La rentrée littéraire belge
Nous nous sommes pris d’amitié pour la littérature belge francophone. Comment pourrait-il en être autrement quand la rentrée invite à découvrir grands auteurs et belles découvertes ? Amélie Nothomb poursuit son exploration des rapports familiaux en rendant hommage à son père, Nicolas Crousse assemble les pièces du puzzle de son enfance, Hakim Benbouchta dévoile son « Tinder City », Aurélie Giustizia surprend avec un véritable ovni littéraire, Sébastien Ministru ouvre la garde-robe intime de son héroïne, Rudy Léonet évoque ses rencontres avec de grands artistes. Sans compter, Archie d’Alia Cardyn, notre coup de cœur ultime, à découvrir dans nos pages Be Culture.
MOTS : ARIANE DUFOURNY
Amélie Nothomb – Premier sang – Sorti le 15 août 2021 chez Albin Michel
Pas de rentrée littéraire sans Amélie Nothomb qui publie avec Premier sang, son trentième roman. Fidèle à elle-même, la romancière belge ne dévoilera aucun résumé ; à peine une phrase accrocheuse qui invite à se plonger dans la lecture : « Il ne faut pas sous-estimer la rage de survivre. ». On retrouve sa plume viscérale et son vocabulaire incantatoire dans ce roman autobiographe écrit à la première personne. Un hommage puissant à son père Patrick Nothomb.
Nicolas Crousse – Retour en pays natal – Sorti le 26 août 2021 chez Castor Astral
Nicolas Crousse assemble ici les pièces éparpillées du puzzle de son enfance. Au fil des pages, il convoque ses souvenirs d’enfant rêveur et solitaire, hypnotisé par les oeuvres de Marc Chagall, et s’interroge sur ses relations familiales. Notamment celle qu’il entretient avec son père, poète égaré, voyageur, souvent absent. À travers cette quête identitaire, l’écrivain interroge la notion de paternité, d’abord en tant que fils, puis dans son rôle de père. Par l’écriture, il parvient à se détacher progressivement de la figure paternelle pour retrouver sa propre identité. Retour en pays natal est l’histoire d’une enfance portée par l’amour d’un fils pour son père.
Nicolas Crousse nous avertit : « ceci n’est pas un roman, pas un livre de nouvelles, pas non plus un recueil de poésies, pas davantage une autobiographie. » Ce qu’il ne nous ne dit pas, c’est son incommensurable talent à mettre des mots justes sur ses propres émotions.
Hakim Benbouchta – Le Pseudo – Sorti le 10 septembre 2021 chez Marque belge
Line, 12 ans, est la fille d’Harold, jeune cinquantenaire, père célibataire à mi-temps. Jules, 13 ans est le fils de Chloé, quarante-quatre ans, mère célibataire à mi-temps. Lassée de ne le voir rencontrer personne depuis sa séparation, Line décide d’inscrire son père sur un site de rencontres et se fait passer pour lui à son insu. Lassé de ne la voir rencontrer personne depuis sa séparation, Jules décide d’inscrire sa mère sur un site de rencontres et se fait passer pour elle à son insu. Par le plus grand des hasards, Jules et Line entrent en contact et finissent par s’avouer leur supercherie. Au fil des discussions, ils réalisent que leurs parents sont faits l’un pour l’autre. Ce qu’ils ignorent c’est que, dans la vraie vie, Harold et Chloé se connaissent très bien.
Un « Tinder City » entre Bruxelles (plutôt sud) et le BW ! Les stéréotypes sont légion et certain-es ne manqueront pas de se reconnaître. Je connais Hakim depuis quarante ans et il continue à me surprendre, par ses qualités humaines évidemment, mais pas uniquement. La lecture de son « feel good » suscite un rire franc et salvateur qui fait un bien fou !
