Pierre De Maere
Born to be Alive. Et célèbre.
Mots : Servane Calmant
Photos : Anthony Dehez
« Make me famous, please », c’est Pierre de Maere, troublante gueule d’ange aux yeux bleus d’azur, qui vous le demande. Avec ironie ? Un peu. Avec insolence ? Aussi. A 21 ans, cet auteur compositeur interprète originaire de Walhain, a réussi en un an à peine, à séduire les ondes avec une électro-pop accrocheuse à l’esthétique rétro chic super léchée. Un premier album qui sortira début 2023, après un EP stylé, devrait permettre à Pierre de réaliser son rêve : vivre une existence non ordinaire et devenir une superstar par amour d’un public qui lui rend (déjà) bien.
On rencontre Pierre de Maere, 21 ans, aux Terres d’Ici, une ferme concept basée à La Hulpe qui abrite une pépinière et un restaurant écoresponsable où l’équipe de Be Perfect aime venir siroter un excellent vin blanc. En ce 15 août, il fait particulièrement chaud. Pierre de Maere arrive en short, décontracté, les cheveux en bataille. La coupe au bol stricte, à la Mireille Mathieu, qui a fait son succès, il n’en veut plus. Message reçu pour un shooting en mode « out of bed ». D’emblée, on se fait la bise, c’est plus convivial. On se tutoie. Ses grands yeux bleus perçants m’interrogent. Ah non, les questions, c’est moi qui les pose… Faudrait pas que je me laisse impressionner !
21 ans, waow, c’est jeune ! A quel âge, Pierre de Maere s’est-il rendu compte qu’il avait une fibre artistique ? Tôt. Vers 10, 11 ans, je me suis initié à la composition et à la production grâce à l’application GarageBand (un logiciel d’enregistrement sur Mac – nda), je chantais en yaourt, puis dans un anglais assez pitoyable, juste pour le plaisir, pour échapper à l’ennui parfois, mais sans projet d’avenir artistique. Progressivement, j’ai délaissé la musique pour la photographie. Mes photos d’Alex Lawther, l’acteur de la série « The End of the F***ing World » sont publiées dans GQ Magazine. J’imagine ma voie toute tracée : la photo où j’intègre évidemment la mode et la direction artistique… Mais à 18 ans, au début du confinement, je décide d’écrire en français, c’est un véritable déclic : si en anglais, je chantais des sujets bateaux, je ressens soudain, en composant dans ma langue, le besoin de créer un univers, de parler de moi et de sujets personnels. Et je mets à profit mon expérience de photographe. Le facteur chance est au rendez-vous : j’écris et je publie un titre « Potins absurdes » sur Spotify, une plateforme de streaming. Ce single est repéré par Cinq7, un label français (où l’on retrouve Jean-Louis Murat, Bertrand Belin, Dominique A – nda) qui m’appelle aussitôt… Je signe un EP, « Un jour, je » qui sort en janvier 2022 et qui renferme mon premier single « Un jour, je marierai un ange », lequel va me propulser au-devant de la scène. Jusqu’ici, je suis vraiment un artiste verni, mais pas uniquement. Ce succès rapide, je le dois à des heures de travail.
Quelles sont tes références ? Ado, je tendais l’oreille à tout ce qui passait à la radio, puis j’ai apporté du crédit à ce qu’écoutaient mes parents : la chanson française du côté maternel et le rock anglo-saxon du côté de mon père, Bowie, Queen, Supertramp notamment. J’ai une culture hybride qui mixe les années 70, 80 et des artistes actuels, Stromae évidemment, les Français Yelle, The Do, La Femme, et Feu! Chatterton, les Canadiens Hubert Lenoir et Arcade Fire. Du côté des States, Tyler, The Creator et Lady Gaga, ma queen, une mère spirituelle pour moi. Ah, les Rita Mitsouko également, l’ovni des années 80.
Des artistes expressifs, hauts en couleur, qui ont du panache scénique ! Oui. Théâtralité, mise en scène, extravagance, dérision, provocation, insolence, insoumission, c’est tout ce que j’aime et qui imprègne mon travail. Quand je suis au rendez-vous professionnel, comme maintenant avec toi, je suis calme, serein, posé. Sur scène, je me lâche. J’aime le baroque, envoyer des strass et des paillettes. Envoyer du rêve.
Ah, et qui est Pierre de Maere alors ? Posé à la ville, excentrique sur scène, ce contraste me convient parfaitement. Je fais bien la part des choses.
Même quand tu demandes au public de te rendre célèbre ? Ce « make me famous » est en partie ironique. En partie seulement. Car, oui, j’aime cette célébrité soudaine.
Le quart d’heure de gloire de Warhol te suffira-t-il à être heureux ? Rire. Non, mais je ne réclame pas la gloire pas à tout prix. La célébrité, je la vois comme une reconnaissance de mon travail. Si le facteur chance a beaucoup joué dans ce début de carrière, le travail aussi. Devenir auteur/compositeur/producteur est exigent. Alors oui, j’aime la reconnaissance que m’apporte ce travail. Et l’estime qui va avec. Et l’amour du public. Les messages des fans sont terriblement touchants.
Tu te sens célèbre ? Oh non, la célébrité, c’est remplir Bercy !
