Laura Sepul
« J’ajoute un grain de beauté aux visages de mes personnages pour maintenir une relation à distance »
Mots : Servane Calmant
Photos : Jon Verhoeft
Les fans d’excellentes séries TV belges ont fait connaissance avec Judith (dans Ennemi public), Cynthia (Baraki), Agathe (Attraction), Elisabeth (Quartier des banques). Mais qui est Laura ? La Liégeoise d’origine à la blondeur hitchcockienne avoue adorer les séries – qui le lui rendent bien ! – et s’impose également dans le téléfilm El Correo, à voir sur Netflix en avril.
On sait peu de choses de vous … Je suis née à Liège. A 3 ans, mes parents se sont séparés. C’est ma mère qui m’a élevée. à 9 ans, je suis partie vivre à Ciney avec elle et mon beau-père. A 18 ans, je me suis inscrite au Conservatoire royal de Liège. Je vis depuis 15 ans entre Bruxelles (avec mes deux enfants) et Anvers où réside mon amoureux, Geert Van Rampelberg (acteur, vu notamment dans Knokke Off dans le rôle du père d’Alex – nda). Nous nous sommes rencontrés en 2017 sur le tournage d’un court-métrage belge. Ce fut un véritable coup de foudre. Depuis, nous nous soutenons énormément au quotidien et professionnellement.
De 2005 à 2015, on vous voit beaucoup sur les planches du Théâtre National, notamment. Puis, en 2016, Ennemi Public, série belge, triomphe sur La Une. La création du fonds Fédération Wallonie Bruxelles-RTBF qui impose à la chaîne de « participer à l’objectif d’accroître la production de séries télévisuelles belges francophones » a-t-elle changé votre vie professionnelle ? Oh oui, complètement. J’ai joué dans le premier court-métrage de Matthieu Frances, réalisateur de la série Ennemi Public. Il m’a téléphoné pour m’annoncer que la RTBF lançait un fonds séries… C’était parti ! J’ai enchaîné deux saisons d’Ennemi public, deux saisons de Quartier des banques qui est une série belgo-suisse – je rempile pour la 3e saison dont le tournage est prévu fin de cette année – , deux saisons de Baraki également, et Attraction, mini-série scénarisée par Barbara Abel et Sophia Perié.
Vous reconnaît-on dans la rue ? Oui, parfois. Les séries belges connaissent un véritable succès, elles marquent les esprits et dépassent les frontières grâce aux festivals et aux plateformes de streaming.
Quel personnage a le plus marqué les téléspectateurs ? Je pencherais pour Cynthia dans Baraki, qui est bien plus qu’une comédie déjantée. Il y a une dimension sociale dans cette “dramédie” qui est très intéressante. Sur papier, le personnage était d’ailleurs différent. Pour ce rôle, j’ai profité d’un espace de liberté immense et proposé une Cynthia à mille lieues de la potiche. Cynthia se révèle une femme forte qui défend de belles valeurs : le travail, l’honnêteté, l’amour, la fraternité, la tolérance. C’est un personnage résolument bienveillant qui fait preuve d’une grande intelligence émotionnelle. Quand les gens, dans la rue, me confondent avec Cynthia, je dois leur dire que je suis moins sympathique que mon personnage ! (rire).
Le personnage qui vous a le plus troublée ? Agathe dans Attraction (à revoir sur TF1 en mai 2024), l’histoire d’une femme ordinaire qui est en couple depuis 15 ans. Elle n’a aucune raison de se méfier de son conjoint. Et pourtant… Sur le tournage, les scènes de violences morales et physiques étaient très intenses. Après le bouclage de cette mini-série belge, il m’a véritablement fallu faire le deuil d’Agathe. Pour la petite anecdote : mon compagnon, Geert Van Rampelberg, était pressenti pour jouer le mari d’Agathe. Mais la coproduction française lui a préféré un acteur français, Lannick Gautry. Tant mieux, car je n’avais pas envie de prendre le risque d’exporter de la tension dans notre vie. Geert fait néanmoins partie de l’aventure, puisqu’il joue le rôle du procureur.
