Giovanni Bruno
Comment célébrer la véritable cuisine italienne ?
Mots : Servane calmant
Photos : Michel Verpoorten
Cette question nourrit la réflexion du chef étoilé Giovanni Bruno depuis 30 ans exactement ! Pas étonnant que son Ristorante Senzanome ait été récemment classé 13e meilleur resto italien au monde (hors la Botte) par le guide en ligne Top Italy. Et si Giovanni se réjouit de cette reconnaissance internationale, il n’a pas attrapé la grosse tête pour autant. Au contraire, il maestro reste fidèle à ses bons principes : une cuisine de produits, de l’émotion et « une main méditerranéenne » généreuse par tradition, élégante par choix.
« Partout dans le monde, les immigrés italiens ont proposé une cuisine italienne adaptée aux goûts des autochtones. Il fallait bien que mes compatriotes gagnent leur vie ! Mais leurs concessions ont dénaturé voire folkorisé la véritable cuisine de notre pays. Moi je n’ai pas voulu faire plaisir à la clientèle… ». Accueillant, charmant, chaleureux, Giovanni n’a pas la langue dans sa poche – tant mieux !
Natif du centre de la Sicile, Giovanni Bruno arrive à Bruxelles avec sa famille à l’âge de 16 ans et découvre avec stupéfaction le spaghetti à la bolognaise qui … n’existe pas en Italie. « C’est un fake ! », s’exclame-t-il. Et le maestro de poursuivre : « Il existe évidemment autant de recettes que de régions d’Italie mais les principes de base sont identiques : la sauce d’une lasagne fait partie de la farce, au nord comme au sud du pays ; une lasagne qui nage dans la sauce, ce n’est définitivement pas l’Italie. Point. »
Dans les années 90, le chef et sa sœur, Nadia, ouvrent leur propre restaurant, à Schaerbeek, qu’ils baptisent le Senzanome. L’adresse volontiers discrète est très appréciée des hommes politiques. « Des gouvernements se sont faits et défaits à ma table ! », s’amuse Giovanni qui derrière ses fourneaux, se sent très vite investi d’une mission : honorer la véritable cuisine italienne qui ne se résume pas aux pâtes carbonara ni au tiramisu ! « Au début de ma carrière, j’ai reçu des claques ! On prétendait que je galvaudais la cuisine italienne, alors que je la mettais à l’honneur ! Mais j’ai résisté et poursuivi l’aventure, ma main méditerranéenne dictant une cuisine de caractère, gouteuse à souhait … »
Après des années à Schaerbeek, le chef et sa brigade s’installent, il y a 6 ans, dans un élégant hôtel de maître à la déco contemporaine, à l’angle du charmant Square du Petit Sablon à Bruxelles. En 30 ans, la cuisine de Giovanni n’a pourtant pas changé, plutôt évolué de manière créative, inspirée qu’elle est par l’Italie de toutes les régions. « Il y a 30 ans, les produits italiens que l’on trouvait en Belgique étaient de qualité relativement médiocre. Heureusement, les choses ont changé ! Et quand vous disposez de bons produits, il suffit d’une cuisson juste et d’un assaisonnement élégant pour que le miracle se produise. La règle en or que j’applique au quotidien : ne jamais couvrir un produit mais le sublimer ! »
« Je parle, je parle, mais vous, qu’avez-vous pensé du menu ? » « Che festa, chef ! » Dès les mises en bouche, le ton est donné du classique revisité avec une émulsion de stracciatella burrata, quenelle de sorbet à la tomate, huile d’olive infusée maison au basilic, d’une remarquable précision dans la présentation, « je suis un minimaliste », et d’une gourmandise affolante, « je suis aussi un épicurien ! ». Il en va de même avec le tiramisu à la façon du chef, soit un biscuit génoise de Marsala, crème glacée au café, caramel au café, espuma de mascarpone, tuile au cacao – escales en Italie garanties ! L’œuf cuit à 63° pendant une heure, asperges blanches, crevettes grises, lard confit Duroc et un plat d’orecchiette au ragu de saucisse toscane (au fenouil frais) à la cannelle et espuma de Fontal (un fromage du Piémont) confirmant que nous avons (re)découvert ce jour-là l’une des plus belles tables de Bruxelles !
Les bonnes adresses de Giovanni Bruno
Le Fico à Ixelles : « Le restaurant de ma sœur Nadia propose une excellente cuisine traditionnelle italienne ».
« Je suis un inconditionnel de la cuisine japonaise, qui est également une cuisine de produits ! A Bruxelles, je fréquente le Kamo, le Samouraï et Yamayu Santatsu ».
« J’apprécie beaucoup les brasseries bruxelloises, notamment Les Brigittines pour leur waterzooï ».
Réussir des pâtes comme en Italie
« Si vous versez la sauce chauffée sur un plat de pâtes égouttées, je quitte la table ! » Rire. « Pour préparer des pâtes comme en Italie, la sauce détendue avec un peu d’eau de cuisson doit mijoter dans la poêle, et l’on verse alors les pâtes par-dessus. Jamais l’inverse ! C’est le seul moyen pour que les pâtes imprègnent les saveurs de la sauce. »
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