Sébastien Caporusso
Designer de l'année
Mots : Agnès Zamboni
Photos : DR
Il vient d’aménager un espace de coworking, en plein cœur de Bruxelles, qui brise les codes de l’univers du bureau. Il a présenté sa nouvelle collection de tables différenciées en béton et marbre au Contemporary Design Market de septembre. Interview tout à l’égo pour comprendre quel designer est Sébastien Caporusso, au passé, au présent et … au futur.
A vos débuts, quel designer étiez-vous?
Après mes études au CAD d’Uccle, j’ai eu envie de quitter la Belgique. J’étais curieux de voyager, de découvrir le monde et de m’imprégner des cultures des autres pays. J’ai réalisé des stages au Japon, à Tokyo, mais aussi à Hong Kong et à New York. J’ai passé plusieurs mois dans des agences d’architecture à l’étranger pour suivre des projets assez pointus mais qui m’offraient aussi de la liberté. J’ai puisé mon inspiration dans le design radical japonais, riche de l’héritage de savoir-faire et de traditions ancestrales, en rupture avec le constructivisme. De retour à Bruxelles, j’ai eu rapidement l’opportunité de réaliser des petits projets d’aménagement, appartements et maisons privés. Et c’est dans le cadre de ces missions en architecture d’intérieur et conceptions globales d’espaces résidentiels que j’ai commencé à dessiner des meubles sur mesure pour des lieux dont je devais assurer l’équipement total. Je n’ai jamais vraiment été attiré par le mobilier de catalogue… J’ai toujours préféré concevoir moi-même une table, des bancs, des luminaires. Et pour cela, j’ai recherché la collaboration avec des artisans et des artistes.
Aujourd’hui, que signifie être devenu designer de l’année ?
Ce titre, décerné par les magazines Knack Weekend, Le Vif Weekend et la Biennale Intérieure de Courtrai, représente, à la fois, une forme de consécration et la possibilité d’une ouverture vers de nouveaux projets. J’espère que l’on me confiera bientôt des chantiers encore plus stimulants. J’aimerais réaliser des espaces commerciaux, un restaurant, un hôtel… Les timings consacrés à ce type de chantiers sont plus courts et les challenges différents. Cette distinction arrive d’ailleurs au moment où s’ouvre le premier lieu public dont j’ai orchestré la conception, l’espace de coworking Silversquare Europe, à Bruxelles.
Quelles sont les particularités de ce projet ?
J’ai souhaité créer une ambiance qui ne fait pas référence au travail, à la fois confortable, agréable et lumineuse, avec un parfum de vacances sur la Côte d’Azur… pour retrouver le sud de la France dans les seventies et sixties. Sur les murs, les enduits à la chaux sont texturés par l’apport de sable. La brique, en référence à la Belgique, a été choisie dans des tons clairs de rose… Terre cuite, lin ou cuir, j’ai choisi des matériaux naturels aux teintes douces. J’ai notamment collaboré avec l’artiste peintre et photographe Etienne Courtois. Son travail personnel est exposé dans la grande salle de réunion. Il fait écho au graphisme coloré du plateau de la table XXL qui occupe cet espace. Les murs de cette pièce serviront à présenter régulièrement le travail d’autres artistes, sélectionnés au fil du temps. Pour Silversquare Europe, Etienne Courtois a réalisé spécialement une fresque sur les portes des meubles du bar, conçu comme une cuisine. Cette intervention picturale est le fruit de nos échanges et discussions. J’ai aussi associé ma recherche de création en luminaire au travail de la céramiste Agathe Dupérou. Il faut aussi évoquer la collaboration de plusieurs jeunes artisans talentueux qui complètent le prototypage des pièces que je peux parfois réaliser moi-même. Une nouvelle génération de menuisiers, ferronniers… existe aujourd’hui avec une approche plus créative et moderne des métiers traditionnels.
Quels meubles avez-vous édités récemment ?
J’ai réalisé une première série de 10 tables en béton. Coulées dans un moule, elles intègrent dans leurs plateaux, une pièce en marbre. Ces morceaux de pierre proviennent des chutes de marbreries comme Van den Weghe mais aussi de mes propres restes de production que je stocke au même titre que les matériaux anciens débusqués pour les réinjecter dans de nouveaux projets. Comme des nénuphars posés sur l’eau, les plateaux des tables aux bords arrondis et adoucis sont poncés pour retrouver les plus belles teintes minérales. 4 à 5 prototypes ont été nécessaires pour les mettre au point et trouver le bon assemblage.
Demain, quel designer deviendrez-vous ?
Depuis longtemps, je suis attiré par les matériaux anciens que l’on trouve dans les maisons de famille. Un peu de poussière amène de la vie à un projet. J’aime toucher une poignée de porte du XVIIe siècle, caresser le bois patiné par le temps. Je combine aisément une tranche de bois de 100 ans d’âge avec des éléments de placage sur mesure. J’intègre des pièces vintage dans des univers contemporains. Cette intuition de réutilisation créative colle aujourd’hui avec la dimension environnement et écologique du recyclage. Sans imaginer un chantier zéro déchet, je stocke beaucoup de matériaux et je travaille notamment en collaboration avec Dominique Desimpel, sorte d’antiquaire du bâtiment, qui chine en Italie ou en Inde, des carrelages émaillés, des matériaux rares et anciens. La synergie avec d’autres professionnels de la décoration permet de proposer des projets très aboutis dans le détail et de les faire fermenter vers le haut pour s’amuser.
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