Axel Vervoordt, une approche intuitive
Mots : Agnès Zamboni
Photos : DR
Ce grand collectionneur, marchand d’art, antiquaire, curateur, designer… qui prône les mélanges de styles, ne donne pas de conseils de décoration, si ce n’est de suivre son cœur en matière de choix esthétique. Il nous reçoit dans la bibliothèque de forme circulaire de Kanaal, un ancien site industriel, transformé en centre d’art pluridisciplinaire.
Le cercle est-il la forme parfaite ?
Ici, nous sommes dans l’un des anciens silos cylindriques de la malterie qui existait jusqu’en 1980. L’espace a été dessiné par l’histoire. Le cercle est une forme divine. Il symbolise Dieu, nous renvoie à l’architecture sacrée et représente le cosmos. Le cube et le carré, reliés à la terre, ont été développés par les hommes pour se rapprocher du cercle, sans y parvenir.
Quelle est la plus belle pièce d’art que vous avez acquise ?
Ma vie entière est consacrée à la beauté. Je ne fais que cela, acheter et vendre de beaux objets pour leur trouver la meilleure place possible. Je suis attiré par des objets riches en spiritualité. Les matières (terre, bois…) ne suffisent pas. Je ne suis qu’un serviteur de la nature qui, elle, est l’artiste. Je suis en quête de l’universel, de ce qui parle à tous les hommes et à toutes les cultures. L’objet de mode se démode. J’aimerai construire un monde idéal. Bien sûr, je n’arrive pas à atteindre cette perfection mais j’essaie de toujours m’en approcher…
Comment faites-vous vos choix ?
A mes débuts, j’étais à la fois collectionneur et marchand et j’achetais pour moi-même. J’ai vécu avec des objets qui m’ont transmis leur chaleur, leur richesse. Je ne parle pas d’œuvres ostentatoires mais de celles qui enrichissent humainement.
J’ai toujours choisi des pièces que j’aimais personnellement. Pour les revendre, je n’ai jamais eu de magasin. Je recevais mes clients en chambre, chez moi, presque tous les jours. Je n’avais pas de collection fixe. Elle regroupait les invendus mais j’avais choisi de la même façon que les pièces dont je n’étais séparé. Aujourd’hui, je reste ouvert. Je travaille avec des clients de toutes les générations et je suis toujours prêt à faire de nouvelles rencontres, sans préjugés. J’ai conservé ma capacité d’émerveillement. L’émotion est mon guide et je peux être touché par un paysage, une personne, un objet.
Quand avez-vous pris confiance en vous ?
A 37 ans, en 1982, j’ai participé pour la première fois à la Biennale des Antiquaires de Paris. J’avais un stand à l’entrée du Grand Palais où je devais présenter de l’argenterie royale d’Angleterre et des pièces d’art oriental. J’avais fait le choix de faire le grand écart avec ces deux extrêmes ! Le ying et le yang, le grand luxe et le spirituel ainsi se rejoignaient. Il faut rappeler qu’à l’époque, un antiquaire était un spécialiste d’un domaine particulier, d’une époque, d’un style… En déambulant dans les stands du salon en préparation, je voyais des merveilles du XVIIe, XVIIIe et XIXe siècle. Tout était classé, bien rangé. J’étais démoralisé. Je suis sorti faire la sieste, sur une pelouse, pendant une ou deux heures. Lorsque je suis rentré, tous les stands étaient apprêtés avec des tissus, des papiers peints… J’ai détesté. J’ai arraché tous mes décors conventionnels de maison bourgeoise et j’ai présenté mes objets sur le béton brut, comme dans une maison d’artiste, à la manière d’un loft. Lors de cet événement, j’ai vendu des objets au musée Getty et au danseur Rudolf Noureev. J’avais suivi mon instinct, avec le courage d’être authentique… sans me laisser influencer par les autres.
Je n’ai peur ni de la faute ni de la malchance. Pour moi, ce sont des cadeaux qui me permettent d’apprendre encore plus. L’échec se transforme alors en positif. A mes débuts, j’ai travaillé seulement par intuition puis ensuite j’ai appris à bien connaître les objets pour mieux les vendre.
Quel est le métier que vous préférez ?
Avant tout être créatif et utile partout. Je ne m’intéresse pas trop à l’organisation financière et immobilière de mes affaires. Mes fils, Dick et Boris s’en occupent. Je délègue à mes collaborateurs qui veulent apprendre. J’aime partager mes découvertes. Ce sont elles qui me poussent et me font avancer. J’ai fait de magnifiques découvertes avec les artistes du mouvement Gutai. J’ai acquis mon premier tableau de Lucio Fontana à 21 ans. J’étais fasciné par son approche du vide, non pas par celle de la couleur ou de la matière. Nous sommes les enfants du vide et les artistes donnent vie au vide. Je suis toujours intéressé par les œuvres de Fontana alors que j’ai abandonné celles de René Magritte, dont j’appréciais les idées mais pas la technique picturale.
Comment procédez-vous pour aménager un intérieur ?
En rénovation, je respecte toujours l’architecture existante et je l’adapte.
La maison est un portrait des personnes qui l’habitent. Je veux connaître mes clients et comprendre comment ils vivent. Je les aide à composer un lieu pour qu’ils se sentent chez eux mais ils ne vivront jamais chez moi. Mon univers, c’est mon château où chaque jour est une fête dans le plaisir de profiter de l’instant, de s’asseoir à une belle table, d’allumer les bougies mais aussi de goûter à la simplicité du moment, dans un esprit de méditation à la japonaise. Dans une maison, les contrastes permettent de voyager.
Exposition :
Chaos & Order, jusqu’au 28/05/22.
A lire, Souvenirs et réflexions, Axel Vervoordt, chez Flammarion.
www.axel-vervoordt.com
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