Aurélie Giustizia – Vent debout – Sorti le 1er septembre 2021 chez Cent mille milliards
« Je passe pourtant incognito dans les rues de la ville, j’évite les crottes de chien et les crachats comme si j’étais une grande dame mais je laisse la place libre à qui veut s’asseoir, je dis pardon quand on me bouscule, je rentre en dernier dans le bus. Je ne suis pas faite pour vivre à la surface. Trop de règles à suivre, trop d’exceptions à suivre, trop de gens à suivre, trop de flèches à suivre, trop de marche à suivre. Trop d’alarmes, pour les portes mal fermées, pour la carte oubliée, trop de klaxons pour la voiture mal garée, pour le vélo trop lent dans la montée. Trop d’odeurs en même temps, de camions puants, de pipis flottants. Trop de lumières vertes pour beugler oui, de rouges pour brailler non, trop de marteaux piqueurs qui font trembler le cœur, trop de cris aussi. Vous comprenez, je n’ai pas la force pour feindre, pour arpenter la ville sans apparente blessure. »
L’auteure est née en 1982 et c’est son premier roman écrit avec virtuosité́ et cruauté. Je l’ai lu d’une traite, il est décapant ! Vent debout, c’est une plume acérée au service d’un véritable ovni littéraire.
Sébastien Ministru – La garde-robe – A paraître le 13 octobre 2021 chez Grasset
Vera vient de mourir. Elle avait fui sa famille quand elle était jeune, et deux nièces sont chargées de vider le dressing de cette tante qu’elles n’ont pas connue. De vêtement en vêtement, de tailleur en écharpe et d’écharpe en robe du soir, chaque pièce de la garde-robe de Vera raconte un épisode de sa vie. Chanteuse de variétés dans les années 1970 ayant connu un grand succès puis l’oubli, elle épouse un riche industriel dont les nièces vont découvrir le secret, un secret que Vera a protégé jusqu’à la mort de son mari. Elle-même transporte la blessure de son enfance sans rien pardonner à son milieu d’origine. L’armure des vêtements se fend parfois : quand un réalisateur l’approche pour les besoins d’un film sur les corons de son village natal, les images reviennent, les sens vibrent, et la peau se fait plus tendre.
Auteur de pièces à succès, journaliste et chroniqueur vedette de la RTBF, Sébastien Ministru nous livre le portrait d’une héroïne à la Tennessee Williams. Avec une plume exaltante, l’auteur reconstruit la biographie d’une femme qui a fait de l’élégance un rempart contre la violence du monde. Brillant.
Rudy Léonet- Access All Areas – A paraître le 27 octobre chez Lamiroy
Homme de médias – radio, télévision et de presse écrite -, Rudy Léonet a traversé quatre décennies en promenant son micro dans les coulisses de festivals, les backstages de concerts, les studios d’enregistrement et les rendez-vous codés dans des hôtels confinés. « AAA » – Access All Areas (le laisser-passer qui donne accès aux quartiers privés des célébrités), raconte ses rencontres avec des personnalités surprenantes, excentriques, charismatiques, sous un angle inattendu. Avec « AAA », on assiste à des conversations off, à des échanges recueillis par l’auteur pendant plus de 40 ans. Ces instantanés où l’on croise Björk, Depeche Mode, The Cure, Bowie, Nick Cave, Peter Gabriel, Françoise Hardy, Etienne Daho, INXS, U2 et beaucoup d’autres, sont autant de séquences toujours réjouissantes et jubilatoires, qui éclairent la part d’ombre de célébrités avec un sens particulier de l’observation. Chaque instantané de ces brèves de rencontres est illustré par Clarke.
A force de rencontrer des stars, j’imaginais Rudy Léonet blasé par son « AAA ». Pour la timide que je suis, découvrir que sa première interview commence par la voix de Balavoine qui dit « Une deux test, je crois que c’est bon », c’est cadeau !
Alia Cardyn – Archie – A paraître le 14 octobre chez Robert Laffont
L’histoire bouleversante d’un jeune qui marche mille kilomètres en quête d’humanité. Archie, seize ans, est placé en institution. Sa mère, toxicomane, est incapable de s’occuper de lui. Au lieu de consentir à ce quotidien qui l’enferme, Archie lutte. Un jour, un rêve se dessine. Tout quitter pour rejoindre à pied une école où les enfants sont libres d’apprendre ce qui les intéresse vraiment.
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