Nathalie Campion
Dualité en noir et blanc
Mots : Agnès Zamboni
Photo : DR
Avec une troisième exposition, Nathalie Campion confirme l’originalité de son style qui exprime la puissance et la fragilité du monde naturel, au travers de sculptures en céramique anthropomorphes et organiques. Dans ses œuvres, le corps discret apparaît, refusant l’idée du spectaculaire.
Comment la céramique est-elle entrée dans votre vie ? Après une carrière professionnelle très active entre Paris et Bruxelles, elle y est entrée tardivement et instinctivement, presque de façon primaire voire primitive, comme une envie de toucher la terre, un retour aux sources. Bien qu’ayant suivi quelques cours et participé à des résidences, je me considère comme autodidacte. J’ai d’abord emprunté les chemins exploratoires avec les frustrations et les incertitudes qui les accompagnent et j’ai passé beaucoup de temps à mettre au point mes propres émaux. En tant que céramiste, on se doit de les développer soi-même. Aujourd’hui, mon travail dépasse cette notion et ce complexe de « non » couleur. Grâce à Joseph Culot, fils du célèbre céramiste belge Pierre Culot, j’ai eu la chance de pouvoir bénéficier de l’atelier, ce qui m’a donné le besoin d’entreprendre un travail artistique. Il y a 3 ans, j’ai exposé pour la première fois chez OV Project et à Art Brussels, puis, l’année dernière, chez Spazio Nobile, dans le cadre d’un show collectif.
Pourquoi le noir et le blanc ? Mes pièces sont toujours noires ou blanches, quoique …, j’ai rajouté très discrètement une touche de vert/bleu. C’est une dualité et un contraste qui correspondent à mon caractère entier, le miroir de ma personnalité. Je suis noire ou blanche, je ne fais jamais dans la demi-mesure comme dans la demi-teinte. J’avance sans doute trop vite. Je peux mener une vie rustique dans mon atelier chauffé au feu de bois et me retrouver, le lendemain, en talons aiguilles, dans une soirée.
Le noir, comme le blanc, c’est franc, c’est la pureté, la transparence, l’honnêteté. Ce sont des couleurs exigeantes qui permettent un territoire infini, ne se limitant pas au monochrome ou aux symboliques qu’elles véhiculent, telles la mort et la lumière. Intransigeantes, elles ne laissent rien passer au niveau de la structure. Je les travaille avec plusieurs niveaux et superpositions ou techniques d’application différentes ; en céramique, quand on ouvre le four, on n’a aucune certitude. On retrouve ce concept de forces antagonistes dans mon travail de la terre. Ma technique est particulière : un modelage brut et sculptural, auquel j’associe des lamelles de terre finement découpées comme un orfèvre. Je façonne des plaques dans lesquelles je les découpe, une à une, avec précision et délicatesse. Les lamelles recouvrent le corps central de la pièce, telle une écorce dont elles protègent le tronc.
Quelle évolution se dessine dans vos dernières pièces ? J’ai voulu me confronter aux grands formats et travailler autour du corps, l’associer à la nature qui est salvatrice et indissociable de l’homme.
La pièce majeure est « Le Gisant », une œuvre qui mesure 1,65 m de long, un travail anthropomorphe complexe, réalisé en 3 morceaux. Je suis partie de mon corps. Lorsqu’un corps est enseveli dans la terre, il l’enrichit et provoque un renouvellement, une renaissance, une repousse. Dans cela, il n’y a rien de morbide, la mort est une continuité pas une fin en soi car la nature est la plus forte. C’est aussi une métaphore de ma vie. Toutes mes nouvelles pièces sont des corps mis à nus, à peine enveloppés, la révélation d’une vérité sans déguisement.
Quelle est la prochaine étape ? J’avais envie d’appréhender d’autres médiums et l’espace, c’est pourquoi j’ai entrepris une nouvelle formation à l’Académie de sculpture. Je peins, je fais de l’aquarelle, pour l’instant, j’apprends. Là-bas, je ne touche plus la terre. J’ai fait une vidéo, je me suis mise en scène dans les bois, une femme dénudée qui se métamorphose en argile… un retour à la terre. Paradoxalement, je veux sortir, de la terre, je veux aller ailleurs, plus loin à la recherche d’absolu. J’accepte la prise de risque et prends conscience de toute la joie que cela lui procure. Une nouvelle résidence au Mexique m’attend dès le second trimestre 2022. Peut-être que ce voyage me donnera envie de couleurs ?
En collaboration avec l’atelier Jespers :
The Solo Project-Contemporary Air Fair 22
Circularium, Liverpool Hall 1
Liverpool Street – 1070 Bruxelles
Du 28 avril au 1er mai 2022
(mercredi 27 avril de 17h à 22h, VIP)
Instagram : nathalie.campion
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