Y a-t-il assez de passerelles cultu-relles entre les productions francophones et néerlandophones ? Non. à regret. Il y a bien eu la série 1985 sur les tueries du Brabant créée conjointement par la RTBF et la VRT mais la RTBF a choisi de la doubler en français – une hérésie ! – contrairement à la VRT qui l’a diffusée en version originale. Pour ma part, je joue un petit rôle dans une mini-série flamande remarquable, Albatros, du réalisateur Wannes Destoop (prix Europa de la meilleure série télévisée européenne 2021 – nda). Albatros étant le nom d’un camp de perte de poids auquel participent 10 personnes obèses. Je regarde beaucoup de séries flamandes pour savoir ce qui se produit de l’autre côté de la barrière linguistique…
Une série dans laquelle vous n’avez pas joué, à nous recommander ? Tout va bien, avec notamment Virginie Elfira et Sara Giraudeau. Comment une famille ordinaire traverse-elle les peines de la vie, dans ce cas précis le cancer d’une enfant ? C’est souvent drôle voire fantasque, malgré un sujet douloureux. A voir absolument.
Nouveauté ! Dans le téléfilm espa-gnol El Correo, diffusé en avril sur Netflix, vous partagez l’affiche avec Aron Piper, la star espagnole aux 13 millions de followers. Dans ce thriller, ce sex-symbol révélé par la série Elite s’emmourache de votre personnage. Waouh. (Rire). Aron Piper (26 ans – nda) est un grand professionnel et un véritable gentleman. Par chance, il parle anglais ! Car dans la série (coproduite par la Belgique et Netflix – nda), je suis censée avoir vécu plusieurs années au Mexique et parler plusieurs langues. Pour ce téléfilm, j’ai évidemment suivi un coaching en espagnol mais le premier jour de tournage, j’étais complètement larguée. Les Espagnols parlent beaucoup trop vite. Ce n’est vraiment pas facile de jouer dans une autre langue que la sienne. Merci à Aaron d’avoir été extrêmement bienveillant avec moi !
Quel est votre petit secret pour endosser parfaitement un rôle ? L’observation, ma règle de base. Observation de la démarche, de la gestuelle, de la posture, des tics de personnes, que je fais peu à peu miens, en y apportant une petite touche personnelle évidemment.
Et pour sortir d’un rôle ? Je vous révèle mon petit secret : je demande à la maquilleuse d’ajouter des grains de beauté à mes personnages. Cynthia, Agathe, Elisabeth ont toutes un grain de beauté sur le visage. Ces grains de beauté appartiennent à mes personnages et me permettent de maintenir une relation à distance.
Quelles scènes vous mettent particulièrement mal à l’aise ? Les scènes de nudité et de sexe. Dans le jeu d’acteur/trice, j’essaie d’exprimer des émotions sincères, honnêtes, de ne pas tricher. Or, dans les scènes de sexe, on dissimule toujours, on n’éprouve aucun désir, aucun plaisir, et on se sent parfois ridicule.
Qu’aimez-vous dans le jeu d’actrice ? Je me sens à ma place dans ce métier. C’est le meilleur vecteur que j’ai trouvé pour parler du monde qui m’entoure. Ainsi le téléfilm, Elle m’a sauvée, qui entrecroise les histoires vraies de Julie Douib (le personnage de Laura – nda), abattue par arme à feu et celle de Laura Rapp, laissée pour morte par son compagnon. La mort de Julie sera le déclic pour Laura qui va utiliser les réseaux sociaux pour se faire entendre, et c’est l’embrassement. Ce téléfilm fort dans lequel joue également Lio, dénonce les violences faites aux femmes. Il faut raconter l’histoire des féminicides pour sensibiliser un maximum de gens aux violences dont les femmes sont victimes.
Etes-vous désormais bankable ? Oh non, pas encore. Je tourne beaucoup, mais je pourrais travailler davantage si de belles propositions venaient à moi.
Le cinéma préfère-t-il toujours les blondes ? Plus forcément aujourd’hui, malheureusement pour moi. Les blondes et l’homme blanc hétérosexuel de plus de 50 ans, n’ont plus le monopole. (Rire). La question de la diversité dans le cinéma a incité les productions à être le reflet de la société, et a notamment permis de donner plus de paroles aux femmes. Je m’en réjouis sincèrement.
Abonnez-vous dès aujourd’hui pour recevoir quatre numéros par an à votre porte
Vous aimerez peut-être
Carine Doutrelepont – L’image comme écriture du monde
Carine Doutrelepont, avocate et photographe, explore la nature et la diversité humaine. Son…
Un siècle de surréalisme belge – Deux expositions majeures pour célébrer un mouvement révolutionnaire
Deux expositions célèbrent le centenaire du surréalisme : à Mons, son héritage subversif, et à…
Stéphanie Crayencour – « Perdre mon frère a marqué le point de départ de ce livre et de ma véritable histoire d’amour avec lui »
Stéphanie Crayencour, actrice entre Bruxelles et Paris, se tourne vers l’écriture avec Le Papillon…