Fabienne Delvigne
« Le beau fait sens lorsqu’il permet de sublimer et soigner »
MOTS : Barbara Wesoly
PHOTOS : Fabienne Delvigne
Elle habille les têtes couronnées comme celles des inconnues avec la même virtuosité et le même désir de les voir rayonner. Fabienne Delvigne déploie depuis plus de 30 ans finesse et originalité, transformant ses chapeaux en œuvres sculpturales.
Le chapeau revêt-il selon vous une place à part dans l’univers de la mode ? Absolument. Par le passé, le chapeau était d’ailleurs considéré comme de la haute mode, en parallèle au principe de haute couture. Cela dit tout de ses lettres de noblesse. Et il a la particularité exceptionnelle, au-delà de son esthétique, de révéler un visage et une personnalité. On peut se cacher derrière un vêtement, mais un chapeau souligne l’essence de celui ou celle qui le porte. C’est ce principe magique qui, au détour d’un magazine feuilleté par le plus grand hasard, m’a amené spontanément à quitter du jour au lendemain un poste de cadre dans le marketing pour concevoir mes modèles.
Vous avez embrassé cette carrière il y a 37 ans. Votre métier a-t-il évolué au fil du temps ? La place du chapeau a évolué dans la société, du classicisme au spectaculaire puis à une utilisation plus casual, mais ma façon de créer est par contre demeurée la même. Je suis entre le sculpteur et l’architecte. Au contraire des chapeliers, je ne conçois pas mes modèles à la machine en utilisant un gabarit en fonte, mais à la façon d’une modiste. J’ai appris le métier auprès de celles que je nomme des « maman chapeau », des femmes au savoir-faire rare, acquis en plus de cinquante ans de carrière. Celui-ci demande de façonner chaque création directement sur ses genoux, pour lui permettre de s’épanouir en suspension, par le tou-
cher, l’équilibre et la finesse. C’est ce qui lui apporte cette forme aérienne et un résultat unique.
Valse de printemps, votre nouvelle collection aborde tout en délicatesse un univers fleuri et coloré. Quel est le point de départ d’un nouveau modèle ? C’est la matière qui me fait vibrer, le toucher. J’ai notamment un véritable coup de cœur pour la fibre de banane, extraite de l’écorce de bananier et recueillie et traitée de façon équitable et écoresponsable. Elle possède un reflet nacré splendide qui accroche la lumière avec grâce. Mais aussi une grande fragilité, qui demande de la patience et de la dextérité. Elle représente parfaitement mon fil rouge, la féminité, l’audace travaillée avec élégance, la volonté d’être avant-gardiste et enfin la légèreté. Cette dernière fait toute la différence, aussi bien au niveau du design que du port. Et permet de se sentir pousser des ailes. Mais au-delà des collections, ce qui m’inspire et me guide est la volonté de révéler la beauté de chaque femme. Le cliché veut qu’il y ait des têtes à chapeaux. Rien n’est moins vrai. Une teinte particulière rééquilibrera la structure d’un visage, un modèle réveillera le regard. Mon but est de parvenir à une harmonie qui représentera une magnifique affirmation de soi. C’est ce que j’ai voulu illustrer par le livre rétrospective des 30 ans de la Maison « Sublimer par la différence ».
Un titre qui résonne profondément avec Caring Hat, le projet engagé que vous avez lancé en 2021 à destination de femmes souffrant d’alopécie. L’humain est ma priorité et il était donc essentiel pour moi de transformer la reconnaissance acquise durant ma carrière en un engagement porteur de sens. Je suis convaincue que l’on peut soigner par le beau. Et j’ai donc voulu permettre aux femmes ayant perdu leurs cheveux à cause d’un cancer, d’un choc émotionnel ou de toute autre pathologie, de renouer avec leur féminité et leur confiance en elles. Pour y parvenir, la Maison leur propose de leur concevoir un modèle sur mesure, non pas pour cacher leur maladie et l’invisibiliser mais pour leur permettre au contraire de se réapproprier le regard qu’elles posent sur elles-mêmes. Et il était essentiel pour moi qu’il soit accessible à toutes, grâce à une prise en charge financière par l’ASBL Caring Hat Fund. Mais cet été nous assisterons enfin à un tournant majeur, grâce à un changement de loi offrant le remboursement des chapeaux au même titre que celui des perruques. Un principe pour lequel je me suis battue corps et âme durant deux ans. J’ai l’intime conviction que dans certains cas, un chapeau peut vous porter.
De cette fondation caritative à des collaborations prestigieuses avec Guerlain, Natan ou encore Chanel, vos chapeaux traversent et mêlent les univers. Un projet particulier a-t-il marqué ces décennies de passion ? Créer pour les familles royales de Hollande, de Suède, du Grand-Duché du Luxembourg et de Belgique est un grand honneur. Et tout particulièrement d’avoir pu concevoir l’Envolée, le chapeau de la Reine Mathilde à l’occasion de la prestation de serment du Roi en 2013. J’ai reçu le titre de fournisseur breveté de la Cour du Roi Albert II et il a ensuite été renouvelé par le Roi Philippe. C’est une réaffirmation de confiance qui m’émeut et raconte mon amour profond de l’élégance.
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