Christophe Hardiquest
Menssa, où tous les goûts sont permis
Mots : Servane Calmant
Photos : DR
Avec Christophe Hardiquest, on ne voit pas le temps passer. Au printemps 2023, Be Perfect vous annonçait qu’à 46 ans, il laissait derrière lui Bon-Bon, 2 étoiles Michelin, pour ouvrir Menssa, un comptoir gastronomique de franche complicité avec le client. Printemps 2024, Menssa est gratifié d’1 étoile Michelin. L’occasion est trop belle, trop bonne, de redécouvrir la symphonie culinaire d’un chef qui, affranchi de toutes les injonctions du monde gastronomique, fonctionne au coup de foudre pour sublimer l’infini des saveurs. Voyage au cœur de la créativité, de l’innovation et de l’audace belges.
C’est notre deuxième visite chez Menssa, et le constat est inchangé : quelle déco ! L’architecte belge, Anne-Catherine Lalmand, a frappé fort avec son arbre de vie monumental et ce comptoir central ondulé, porteur d’une belle énergie, d’une incroyable dynamique, au travers des échanges entre le chef, sa brigade, les clients, qu’il suscite et avive. Rien n’a donc vraiment changé en un an ? Si, et l’on s’en réjouit. Le 26 février dernier, le Michelin a en effet rendu son verdict et octroyé 1 étoile à Menssa du chef Christophe Hardiquest, venant récompenser « un vrai spectacle » et un chef qui « partage dès votre arrivée sa vision durable de la gastronomie, avec un respect des producteurs et de la nature ».
Si un chef porte souvent seul l’avenir de son entreprise, Christophe Hardiquest n’oublie jamais de saluer le dévouement sans faille de sa brigade. « Recevoir 1 étoile, un an après l’ouverture de Menssa, c’est une belle reconnaissance pour toute mon équipe qui travaille d’arrache-pied, au quotidien, pour porter ce restaurant au firmament. à tout vous avouer, maintenant que j’ai une étoile, je travaille déjà comme si nous en avions deux ! Il reste à affi-ner le projet, à régler des détails de chorégraphie du service et à améliorer encore et toujours l’accompagnement du client. La modernité de la table d’aujourd’hui réside en un équilibre complexe entre la qualité de l’assiette et l’expérience client. L’idée n’étant pas d’être démonstratif, mais de transmettre aux clients des émotions. »
Quand on lui demande s’il ne regrette pas d’avoir tourné la page Bon-Bon, la réponse du chef est sans équivoque. « Non, après 20 ans à la tête de Bon-Bon, je n’étais plus en phase avec ma vision du restaurant de demain. Si j’ai un bon conseil à donner à tout entrepreneur, c’est de se laisser guider par ses envies, d’oser se mettre en danger pour aller de l’avant. Se mettre en danger ne signifie pas être inconscient, mais il faut parfois s’enhardir pour retrouver un nouveau souffle et réaliser ses rêves. Suivre son instinct, c’est ma ligne de conduite. »
Instinct, le mot est lâché. Instinct, inspiration, intuition, liberté, voyages nourrissent la quête sans relâche de Christophe Hardiquest pour atteindre l’excellence et offrir à ses clients un voyage gustatif au cœur des saveurs et de la créativité belge. « Je ramène beaucoup de techniques de mes voyages, que j’applique à des produits locaux. Il n’y a pas de grandes cuisines sans beaux produits, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle Menssa joue la transparence avec ce comptoir ouvert sur la cuisine, mais la précision des techniques permet d’appréhender le produit autrement. La naissance d’une nouvelle recette qui va marquer les esprits, qui va devenir un plat signature, durable dans le temps, est hautement gratifiante, jouissive même. »
Pour l’heure, laissons-nous choyer. Face à nous, au cœur du comptoir central, deux jeunes commis subliment les assiettes, le geste est méticuleux, la pince à dresser l’allié. Nicolas Simon, sommelier et directeur de salle, vient nous saluer. Le verbe est éloquent. Comme nous ne souhaitons pas l’accord mets/vins, il nous propose une élégante Syrah d’Ogier, « elle est signée Stéphane, le fils de Michel Ogier, icône de la nouvelle génération montante des vignerons en Vallée du Rhône »… A chacun, sa partition. Du coin de l’œil, Christophe joue son rôle de chef d’orchestre, discret et vigilant à la fois. « Au sein de Menssa, j’aime l’idée que chacun puisse se réali-ser même si, in fine, c’est moi qui valide chaque nouvelle proposition. »
Cornet épicé au curry, tartare de veau pimenté, émulsion à la moelle de boeuf, tempura de câpre de sureau. Cette mise en bouche est une oeuvre d’art, la rétine jubile, le palais frétille. Tartare d’encornet à l’huile citron, savarin léger de topinambour, toum libanais, extraction de chou-fleur, on reconnaît ce plat signature qui met tous les sens en émoi. L’aventure intuitive se poursuit avec un affolant marbré d’anguille au tabac de romarin, rémoulade de légumes racines au dashi de rhum, une combinaison subtile de saveurs où chaque ingrédient est valorisé. Coup de cœur coup de saveurs avec le chawanmushi (un flanc japonais) de céleri boule en vinaigrette de lentilles vertes… Le chef pâtissier est disponible, il faut absolument que nous le félicitions pour son inoubliable tarte-lette de pain caramélisée, pain d’épices maison, crème de coing, segment de clémentine, glace de gingembre vanillée. « Je suis partisan d’une proximité entre mes chefs de cuisine et les clients. Je les ai préparés à parler de leur travail et à exprimer leurs émotions. »
Chez Menssa, laboratoire culinaire instinctif, joyeusement délivré de toutes les injonctions du monde gastronomique, tous les coups extrêmement techniques et tous les goûts sont permis. « Mon métier sert aussi à bousculer les codes », nous avoue Christophe. Chapeau.
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