ajoute à l’esthétique de mes projets. Ces ingrédients créent une juste fusion entre légèreté, humour et folie.
Quels sont vos projets ? Je travaille sur une exposition particulière, intitulée « In and Out ». Je vends également mes photos au format numérique NFT, ce qui amène les amateurs d’art à penser que j’utilise l’intelligence artificielle dans mes créations. Avec un ami spécialisé dans cette technologie, nous avons décidé de présenter certaines de mes œuvres accompagnées d’une version parallèle créée par IA, transposant mes modèles dans des décors hallucinants. L’exposition se déroulera au prestigieux studio Harcourt à Paris, sans date précise pour le moment. Ce sera un hommage aux progrès technologiques, mais surtout à l’aspect humain, irremplaçable en photographie.
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