Xavier Lust
Design d’excellence
Mots : Olivia Roks
Photos : DR
Xavier Lust fait partie des noms qui comptent dans l’univers du design international. Au fil de ses réalisations, l’homme s’approprie encore et toujours la matière pour donner vie à des pièces de mobilier hors du commun où performance, équilibre, innovation et durabilité coexistent. Rencontre avec ce génie du design.
Diplômé architecte d’intérieur de l’Institut St Luc en 1992, vous êtes devenu une pointure du design, un Belge réputé à l’international. Rappelez-nous vos débuts ? Durant mes études j’avais déjà créé quelques mobiliers dont un paravent qui a été acheté quelques années après par l’équipe Ralph Lauren Home, un de mes premiers succès. J’ai débuté en faisant de l’auto-édition, j’avais un accord avec Tradix (qui importait de grandes marques italiennes) qui a pris en collection mes objets que je livrais par vingt pièces : étagères, tables, miroirs pivotants. Même si j’ai appris énormément d’aspects du design qu’on n’apprend pas à l’école, je reproduisais à chaque fois les mêmes modèles, j’avais envie de changement. En 1999, seul devant ma table, une idée incroyable m’est venue : le pliage 3D du métal. L’usine anversoise avec qui je travaillais a réussi à mettre en application mon idée. Chaises et bancs sont nés. Ensuite, en 2000, j’ai voulu faire le salon Satellite à Milan, j’y ai emmené mes plus beaux projets et sans le savoir, j’ai fait le buzz. J’ai rencontré de grands éditeurs dont MDF Italia a voulu mon banc en métal déformé. Et de fil en aiguille, j’ai dessiné beaucoup de projets pour de belles marques très inspirantes : Driade, De Padova…
Très polyvalent, vous avez également exploré le design pour tous avec du mobilier urbain à Bruxelles… Oui, en 2006 on m’appelle pour réaliser du mobilier urbain à Bruxelles. J’ai fait des bancs pour le Mont des Arts (ndlr : presque tous volé entre-temps). J’ai aussi remporté le concours pour créer de nouveaux abris de bus dans la capitale. Douze ans plus tard, il n’y en a toujours pas un qui ait été exposé… Le service public est compliqué et incompétent… Aujourd’hui, évidemment, cet abri imagi-né n’est plus dans les normes mais je n’aurais aucun problème à recommencer le projet. Ca me tient vraiment à cœur. C’est dommage, c’est une grande frustration pour moi. Vous savez, des projets comme cela dans une ville, ça donne une identité, ça tire la ville vers le haut. C’est très important.
Quelle est votre vision du design ? Ma motivation est réellement, à chaque fois, de proposer un projet qui n’a pas de référent, j’aime créer des pièces complètement nouvelles, novatrices dans tous les sens du terme : usage, forme, production, etc.
Et de plus en plus, vous vous tournez vers « l’art design »… Comment décririez-vous cette pratique ? C’est important de différencier le design et l’art design. Le design c’est faire des projets en relation avec la production industrielle. Ce sont des réalisations en grande quantité, une production industrielle où tous les coûts sont analysés et maîtrisés. La chaise Thonet Cabaret par exemple. Le collectible design (ou art design), à l’opposé, est un retour à l’artisanat, à ce qu’il se passait avant le design, avec des pièces en petite quantité. Ici, les aspects environnementaux sont aussi pris en compte. L’art design m’a permis de retrouver le toucher, le retour à des choses plus matérielles, plus manuelles, c’est très inspirant. De plus, on n’est pas contraint à un budget, je n’ai aucune limite dans les matériaux, la technologie… Aujourd’hui je ne fais presque plus que de l’art design. Le public, plus niche certes, recherche également cela, des pièces uniques. C’est aussi pour moi une forme d’excellence, une quête d’absolu.
Vous avez des matières de prédilections, certaines plus utilisées que d’autres ? Je suis contre le plastique et toutes les matières qui n’ont pas la possibilité d’être recyclées. J’affectionne donc les matières durables, le métal, le verre, le cuir, la pierre, le marbre, des matériaux qui peuvent être totalement recyclés. Même si mes pièces n’ont pas la visée d’être recyclées (rires), ça a toujours été important pour moi. Elles traversent le temps, elles peuvent être transmises. Leur provenance m’importe aussi, tout est fait uniquement en Europe, en Belgique, en Allemagne, en Italie…
Le temps file ! Avant de se quitter, parlons de vos nouvelles réalisations ! Il y a trois nouvelles collections. « The Alchemist Bar », un bar à l’aspect or, fabriqué en panneaux de bois dans l’esprit d’un meuble à secret puisque son ouverture réserve quelques surprises. L’intérieur illuminé permet de découvrir un univers invitant à la préparation d’un cocktail. Dans le même esprit, « The Alchemist Cabinet », la commode, décline les mêmes codes pour une utilisation plus traditionnelle. Ensuite, il y a la collection de lampes « Experiment » qui ramène au travail de laboratoire puisqu’elles sont fabriquées à base des éléments en pyrex standard. Ma démarche est autre ici, elle se limite volontairement à combiner les éléments du catalogue de verrerie entre eux.
Enfin, la troisième collection, ce sont les tables d’appoint « Smoke ». Leur pied est une panache de fumée, une inspiration dramatique liée au monde d’aujourd’hui : les guerres, la détresse environnementale… Ces tables d’appoint sont imprimés en 3D, en métal. Et en 2024, d’autres surprises arrivent bien entendu !
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