Victoire de Changy
Plume subtile
Mots : Barbara Wesoly
Photo : Lou Verschueren
Des mots qui rayonnent d’une sensibilité à fleur de peau. Qui racontent et se racontent avec élégance. Victoire de Changy est de celles et ceux que l’on ressent plus qu’on ne les lit. Et dont on tourne les pages, avec la certitude d’étreindre un récit précieux. Un enivrement confirmé par son sixième livre « Subvenir aux miracles », paru en mai 2022.
Le récit d’une passion tumultueuse sous le ciel de Bruxelles. Les paysages de l’Iran en toile de fond d’une rencontre de l’autre et de soi-même. Deux fables poétiques signées en duo avec l’illustratrice Marine Schneider, comme des caresses dont abreuver ses enfants. Un recueil intime témoignant de la découverte de la maternité, à la naissance de son fils Nour. Et enfin une réflexion autant qu’un dialogue sur notre rapport aux vêtements, en tant qu’enveloppe de notre identité. Victoire de Changy nous emmène sur les routes, au gré des voyages de l’âme qui composent ses écrits. Pas de format ou de thématique invariable, ni de genre qui cadenasse, pour les six ouvrages de l’écrivaine belge. Mais une délicatesse qui nous effleure, pour ne plus nous lâcher jusqu’au dernier des mots. Et la poésie pour essence, celle qui vibre au cœur et à l’oreille. « C’est une façon dont j’agence mes phrases pour que les sons se répondent entre eux. C’est toujours une question de rythme et de musique, que j’écrive pour les adultes ou pour les enfants, tout est dans la rime et dans l’espacement, même si c’est parfois imperceptible au regard du lecteur. C’est la poésie qui lie tout ce que j’écris. Tout comme ma façon d’écrire est avant tout sensorielle, je pense. Il s’agit presque toujours de transcrire une texture, une matière, un parfum, quelque chose de toujours très ténu.»
Derrière l’étoffe, la trame de nos existences
En tissant la trame de nos rapports aux vêtements « Subvenir aux miracles » aborde tout à la fois l’habit en tant qu’extension de l’être et du paraître, ou plutôt faudrait-il dire du par-être. En tant que transmission aussi, fil fragile qui nous relie aux autres, à leur regard comme à notre histoire partagée. Édité dans une collection des éditions Cambourakis en partenariat avec le Musée des Confluences de Lyon, il a pour point de départ une robe de mariée conçue en fibres optiques lumineuses, par le styliste Mongi Guibane, tout spécialement pour le musée. Et de là, l’occasion pour Victoire de Changy de se questionner sur la robe de mariée en tant qu’objet mais aussi en tant que présence et symbolique, comme elle l’explique « j’ai interrogé l’historique, évidemment, mais aussi mon propre rapport à cet objet, ainsi que les choix de celles de ma famille qui me précédèrent. Très naturellement, la réflexion a bifurqué vers celle du vêtement au sens large. J’ai interrogé tous ceux qui m’entouraient et me croisaient sur leurs rapports à leurs vêtements, et j’ai découvert un monde que je devinais déjà sensible, complexe, bien plus étendu qu’un simple objet d’apparence et de subsistance ». Un monde dont l’écrivaine détricote les archétypes et les carcans, jusqu’à en revenir à la matière brute, l’étoffe des émois et des sens. Et à l’intime, qui toujours chez Victoire de Changy, s’échappe joliment des mots. Ainsi définit-elle son rapport aux vêtements comme « une consolation. Et l’occasion, tous les jours, d’une fête. » Des mots qui font échos à ceux de son ouvrage : « Qu’un miracle survienne à travers lui, et qu’il subvienne à nos miracles. Voilà bien ce qu’on attend, ce que j’attends, moi, d’un vêtement. ». Écho aussi à son attirance pour le cirque, dans son imaginaire et sa représentation visuelle, attirance qu’elle partage également par des photos et de petits textes distillés sur ses réseaux « Le cirque, l’acrobatie, la magie et les tenues reliées à cet univers m’attirent particulièrement, rapport à cette idée de fête, justement, mais aussi parce qu’ils étirent les possibilités de mon corps qui, à cause d’une maladie neuromusculaire, a des capacités limitées ».
Et au-delà de l’histoire, le lien
Tout comme les récits de Victoire de Changy se refusent à se plier à une forme arrêtée, ils débordent aussi des pages, pour s’écrire partout, en tout, les mots, semblant cultivés, chéris jusque dans la moindre parole. Transformant en évidence son affirmation d’avoir toujours voulu écrire : « J’ai écrit des histoires dès que j’ai eu la capacité d’aligner des mots puis des phrases. Avant d’y parvenir, je chantais toute la journée. Je l’évoque si souvent que j’ai parfois peur que ça puisse ressembler à une posture : oui, j’ai toujours voulu écrire des livres, tant et si bien que lorsqu’il m’arrive aujourd’hui de croiser quelqu’un plus vu depuis l’enfance, on me demande souvent si je suis devenue cette écrivain que je souhaitais déjà être enfant ». Et de fait, au-delà des vêtements, véritables caisses de résonnances de nos existences et de leur capacité, tout à la fois à habiller, masquer, protéger ou mettre à nu notre être, au-delà des perles qu’elle enfile pour composer ses histoires, fictionnelles ou réelles, comme d’autres le feraient de bijoux, Victoire de Changy tisse un lien avec ses lecteurs, tout à la fois doux, subtil et profond, qu’on continue de porter sur soi, longtemps après en avoir refermé les pages.
« Subvenir aux miracles », de Victoire de Changy, aux Editions Cambourakis.
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