Quel est ton public ? Il est très hétéroclite, composé de daronnes, quadras et quinquas, qui n’aiment pas la scène rap (rire) et qui sont ravies d’entendre un artiste au look de gendre idéal, chanter en français. Des gays également, qui se reconnaissent à travers moi. Du reste, c’est assez diversifié… Je ne souhaite absolument pas être catalogué chanteur arc-en-ciel. Mon label, heureusement, l’a bien compris, en se concentrant principalement sur la musique.
Comment te perçoit-il ce public ? Certains me trouvent pédant, ce n’est pas du tout le cas ! Ma folie des grandeurs peut irriter, mais je suis surtout un grand rêveur, avec une part de naïveté et beaucoup d’honnêteté dans mes textes. Je me définirais comme un romantique qui vend du rêve et attend d’être aimé en retour.
Ton univers étant très rétro, me vient logiquement cette question : que t’inspires notre époque ? Je ne suis pas du tout passéiste, ni en réaction à. Je suis bien ancré dans cette époque, mais mon choix esthétique, qui englobe la musique, la mode, la photo, le clip, est clairement rétro. Mon époque est plutôt frontale, crue, moi j’aime bien enrober le discours. C’est également une manière de me démarquer. Une chose est sûre : je suis moi-même et si je ne corresponds pas aux standards de l’époque, ce n’est franchement pas grave. D’autant que nous sommes relativement nombreux à aimer le rétro, l’argentique, les vinyles, la mode des seventies…
Musique, mode, scène, tu te sens influenceur ? Non. Je ne dénigre pas ce milieu mais, sincèrement, je ne suis aucun influenceur, aucune instagrammeuse. Ma force, c’est ma musique.
Mais tu aimes te démarquer. Avec, notamment, des R roulés ? En quelque sorte. Mais ce R est le fruit d’un accident, je n’ai pas suivi de cours de chant, ces r roulés ne sont pas un produit marketing, c’est arrivé tout simplement. Et j’ai trouvé ce R roulé très musical.
En chantant en français, tu n’as pas peur de te couper du monde anglo-saxon ? Stromae a déchaîné les foules américaines. Si la musicalité et les arrangements d’un morceau sont forts, il peut franchir la barrière de la langue. Je l’espère !
« Menteur », « J’aime, J’aime », « Regrets », tes textes questionnent bon nombre de tabous tels que le désir, la quête de reconnaissance ou les addictions. Pourtant, tu avoues ne pas aimer écrire… Ces textes qui figurent sur mon premier EP ne reflètent pas vraiment mon vécu, je suis trop jeune pour ça, ils expriment plutôt des fantasmes, ils sont une projection idéalisée de ma vie. Dans « Menteur », je le dis sans retenue, je voudrais être une superstar. Mes envies de réussite, je les ai exprimées. Mais écrire, pour revenir à ta question, c’est l’enfer, en effet. J’ai déjà reçu des textes d’autres auteurs, mais ils ne me ressemblent pas, l’écriture faisant partie intégrante de mon projet. En revanche, j’adore composer, produire. Je suis un addict des sons, j’aime l’aspect technique de la production. Je suis bien meilleur compositeur et producteur, qu’interprète. Certes, j’ai une signature vocale, mais je ne pense pas que je chante bien. Et comme les cours de chants ne me parlent pas… Oui, les arrangements, c’est vraiment ma tasse de thé. Je travaille avec mon frère, 23 ans, qui est ingénieur du son. On partage les mêmes références et il est de plus intégré au projet Pierre de Maere. Sur le prochain album, on a produit à deux la plupart des morceaux.
Pour les lives, tu as choisi l’AB Club à Bruxelles, puis la Cigale à Paris, « la plus belle soirée de ta vie », écris-tu sur Tik Tok. Paris, un sacré défi, non ? Mon label tenait à se focaliser sur Paris et la France, mais j’ai néanmoins tenu à ajouter Bruxelles, même si pour eux c’est de « l’expor ». L’AB Club, en mai dernier, et La Madeleine le 18 novembre prochain, deux dates auxquelles je tenais vraiment pour rencontrer mon public belge.
J’ai l’impression, mais corrige-moi si je m’égare, que tu te sentais un peu à l’étroit à Walhain, dans le Brabant wallon … Rire. J’ai vécu 10 ans à Bruxelles, puis mes parents se sont installés à Walhain. C’est un magnifique petit village pas si reculé que ça. Beaucoup de Bruxellois s’y sont installés, et je ne regrette pas d’y avoir passé mon adolescence. Mais ma vie actuelle, un pied à Paris un pied à Walhain, me convient mieux. C’est l’équilibre parfait. Je fais la fête là-bas, j’aime le bling parisien, et je me ressource ici. Car à Paris, oui, on peut vite devenir fou …
On a déjà écrit que l’année 2022 serait l’année Pierre de Maere, peut-on rajouter 2023 ? Oui, oui. Début 2023, je sors mon premier album, dont on connaît déjà un single, « Roméo ». Je l’ai envoyé en éclaireur, histoire de ne pas me faire oublier.
On sera au rendez-vous !
En concert à La Madeleine à Bruxelles, le 18 novembre.
EP sorti en 2022 : « Un jour, je » Nouveau single : « Roméo » (qui figurera sur l’album).
Premier album : début 2023
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