ADELIINE HALOT
La magie de la matière
Mots : Olivia Roks
Photos : DR
Dans les Zaventem Ateliers, du haut de ses 31 ans, Adeline Halot, designer textile, y tisse son jeu unique de matières. Entre ses mains, ses tissages artisanaux deviennent, des tapisseries, des sculptures, du mobilier mais surtout des œuvres d’art à part entière prenant une dimension architecturale.
Vous êtes plus connue à l’étranger que dans notre plat pays. Pour les lecteurs qui ne connaissent pas votre travail, qui êtes-vous ? Je suis designer textile et architecte d’intérieur. Aujourd’hui je me définis plus exactement comme artiste et scuplteur. Diplômée en tant qu’architecte d’intérieur à l’ESA Saint-Luc Bruxelles en 2016, j’ai ensuite suivi des études de designer textile à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Visuels de la Cambre à Bruxelles. Finalement, j’ai peu travaillé comme architecte d’intérieur, je confectionnais surtout des pièces textiles sur mesure pour certains intérieurs. Ensuite, en 2019, installer mon atelier au Zaventem Ateliers et prendre la voie du design et de l’indépendance prenait tout son sens.
D’où vous vient cet amour du textile ? Plus que l’amour du textile, c’est l’amour de la matière. Je rêvais de créer ma propre matière. J’ai toujours adoré chercher des échantillons très spécifiques pour l’architecture d’intérieur: des pierres, du bois, du carrelage, du verre… Des pièces rares et uniques. Depuis que je suis petite, je me rends l’été dans notre maison familiale au cœur du Luberon. J’y chinais déjà des matières à l’époque. Indirectement, elle m’a inspirée, son côté brut, sa nature environnante…
Le rêve est exaucé, on peut dire que vous avez créé votre propre matière… Oui, je ne pouvais pas espérer mieux ! Je tissais déjà le lin et très vite le métal m’a attiré. Son approche structurelle tout particulièrement. Avec mes propres outils et métiers à tisser, je tisse donc du lin associé à du métal, qu’il s’agisse de cuivre, laiton ou inox. Le lin est belge, il vient de Courtrai, l’inox provient de stocks inutilisés de Zaventem même et le cuivre ou le laiton d’une petite adresse parisienne. Je traite le métal comme un textile, son tissage est un processus très technique que je réalisais au départ uniquement pour moi. Aujourd’hui fibres naturelles et fils métalliques s’entrecroisent pour un résultat très dynamique.
Un tissage qui devient une matière prenant vie à travers vos réalisations. Un résultat très dynamique mais aussi des créations spéciales et uniques, quelle étiquette leur coller ? La matière est au centre de mes créations. Ce sont des pièces uniques, petites et précieuses ou grandes et monumentales. Des sculptures lisses, en relief, en mouvement, à poser sur le mur ou à suspendre. Elles reflètent la lumière, elles vivent en fonction de la lumière. Même si je sais ce que je produis, j’ai toujours une surprise à la fin : la sculpture exposée dans une pièce se déploie en fonction de la luminosité prenant un caractère différent au fil de la journée. De plus, une large palette de couleurs s’offre à moi avec le lin et les possibilités sont presque infinies. J’aime le lin pour la douceur et le naturel, le métal pour son côté brut, structurel et industriel. Grâce à l’utilisation de différents fils, les tissages prennent forme et les faisceaux lumineux qui les traversent leur confèrent un caractère cinétique. Soit je travaille sur commande avec des architectes ou des clients privés, soit je réalise des pièces pour les shows et expositions organisées par les galeries qui me représentent.
Nous avons aussi découvert à la Milan design week vos œuvres prenant l’apparence de bijoux sous le nom de ‘Glint’… Kimy Gringoire est une bonne amie mais pour l’une comme l’autre, effectuer des collaborations n’est pas dans nos habitudes, et pourtant… Depuis un an, on travaille sur ce projet main dans la main. On est différente et complémentaire. Elle a l’idée esthétique, ergonomique, le travail de la matière (argent et or) et ensemble, nous avons développé la touche créative, abstraite, artistique, la vision du mouvement dans un si petit objet… Chaque pièce est faite à la main. On a présenté la collection à Milan et les retours sont incroyables. On vend en direct mais on souhaiterait aussi présenter Glint dans des concept stores comme Dover Street Market à Londres. Et de vous à moi, j’avoue que cela faisait longtemps que j’avais envie de porter cette matière !
Prévoyez-vous encore d’autres projets prochainement ? Dernièrement j’ai participé au projet The Mix avec Lionel Jadot. J’ai créé 30 cercles uniques en lin, inox et laiton pour les chambres de l’hôtel et 40 luminaires habillés et tissés en lin et inox pour un restaurant. Cet été, une magnifique exposition est organisée par la galerie Stay Tuned : E-Raw-Lution, l’évolution de la matière. Elle se tient du 8 juillet au 30 août dans le sud de la France, au Château Saint-Maur Cru Classé à Cogolin dans le golf de Saint-Tropez. Un lieu unique avec une nouvelle personne qui met mon travail en lumière : Victoire Monrose. On y parle de matière bien sûr à travers le travail de cinq artistes féminines. Enfin, ce n’est pas d’actualité, mais j’aimerais beaucoup un jour imaginer des show-rooms, des boutiques avec un superbe travail de matières comme dernière- ment Courrèges ou Margiela l’ont fait.
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