Maxime Jacquet
Le décorateur liégeois qui a conquis l’Amérique
Mots : Agnès Zamboni
Photos : Anthony Barcelo
A 19 ans, il s’est envolé pour Hollywood, avec une simple formation commerciale, la passion chevillée au corps, prêt à réaliser ses rêves. 14 ans plus tard, ce travailleur acharné fait le point sur son parcours à Los Angeles.
Quelle formation avez-vous suivie ? Alors que mes parents ont remarqué, dès l’âge de 13 ans, mes capacités artistiques, je n’ai pas suivi de cours dans une école d’art. Ce type d’enseignement m’a refroidi. En Belgique, j’ai opté pour une formation courte en gestion d’entreprise. Remarqué sur la plateforme MySpace, j’ai débarqué, avec une certaine dose d’inconscience, un niveau d’anglais très moyen et pas de plan B, si j’échouais. Mais j’avais choisi un pays ouvert où les étrangers et les Européens qui ont réussi sont nombreux. A l’école de la débrouille, 3 portes se sont ouvertes et rien ne s’est passé. Puis un jour, vous passez à la télé, on vous écoute et votre avis devient important. Je me rappelle de ma première émission TV : à l’occasion d’un réveillon de Noël, je devais décorer une table. Je ne comprenais pas les questions et je répondais à côté mais les retours dans les audiences et les commentaires ont été bons.
Comment s’est déroulé votre premier projet ? Il s’agissait d’une maison à Malibu, une sorte de ranch immense avec 4 bâtiments de 1700 m2. J’ai proposé un style élégant et de bon goût, dans l’esprit de Ralph Lauren, l’idéal à l’américaine en version western. J’avais 3 mois et demi… des délais classiques ici, car il y a beaucoup de compétitivité entre les entreprises. J’ai réalisé ensuite le yacht et le jet privé du même propriétaire. J’ai intégré les codes et normes strictes de ces espaces où les règlementations sont drastiques. La première année m’a mis le pied à l’étrier.
Quelles sont les caractéristiques de votre clientèle ? Elle est exigeante et perfectionniste. Il ne faut pas lui dire non. A Los Angeles, on vit à 100 à l’heure. Rihanna me disait qu’elle considérait sa maison comme le seul endroit où elle ne se sentait pas jugée pas et où elle pouvait inviter qui elle désirait. Pour certains clients, j’ai déjà réalisé 5 à 7 maisons en 10 ans. A chaque chantier, il faut se surpasser pour que chaque client ait la même chose que les autres mais en mieux. Mes clients sont des enfants qui ont de gros moyens. Je conserve toujours un contact direct avec eux. Ils se découvrent souvent une passion pour la décoration dans l’espace de liberté que l’aménagement de leur maison leur offre.
Comment définissez-vous votre style ? Mon style est direct, extraverti, très créatif, comme le style de mes clients, acteurs, chanteurs… des créatifs dans leur domaine. Je lis beaucoup, j’apprends à travers l’art et je propose toujours à ma clientèle des œuvres pour personnaliser leur espace de vie. Mais je ne définis aucune hiérarchie entre les objets, je peux mêler de la vaisselle chinée pour quelques dollars avec de la cristallerie prestigieuse, des meubles vintage et des pièces uniques très modernes. Par contre, je n’ai pas d’attirance pour les copies d’anciens et les styles historiques sortis de leur contexte.
Quel est votre modèle ? Karl Lagerfeld, avec son talent multidisciplinaire et sa puissance de travail, est mon modèle. Très cultivé, il a aussi sauvé des maisons d’artisanat d’art et des métiers en voie de disparition en les faisant racheter par le financier Bernard Arnault. Je travaille 20 h par jour et ne prends quasi jamais de vacances. Je suis à 100 % dans mon travail et rien ne peut me rendre plus heureux. Avec mes 3 sociétés, je me dois d’être multitâche et je ne délègue pas facilement à mes assistants. Il y a quelques années, mon frère m’a suivi et il m’épaule avec ses compétences d’avocat.
Avez-vous une méthode ? Il faut d’abord comprendre le style de mes clients. Pour cela, je les écoute beaucoup, avant de faire mes propositions, surtout lors du premier rendez-vous, car 60 à 70 % des informations sont communiquées pendant cette première séance de travail. Dans les détails, on apprend beaucoup sur leur personnalité qui peut être très différente de leur image publique. Ensuite, si j’ai le temps, je fabrique des mood boards, avec des photos, des échantillons. Je pratique mon métier, à l’ancienne. Une idée de tee-shirt déchiré peut se transformer en canapé. Je choisis des meubles avec eux. Mais avec les célébrités, c’est souvent impossible de sortir pour faire des achats dans une boutique, sans qu’une horde de curieux ou de fans vous suive voire provoque une émeute !
Quels sont vos projets actuels ? Je vais bientôt créer une classe avec le désir de transmettre mon expérience mais aussi d’expliquer aux jeunes générations qu’il faut croire en ses rêves. Si on est passionné, il faut se lancer et on peut réussir en travaillant. J’aimerais refaire un show télévisé avec de jeunes candidats, en Asie ou aux Etats-Unis. Et surtout, je souhaite laisser une trace : créer une collection de meubles ou collaborer avec des éditeurs et marques pour dessiner des objets. Je ne les imagine pas forcément élitistes, de Baccarat à H & M, tout m’intéresse. C’est un challenge de créer avec des petits budgets. Et ce serait un plaisir de voir mes créations choisies, parmi tant d’autres, dans les intérieurs d’un plus large public.
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